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Captiver Une Princesse Américaine
Dawn Brower
Deux individus dissemblables se lient d'amitié et s’éprennent l’un de l’autre au milieu du chaos de la guerre.
Mlle Brianne Collins est habituée à obtenir tout ce qu'elle veut dans la vie. Elle a grandi dans une authentique plantation du Sud, mais elle en veut davantage. Rejoindre la société new-yorkaise semble être son objectif ultime, mais ne se présente pas telle qu’elle l'avait imaginé, jusqu'à ce qu'elle rencontre Lord Julian Kendall et qu'ils nouent une amitié improbable. Julian Kendall est le second fils du duc de Weston. Pour tromper son ennui, il commence à travailler comme espion pour la Couronne. Lors de sa première mission, il est envoyé en Amérique pour observer les suffragettes et faire un rapport. Cela lui semble stupide mais il fait ce qu'on lui dit. Au fil du temps, la relation entre Julian et Brianne prend une tournure différente et, avec la guerre à l'horizon, ils n'auront peut-être jamais la chance de découvrir ce qui nourrit le cœur de l'autre. Le bonheur semble inaccessible alors que la guerre fait rage dans le monde, mais tous deux gardent l'espoir.


Captiver une Princesse Américaine

Table des matières
Remerciements (#u4561d503-bdc7-53d9-9251-b0de5a3edc9e)
1. CHAPITRE UN (#u601c37ba-96c6-5538-9c51-779488918186)
2. CHAPITRE DEUX (#u1752fb33-039f-5f80-ae42-f7b0fbeb8885)
3. CHAPITRE TROIS (#u338030f5-090d-5a8f-9f8f-0fa34c57d429)
4. CHAPITRE QUATRE (#u784e853a-c3e1-545e-bf2e-34d9e55d9c3e)
5. CHAPITRE CINQ (#u77226898-12fd-5c6c-9892-2cd82762bf15)
6. CHAPITRE SIX (#u20294b9d-e8a2-5fd3-ab16-2aa2275d9211)
7. CHAPITRE SEPT (#u19d782de-f226-5e08-91cf-546fca3c8aeb)
8. CHAPITRE HUIT (#ua75a9d49-c9fc-5e9a-b397-0761a0cd8a7e)
9. CHAPITRE NEUF (#u6e995a6a-be21-5cf2-8286-de5f4a2e0aa5)
10. CHAPITRE DIX (#u4ba9bf85-ba9b-5bc7-b332-a963b407d2d8)
11. CHAPITRE ONZE (#u6545a12d-b91d-5ec1-ae6e-3fe11d650beb)
12. CHAPITRE DOUZE (#ub3f45e15-d0eb-5d49-8e53-09f771e51def)
13. CHAPITRE TREIZE (#uc6a50018-ea80-5966-a2f0-92ca816dbdbf)
14. CHAPITRE QUATORZE (#u3e78431d-dcdd-54e9-99de-6dbfced89c59)
15. CHAPITRE QUINZE (#u86f954c1-87b5-511b-8ed0-df968ac22eb7)
Épilogue (#u43efc176-5396-55c3-ace6-0e50f8c50a48)
À propos de l’auteur (#u9bad4eb8-7203-5af0-8c60-8d118e666d77)
Du même auteur (#ua5ca2bd3-4055-5109-b2a9-f10f5882cffc)
Extrait: Confessions d'une canaille (#udbf71f45-59d0-53e2-b56f-94073bfcb975)
PROLOGUE (#u46b17c98-faa7-59da-896a-8c69701056a3)
CHAPITRE UN (#u5f2f1007-2821-523c-bd51-55eddbeef2a9)
Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés de manière fictive et ne doivent pas être considérés comme réels. Toute ressemblance avec des lieux, organisations ou personnages réels, vivants ou morts, est entièrement fortuite.
Captiver une Princesse Américaine 2019 Copyright © Dawn Brower
Couverture et édition Victoria Miller
Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être utilisée ni reproduite sous quelque forme, électronique ou imprimée, sans autorisation écrite préalable, sauf dans le cas de brèves citations incorporées à des critiques littéraires.

Remerciements
Merci à ceux qui m'ont aidé à peaufiner ce livre. Elizabeth, tu es mon bras droit. Tu es la meilleure de toutes. Merci aussi, une fois de plus, à mon impressionnante éditrice, Victoria Miller. Vous faites de moi un meilleur écrivain et sans vous, je ne serais peut-être pas là où je suis aujourd'hui, et ma traductrice pour avoir corrigé mes erreurs culturelles. Ce livre est exceptionnel parce que vous m’avez soutenue lorsque j’avais des doutes et que je m'entêtais sur certains points. Dans mon esprit, ce livre était parfait et je ne pouvais pas comprendre qu'il avait besoin d’un petit peu plus de détails pour le rendre spécial. Je ne peux donc pas vous remercier assez pour m'avoir donné le coup de pouce dont j'avais besoin.
Les personnages de ce livre traversent tellement de difficultés qu'il est surprenant qu'ils n'abandonnent pas, qu'ils continuent à se battre. Au début, ils apparaissent superficiels et leurs préoccupations un peu ridicules, mais d'une certaine manière, nous avons tous ces moments. Lorsque nous doutons, que nous prenons du recul et observons notre vie, l'impression d’un manque est alors ressentie. Puis nous sommes propulsés dans des moments difficiles et nous n'avons pas le temps d’apprécier ce qui nous entoure. Nous ne faisons que survivre. Si vous devez retenir quelque chose de ce livre, rappelez-vous de ceci : aimez votre vie, même lorsqu'elle est au plus bas, car vous ne savez jamais quand vous trouverez l'étincelle de bonheur dans l’océan de la misère.
Ce livre est destiné à tous ceux qui ont besoin de quelque chose de joyeux dans leur vie. Bien que les personnages aient des moments de mélancolie, ils finissent par trouver le chemin du bonheur. Sinon, ce ne serait pas une romance. Peut-être que ce livre vous aidera à trouver un moyen d'envisager la possibilité d'en vivre une dans votre propre vie.

1

CHAPITRE UN
New-York, 1911
Le sifflet d'un train résonne dans le tunnel, annonçant son arrivée à la gare de Penn Station. Le crissement des freins suivit de peu annonçant son arrêt près de la plateforme de sortie. Brianne Collins regarda par la fenêtre et a soupira lourdement. Ils étaient arrivés, et elle était impatiente d'explorer tout ce que la ville avait à offrir. La gare, même, avait quelque chose de frais et d'excitant. Le granite rose de la gare Penn Station était neuf et éclatant. La station a été inaugurée six mois auparavant en novembre. Une fois le printemps arrivé, ses parents avaient finalement accepté de la laisser venir à New-York et faire l'expérience de la vie sociale de la cité.
- Ne descendez pas du train si vite, lança sévèrement sa mère, Lilliana Collins. Elle balaya derrière son oreille une mèche de cheveux noirs bleutés.
