Читать онлайн книгу «Tess, Le Réveil» автора Andres Mann

Tess, Le Réveil
Tess, Le Réveil
Tess, Le Réveil
Andres Mann


TESS, LE RÉVEIL
L'Intégrale
ANDRES MANN
LES LIVRES D'ANDRES MANN
Tess, Le Réveil - L'Intégrale
Tess : L'Abomination de la Traite des Personnes
Tess : Le Jour du Jugement
Tess : Le Choc des Civilisations.
Tess, Le Réveil : L'Intégrale
Copyright © 2018 Andrew Manzini
Tous droits réservés. Sauf conformément à l’US Copyright Act de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, transmise sous quelque forme que ce soit ni par quelque moyen que ce soit, ni stockée dans aucune base de données ou système de recherche documentaire, sans l’autorisation écrite préalable de l’éditeur. Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les incidents sont le produit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés de façon fictive. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou mortes, des événements ou des lieux est totalement fortuite.
Novel Green Publishing
V4
Traduit par Fabienne Ranjalahy Snow
Pour la vraie Tess, celle qui m'a inspiré cette histoire.

Table des matières

Préface (#ulink_86d1f314-d7bf-57da-8eec-d3e1144d5e1b)
1 - Un Nouveau Défi (#ulink_58018c58-8749-5512-a7dd-49544019058a)
2 - Trahison et Vengeance (#ulink_00592442-461f-5cee-aa81-ad13930911c5)
3 - Préparatifs de Guerre (#ulink_58c0c7c1-6210-50ef-aadd-39d8f091e4c0)
4 - Du Sang et des Tripes (#ulink_17403f21-c336-54f5-aab5-8202a6abd4e7)
5 - Capture (#ulink_e9d676a5-fc4e-5ab5-a3e6-458a13c6829c)
6 - Contrainte (#ulink_52148c49-2ab1-5ce8-a276-430b1447b031)
7 - Évasion et Tragédie (#ulink_9be5785c-3dac-5d0f-b4b1-63ce55317c14)
8 - Prélude à l'Amour (#ulink_185bc40a-53a4-5de7-8a20-2cd0e6cc380b)
9 - Lutter pour un Autre Jour (#ulink_7d9d9064-9c7b-5e0e-a8a9-5cf8aa845606)
10 - La Quête (#ulink_0eb3b96a-993e-579d-91af-1379d72c7c86)
11 - Naples (#ulink_6666608b-d8b9-5002-89d6-38525e780b87)
12 - Connais Ton Ennemi (#ulink_b5d86add-4b8d-5568-9885-f2e6c9c7330e)
13 - Istanbul (#ulink_600b6542-0afc-58ff-a52e-824e3fa69b9a)
14 - Interlude (#ulink_95697a22-bb90-5236-97d9-d48eec4c134f)
15 - Confrontation (#ulink_852af110-30d2-5c2f-96f3-86f0892bd030)
16 - L’Arrogance des Hommes (#litres_trial_promo)
17 - De l'Araignée à la Mouche (#litres_trial_promo)
18 - Racines et Réflexions (#litres_trial_promo)
19 - Villefranche (#litres_trial_promo)
20 - Perdue de Vue (#litres_trial_promo)
21 - Apprendre à Te Connaître (#litres_trial_promo)
22 - Paris (#litres_trial_promo)
23 - Amour Fraternel (#litres_trial_promo)
24 - Une Maison à la Campagne (#litres_trial_promo)
25 - Étalons (#litres_trial_promo)
26 - Changement de Plans (#litres_trial_promo)
27 - Bataille de la Chair (#litres_trial_promo)
28 - Agonie et Défaite (#litres_trial_promo)
29 - Retour à Bagdad (#litres_trial_promo)
30 - Amis (#litres_trial_promo)
31 - Retour aux Affaires (#litres_trial_promo)
32 - Secrets (#litres_trial_promo)
33 - Regrets (#litres_trial_promo)
34 - Corruption (#litres_trial_promo)
35 - Réminiscences (#litres_trial_promo)
36 - Retour à la Vie (#litres_trial_promo)
37 - Nouveau Contact (#litres_trial_promo)
38 - Adieu (#litres_trial_promo)
39 - Et La Vie Continue (#litres_trial_promo)
40 - Une Nouvelle Famille (#litres_trial_promo)
41 - Surprise (#litres_trial_promo)
42 - Réflexion (#litres_trial_promo)
43 – Ordres de Marche (#litres_trial_promo)
44 - Une Nouvelle Entreprise (#litres_trial_promo)
45 - Duel sur l'Autoroute (#litres_trial_promo)
46 - Échec et Colère (#litres_trial_promo)
47 - Carmen 2.0 (#litres_trial_promo)
48 - Retour à la Vie (#litres_trial_promo)
49 - Chiavari (#litres_trial_promo)
50 - Angoisse (#litres_trial_promo)
51 - Tempête (#litres_trial_promo)
52 - Enlèvement (#litres_trial_promo)
53 - Plan A (#litres_trial_promo)
54 - Frustration (#litres_trial_promo)
55 - Plan B (#litres_trial_promo)
56 - Positano (#litres_trial_promo)
57 - Capture (#litres_trial_promo)
58 - Istanbul (#litres_trial_promo)
59 - Arrogance et Tourment (#litres_trial_promo)
60 - Un Monde de Douleur (#litres_trial_promo)
61 - Sorrento (#litres_trial_promo)
62 - Fadime (#litres_trial_promo)
63 - Aimer À Nouveau (#litres_trial_promo)
64 - Trahison (#litres_trial_promo)
65 - Bon pour les Affaires (#litres_trial_promo)
66 - Revers (#litres_trial_promo)
67 - Bataille dans le Ciel (#litres_trial_promo)
68 - Débâcle (#litres_trial_promo)
69 - Débriefing (#litres_trial_promo)
70 - Pénitence (#litres_trial_promo)
71 - Retraite (#litres_trial_promo)
72 - Le Bonheur des Avocats (#litres_trial_promo)
73 - Négociation (#litres_trial_promo)
74 - Intrigue (#litres_trial_promo)
75 - Regroupement (#litres_trial_promo)
76 - Vous ne Pouvez pas Dire la Vérité (#litres_trial_promo)
77 - en Mouvement (#litres_trial_promo)
78 - Épreuve de Force (#litres_trial_promo)
79 - Tragédie (#litres_trial_promo)
80 - Rétablissement (#litres_trial_promo)
81 - Chagrin et Regrets (#litres_trial_promo)
82 - Nouveau Complot (#litres_trial_promo)
83 - Le Jour du Jugement (#litres_trial_promo)
84 - La Boucle est Bouclée (#litres_trial_promo)
Post-scriptum (#litres_trial_promo)
Préface

Cette édition rassemble deux livres en un seul volume : Tess Le Réveil et Tess Valkyrie.
Ce livre est une œuvre de fiction. Toute ressemblance des personnages à des personnes réelles est purement fortuite.
La majorité des faits de cette histoire est basée sur les événements qui ont eu lieu au cours de la deuxième Guerre d'Irak. Toute information sur des personnes réelles et des personnalités publiques mentionnées dans le présent livre a déjà été établie par des sources d'information généralement reconnues.
Les opinions exprimées dans cet ouvrage sont celles de l'auteur.
1 - Un Nouveau Défi
Le sergent débordé leva les yeux de son bureau.
« Vous êtes le commandant Turner ? Le commandant Morgan Turner ? »
Tess avait entendu cette question tout au long de sa carrière dans l'Armée des États-Unis. Concilier son nom à son apparence laissait toujours les gens déconcertés, surtout les hommes. Morgan Theresa Turner, "Tess" pour ses amis, avait grandi dans l'Armée. Tout premier-né dans la famille se prénommait Morgan, c'était établi d'avance, et depuis la Guerre Civile il n'y avait eu aucune fille. Lorsque l'heureux événement était arrivé, son père décida de perpétuer la tradition et donna le prénom masculin à sa magnifique fille. Son père, un général quatre étoiles, avait récemment été attiré hors de l'Armée par une proposition très lucrative dans l'industrie de la défense.
Le temps pour ces futilités était bien révolu. Elle était convoquée à la base aérienne du Koweït pour participer à l'invasion de l'Irak — la deuxième Guerre du Golfe.