- Tous ces gens vont se presser, et il sera trop facile de vous perdre dans la foule. Nous sortirons une fois que la plupart des occupants auront déjà quitté la plate-forme.
Brianne fronça le nez en signe de mécontentement, mais repris son siège, même si l'anxiété et l'envie de bouger la démangeaient. Sa mère avait un don pour émousser son amusement. Son frère, William, se leva pour observer le quai par la fenêtre.
- Il y a beaucoup de gens ici. Je n'aime pas ça.
Il passa sa main dans ses cheveux noirs. Ses yeux bleus, de la même couleur que ceux de leur mère, affichaient une pointe de malaise.
- Tu n'aimes rien en dehors de Lilimar.
Leur domaine, renommé après que leur mère en avait hérité, était l'une des rares plantations encore en activité en Caroline du Sud. Lilimar était une combinaison du nom de sa mère, Lilliana Marsden, avant qu'elle n'épouse le père de Brianne, Randall Collins.
- Veuillez vous abstenir d'exhiber les agréments de la campagne. Nous sommes à New-York, et j'ai l'intention d'en profiter.
Brianne lança un sourire railleur à William.
- Courage, mon cher frère. Une fois que père nous aura rejoints, tu pourras retourner à Lilimar et respirer plus librement.
William aurait préféré rester à la plantation et aider à la gestion du domaine. Si la présence de leur père n'avait pas été indispensable en Caroline du Sud, William serait resté à la maison. L'autre entreprise familiale était le transport maritime. Elle avait été fusionnée avec Marsden shipping depuis plusieurs années, mais leur père était resté à la tête de la société. Elle appartenait aussi pour moitié à leur oncle Liam Marsden, vicomte de Torrington.
Un pourcentage de la compagnie maritime complétait la dot de Brianne. Lilimar était l'héritage de William, et il en serait propriétaire le jour venu. Brianne se doutait que sa mère allait bientôt lui céder l'acte de propriété. Il a apporté beaucoup plus à la plantation que n'importe qui d'autre.
- J'aime passer du temps avec toi et maman, dit William avec un peu de mauvaise humeur.
- J'en suis sûre, mon cher, rétorqua Lilliana.
Leur père avait ordonné à William de les accompagner à l’occasion de leur voyage à New-York. Randall Collins n'avait pas aimé l'idée que sa femme et sa fille affrontent dangers de la ville sans une présence masculine.
- Vous ne devriez pas le cajoler, mère. Brianne grimaça. Ça l'encourage à agir comme un enfant gâté.
William lui lança un regard noir.
- Je ne suis pas celui qui fait l'enfant dans ce wagon. Je ne comprends pas pourquoi tu crois que tu dois aller jusqu'à New-York pour juste une saison. Tu ne pouvais pas trouver quelqu'un à épouser en Caroline du Sud ?
Son frère ne comprenait rien. Il ne s'agissait pas seulement de trouver un homme convenable avec qui passer le reste de ses jours. Elle était si... débordante de vie. Brianne voulait vivre en totalité. Être supérieure à elle-même. Elle s’était rendue plusieurs fois en Angleterre pour visiter sa famille, mais il lui semblait parfois qu'elle avait vécu une vie protégée. Un homme ne lui fournirait pas ce qui lui manquait. Cela avait été une excuse pour obtenir la permission de ses parents de se rendre à New-York. Elle serait lancée dans la haute société et rencontrerait de nouvelles personnes. Elle voulait de l'excitation et un objectif. Brianne espérait que cette grande ville répondrait à ses souhaits, et si ce n'était pas le cas, elle pourrait alors chercher ailleurs.
- Ce que je recherche n'est pas en Caroline du Sud », répondit-elle.
- Et tu crois que tu vas trouver ça ici ? William hocha la tête pour montrer son exaspération. D'une manière ou d'une autre, je doute que ce soit ton but ultime. Quel genre de coup monté as-tu échafaudé ?
- Ça suffit », ordonna Lilliana Collins. Rassemblez vos affaires, il est temps de sortir du train.
Elle se leva et attrapa son réticule. Elle se dirigea vers la porte sans un mot de plus.
William et Brianne se dévisagèrent pendant quelques secondes, puis la suivirent. Les files de passagers tentant de sortir de la gare avaient beaucoup diminué, tel que leur mère l’avait prédit, même si de nombreux voyageurs déambulaient encore dans la gare. Elle était en admiration devant la splendeur de la gare Penn Station. Elle avait déjà remarqué le marbre rose, mais elle découvrait aussi de larges escaliers et de majestueuses colonnades. Pas un bâtiment à Charleston n’égalait une telle beauté. La plantation était d'une grande beauté, et ils avaient certainement édifié de luxueux bâtiments. Lilimar était un édifice à l'image de son époque, avec d'imposants piliers, un long balcon qui courait tout le long du bord extérieur et de larges fenêtres. Il y avait même des jardins et des aménagements paysagers luxuriants pour ajouter à son attrait. Lilimar était leur demeure, mais Brianne avait hâte de s'en échapper.
Elle avait grandi choyée et privilégiée, consciente de son identité et de sa place dans le monde. Elle éprouvait ce luxe de Penn Station et elle se sentait ragaillardie. Elle suggérait des possibilités et la chance de voyager dans des lieux où elle n'était jamais allée. Elle admirait la beauté de l’architecture en flânant dans la station, sans vraiment faire attention à la direction qu'elle prenait. Brianne bouscula un voyageur en l’envoyant presque à terre.
- Mes excuses...
Elle avait pratiquement fait tomber une femme aux cheveux noirs, aux yeux bleus doux mais affectant une expression sévère. Brianne estimait qu’elle ne devait avoir que quelques années de plus que ses propres dix-neuf ans.
La jeune femme secoua la tête en fronçant les sourcils.
- Vous devriez prendre garde.
Brianne ne s'était jamais sentie aussi inconfortable. Elle avait été tellement captivée par le décor qu'elle n'avait pas réalisé où elle allait. Non seulement elle avait presque fait tomber cette femme, mais elle avait également réussi à perdre de vue sa mère et son frère.
- Vous avez raison. Brianne se mordilla la lèvre. C'était stupide de ma part. Veuillez me pardonner mon inattention.
La jeune femme lui tapota le bras.
- Nous faisons tous des erreurs. N'y pensez plus.
Elle balaya les alentours du regard.
- Voyagez-vous seule ?
Cela l’irrita un peu. Elle avait l’impression que l'autre femme la jugeait. Elle semblait être seule aussi. En quoi cela la concernait-il ?
- Est-ce important ? Elle leva un sourcil.
- Non, bien sûr que non, répondit la voyageuse. C'est le droit d'une femme de faire ce qu'elle veut. C'est pourquoi je travaille si dur en tant que militante du mouvement suffragiste. Mais je m'égare... Laissez-moi me présenter. Elle lui tendit la main. Je suis Alice Paul.
Ce nom avait quelque chose de familier qui faisait appel à la mémoire de Brianne. Elle plissa les yeux et considéra la main tendue. Elle éleva la main lentement pour serrer la sienne. Brianne n'avait pas l'habitude des poignées de main. Cela lui semblait être une action masculine.
- Brianne Collins, se présenta-t-elle. Pour répondre à votre question précédente, je ne voyage pas seule. Je suis avec ma mère et mon frère, mais il semble que nous ayons été séparés.
- C'est affreux. Cette ville est si grande. Voulez-vous que je vous aide à les retrouver ?
Sa proposition était séduisante, mais elle ne voulait pas imposer sa personne. Elle comprit alors pourquoi son nom lui semblait si familier. Sa cousine Angeline était active dans le mouvement des suffragettes en Angleterre. Elle écrivait constamment à Brianne pour lui parler des fonctions auxquelles elle participait. Mais depuis qu'elle avait épousé le Marquis de Severn, elle s'occupait davantage des activités en coulisses. Lucian n'aimait pas l’idée que sa femme se mette en danger, mais il voulait aussi qu'elle adhère à ses intérêts. Angeline avait travaillé avec les Pankhurst, et c'est pourquoi le nom d'Alice Paul lui était familier. Brianne a inclina la tête et lui demanda :
- Êtes-vous la même Alice Paul qui a été emprisonnée en Angleterre l'an dernier ?
Ses pommettes prirent une couleur rosée.
- Heu, oui », répondit-elle. Certes, ce ne fut pas la plus agréable des expériences. Les gavages... Elle frissonna. Mais la cause est honorable, et je reste fidèle à mes convictions. Suivez-vous le mouvement des suffragettes en Angleterre ?
- Oui et non, répondit Brianne. Un membre de ma famille est actif dans cette cause, mais je n'ai pas cherché à m'informer moi-même.
- Oh ? Alice leva un sourcil inquisiteur. Se pourrait-il que je la connaisse ?
- Il me semble. Répliqua Brianne. Elle a mentionné votre nom à plusieurs reprises dans ses lettres. Angeline St. John, la Marquise de Severn.
Elle fronça les sourcils.
- Je reconnais le nom, mais nous n'avons pas eu l'occasion de faire plus ample connaissance. C'est dommage.
Elle haussa les épaules sans se sentir plus concernée.
- Je suis devenu active à la cause ici depuis mon retour d'Angleterre. Si vous souhaitez vous joindre à nous...
- Je ne suis pas sûre d’être en mesure de le faire l'interrompit Brianne.
Elle sympathisait à la cause, mais elle n'avait aucune intention de devenir un membre actif de leur association. Brianne préférait le confort de son salon plutôt que de défiler dans les rues ou de participer à une grève de la faim. Même si elle comprenait leur raisonnement, elle appréciait la vie qu'elle avait. Pourquoi la changer ? De plus, Alice Paul semblait un peu intimidante, et Brianne n'était même pas sûre d’apprécier sa personnalité.
- Toute femme devrait jouer un rôle actif dans sa propre vie, vous ne pensez pas ?
Elle souriait de manière encourageante. Plusieurs personnes se pressaient autour d’elles, et elles allaient devoir trouver un endroit plus calme ou mettre fin à leur conversation. Penn Station était bondée et leur conversation impromptue devait en irriter certains.
- N'avez-vous pas d'opinions personnelles et ne les exercez-vous pas chaque fois que vous le pouvez ? Il y a forcément des moments où l'on aimerait pouvoir faire ce que l'on veut sans avoir à demander la permission. Pensez-y, et si vous décidez de rejoindre le mouvement, envoyez-moi une missive. Je suis en ville pour quelques jours, et ensuite je retourne chez moi.
Brianne jeta un coup d'œil autour d'elle, espérant repérer un membre de sa famille. Elle avait désespérément besoin d'une raison pour abandonner cette conversation.
- Je vais y réfléchir.
Elle ne voulait vraiment pas s'impliquer dans le mouvement suffragiste. Brianne affectionnait sa vie telle qu'elle était. Pourquoi devrait-elle y changer quoi que ce soit ? Quelque chose attira son attention derrière Alice Paul. Elle émit un soupir de soulagement. Sa mère et son frère se trouvaient de l'autre côté de la gare.
- Si vous voulez bien m'excuser, j'ai remarqué ma famille là-bas, et je devrais les rejoindre. Ce fut un plaisir de vous rencontrer.
- Le plaisir était pour moi, même si vous avez failli me renverser. J'espère avoir de vos nouvelles très bientôt.
Sur ces mots, Alice Paul laissa Brianne à ses occupations.
Alors qu’elle se tourna vers sa mère et son frère, elle heurta un torse masculin musclé. Oh zut. Était-ce de la malchance ? D'abord Alice Paul, et maintenant ce gentilhomme sans méfiance...
- Pardonnez-moi, s’exclama-t-elle.
- Connaissez-vous la femme avec laquelle vous conversiez ? demanda l'homme. Son profond accent anglais lui rappelait Thor, son grand-père. Il exprimait un soupçon d'autorité. Ses cheveux étaient aussi noirs qu’une nuit sans lune, et ses yeux de la couleur du ciel pendant un orage, un mélange de gris et de bleu.
- Je ne vois pas en quoi cela vous concerne, répondit-elle. Comme vous ne faites définitivement pas partie de mes connaissances.
Brianne leva les yeux vers l'homme et retint son souffle. Il était magnifique. Si elle devait être honnête avec elle-même, elle devait admettre qu'il était le plus beau mâle qu'elle ait jamais eu le plaisir de contempler. S'il n'était pas grossier, elle pourrait envisager de flirter avec lui.
Ses lèvres se contractèrent légèrement.
– Je suppose que vous avez raison. »
- Il ne s'agit pas d'une supposition. Nous n'avons jamais été présentés.
- Je ne suis pas en désaccord avec vous, répondit-il de manière cajoleuse. Cependant, je connais votre famille. Je vous ai déjà rencontrée, même si nous n'avons jamais été présentés.
Ceci l'a prise de court.
- Je ne vous crois pas.
Il gloussa doucement et se tourna légèrement pour qu'elle puisse voir son frère et sa mère se diriger vers eux.
- N’est-ce pas votre famille là-bas ? » Brianne leva un sourcil. Je connais William. Andrew et Alexander me sont familiers. Ils font partie de mon cercle d’amis. Je suis allé à Eton et ensuite à Oxford avec eux. »
Bien sûr, c’était évident... Quel était ce fruit du hasard ?
- Puisque vous semblez avoir un avantage sur moi, pourquoi ne pas vous présenter ?
- Lord Julian Kendall, répondit-il en s'inclinant. Maintenant, à propos de cette femme...
- Elle ne vous concerne pas, interrompit Brianne.
Elle n'avait pas besoin de leçons. Surtout qu'elle n'avait pas l'intention de s'engager avec des individus comme Alice Paul.
- Mais vous savez qui elle est ?