« Oui, Sergent. Je vous affirme que je suis le commandant Morgan Turner. Mes ordres sont corrects et si vous y jetez un œil vous verrez que je suis affectée à cette unité. Je dois voir le colonel Reynolds. Je viens prendre mon service. »
Le sergent fouilla dans sa paperasse et s’excusa. Il frappa à la porte du Bureau du Chef des Opérations et entra sans attendre d'y être invité. « Chef, le commandant Turner vient prendre son service.
— Ah, oui ! Faites-la entrer. » Conscient de sa maladresse, le sergent s'éclipsa à l'extérieur et invita Tess à entrer dans le repaire du patron. Tess s'avança et salua prestement l'officier supérieur. Reynolds lui retourna un salut de pure forme et lui sourit chaleureusement.
« Tess, ma parole, que tu as grandi !
— J'espère bien, Chef, répondit-elle. La dernière fois que vous m’avez vue j’étais au lycée ! Le colonel contourna son bureau et attrapa une chaise.
— S'il te plaît, assieds-toi ! Comment va ton père ?
— Toujours aussi impétueux et toujours au golf, lui répondit-elle. Quand je l'ai quitté il y a trois jours, il se plaignait âprement de ne pas avoir eu la chance de rejoindre le feu de l'action ici. »
Le colonel se mit à rire en se penchant contre le bureau. « Je lui avais bien dit que la retraite n'était pas une bonne idée même si NTC le paie une fortune. Ce qui se passe ici est tellement plus passionnant ! » Le Colonel Reynolds et Morgan Turner, le père de Tess, étaient des amis de longue date. Ils avaient progressé ensemble dans l’armée jusqu'à ce que le général Turner reçut le poste de présidence pour une entreprise militaire spécialisée en avionique de pointe. « Enfin, peu importe », poursuivit le colonel, « je suis vraiment heureux de te voir ici. Du travail périlleux nous attend. »
« Nous sommes affectés en mission d'appui dans le cadre de l'Opération Iraki Freedom. Notre brigade a franchi le mur de sable vers l'Irak non seulement pour lancer des attaques incisives mais pour protéger le V Corps sur son flanc ouest.
« Nos troupes progressent de façon excellente mais elles ont été si rapides que leurs arrières sont maintenant vulnérables. Nous avons déjà eu des problèmes avec l'ennemi qui a lancé des attaques irrégulières sur nos lignes de ravitaillement. Notre compagnie a un double rôle : fournir un appui aérien à la Troisième d'Infanterie pour éliminer les cibles à l'avant et garder assez de munitions pour balayer les problèmes sur le chemin du retour vers la base. Je veux que tu commandes les trois hélicoptères qui feront les recos avant et arrière, pour reprendre le langage marin. Tes Black Hawks ont été pourvus d'équipements d'évacuation médicale et de sauvetage à utiliser en cas de nécessité. »
Tess fronça les sourcils. « Chef, j'avais cru que ma mission était dans l'offensive et de prendre part au combat. »
Reynolds sourit comme s'il s'amusait de sa colère de jolie petite fille. « Tess, je ne doute pas de tes capacités à le faire mais j'ai besoin de mes éléments les meilleurs pour les mettre là où ils peuvent faire le plus de bien. Je n'ai pas à te rappeler que les recos et les sauvetages sont, à bien des égards, encore plus dangereux que le combat direct. »
Tess sentit son pouls et sa température grimper. « Colonel, avec tout mon respect, j'ai été formée comme pilote de combat. Je suis affectée en tant que commandant de l’un de vos escadrons. Selon le règlement, je dois mener nos unités au combat et vous protéger, vous et le QG, pour que vous puissiez diriger les opérations. Je n'ai pas besoin d'être ménagée. Je suis ici pour faire un travail. »
Le Chef Opérations la regarda gravement. « Tess, je sais que tes états de service sont excellents mais tu dois me comprendre. En plus d'avoir promis à ton père que rien de mal ne doit t'arriver, je suis ici dans une situation politique difficile. Je suis désolé de le dire mais tu es trop jolie et trop attractive pour ton propre bien. Je ne veux pas avoir à expliquer à ton père ni aux médias hostiles que j'ai laissé quelqu'un comme toi se faire tuer, blesser ou pire encore. Je ne pense pas que nous sommes prêts pour ça, toutes considérations d'égalité mises à part. Dans tous les cas, tu as un travail important à faire et des risques tout aussi importants, si ça peux te faire sentir mieux. »
Tess était restée attentive, assise sur sa chaise, mais son esprit était sous le choc. Encore une fois, papa avait décidé, et moi qui croyais que les préjugés contre la gente féminine étaient du passé.
« Colonel, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué dans mes états de service, je suis un officier d'active de l'Armée. Mon avancement dépend de l’expérience que j’aurai acquise au combat sur le terrain. Je n’ai pas peur de faire face au combat et, en fait, c'est ce que je recherche. Rappelez-vous, j'ai suivi un entraînement intensif pour accomplir ce devoir. »
Le colonel, protecteur, prit les mains de Tess entre les siennes. « Tess, j'en suis bien conscient, et je te promets que tu auras l'occasion d'assurer ton avancement. Mais on va procéder étape par étape. »
Reynolds observa une pause, puis reprit d'un ton conciliant. « Je sais que tu as travaillé dur, Tess. Tu as eu ta part de sueur. Je te demande juste de faire ce que je te demande, et je peux t'assurer que lorsque l'occasion se présentera, tu auras mon feu vert. Mais là, il nous faut rester flexibles. Fais-moi juste ce plaisir. Commence la reco et, de là, on avisera. En attendant, nous avons des troupes à nourrir, à soigner et à motiver. Allons les rencontrer, Commandant !
— Oui, Chef », répondit Tess, constatant que le colonel n'irait pas plus loin pour cette fois. La vieille rengaine ; il lui fallait encore une fois faire ses preuves en tant que guerrière, en dépit de sa jolie tête.
Le colonel Reynolds ouvrit la porte du bureau et invita Tess à la franchir. La base était une vraie fourmilière et se trouvait en plein préparatifs pour que le personnel et les appareils se rendent jusqu'à Bagdad et lancent cette opération incisive au cœur de l'Irak. Cela leur prit moins d'une minute pour entrer dans le hangar bourdonnant d'activités. Plusieurs troupes étaient occupées à préparer le déchargement d'hélicoptères Apache AH-64 et Black Hawk UH-60 d'un énorme avion de transport.
« Aaa-ttention !" cria un sous-officier, prévenant ainsi tout le monde que le Vieux était sur les lieux.
— Repos ! » répondit le colonel. L'équipage, composé de techniciens de maintenance et de pilotes, suspendit son activité pendant que le Chef Opération et Tess prenaient place sur une plate-forme surplombant l'avion de transport.
D’une voix puissante et imposante, Reynolds s'adressa aux membres de l'équipage.
« Je voudrais vous présenter le commandant Morgan Turner. Elle prendra le commandement de notre escadron de reconnaissance et de sauvetage. » Un sifflet flatteur se fit entendre à l’arrière de l’auditoire. Reynolds fronça les sourcils mais fit mine de ne pas l’avoir remarqué.
« Le commandant Turner a obtenu les perfs les meilleures sur Black Hawk et sur Apache. Elle peut aussi piloter un Kiowa. Sa mission est de diriger notre opération de reco dans notre avancée et de protéger l'arrière de la colonne de blindés ainsi que les unités de ravitaillement. Je suis sûr que vous ferez connaissance avec le commandant Turner et que vous lui fournirez toute l'aide et tout l'appui pour faire de nous l’équipe qui fera frémir Saddam ! » Les troupes applaudirent avec enthousiasme.
« Commandant, voici le Lieutenant Oxley, votre commandant en second. Il vous fera les honneurs de la visite. Vous rencontrerez également le commandant Dan Gardner, celui qui va mener l'assaut. Il sera de retour de Koweït City d'ici quelques heures. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, faites-le moi savoir. »
Tess le salua prestement. « Merci, Colonel. »
Elle fit le tour habituel des présentations, fit connaissance avec son équipage et prit part au briefing tactique préliminaire. L'unité avait ordre de se déployer dans les 36 heures.