- Bien sûr que oui, répondit-elle. Mais je n'ai pas besoin de me justifier auprès de vous. Vous n’êtes ni mon frère ni mon père. Nous nous connaissons à peine. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je dois rejoindre ma famille.
Elle ne lui permit pas de dire un autre mot. Brianne le frôla et se dirigea vers sa mère et son frère. Ils l'avaient enfin remarquée et William a fait un pas dans sa direction. Brianne lui fit un signe de tête et signala de rester sur place. Ce serait plus facile s'ils ne se déplaçaient pas tous les deux en même temps. Elle n'avait aucune envie d'être à nouveau séparée d'eux. Deux conversations non désirées n'avaient pas été agréables pour elle, et elle en avait plus qu'assez de Penn Station. En fait, elle commençait à ne pas aimer l’endroit. Jusqu'à présent, il ne lui avait apporté rien de bon.

2

CHAPITRE DEUX
Julian Kendall se rendit à l'Hôtel Irving, situé au 26 Gramercy Park South. C'était un hôtel exclusif situé sur l'île de Manhattan. Rien de New York ni de l'Amérique ne lui plaisait.
Julian avait finalement atteint l'hôtel et pénétra à l'intérieur. Un employé l'accueillit immédiatement.
- Bonjour, monsieur, s’enquit un homme aux cheveux brun foncé et aux tempes grisonnantes. Que puis-je faire pour vous ?
- Je suis Lord Julian Kendall. Avez-vous reçu un télégramme concernant une réservation en mon nom ?
L'homme se pencha sur le registre, en balaya rapidement la colonne des réservations puis hocha la tête.
- Votre télégramme nous a informé que vous seriez ici pour une durée indéterminée.
- Absolument, répondit Julian. J'espère faire de New-York ma résidence secondaire.
Il lui adressa l'un de ses plus charmants sourires.
- Ce que j'ai vu jusqu'à présent me laisse à penser que mon séjour pourrait se prolonger.
Ceci n’était pas un mensonge. Croiser Brianne Collins avait été un heureux hasard.
L'employé se retourna pour ouvrir une armoire d’où il retira un jeu de clés pendu à un crochet. Il les fit miroiter devant Julian.
- Celle qui est courbée est celle de votre chambre, et celle portant la lettre G est celle du portail de Gramercy Park. N'hésitez pas à profiter du parc, mais il est exclusif. Seuls ceux qui ont une clé peuvent l'utiliser. Veuillez ne pas laisser pas de racailles entrer dans le parc, je vous prie. Il y a des dames qui l'utilisent régulièrement, et nous voulons garantir leur sécurité.
Quelle idée admirable... Aucun des parcs de Londres n'était privé comme celui-ci. Ils essayaient d'empêcher les individus peu recommandables d'entrer dans le parc et de réserver son utilisation à la classe supérieure. Quelles étaient les chances que quelqu'un de basse naissance s'aventure dans cette partie de Manhattan ? Il semblait que la classe riche grouillait dans ce quartier. Il n'avait remarqué personne d'autre. Même pas un membre de la classe ouvrière... Y avait-il une règle interdisant de les laisser sortir en public ou quoi ?
- Merci, répliqua Julian aussi poliment que possible.
Il avait grandi dans un milieu privilégié, mais il n'avait jamais été confronté à cette situation auparavant, ou peut-être ne l'avait-il jamais remarqué.
- Pouvez-vous m'indiquer ma chambre ?
- Montez les escaliers et prenez à droite. Votre chambre se trouve à gauche à la fin du couloir.
- Mes malles seront envoyées depuis Penn Station. Voudriez-vous bien les faire apporter dans ma chambre quand elles arriveront ?
Il avait engagé quelqu'un pour s'occuper de ses bagages à son arrivée. Tout ce qu'il avait apporté avec lui lors de son trajet vers l'hôtel était un bagage de cabine. Il serra les clés dans une main et son sac dans l'autre, puis il suivit les directions indiquées par l'employé. Il ne lui fallut pas longtemps pour arriver à sa chambre. Il glissa la clé dans la serrure et la tourna sans effort. Une fois déverrouillée, il a poussa la porte et entra dans la pièce.
C'était une chambre luxueuse. Une chaise et une table d'appoint assorties se trouvaient près de la fenêtre. Une cheminée se trouvait du côté opposé de la pièce flanquée d’un petit canapé et d’une table basse. Dans une autre pièce plus petite, un lit moelleux recouvert d’un dessus de lit brun à broderies dorées remplissait l'espace. Une table de chevet se trouvait à côté du lit. La chambre est éclairée par deux portes-fenêtres donnant sur un balcon.
La suite n’était pas aussi spacieuse que ses appartements à Londres, mais elle ferait l'affaire. L'hôtel avait fait un excellent travail en s'adressant aux goûts les plus raffinés des riches et des privilégiés. Il devrait s'intégrer, et d'une certaine manière, cela lui laissait un goût amer dans la bouche. Julian posa son sac sur le lit et se dirigea vers le meuble de toilette situé à l'autre bout de la pièce. L'eau avait déjà été mise dans le pichet. Il en versa dans la vasque et s’aspergea le visage, puis le sécha avec une serviette accrochée à proximité. Cela le rafraîchi un peu et nettoya la poussière du voyage. Peut-être qu'il irait explorer ce Gramercy Park.
Il empocha les clés et sorti de sa chambre, soudainement excité. Il pourrait se promener dans le quartier et peut-être trouver un club de gentilhommes. Il aurait besoin d'un verre, ou de plusieurs. Se reposer lui semblait impossible pour le moment. Julian sortit de l'hôtel en sifflotant et descendit la rue. Le parc était assez proche, mais il n'avait pas vraiment envie de l'explorer pour le moment.
- Julian, s’écria un passant.
Il s’arrêta net. Personne ne pouvait savoir qu'il est arrivé ou même qu'il se trouvait New York. Il se retourna lentement vers l’appel et soupira de soulagement. Bien sûr, William Collins l’avait reconnu. Il l'avait vu discuter avec Brianne à Penn Station. Il colla un sourire joyeux sur son visage et salua son congénère.
- Logez-vous dans ce quartier ? Il ne savait pas quoi lui dire d'autre.
William hocha la tête d'acquiescement.
- Oui, notre père a acheté une maison de ville juste au coin de cette rue. Manhattan est le faubourg à la mode en ce moment. Il aime aussi l'idée d'un parc privé pour que notre mère et Brianne puissent s'y promener.
Gramercy Park prenait soudainement un attrait supérieur. Si sa sœur ou sa mère résidaient ici, il se sentirait mieux en sachant qu'elles étaient en sécurité dans un parc exclusif.
- Je suis à l'hôtel Irving, indiqua Julian en désignant la bâtisse qu’il venait de quitter. Combien de temps séjournez-vous en ville ? N'est-ce pas la pleine saison à la plantation ?
Il ne savait presque rien des activités de Lilimar. Cela semblait être une question raisonnable à poser.
- Je préférerais ne pas être ici du tout, répondit William.
Il lui lança un regard noir.
- Mais quelqu'un devait accompagner ma mère et ma sœur. Mon père sera là dans quelques semaines, je pourrai alors retourner à la maison. Il y a toujours quelque chose à faire à Lilimar.
Il inclina la tête.
- Qu'est-ce qui vous amène ici ? L'Angleterre vous ennuie-t-elle ?
D'une certaine manière, c’était le cas, et cela lui donnait l'excuse parfaite pour explorer ce que l'Amérique avait à offrir.
- J'ai voyagé pour affaires dans des endroits très différents. Mon père pense qu’il serait bien pour moi d’observer comment les choses fonctionnent en Amérique.
Julian haussa les épaules.
- Je doute que cela ajoute de la valeur à mon éducation.
Son père ne soupçonnait pas qu’il travaillait en tant qu’espion, et Julian entendait que cela reste ainsi. Agir comme un bourgeois affranchi convenait parfaitement à la personnalité qu'il voulait afficher au monde.
- Connaissez-vous un bon club dans le coin ?
- Le Club Player se trouve coin de la rue, au 16 Gramercy South, répondit William. C'est un club réservé aux membres.
Julian plissa les yeux et demanda :
- Ça veut-il dire que je ne peux pas y entrer ?
Ce club semblait être l’endroit incontournable à sa mission. Ses membres faisaient probablement partie de l’aristocratie et de l’élite new-yorkaise.
William sourit.
- Pas exactement.
Il pointa vers le sentier menant au club.
- Il se trouve que je suis membre. Suivez-moi, et je vous présenterai à l'admission. Cependant, je dois vous avertir que l'adhésion est payante, mais qu'elle en vaut la peine si vous voulez une certaine discrétion. Je suis à New York bien plus souvent que je ne le voudrais, et rejoindre le club s’est trouvé nécessaire.
Il soupira.
– Je m'y rendais quand je vous ai aperçu devant moi. Ma sœur met ma patience à l'épreuve. J'ai dû m'échapper pendant un petit moment.
Ça semblait être une ouverture pour discuter des penchants de Brianne. Au lieu de cela, il adopta une approche légèrement différente.
- Je comprends. Ma propre sœur est difficile dans ses bons jours.
Il fourra ses mains dans ses poches et suivit son acolyte.
- J'ai eu une petite rencontre avec la vôtre à Penn Station. Elle n'était pas disposée à accepter mon aide.
William roula les yeux et dit d'un ton acerbe :
- Elle croit qu’elle a toujours raison et qu’elle a la science infuse. Si elle pouvait sortir de son nuage assez longtemps pour prêter attention à ce qui l'entoure, nous n’aurions probablement pas été séparés à notre sortie du train. C'est par pure chance que nous l'ayons trouvée relativement vite.
Pas assez vite, car elle avait eu le temps d’un tête-à-tête avec Alice Paul... Il décida d’aborder ce sujet de conversation avec William à un moment plus propice. Pour l'instant, il allait pénétrer dans les murs de ce club privé et pouvoir l’explorer.
- Parlez-moi du Club Player, encouragea Julian.
- Il a été fondé en 1888 par Edwin Booth, commença William. Il voulait utiliser le club comme un moyen de redonner du lustre au nom de Booth. Son jeune frère était John Wilkes Booth.
- Ah, » répondit Julian. L'assassinat d'un président rendrait un nom moins désirable... »
- Je n'aurais pas voulu être à sa place. Si j'avais eu un frère ayant participé à quelque chose d'aussi profondément stupide, et que les soldats de l'Union n’auraient pas traqué et abattu, je l’aurais fait moi-même.
- Heureusement, vous n'aurez pas à y penser. Personne d’autre ne pourrait agir à nouveau de la sorte.
Julian gloussa légèrement. Il ne tenterait jamais lui-même un assassinat de cette envergure, mais il pouvait comprendre comment un individu en colère contre la personne en charge pourrait être assez fou pour au moins essayer.
- J’entends que votre sœur vous donne du fil à retordre.
- Ce n’est que trop vrai, convint William. Je l'aime, mais c'est une vraie peste.
Ils tournèrent au coin de la rue et se dirigèrent vers le Club Player. William ouvrit la porte et l’invita à entrer. La pièce principale disposait d’une grande cheminée en marbre et un canapé d’une riche couleur lie de vin en était le point central. Deux fauteuils assortis l'encadraient. Sur le côté, un escalier était agrémenté d'un tapis de velours rouge. Ce que Julian pensait être une salle à manger se trouvait à gauche, après l'escalier. Une longue table y trônait entourée d’une vingtaine de chaises. Plusieurs œuvres d'art ornaient les murs.
- C'est un endroit somptueux... dit-il en se dirigeant vers un tableau.
- N'est-ce pas un... admirant un tableau de fleurs roses et blanches éclatantes dans un vase blanc. Il aurait pu être un Van Gogh ou un Monet, mais Julian n'en était pas certain.
William haussa les épaules.
- Je ne suis pas un connaisseur d’art. Je pense que Mark Twain fut un des membres réguliers. Je crois même que l'un de ses manuscrits originaux est exposé. Je n'ai jamais eu l'occasion de détailler les collections exposées ici.
- Intéressant... Il s’agit donc d’un club pour les artistes ?
- Il l'est en grande partie, confirma William. Certains membres ne sont pas exactement des artistes, mais ils sont des créateurs.
Il n'était pas sûr de ce que cela signifiait.
- Expliquez-moi, je vous prie.
- Nikola Tesla est un membre, indiqua William.
Julian n'était pas très au courant des travaux du physicien, mais il avait déjà entendu son nom. Un scientifique n'est pas un artiste, mais il explore les possibilités du monde.
- Dois-je faire preuve d’une sorte de don pour devenir membre ?
- Je n’en ai aucun, rétorqua William. Ils aiment mélanger les artistes, si l’on peut dire, avec la classe supérieure. C'est le moyen pour le Club Player de trouver des mécènes pour les créateurs en difficulté et faire perdurer leur génie.
Ce Club Player serait bien plus intéressant qu'il ne l'avait pensé au départ...
- Dans ce cas... Il se tourna vers William. Indiquez-moi la personne avec laquelle je dois discuter de l’adhésion.
Il lui prit quelques minutes seulement pour convaincre les administrateurs d'envisager son adhésion. Ils ne pouvaient cependant pas approuver son application sur le champ. Elle devait être soumise à un vote, mais les administrateurs indiquèrent que cela ne poserait pas de problème. Ils aimaient l’idée d’ajouter le fils d'un duc dans leurs registres. Julian considérait les informations à lesquelles il allait avoir accès. C'était bien mieux que ce qu'il aurait pu espérer. Si le reste de sa visite à New York se passait aussi bien, il pourrait rentrer chez lui plus tôt qu'il ne l'avait espéré, et peut-être obtenir par la suite une meilleure affectation.