Tous les pilotes eurent 24 heures de perm avant le début des festivités. Koweït City n’était pas exactement Las Vegas, mais on pouvait y trouver de bons hôtels et restaurants. Toujours mieux qu'une tente, en tout cas. Avant de quitter les lieux, Tess inspecta son Black Hawk. Une belle machine peu fiable et difficile à piloter. À peu près tout ce qu'il fallait pour ce qu’elle voulait accomplir : devenir le guerrier qu'elle voulait être et pour lequel elle avait été formée.
2 - Trahison et Vengeance
Juste à sa sortie de West Point, Tess avait épousé Roger Haverty, un camarade élève-officier – mais, trop indépendante pour renoncer à cette partie d’elle-même, elle n’avait jamais pris son nom. Elle le regrettait parfois lorsqu'elle entendait le fameux commentaire « De la famille du Général Turner...? »
Son union avec Roger était tendue, mise à mal par des affectations de postes séparés, une vie amoureuse à mourir d'ennui, un commun accord de ne pas devenir parents et, surtout, cette absence d'engagement total pour le service que Tess reprochait à Roger.
Quand elle reçut son ordre de mission pour sa nouvelle affectation en Irak, Roger lui proposa de passer un long week-end à Las Vegas. Aucun des deux n'avait d'intérêt particulier pour le jeu mais peut-être avaient-ils besoin de se retrouver un peu avant d'affronter le désert irakien. Roger était arrivé un jour à l'avance car Tess voulait assister aux briefings sur sa nouvelle affectation.
Sortant enfin du taxi qu'il l'avait emmenée de l'aéroport, elle s'engouffra dans le hall de l'hôtel et parvint à l'ascenseur qui était presque rempli d'hommes asiatiques.
Tess était confortablement vêtue d'une chemise blanche d'homme et d'un pantalon de soie, une tenue simple qui mettait en valeur sa silhouette mince et ses longues jambes.
Quand elle se trouva une place dans l'ascenseur, les bavardages cessèrent. La femme sculpturale dominait le groupe d'hommes de petite taille d'au moins une tête. Et apparemment, ils étaient envoûtés par son parfum. Certains d'entre eux extirpèrent des billets de leur porte-feuille et tentèrent de les fourrer dans son soutien-gorge. Tess était tentée au plus haut point d'utiliser ses compétences en arts martiaux pour plaquer ses agresseurs aux quatre parois de l'ascenseur. Mais sa formation l'emporta sur son goût pour la décoration et elle fit preuve de retenue. Elle se contenta d'un coup de coude dans les côtes de l'homme le plus proche d'elle. Elle réussit à sortir de l'ascenseur, laissant ses admirateurs déçus et jouant des coudes pour avoir un dernier coup d’œil sur cette magnifique déesse.
Tess avait pratiquement couru jusqu'à la chambre que Roger avait réservée et voulait juste tomber dans ses bras. Elle arriva à la porte au moment même où un serveur en chambre sortait un chariot. Elle se précipita devant lui et fit irruption dans la chambre. Quelque chose ne collait pas dans ce qu’elle vit alors. Elle pensait s'être trompée de chambre. Dans le lit, une femme nue se mit à hurler, ce qui poussa l'autre occupant à sortir de la salle de bain. C'était Roger, se séchant avec une serviette.
Pendant bien trente secondes, Tess resta sans voix, puis reprenant rapidement ses esprits, elle laissa tomber sa petite valise et s'empara d'une lampe trônant sur une commode. Elle en arracha le cordon et jeta l’objet sur Roger, qui réussit d'un cheveu à esquiver le missile. La femme sur le lit, terrifiée, continuait de crier. Dans un accès de rage, Tess saisit la femme par les cheveux et par le cou pour faire taire ses cris puis la jeta, nue, hors de la chambre et dans le couloir.
Roger se ressaisit et, tout en essayant de nouer sa serviette autour de la taille, il implora : « Tess, ce n'est pas ce que tu crois ! » À quoi Tess répliqua en attrapant une chaise et en la projetant sur lui, et cette fois, elle le toucha à la tête. Roger tomba tel un sac de patates, sa blessure à la tête dégoulinant de sang.
Tess n'en avait pas fini. Elle essaya de s'emparer du poste de télévision, mais le cordon l'en empêcha et le petit meuble média bascula vers l'avant.
Roger, en choc et en sang, et toujours au sol, cria : « Tess, arrête ! Tout ça ne veut rien dire, je t’aime !
— Porc ! Sale fils de pute, tu mens ! Tu crois que j'en ai fini avec toi ?! »
Roger courut de l’autre côté du lit, réalisant en effet que Tess n'était pas ouverte au dialogue. Elle saisit son sac et le lui asséna d'un coup à la tête. Roger tomba à nouveau et se prépara à une pluie de coups. Tess s'empara d'une autre lampe, la souleva pour la jeter, mais fut stoppée par un bras puissant.
Un homme fortement bâti était entré dans la chambre et maîtrisa la femme en furie. Elle résista mais il verrouilla ses bras autour d'elle par derrière. Elle tenta de se débarrasser de lui mais il continuait à l'immobiliser. « Les gens de la sécurité sont probablement en chemin et je pense que nous devrions quitter les lieux », dit l'homme.
Tess essaya à nouveau de se libérer puis elle explosa. « Mais vous êtes qui, vous ? Allez au diable ! Je dois tuer ce salopard. »
Roger se remettait peu à peu de l'attaque et tentait misérablement de s'expliquer. « Tess, ce n'était rien ! C'est juste arrivé comme ça ! Ça n'avait pas d'importance pour moi ! C'est toi que j'aime ! »
Tess se détendit assez pour faire comprendre qu'elle s'était calmée. Quand l’homme relâcha sa prise, elle se libéra et se jeta sur Roger à nouveau. « Espèce de lâche ! Mauviette ! Tu ne sais même pas mentir convenablement ! » Elle commença à le rouer de coups, ce qui poussa l'homme à se saisir d'elle et à l'entraîner hors de la chambre comme un sac de patates. Tess résista furieusement, en vain. L'homme la souleva et l'emporta rapidement vers une chambre ouverte au bout du couloir. Il ferma la porte, la posa sur son dos et se mit sur elle à califourchon avec une main sur sa bouche.
« S’il vous plaît, calmez-vous, vous risquez d’avoir des ennuis. Détendez-vous, je suis sûr qu'on peut trouver un arrangement. » Tess sembla se calmer, mais l’homme ne desserra pas sa prise. Il avait vu son tempérament dans l'action. Tess se débattit à nouveau, mais l'homme continua de la maintenir et de la bâillonner de sa main.
De frustration, Tess arrêta de se débattre. L'homme n'en relâcha pas pour autant sa prise et tenta doucement de la calmer. « Ça va aller. Vous vous en sortirez. Calmez-vous et on va tenter de régler ça. Je ne pense que vous vouliez finir en prison. »
Tess se considérait comme un assez bon combattant mais cet homme semblait être d'acier. Il n'y avait aucun moyen de se dérober. Finalement, elle se détendit et l'homme la relâcha, bien qu'avec méfiance.
On pouvait entendre des gens se précipiter vers la chambre de Roger. Tess entendait de l'agitation dans le couloir et il sembla que Roger ne voulait pas créer plus d'ennuis. Il refusa d’engager des poursuites. Il dit qu’il ne connaissait pas la personne qui les avait attaqués lui et sa compagne. Et qu'il s'agissait probablement d'une tentative de vol. Le personnel de sécurité de l'hôtel, de même que la police, avait l’air dubitatif mais ils ne pouvaient faire grand-chose si aucune plainte n'était déposée.
Tess se vit alors dans le miroir et constata qu'elle était un vrai désastre. Le peu de mascara qu'elle avait mis avait fondu et faisait des stries sur son visage. Elle s'excusa et alla dans la salle de bain pour se passer le visage à l'eau. Elle était furieuse contre elle-même d'avoir exposé ses émotions à un étranger.
Elle retourna dans la chambre et regarda cet homme, maintenant assis sur une chaise, qui feuilletait un magazine.
« Qu'est-ce qui vous donne le droit d'intervenir dans ma vie ? dit-elle avec colère.
— Bonjour, je m'appelle Jake. L’homme déposa le magazine sur la petite table. Allez-vous me dire qui vous êtes ?
— Pourquoi le devrais-je ? Je ne vous connais pas, je ne veux pas vous connaître, et à ce moment précis, je suis folle de rage !