Il ne voulait pas accepter cette mission au départ, mais quelque chose l’avait fait changer d’avis. S'il voulait se faire un nom, il devait prendre les mesures nécessaires pour montrer aux plus hauts responsables qu'ils pouvaient compter sur lui, aussi désagréable que cette tâche puisse se révéler. Il avait été envoyé à New York parce qu'ils voulaient quelqu'un sur place pour observer les progrès des suffragettes.
L'Angleterre avait ses propres problèmes concernant les droits des femmes, et il était prudent qu'ils comprennent le climat qui régnait dans d’autres pays. Alice Paul était une Américaine qui s'était engagée auprès des Pankhursts en Angleterre, et c'est elle qui avait attiré l'attention des responsables gouvernementaux. Une partie de sa mission était de s'assurer qu'elle ne retourne pas au pays. Son dernier passage dans le système carcéral n'avait pas été plaisant. Bien sûr, c'était un terme léger pour ce qu'elle avait enduré. Par son propre entêtement pour sa cause, elle aurait pu mourir de faim, et ils avaient été obligés de la nourrir contre sa volonté. Heureusement, elle avait survécu et était rentrée chez elle, en Amérique. Tant qu'elle resterait à sa place, elle ne devrait plus être un problème pour l'Angleterre.
Même si Alice Paul faisait partie de sa mission, elle n'en était pas la totalité. Il ne la suivrait pas partout et ne l'espionnerait pas. Ce serait étrange s'il le faisait. Il était membre de l'aristocratie, et il lui serait plus facile d'infiltrer la société new-yorkaise. Il s'efforçait d'avoir l'air d'un gentilhomme aisé et, pendant son temps libre, il s'intéresserait au mouvement suffragiste. Il y avait probablement aussi des femmes dans les classes supérieures mécontentes du statu quo. Mlle Brianne Collins semblait être l’une d’elles...
Ses relations avec ses amis Alexander et Andrew Marsden faciliteraient son rapprochement avec elle. Cela lui avait aussi donné une raison de l’aborder à Penn Station, mais cela ne voulait pas dire qu'elle lui ferait confiance. Mlle Collins semblait penser qu'il était désagréable d’être son accointance. Il devra faire un effort pour la faire changer d'avis. Elle pourrait être la personne dont il aurait besoin pour espionner les suffragettes et rapporter leurs progrès à ses supérieurs. Les hommes de la haute société étaient ses autres cibles. Ce sont eux qui contrôlaient le climat dans les Amériques et à un niveau plus élevé du gouvernement fédéral. Puisqu'ils détenaient toutes les cartes, pour ainsi dire, c'est à eux qu'il reviendrait de décider de tout changement politique.
D'une certaine façon, Julian ne savait pas pourquoi ils se souciaient de ce qui se passait en Amérique. Pourquoi l'Angleterre ne pouvait-elle pas décider seule d'accorder ou non plus de droits aux femmes sans s’occuper ce qui se passait dans le reste du monde ? C’était un sujet sensible et il pouvait comprendre pourquoi les hommes ne voulaient pas renoncer au contrôle qu'ils avaient eu pendant longtemps Cependant, les femmes devraient avoir la possibilité de choisir elles-mêmes ce qu'elles voulaient faire de leur vie sans que personne ne leur dicte leur conduite. Cela ne signifiait pas qu'il approuvait certaines des pratiques auxquelles les Pankhurst avaient pris part. Elles étaient dangereuses et radicales.
Néanmoins, il accomplirait son devoir. Qu'il le veuille ou non.

3

CHAPITRE TROIS
Juin 1911
Brianne détestait le théâtre. Malheureusement, c'était aussi l'un des rares endroits qu’elle devait fréquenter pour être vue et pour se faire des amis. Elle n'avait jamais compris l'intérêt d'utiliser le théâtre pour ce faire. Le seul moment où l'on pouvait avoir une conversation, c'était pendant l'entracte. Le reste du temps, elle se retrouvait soit enfermée dans une loge privée, pour ceux qui étaient assez riches pour s'en offrir une, ce qui était heureusement le cas de sa famille, soit tassée sur l’un des petits sièges de la partie principale du théâtre. Elle n'avait jamais assisté à une pièce qu'elle avait appréciée, et en tant que débutante, elle en avait vu beaucoup. Au moins, ça lui a donné une excuse pour s'habiller avec élégance. Sa robe était une indulgente soie violette superposée d’une délicate dentelle. Ses épaules étaient drapées d’une douce étole blanche pour la protéger du froid et elle avait parsemé ses cheveux d’une couronne de perles de rocaille.
Ils entrèrent dans le Théâtre Harris et se dirigèrent vers la loge qui leur avait été prêtée pour la durée de leur séjour à New York. William conduisit Brianne et leur mère jusqu'au balcon. Il n'avait pas l'air plus heureux que Brianne de se trouver au théâtre. Ils avaient séjourné dans la ville depuis un mois, et jusqu'à présent, l’endroit ne répondait pas à leurs attentes. La vie sociale était aussi ennuyeuse qu’à Lilimar et ne montrait aucun signe de développement d'une once d'excitation.
William tira le rideau menant à leur loge et leur fit signe d'entrer. Leur mère entra la première et pris place sur le côté droit de la loge tandis que William s'asseyait à ses côtés. Brianne entra à son tour, et s’arrêta net lorsqu'elle remarqua une silhouette familière déjà installée dans la loge. Oh zut. Elle serait obligée de tenir conversation à la méchante bête tout au long de la production car son siège était directement à côté de lui, du côté opposé de la loge où se trouvaient sa mère et son frère.
- Mon seigneur, Brianne fit une révérence.
Sa mère lui avait inculqué les bonnes manières et, bien qu'elle ait grandi en Amérique, Brianne ne reniait pas ses racines anglaises. Julian Kendall était le fils d'un duc, et ce titre devait être respecté.
- Je ne savais pas que vous connaissiez les Dewitt.
Les Dewitt étaient la famille propriétaire de la loge qu'ils utilisaient pour la soirée. Elle prit le siège à la droite de Julian. William s'est déjà assis à côté de leur mère.
- Nous sommes de la même famille,
Répondit-il avec douceur.
- D'une manière détournée. Nous sommes liés par mon arrière-arrière-grand-mère Alys Dewitt Kendall, mais je n'ai jamais vraiment compris de quelle façon. J'ai appris à ne pas remettre en question l'étrangeté de ma famille, ou plus important encore, tout ce qui concerne cette grand-mère en particulier.
Brianne ne se souciait pas particulièrement de ses liens avec la famille Dewitt. Elle regrettait de n’en avoir pas été avertie avant d'avoir accepté leur soirée. William avait suggéré le théâtre. Elle aurait dû comprendre que venant de lui, c'était une mauvaise idée. Son frère ne suggérait jamais de quitter la maison, et il détestait ce genre de divertissement. C'était peut-être aller un peu loin, mais Brianne ne se souvenait pas de la dernière fois où elle avait été aussi irritée.