— Je ne peux pas vous en vouloir d'être en colère. Si ce qui s'est passé est ce que je pense qu'il s'est passé, je ne sais pas comment j'aurais réagi moi-même. En revanche, vous pourriez être en prison, avec une accusation pour coups et blessures. Mais pour être franc, je ne crois pas qu'il en vaut la peine. Il y a de meilleures façons de régler des problèmes comme ça, et je pense que vous y verrez plus clair une fois que vous vous serez calmée et que vous pourrez y réfléchir.
— Je m'appelle Tess, dit-elle. Et ma réaction n'a pas été excessive. Roger, mon mari a fait une chose impardonnable. J’avais vraiment envie de lui faire mal, mais je vois votre point de vue. Mais il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre. Je suis ceinture noire - merci à l'Armée pour ça - et vous avez réussi à me maîtriser. D'où sortez-vous ? »
Roger haussa les épaules. « Je fais des bricoles dans l'Armée.
— Moi aussi, offrit Tess, mais personne n'a su me mater au combat jusque là !
— Ce n'était pas un combat, je vous ai immobilisée.
— Mais d'abord, pourquoi vous souciez-vous de moi ? Tess explosa. Vous n'avez donc rien d'autre à faire?
— Correct. Pour le moment, je n'ai rien d'autre à faire. Mais je me soucie de vous car je vous ai vue dans le hall de l'hôtel, et franchement, vous n'avez pas l'air de quelqu'un qui devrait finir en prison juste parce que vous avez des difficultés à contrôler votre colère.
— Eh bien, vous, vous ne lésinez pas au travail !
— Pas de conclusions hâtives. Si vous voulez vraiment une raison, je pense que vous gagneriez à maîtriser votre tempérament, autrement vous feriez tout de travers.
— J'ai entendu cette citation au collège, observa Tess. D'un philosophe espagnol ?
— Balthasar Gracián, qui a vécu au 17ème siècle. » ajouta Jake.
Tess s'assit enfin et croisa ses jambes avec élégance, puis d'un ton sarcastique elle ajouta : « Non seulement un soldat mais aussi un savant !
— Je suis un réaliste qui a appris au prix fort qu’il est toujours préférable de réfléchir avant de dégainer l’artillerie. Je suggère que dans votre situation, l'objectif devrait être de punir la personne qui vous a fait du tort sans que cela ne vous nuise à vous-même. »
Jake se leva et sortit une bouteille du petit bar de l'hôtel. « Et si on arrêtait tout ça. Voudriez-vous un verre ?
— Voilà qui me paraît sensé, répondit-elle avec lassitude. Un scotch avec des glaçons. »
Jake versa la boisson et lui tendit le verre. « Avez-vous une chambre où passer la nuit ? Je peux vous laisser ma chambre. Je pars demain matin. »
Tess prit une chaise confortable. « Je pars aussi. J'ai été affectée en Irak. »
Jake sourit. « On dirait qu'on va dans la même direction. Que faites-vous dans l'Armée ?
— Pilote d'hélicoptère, affectée à une unité de reconnaissance. Vous ? »
Jake répondit vaguement : « Je suis dans les Renseignements. » Il n'en dirait pas plus, manifestement.
Tess se leva et ramassa sa valise. « Alors, peut-être à bientôt dans le désert. Je dois y aller. Quelques petites choses à faire avant que je parte. »
Jake se leva. « Vous pouvez rester ici si vous le souhaitez. Je promets de ne plus essayer de vous immobiliser. »
Tess franchit la porte. « Merci, mais non. Je suppose que je devrais vous être reconnaissante de m'avoir évité des ennuis. Merci », dit-elle timidement et elle s'en alla.
♦♦♦
Tess prit le premier vol pour New York et alla directement à son cabinet d'avocat pour entamer une procédure de divorce contre Roger.
Roger avait laissé une douzaine de messages sur son téléphone portable ; il lui demandait de lui pardonner et voulait la rencontrer pour tenter de discuter. Tess n'y voyait aucun intérêt. Elle n'était pas du genre à pardonner, son attitude sur les relations était très tranchée. On aime ou on n'aime pas. Il n'y a pas de place pour la faiblesse ou les erreurs. Elle était impitoyable envers elle-même et envers toute personne ambivalente, confuse ou qui tendait à rationaliser. Elle avait aimé Roger, mais son incapacité à résister à la tentation était impardonnable et inacceptable. Elle le sortit immédiatement de sa vie et se tourna avec détermination vers le seul objectif qui ne présentait aucune ambiguïté : sa carrière.
3 - Préparatifs de Guerre
Dans le lobby d'un hôtel au Koweït, Jake Vickers sirotait un jus d'orange, assis dans l'un des salons. Son rôle dans une unité de renseignements de la CIA lui permettait de porter des vêtements civils et d'arborer une coupe de cheveux légèrement plus longue que celle du GI de base.
Il était également au fait des allées et venues des principaux officiers des différentes unités se préparant aux opérations. Il découvrit que Tess devait séjourner dans cet hôtel et il voulait la revoir. Conscient qu'il forçait un peu sa chance, il savait toutefois que pour revoir quelqu'un comme Tess, il valait mieux ne pas se fier qu’au hasard.
Un minibus s'arrêta à l'entrée de l'hôtel, d'où débarquèrent quelques personnes en uniforme. Tess était l'une d'elles. Comme elle se dirigeait vers le comptoir de la réception, Jake se leva et lui sourit. « Salut, dit-il.
— Voyez qui est là, mon protecteur ! elle répondit.
— Aujourd'hui, je me contente d'être Jake, à votre service. »
Tess posa son bagage à terre et croisa les bras. « Puis-je être sûre que vous n'allez pas tenter de me sortir d'affaire encore une fois ? »
Jake sourit. « Loin de moi l'idée de me mettre en travers du chemin d'un pilote de Black Hawk équipé de mitrailleuses. »
L'un des officiers arrivés en même temps qu'elle lui fit signe de se rendre au comptoir de la réception. Tess ramassa son sac et fit à Jake un signe de la main. « Laissons les méchants se soucier de ça le moment venu. »
Jake lui rendit le salut de la main : « Je vous verrai au dîner ? »
Tess sourit. « Je vais me rafraîchir un peu et je vous revois d'ici 30 minutes. »
Une fois dans sa chambre, elle lança avec colère le dossier avec ses ordres de mission sur le bureau. Son statut de fille d'un fameux général lui valait tant de condescendance et de sous-entendus et cela l'agaçait parfois, mais c'était surtout d'avoir à refuser les multiples avances d'hommes qui l'ennuyait au plus haut point. À ce moment précis, c'était bien la dernière chose dont elle avait besoin. Elle voulait juste faire son travail.
Tess avait forclos la profession de son père, la forclusion étant un terme de psychanalyse qui expliquait la présence de tant de lignées de docteurs et d'avocats au sein de la même famille. Avant même d'envisager d'autres options dans son sens du développement de l'identité, elle s'était engagée à devenir un officier professionnel de l'Armée. Elle s'était en fait fixé une identité trop tôt mais ne s'en rendait pas compte.
Ses talents en musique avaient donné l'espoir à son père qu'elle s'y épanouirait grâce à une bourse qui lui ouvrirait les portes du Conservatoire. Le choix de sa fille pour la carrière militaire lui plut nettement moins et il ne put surmonter la détermination qu'elle y avait mis. L'Armée avait été son choix, en réaction au spectacle offert par sa mère, femme de soldat toute dévouée au devoir de la maison pendant que son mari faisait le sien aux quatre coins du monde. Elle avait peu à dire quant à ses propres besoins d'une vie hors de ce cadre.
Petite, Morgan avait décidé que la maison et le foyer ne feraient pas partie de son monde, un monde qu'elle savait dominé par les hommes qui définissaient leurs lois et en récoltaient les avantages. Elle avait envisagé le monde des affaires mais ne pouvait souffrir les longues réunions ni les rapports trimestriels. L’armée, en revanche, semblait offrir bien plus. L'opportunité d'un avancement rapide, de diriger, d'aller dans des endroits nouveaux et de faire du bien. Elle comprit aussi que cette voie impliquait un immense dévouement, tant physique que mental, des défis qu'elle avait surmontés avec talent et une volonté implacable. Elle sortit de West Point avec un diplôme en ingénierie électrique et une sous-dominante en science politique. Pensant que sa carrière la mènerait à Washington ou au Pentagone, des notions en politique seraient alors tout à fait bienvenues.