- C’est fascinant », dit-elle d’un ton sarcastique. « S'il vous plaît, donnez-moi plus de détails.
Sa voix ne pourrait pas être plus dénuée d'émotion. Elle espérait qu'il ne prend pas sa réplique comme un encouragement.
- Princesse, salua Julian, puis il gloussa légèrement.
Comme si ce terme d'affection particulier l'amusait. Cela n'a fit qu'augmenter son irritation.
- Ne vous inquiétez pas, je n'oserais pas m'étendre sur les détails de mes relations. Ils sont destinés à ceux qui font déjà partie de la famille ou qui ont une chance de devenir l'un de nos membres estimés.
En ce qui concerne les insultes... celle-ci la frappa en plein visage. Comment osait-il ?
- Alors c'est une chance que je n'aie pas l'intention de m'attacher à quelqu'un qui vous est cher.
Elle se pencha un peu plus près de lui et lui murmura,
- Je préfère me poignarder dans l'œil et vriller le couteau que de passer le reste de mes jours à vos côtés.
Depuis leur rencontre à Penn Station, ils n’avaient pas réussi à trouver un terrain d’entente. Brianne l'évitait autant qu'elle le pouvait. C'était un homme si horrible. Il était venu plusieurs fois chez eux pour rencontrer William. Elle avait fait de son mieux pour l'éviter à chaque occasion. Lors d’une de ses promenades, elle le vit marchant dans Gramercy Park et détourna ses pas dans la direction opposée.
- Fabuleux, répondit-il d’une voix doucereuse. Alors nous sommes tout à fait d'accord.
Il se rassit et tourna son attention vers la scène.
- Que savez-vous de la pièce que nous allons voir ?
- Absolument rien. Rétorqua-t-elle.
Parce qu'elle ne se souciait pas vraiment de ce dont il s'agissait. Elle jeta un coup d'œil dans le théâtre. Il y avait une raison pour laquelle elle avait accepté de venir, et elle n'avait rien à voir avec la performance. Elle se pencha pour mieux voir. Où étaient toutes les mondaines et leurs mères ? L’aristocrate à la recherche d'une épouse ? Ce n'était pas la foule normale qu'elle avait l'habitude de voir au théâtre.
- Quel est cet endroit ?
- Il vient de changer de mains, répondit Julian.
- Je connais le nouveau propriétaire, Henry Harris. Il est un membre de mon club. William et moi lui avons dit que j'assisterais à la représentation de ce soir. Il est excité, c'est leur première comédie musicale.
- Une comédie musicale ? gémit-elle. J'ai peur de comprendre ce que cela signifie.
Julian émit un sourire sarcastique, ou peut-être était-ce de jubilation. Dans les deux cas, elle n'aimait pas ça.
- Je suis sûr que ce sera merveilleux. Il y a de tout : romance, intrigue, drame familial...
- Laissez-moi deviner, commença-t-elle. Tout est mis en musique.
- On m'a dit qu'il pourrait y avoir quelques chansons. Et, Mlle Collins, indiqua-t-il sinistrement. Le spectacle dure plus de cinq heures. J'espère que vous n’aviez pas d’autres obligations pour la soirée.
Elle ne put empêcher un gémissement. Brianne porta sa main à sa bouche, mais il était déjà trop tard. Pourquoi était-elle punie ? Cinq heures coincées avec Julian Kendall comme compagnon de théâtre. Quelqu'un, quelque part, la détestait.
- Chut, dit-elle. Le rideau s’ouvre.
- Ne vous égarez pas, lui murmura Julian.
Il était si proche qu'elle pouvait sentir la chaleur de son souffle sur sa peau.
- Je peux deviner vos pensées. Vous êtes inconsistante. Une jeune femme désireuse de changer le monde apprécierait d'autres occupations que des réunions sociales frivoles.
Brianne grinça les dents. Elle ne devait pas répondre. Elle ne devait pas. Bon sang, elle n'avait aucune fierté.
- Alors c'est une bonne chose que je n'aie pas de réelles aspirations à changer quoi que ce soit dans ce monde dans lequel je vis. Je suis parfaitement satisfaite de la façon dont ma vie se déroule. Pourquoi devrais-je désirer quelque chose de différent ?
Elle se tourna vers lui le sourcil haut.
- J'ai tout ce que je désire. L'argent et tout ce que le luxe peut fournir.
- Vous ne voulez vraiment rien changer, n'est-ce pas ?
Il semblait presque déconcerté par cette révélation.
- Et qu’en est-il de votre amie.
- Quelle amie ? Elle n'avait aucune idée de ce à quoi, ou plutôt à qui, il faisait référence.
- Alice Paul, répondit-il.
Il lui a fallu une minute pour se remémorer ce nom.
- La femme de la gare ? Pourquoi me soucierais-je d'elle ? Je connais à peine cette dame.
- Elle croit aux droits des femmes, un travail de suffragette , dit-il. Il y avait encore un soupçon de confusion dans sa voix.
- Oh, ça, Brianne fit un signe dédaigneux de la main. C'est ma cousine, Angeline, qui s'occupe de ces choses-là. Pour ma part, lorsqu’une chose fonctionne, je ne vois pas pourquoi il faudrait la changer ou la réparer. Pourquoi voudrais-je voter ? C'est tellement ennuyeux...
Julian secoua la tête et resta silencieux. Il reporta son attention sur la pièce et l'a laissée tranquille pour le reste de la représentation. Brianne aurait probablement dû s'en soucier, mais elle était trop soulagée pour se poser des questions.


La chaleur dans la ville de New York n'était pas aussi insupportable qu'une journée d'été en Caroline du Sud, mais cela ne voulait pas dire grand-chose. L'air semblait plus épais qu’à Lilimar. Il y avait encore beaucoup d'humidité dans la ville, et Brianne attendait avec impatience la fraîcheur de l'automne. Elle promena son regard autour du parc où elle se trouvait. La luxuriance verte de Gramercy Park était apaisante, même dans la chaleur de l'été. Brianne n’était pas libre de circuler seule dans la ville. Gramercy Park était l'une des rares exceptions. Comme le parc était accessible uniquement à ceux qui possédaient des propriétés aux alentours, William et son père pensaient qu'elle serait en sécurité derrière sa haute clôture. Pour cette raison, Brianne s'était assurée de profiter de son accès à la zone sécurisée aussi souvent que possible.
Aujourd'hui, elle avait revêtu une robe de promenade bleu clair et une ombrelle assortie pour se protéger du soleil. Ce serait horrible si sa peau brunissait. Seuls ceux qui faisaient partie de la classe ouvrière étaient bronzés.
Il n'y avait pas beaucoup de promeneurs dans le parc, et cela convenait à Brianne. Elle ne voulait pas discuter, et elle profitait de la paix. Elle au détour d’une allée, elle se dirigea vers un banc situé à proximité sous un grand chêne. La zone ombragée serait plus fraîche, et elle pourrait se reposer un peu.