♦♦♦
Tess se changea en un pantalon de soie et un chemisier et alla rencontrer Jake dans la salle de restaurant.
Elle entama la conversation. « Vous dites que vous êtes dans l'armée mais je trouve vos cheveux un peu long pour ça. »
Jake sourit : « Bien vu. Vous trouvez que la longueur des cheveux est si importante ? »
Tess haussa les épaules. « On m'a souvent accusée d'être une obsédée du règlement. D'être un despote. Peut-être ont-ils raison. Je crois en la discipline. »
Jake leva son verre : « Alors, à la discipline. »
Le garçon arriva et Tess accepta de laisser Jake passer commande de leur repas. Son compagnon s'y livra avec l'assurance d'un gourmet accompli. Il parcourut rapidement le menu puis déclara : « Pâté de campagne, croustilles de prunes au bacon, Saint-Jacques à la Provençale, confit de canard à la marinade de raisins épicés, travers de porc aux olives et aux herbes et crêpes Suzette au dessert. Et puis, mettez-nous une bonne bouteille de Sancerre avec. »
Alors qu'il passait la commande, elle l'évalua du regard, se demandant à quel prix Jake avait acquis une telle musculature. Pas qu'il était énorme, mais sa musculature développée et sculptée était sans aucun doute le fruit d'un entraînement professionnel poussé.
Un officier entra dans la salle à manger et, reconnaissant le beau couple, s'approcha de leur table avec un grand sourire. « Quelle chance, mes deux personnes préférées ! »
Le commandant Dan Gardner était le meilleur ami et collègue de Jake ainsi qu'un bon ami du père de Tess. Il était aujourd'hui le chef hiérarchique de Tess.
Jake et Tess l'accueillirent chaleureusement et lui offrirent de se joindre à eux. « Avec plaisir, » déclara le commandant, déplaçant une chaise vers leur table.
Un garçon vint et Gardner lui fit part de sa commande.
« Alors, prêts pour les festivités qui s'annoncent ? demanda-t-il.
— Aussi prêts qu'on puisse l'être, » répondit Jake.
Gardner approuva. « Cette fois-ci, tous les coups sont permis. Nous allons jusqu'à Bagdad inviter Saddam à résider dans une jolie petite prison. Il est fait comme un rat.
— Vous croyez qu'on va pouvoir les trouver, ces ADM ? Demanda Tess. Je crois savoir qu'elles sont dispersées dans plusieurs caches. »
Jake répondit. « Je ne suis pas certain que la tâche soit aisée. Il y a vraiment peu de preuves de leur existence. Les gens de la Commission Surveillance, Vérification et Inspection à l'Organisation des Nations Unies sont allés jusqu'à dire qu'il reste très peu de telles armes, si tant est qu'il y en ait. »
Tess poursuivit. « Mais le chef de cette commission n'est-il pas un personnage controversé ? L'administration Bush tente de le discréditer. »
Jake parut mal à l'aise. « Quand on traite de sujets si importants, il convient d'observer la situation de tous les points de vue. La Commission de l'ONU a accusé les gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne d'avoir exagéré la menace que représentent les armes de destruction massive en Irak pour pouvoir justifier la guerre contre le régime de Saddam Hussein. Ma tâche dans ce conflit est d'aider à trouver et neutraliser ce truc, j'ai donc tout intérêt à savoir la part de vérité dans cette histoire. Nous ne pouvons nous permettre d'aborder cette situation avec le concept italien de Verita ».
« Qu'entendez-vous par là? » demanda Gardner.
Jake élabora. « L'un des gros problèmes dans la vie politique italienne est cette ambiguïté sur leur conception de la vérité. Chaque partie a sa propre version de la vérité, qui sert chacune de leur propre position et leurs intérêts, et ils ont une tendance à l'intransigeance, même confrontés à des faits irréfutables. Cela résulte en un blocage chronique de la situation. Dans notre cas, nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir plusieurs versions de la réalité. Nous devons procéder avec prudence et armés de faits incontestables. Je n'ai pas vu énormément de preuves que l'Irak dispose aujourd'hui de nombreuses armes chimiques et biologiques. C'est établi qu'ils en avait par le passé mais aujourd'hui il semble que les sanctions portées contre Saddam au cours de ces dernières années peuvent l'avoir persuadé de s'en être débarrassé. Il les a probablement expédiées en Iran.
— Ce qui ouvre une nouvelle boîte de Pandore », observa Gardner.
Tess ajouta, « J'imagine qu'on aura à s'occuper de ça plus tard. »
Jake acquiesça. « Vous avez probablement raison. »
Puis la discussion passa vers des sujets plus légers jusqu'à la fin du dîner. Ils étaient tout à fait conscients que les jours qui suivaient seraient un véritable enfer et qu'ils n'avaient pas encore idée de ce qu'ils allaient affronter.
Puis Dan Gardner s'excusa et rappela à Tess le briefing du lendemain matin en préparation à la première opération de l'escadron.
Jake et Tess prirent l'ascenseur et se dirigèrent vers leurs chambres. Ils n'avaient pas vraiment envie de mettre fin à la soirée mais pensaient qu'il valait mieux prendre un peu de repos avant ce qui les attendait le lendemain. Jake souhaita à Tess une bonne soirée, puis rajouta : « Faites attention à vous. Je garderai un œil sur vous. »
« Bonne chance à vous, » lui répondit Tess.
4 - Du Sang et des Tripes
Jake était un élément de la Division des Activités Spéciales (DAS) de la CIA, une équipe composée d'officiers d'opérations paramilitaires et de soldats des Forces Spéciales. Ce groupe avait pénétré en Irak en juillet 2002, avant l'invasion principale. Une fois sur le terrain, ils avaient préparé l'arrivée des Forces Spéciales de l'armée américaine pour organiser les Peshmergas kurdes.
Sa capacité à parler l'arabe avait mis Jake en charge de coordonner les combattants locaux. Dans le Kurdistan irakien, l'équipe alliée avait vaincu Ansar al-Islam, un groupe ayant des liens avec Al-Qaïda. Cette bataille avait également conduit à la saisie d'une installation d'armes chimiques à Sargat ; ce fut la seule installation identifiée durant la guerre d'Irak.
L’invasion de l’Irak proprement dite commença par des frappes aériennes sur le palais présidentiel à Bagdad le 19 mars 2003. Le jour suivant, les forces de la coalition, principalement britanniques, ont mené une incursion dans la province de Bassora à partir de leur point de rassemblement proche de la frontière irako-koweïtienne.
Une fois le combat commencé, Jake ainsi que d'autres officiers opérations de la DAS avaient réussi à convaincre des hauts gradés de l'armée irakienne à la reddition de leurs unités. Les équipes de la DAS travaillaient également à l'arrière des lignes ennemies à identifier des cibles de grande importance et à relayer l'information aux unités de combat qui menaient les frappes aériennes contre le régime de Saddam Hussein et de ses généraux. Les frappes n'avaient pas réussi à tuer Hussein mais l'avaient, dans les faits, mis hors d'état de commander et de contrôler ses forces.
Alors que les combats faisaient rage, les hélicoptères Apache de l'unité menée par Tess conduisirent de nombreux assauts contre les défenses irakiennes jusqu'à épuisement des munitions et du carburant.
Les combats étaient intenses. Contrairement à la grande majorité de l'armée irakienne, les unités de la Garde Républicaine opposaient une résistance acharnée. Sous le feu nourri du combat, huit des Apaches furent endommagés et retournèrent à la base. Les équipes de réparation ont dû extirper des RPG non explosés de l'enveloppe des hélicoptères. De nombreux pilotes avaient été blessés.
Le commandant Gardner avait réussi à récupérer un Marine blessé, mais le rotor de queue de son hélicoptère avait été frappé par une roquette. Dan avait tenté de maîtriser l’appareil mais celui-ci était entré en vrille et percuta violemment le sol. Le bloc moteur fut propulsé dans le fuselage, tuant sur le coup l'équipe médicale à bord composée de quatre hommes.