Elle s’assit et ferma son ombrelle puis pencha la tête en arrière pour apprécier la fraîcheur de la brise et ferma les yeux. Elle prit une profonde inspiration et soupira lourdement. Quelque chose dans ce parc apaisait son âme, et elle l’affectionnait sans le remettre en cause. Il était peut-être temps de reconnaître la défaite et d’annoncer à sa mère qu'elle voulait rentrer chez eux. William était parti un mois plus tôt, juste après l'arrivée de leur père. Brianne avait presque cédé à ce moment-là, mais elle avait tenu bon. Si elle cédait trop tôt, ils ne lui laisseraient plus aucune liberté.
- Puis-je m’enquérir de la raison de votre isolement ?
La voix familière et profonde de baryton de Julian interrompit ses rêveries.
- Préféreriez-vous que je vous laisse à votre solitude ?
Ils ne s’étaient pas beaucoup parlé depuis le concert auquel ils avaient assisté ensemble. Elle devrait être aimable. Peut-être qu'elle le serait s'il pouvait rester agréable. Il avait été un vrai goujat pendant leur conversation au théâtre. Elle ne voulait pas l'aimer, même s'il était un petit peu attirant. Au moins, quand il ne la traitait pas de frivole et ne la jugeait pas.
- Il est un peu tard pour ceci, n'est-il pas ? Elle ouvrit les yeux et lui lança une œillade. Vous auriez pu continuer votre chemin. Dites-moi, Monsieur, pourquoi ressentez-vous le besoin de me terroriser chaque fois que nous nous croisons ?
- Parce que, princesse, commença-t-il. C'est assez divertissant.
Ohhh. Elle le détestait. Brianne pris une profonde inspiration et a tenta de contrôler son humeur.
- Il n'y a rien ici pour votre amusement. Vous pouvez continuer votre promenade dans le parc... seul.
Elle ferma les yeux et pria pour que sa patience ne s’émousse pas. Ce n'était pas l’un de ses points forts, et il l’énervait rien qu’en respirant en sa présence. Brianne ne pouvait se souvenir d'une seule fois où leurs conversations n'avaient pas débuté et conclu par un désaccord. Tout ce qu'elle voulait, c'était un moment paisible, et il s’était efforcé de ruiner cet instant. Il ne montrait aucun signe de vouloir la laisser tranquille non plus.
- Pourquoi ferais-je une promenade en solitaire alors qu'il est clair que vous êtes dans une situation désespérée ?
- Le suis-je, vraiment ? Elle leva un sourcil, puis regarda aux alentours. Dites-moi, comment cela se ferait-il ?
- Vous êtes seule, cela n’est pas convenable. Une femme de votre stature ne devrait jamais être laissée à elle-même. Vous ne savez pas quels dangers rôdent au détour d’une allée.
- Faites-moi confiance, rétorqua-t-elle fermement. Je vais parfaitement bien. J'ai apprécié tout ce que ce parc a avait à offrir depuis mon arrivée dans la ville. Je n'ai pas besoin de votre présence pour assurer ma sécurité.
- Qui a parlé de sécurité ? Il secoua la tête. Puis il continua sans sourciller : Non, je suis plus préoccupé par tous les autres habitants de Gramercy. Une femme telle que vous est dangereuse. Dès que vous vous mettez à réfléchir, cela vous amène à agir.
- Maintenant, vous dites n'importe quoi. Avait-il perdu la tête ? Je suis déjà en train de penser, et dans un sens, d’agir. Partez avant que ces absurdités ne déteignent sur ma personne. Je ne vous veux pas près de moi si c'est contagieux.
Ses lèvres se contractèrent légèrement.
- Venez, dit-il en tendant la main. Marchez un peu à mes côtés. Je suis curieux de vous connaître.
Il avait déjà ruiné sa quiétude, alors elle décida faire fi de son humeur. Brianne plaça sa main dans la sienne et se leva. Ils marchèrent en silence pendant quelques minutes. Elle détestait l'admettre à haute voix, mais elle était aussi curieuse à son sujet.
- Vous n'avez jamais dit ce qui vous amène à New York.
- Je ne vous ai rien dit ?
- Non, dit-elle. Du moins, je ne me souviens pas que vous l'ayez fait. Il est possible que je n’aie pas fait attention ou que j’aie complètement oublié. Cela va peut-être vous surprendre, mais je ne passe pas mes journées à penser à vous.
Son rire étouffé résonna autour d'elle.
- C'est juste. Je suis ici plus ou moins en vacances.
- Cela implique que vous êtes aussi ici pour autre chose.
- Oui peut-être, répondit-il sans donner plus de détails. Parlons d'autre chose.
Elle n’appréciait pas qu'il ne veuille pas lui en dire plus. Brianne se jura d'obtenir plus d’information plus tard.
- Comme quoi ? Elle lui permettait de changer de sujet, mais il avait piqué sa curiosité. La raison pour laquelle il était à New York n'avait pas vraiment d'importance. C'est plutôt le fait qu'il refuse de lui dire qui lui donnait l’envie de découvrir la vérité.
- Combien de temps restez-vous à New York ?
Brianne avait décidé de rentrer avant qu'il ne l'aborde dans le parc. Maintenant, cependant, elle était encline à rester plus longtemps. Peut-être qu’elle souhaitait trouver quelque chose pour occuper son temps. Les rencontres sociales n'étaient pas du tout comme elle l'avait imaginé ici. Elle aurait dû le savoir, bien sûr. Ils étaient ennuyeux en Caroline du Sud, et ils étaient tout aussi ennuyeux à New York. Le fait qu'ils soient citadins ne changeait pas le résultat. Elle devait agir comme une vraie dame, et il n'y avait pas d'excitation à cela.
- Indéterminé, répondit-elle en haussant les épaules. Ma mère restera aussi longtemps que je souhaite rester. Je pense que nous reviendrions cet hiver, mais cela n’est pas certain.
Il hocha la tête.
- Le temps serait plus agréable là-bas pendant les mois les plus froids ; cela a du bon sens. Mais j'ai entendu dire que New York en hiver est extraordinaire.
- Peut-être, convint-elle. Voulait-elle vraiment rester en ville aussi longtemps ?
- Êtes-vous consciente que nous venons d’avoir notre première conversation civilisée ? Nous ne voudrions pas commencer à sympathiser maintenant, n'est-ce pas ?
Le coin de sa bouche se releva en un sourire arrogant.
- Je vous raccompagne.
Elle ne comprenait pas cet homme, et elle commençait à penser qu'elle ne le comprendrait jamais. Pourquoi était-il si énigmatique, et qu’avait-il changé pour qu'il lui paraisse presque agréable ? Brianne se mordilla la lèvre inférieure et le laissa la raccompagner. Elle découvrirait tous ses secrets, et peut-être qu'après avoir accompli cet exploit, elle rentrerait chez elle. Démêler la personnalité de Julian Kendall devrait suffire comme divertissement, et quelque chose lui disait que ce serait bien plus fascinant qu'elle ne pouvait penser.

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