Tess et son équipe se posèrent près du Black Hawk en détresse. Un deuxième hélicoptère se maintenait au-dessus d'eux en cas d'assistance. Tess entra immédiatement en action. « Prenez les commandes », dit-elle à son copilote. Une fois au sol, elle sauta et s'élança avec quelques membres de son équipage vers l'hélicoptère en fumée. Ils atteignirent l'appareil endommagé et tentèrent de dégager les victimes.
Sarge déclara : « Les pilotes sont bloqués dans leurs sièges et le cockpit est en feu. Ils semblent avoir perdu connaissance. »
Les sauveteurs attrapèrent des extincteurs de leur propre Black Hawk et essayèrent d'éteindre l'incendie. Le carburant fuyait de partout, les fusées de riposte utilisées en défense commençaient à exploser.
Tess et Sarge réussirent à extraire les deux pilotes inconscients juste avant que les grenades anti-blindage qui se trouvaient à bord n'explosent à leur tour. Tess et ses hommes se baissèrent alors que Sarge découvrit l'artilleur pendant hors de la porte de l'appareil. Le soldat blessé était conscient et en pleine détresse. Il réussit à dire calmement : « Mes bottes et mon harnais m'empêchent de bouger ; mes pieds sont en feu. »
Sarge rampa dans le fuselage en feu pour extraire le soldat gravement brûlé, puis coupa ses bottes pour le libérer. L'artilleur était un grand gaillard. Ils durent s'y mettre à cinq pour le sortir de l'hélicoptère.
Au milieu du chaos, le jeune infirmier spécialisé Dario Moretti vit que Dan Gardner avait subi une blessure grave à la tête et avait du mal à respirer. « Il ne survivra pas. Il ne peut pas respirer. »
Tess courut vers Dan qui se trouvait allongé face contre le sol. « Faites quelque chose, Moretti ! »
Le toubib fouilla dans son sac et en sortit un scalpel. « Je vais tenter une trachéotomie d'urgence, Commandant. » Un autre toubib se précipita pour l'aider. Ils procédèrent rapidement à l'intervention dans un enfer surréaliste de feu, de fumée et d’explosions.
Alors qu'ils transportaient l'homme blessé vers l'hélicoptère pour le ramener à la base, une douzaine d'Irakiens venant de trois directions différentes approchaient en courant. Tess se rendit rapidement compte que son équipage ne pouvait se sortir de là. Elle fit signe à son copilote de décoller sans eux, mais une rafale de mitrailleuse endommagea le moteur de l'hélico. À court d'options, Tess ordonna à l'équipage de se rendre. « Levez vos mains en l'air ; ne leur donnez pas une excuse pour tirer », commanda-t-elle. Les hommes voulaient résister mais Tess vit que ça ne les amènerait qu'à se faire tuer. Elle répéta son ordre.
5 - Capture
Les soldats irakiens firent cercle autour de l’équipage.
Les hommes à bord de l'autre hélico au-dessus d'eux voyaient ce qui se passait mais ils étaient à court de carburant et de munitions. Ils prirent la décision de ne pas intervenir et s'envolèrent pour la base pour monter une opération de sauvetage.
Les Irakiens hurlaient et dirigèrent l'équipage sans ménagement vers un grand bâtiment. Ils mirent les blessés à bord d'un véhicule. Puis ils se mirent à rouer les soldats de coups pour qu'ils avancent. Sarge frappa violemment l'un de ses ravisseurs, qui tomba à terre. Les soldats Irakiens se ruèrent sur lui et lui assénèrent de multiples coups de crosse de leurs fusils.
Le sergent irakien en charge cria à ses hommes. « Arrêtez de battre les Américains. C'est le général qui décidera que faire d'eux. »
Le groupe courut à travers la fumée, la poussière et les explosions, en esquivant des chars et des véhicules en feu jusqu'à ce qu'ils atteignirent une grande propriété dominée par une grande maison.
Les Irakiens poussèrent les prisonniers vers un groupe de bâtiments et conduisirent le véhicule transportant les blessés vers une petite infirmerie. Le Caporal Moretti, infirmier, les convainquit qu'il devait rester avec le blessé. Les ravisseurs emmenèrent le reste des prisonniers vers un bâtiment dont les fenêtres étaient munies de barreaux, apparemment une sorte de prison, et les jetèrent sans ménagement dans une grande cellule. Ils y finirent tous, à l’exception de Tess.
Deux soldats s'emparèrent d'elle et la tinrent à l'écart du reste du groupe de captifs. Ses hommes tentèrent de s'y opposer mais furent frappés de coups de crosse et finirent enfermés dans la cellule.
Tess, les mains liées dans le dos, fut emmenée sans ménagement vers un grand bâtiment. Essayant de rester vigilante, Tess remarqua que l'endroit semblait être une ancienne résidence comme l'attestaient les arches en forme d'ogive à l'entrée ainsi que sur les fenêtres des premier et deuxième niveaux.
L'intérieur était spacieux, le mobilier élégant. De grands tapis avaient été roulés contre les murs. Tess supposa qu'ils avaient été mis de côté pour les préserver du chaos à l'extérieur.
Les soldats irakiens jetèrent Tess à travers une énorme porte ouverte. Ils l'avaient poussée si fort qu'elle trébucha. D'instinct, elle regarda autour d'elle pour évaluer les lieux. Elle avait appris ça à l'entraînement de survie. Sache où tu es. Repère le danger. Trouve les issues. Évalue la situation. Elle se trouvait dans une vaste salle, décorée et haute de plafond, qui pourrait se trouver dans un manoir en Europe, la galerie d'ancêtres accrochée au mur en moins. Un haut-gradé de l'armée irakienne était assis à un bureau, rédigeant des notes, stylo en main.
Les soldats jetèrent Tess au sol et semblaient prêts à poursuivre le mauvais traitement.
« Que faites-vous, bande d'idiots ! Arrêtez les brutalités », dit l'officier en arabe. « Laissez la ici et disparaissez ! » Les soldats s'effacèrent obséquieusement et refermèrent la porte derrière eux.
« S'il vous plaît, approchez. »
Tess ne voyait d'autre choix que d'obtempérer. Son instinct aiguisé de soldat lui dit que résister ne ferait qu'empirer les choses.
Elle se releva avec hésitation et s'avança vers le bureau avec autant d'assurance qu'elle était capable de démontrer. L'officier ne la regardait pas, se donnant l'air occupé et signant des documents. Une fois à quelques pas du bureau, il lui signifia de s'arrêter d'un geste du bras, paume vers l'extérieur. Elle obtempéra, se tenant au garde-à-vous. D'après l'insigne sur son épaule, l'officier était un général de la Garde Républicaine. Il continuait de traiter ses documents, les signant avec un manque délibéré de hâte et ignorant la jeune femme qui se tenait devant lui, décoiffée, en sang et manifestement épuisée.
Après quelques minutes, il leva la tête. « Je suis le Général Amir Alkan al-Saadi. » Jetant un œil sur le nom épinglé sur son uniforme sali, il rajouta nonchalamment : « Et vous êtes le Commandant Turner de l'armée américaine, je vois. » Il se leva et contourna le bureau, se maintenant toutefois à distance. « Et quel est votre prénom ?
— Je suis le Commandant Morgan Theresa Turner, Armée des États-Unis, monsieur », répondit-elle, espérant que sa voix dégageât plus d'assurance qu'elle n'en avait vraiment.
Le Général sembla perplexe. « Votre père ne vous aime sans doute pas. Il vous a donné un nom étrange. Ou peut-être aurait-il préféré un fils, non ? »
Tess se sentit perdre son calme mais elle se contrôla et récita la phrase standard à propos des droits et devoirs de la Convention de Genève.
« J'espère que nous aurons des conversations plus intéressantes », dit le général. « Je suis au fait du Droit International de la Guerre, passons donc ces formalités. » Il parlait un anglais parfait, avec un accent britannique. Tess savait qu'elle avait besoin de temps pour réfléchir et trouver un moyen de sortir de ce guêpier. Elle fit appel à son entraînement. Évalue l'ennemi, trouve ses faiblesses.
Le général, élégant, semblant très sûr de lui et portant une moustache impeccablement entretenue, semblait être en très bonne forme pour un quinquagénaire, contrairement à beaucoup de ses homologues. Ses yeux noirs perçants étaient rivés sur Tess.
« Commandant, vous semblez avoir besoin d'un bain et de vêtements propres, et peut-être quelque chose à manger. Non ? » Le général semblait afficher une sollicitude sincère.
« Monsieur, je voudrais qu'on porte d'abord assistance à mes hommes. Et trois d'entre eux sont blessés et ont besoin de soins médicaux. » L'Irakien leva les sourcils.
« Vos hommes, vous avez dit. Vous écoutent-ils ? Reçoivent-ils leurs ordres d’une femme ? »
Tess se força à rester calme. « Général, vous semblez avoir reçu une instruction occidentale. Vous devriez savoir que les forces de la Coalition acceptent les femmes comme soldats et officiers.
— Ah oui ! Je pensais qu'ils utilisaient les femmes en tant que secrétaires et cuisinières, pas comme pilotes d'hélicoptère ou commandants. Peu importe. En fait, je voudrais en savoir plus sur les femmes guerrières. C'est un concept fascinant. Nous allons aborder la question d’une manière civilisée. Veuillez vous joindre à moi pour le dîner après vous être rafraîchie, comme ils disent. » Tess voyait les problèmes se profiler.
« Général, en tout respect, je tiens à prendre soin de mes hommes en premier. »
Pour la première fois, le Général al-Saadi montra de l'agacement. « On prendra soin de vos hommes après leur interrogatoire. » Au même moment, l'un des hommes de main apparut et chuchota quelque chose à l'oreille du général. L'officier se dirigea vers le bureau, saisit une petite cloche et l'agita brièvement. Immédiatement, une femme attirante apparut, vêtue à l'occidentale d'une longue robe de couleur sombre. « Veillez à ce que le commandant ait accès à un bain et des vêtements. Dites au cuisinier que je veux un dîner pour deux. » Le général retourna à ses papiers sur le bureau, signifiant avec dédain d'un geste de la main qu'il en avait fini avec tout le monde autour de lui.
La femme guida doucement Tess vers une porte latérale de l'immense salle. « Suivez-moi, s'il vous plaît. » Tess poussa un souffle qu'elle n'avait pas eu conscience d'avoir retenu. Elle n'avait pas entendu ce que le laquais avait dit au général pour que celui-ci souhaitât être seul, mais elle espérait trouver un moyen de gagner un peu de temps. La femme l'emmena à une luxueuse chambre à coucher. « Je vous ai préparé un bain, » lui faisant signe vers un endroit devant et sur la gauche. Tess, ressentant maintenant les effets de l'épreuve, courut vers les toilettes et se sentit mal.
'Tess, réfléchis' se dit-elle à elle-même. Toutes ces années d'entraînement et de préparation devaient bien enfin servir à quelque chose.
La femme réapparut avec plusieurs serviettes de bain dans ses bras. Au dehors de la fenêtre, Tess pouvait entendre des quolibets grivois des membres de la garde.
« Chut, je suis Kejal Malek. Nous ne devons pas faire de bruit. » Son anglais n'était que légèrement teinté d'accent.
« Vous parlez anglais ? Où est-ce que je me trouve ? Qui êtes-vous ? Je suis le Commandant Tess...
— Je sais qui vous êtes, Commandant. Je ne suis pas votre ennemie ; je veux vous aider. » Kejal commença à retirer l'uniforme sale de Tess. Tess était si fatiguée qu’elle ne résista pas. Une fois déshabillée, elle se dirigea vers une grande baignoire encastrée, carrelée de dessins géométriques, puis se laissa lentement glisser dans l'eau brûlante. Le plaisir de ce bain était presque inconcevable. Elle s'efforça de ne pas se laisser aller, de penser à ses hommes qui étaient loin de vivre un tel luxe. Encore méfiante de cette femme qui s'occupait d'elle, elle essaya de se renseigner le mieux possible sur l'endroit où elle se trouvait.
« Comment avez-vous appris l'anglais ? J'aurais pu vous prendre pour un interrogateur mais il est rare que ces porcs donnent un rôle si important à une femme.
— Vous avez raison ; ce sont des porcs. Je suis Kurde. Le général m'a amenée ici il y a cinq ans après que ses soldats aient tué mon mari et mes enfants à l'arme chimique. Ne pensez pas un seul instant qu’ils soient autre chose que des assassins. Ils abuseront de vous et si vous avez de la chance, ils vous tueront. Si vous êtes moins chanceuse, ils vous laisseront vivre. » Ce que Tess lut dans son regard lui indiqua que rester en vie n'avait pas été une aubaine pour cette femme.
Kejal quitta la salle de bain, laissant à Tess un peu d'intimité. Sur les bords de la baignoire, divers articles de toilette coûteux avaient été disposés pour elle. Elle s'en servit immédiatement, surtout du shampoing et du gel douche. 'C'est si étrange. Le monde est en flammes, je suis prisonnière et me voilà en train de profiter d'un bain chaud.’ Elle voulait tant s'attarder et se prélasser dans l'eau chaude mais se hâta de finir, prise d'un sentiment d'effroi et de culpabilité.
Elle se leva, et la femme apparut presque instantanément, l'enveloppant d'une grande serviette moelleuse. Au moins, observa Tess, ce n'est pas tout le monde qui est pauvre et grossier dans ce pays. Quelqu'un dans cette maison affectionne les produits de qualité.
« Vous devez vous reposer », suggéra sa gardienne. « J'ai apporté quelques robes, choisissez-en une. Vous trouverez d'excellents produits cosmétiques sur le haut de la commode. Appelez-moi quand vous serez prête. »
Tess inspecta rapidement la luxueuse chambre à coucher qui apparemment appartenait à une riche dame. 'Je me demande qui et où elle est,' murmura-t-elle pour elle-même. Probablement la femme du général.
Elle choisit des sous-vêtements de l'une des commodes, enfila un doux et moelleux peignoir de coton, et poursuivit son inspection. En dépit du luxe, c’était un endroit hautement sécurisé. Il n'y avait qu'une seule sortie, gardée par au moins deux soldats. Toutes les fenêtres avaient des barreaux ornementaux. 'Désolée de le dire mais je suis coincée,' conclut-elle.
Trois robes du soir de haute couture, vraisemblablement française, étaient suspendues. Elles semblaient conçues pour mettre en valeur le corps de celle qui les porterait. Elles étaient à la fois splendides et effrayantes. Une guerre fait rage à l'extérieur et je dois porter une robe de soirée. Mon Dieu, quelle est cette folie ?
Son énergie déclinait rapidement ; elle mordit avidement dans une pomme qu'elle prit dans un panier de fruits. Elle se sentit un peu mieux après quelques minutes ; rien de tel que du fructose pour vous requinquer. Ne voyant aucun moyen de sortir, elle prit le conseil de Kejal et s'allongea sur l'un des somptueux canapés. Elle ferma les yeux et aurait bien aimé dormir un peu, mais elle n'osa pas. Malgré tout et contre son gré, l'épuisement l'emporta et elle s'assoupit.
Kejal la réveilla doucement. Tess sauta sur ses pieds, se mettant par réflexe en position de défense.
« Tout va bien ! C'est moi. » La femme avait levé les bras pour se protéger de possibles coups. Tess se rendit compte qu'elle s'était endormie.
« Je suis désolée, Kejal, j'étais dans un sommeil profond. »
La femme se détendit. « Vous devez vous habiller maintenant. Laquelle de ces robes choisissez-vous ? » Tess réalisa soudain l'ironie de sa situation. 'Après tout ce que j'ai fait pour devenir un officier de l'armée, j'en suis réduite à faire la bimbo pour un pervers. Tout va pour le mieux, ma petite !'
Kejal lui intima à nouveau de se dépêcher. « S’il vous plaît, choisissez une robe. Le général n'aime pas qu'on le fasse attendre ! »
Tess lança un regard furieux. « Je ne moque complètement de ce qu'il aime ! »
Son hôtesse ne baissa pas les bras. « Ne soyez pas stupide ! Si vous le mettez en colère, il vous tuera vous et vos hommes. Choisissez une robe ! »
Tess s'assit, agrippant sa tête qu’elle sentait sur le point d’exploser. Elle avait besoin de temps pour réfléchir. Elle avait besoin de retrouver un semblant de contrôle. 'Bon, je dois me plier à ce jeu jusqu'à ce que je trouve un plan,' se murmura-t-elle à elle-même. Elle se leva, inspecta les robes et en choisit une, une superbe robe rouge bordeaux et crème avec des chaussures assorties. Incroyable, tout est à ma taille, remarqua-t-elle. Elle se regarda dans un grand miroir. Ses seins étaient magnifiquement mis en valeur par le profond décolleté.
« Vous êtes splendide, Commandant. Faites juste ce que le général veut et vous resterez en vie. » Admonesta Kejal.
Tess regarda cette belle femme émaciée. « C'est apparemment ce que vous avez fait, mais ça ne vous a pas fait que du bien. »
Kejal la fixa de ses yeux profondément tristes. « Il garde ma fille de quatre ans en otage dans l'une de ses résidences pour me contraindre à le servir. »
Tess ferma les yeux. « Je suis désolée. Je ne voulais pas vous critiquer. »
Kejal détourna la tête, des larmes dans ses yeux. « Ce n'est rien. Ce n'est pas de votre faute. »
Tess applique un peu de maquillage. 'Si je dois passer pour une femme vulnérable, autant avoir l'air jolie.'
Les deux femmes traversèrent plusieurs pièces à travers le somptueux manoir. Contrairement aux palais modernes de Saddam, cette maison était ancienne. La décoration était coûteuse et de bon goût.
Kejal conduit Tess à une grande salle à manger. Deux couverts étaient mis au bout d'une longue table. « Je dois vous laisser maintenant, » dit-elle.
Tess embrassa la salle du regard. Le maître des lieux a clairement été influencé par les Britanniques quand il a bâti cet endroit, pensa-t-elle. La pièce était décorée de boiseries et de meubles cossus et les fenêtres de brocart, légèrement fané. La pièce n'avait rien d'exotique.
« Aimez-vous ma maison ? » Le général était soudainement apparu. Il avait troqué son uniforme pour un costume magnifiquement taillé sur mesure, Savile Row fort probablement.
Tess décidé de se prêter au jeu. « C’est une belle maison, décorée avec goût. Est-elle ancienne ? »
Le général sembla content que Tess paraisse intéressée. « Près de cent cinquante ans. C'est mon arrière grand-père qui l'a construite. Il a passé la plus grande partie de son temps à l’étranger. Il était un diplomate de l'Empire Ottoman puis il a poursuivi à un poste similaire après qu'un général britannique ait tiré un trait sur une carte et créé l'Irak en 1922. Il a vécu longtemps en Angleterre. Il a beaucoup aimé ; un pays très civilisé, avec de claires distinctions de classes. Pas de confusion. »
Tess décida de taire son opinion sur le système de classes pour le moment. « Très intéressant », dit-elle sans grande conviction.
Le général se rendit vers une armoire sculptée et en ouvrit une porte, révélant un bar bien approvisionné. « Voudriez-vous un cocktail ? » il demanda avec sollicitude.
Tess était surprise. « Les Musulmans ne sont-ils pas interdits d'alcool ?
— Certains d'entre nous observent une certaine flexibilité. »
'J'aurais bien besoin d'un verre,' pensa Tess, 'mais je ferais mieux de m'en abstenir. Je suis la mouche et l’araignée me tisse la toile...'
« Non. Merci, Général. Je suis fatiguée. » 'Je n'arrive pas à croire que je suis en train de dire merci à cet homme,' pensa-t-elle.
« Amir, je vous prie. Appelez-moi Amir, » offrit-il.
'Je ne peux pas faire ça,' pensa Tess. « Général, je suis un prisonnier de guerre. Je m'en tiendrai au protocole. Je vous respecterai et j'attendrai le même traitement de votre part. »
Le général offrit un sourire oblique. « Bien sûr, mais que cela ne nous empêche pas d'apprécier ce dîner, d'accord ? » Tess préféra garder le silence.
« Je n'aime pas boire seul, je vous verse un verre de vin blanc léger, à moins que vous ne préfériez un apéritif ? » Amir ouvrit cérémonieusement les bras vers les bouteilles de l'armoire, comme s'il présentait un cadeau. Tess vit qu'il ne se découragerait pas et accepta le verre de vin.
Amir l'invita à prendre place sur un canapé pendant qu'il lui versait un verre. « Les vêtements de ma jeune sœur vous vont à merveille. Elle vous ressemble beaucoup ; très belle. Elle a de grands yeux noirs, les vôtres sont verts. Et une longue chevelure noire luxuriante alors que vous êtes blonde ; un vrai crime de les porter si courts. Mais peu importe. Je sais apprécier la beauté féminine sous toutes ses formes. »
Tess prit une gorgée du verre, éludant le compliment. C'était un excellent Sauvignon blanc. L’homme avait du goût. Le général s'approcha. « Commandant, puis-je vous appeler Tess ? »
'Comment diable savait-il que les gens m'appellent Tess?' Ses ravisseurs avaient du entendre ses hommes utiliser son nom.
« Ma sœur n'a jamais aimé vivre ici. Elle avait l'impression d'étouffer. Peut-être corrompue par son éducation suivie en Suisse.
— Corrompue ?
— Le terme est peut-être un peu fort. Le général eut un léger sourire. Peut-être suis-je personnellement responsable d'avoir encouragé une éducation occidentale. Elle est, après tout, issue d'une grande famille et deviendra une grande dame. Très utile lorsque viendra le temps de former une alliance avec une autre grande famille. Presque machinalement, il ajouta : J'ai été à la tête de la tribu depuis la mort de mon père, j'ai beaucoup de responsabilités. Encore une fois, Tess décida de garder ses vues sur les dynasties et les mariages arrangés pour elle.
— Qu’en est-il de votre femme ? demanda-t-elle.
— Elle est à Paris avec ma sœur. J'ai pensé qu'elles feraient mieux d'y attendre la fin de la guerre. Au cas où vous vous posez des questions, ma femme n'est rien pour moi. Nous nous sommes rencontrés le jour de notre mariage et n'avons jamais porté beaucoup d'affection l'un pour l'autre. »
'Je vois où cela va mener,' pensa Tess.
« C'est triste de vivre sans quelqu'un à aimer, et c'est pourtant ce que vous réservez à votre sœur. »
Amir s’assit en face d'elle, les yeux rivés sur la peau laiteuse de la poitrine de Tess.
« Nous sommes une famille distinguée. Nous nous devons de maintenir notre rang dans la société. Et devons faire quelques sacrifices quand c'est nécessaire. » Après une brève pause : « Cela n'a pas d'importance, ce n'est pas la compagnie qui me manque. J’ai des maîtresses splendides en Europe, en particulier à Londres. Les dames savent apprécier les vrais hommes qui peuvent se permettre de les traiter comme des reines. » Tess commençait à se voir comme l'héroïne des Perils of Pauline, ligotée aux rails et attendant le train qui lui roulerait dessus. Nous y voilà !
Amir fixait la beauté splendide de ses yeux. Il avait peine à concevoir qu'une telle créature pilote des avions et aille au champ de bataille, ou que des soldats, des hommes, puissent se soumettre à ce commandant qui devait certainement mieux servir ses dirigeants dans un lit. Il avait du mal à contrôler son désir, à ne pas se saisir d'elle de force, ici et maintenant. « Aucune de mes compagnes n'arrive à votre hauteur, Tess. J'aimerais beaucoup jouir de vous et vous donner plus de plaisir que vous ne pouvez en imaginer. » Tess sentit son humeur se mettre en ébullition.
« Général, vous êtes un homme charmant mais je ne peux pas être une de vos compagnes, ni même votre seule compagne, en tout état de cause. Je suis un officier américain et un prisonnier. Nous sommes au milieu d'une guerre, et ce n'est vraiment pas idéal pour une histoire d'amour. » Tess était à court d'idées.
Amir appréciait ses tentatives de dérobade. Il aimait qu'elle résiste. Il n'appréciait pas les femmes passives. En parfait prédateur, il avait goût pour la chasse. Cela rendait la conquête d'autant plus savoureuse.
« Tess, les guerres sont des événements éphémères. À l'exception de la guerre lancée par les Américains en Afghanistan, elles ne durent aujourd'hui guère longtemps. Pourquoi être ennemis quand nous pouvons être amants ? Je suis riche et puissant, et un homme très passionné. Je peux vous montrer le monde tel que vous ne l'aviez jamais imaginé. Au lieu d'une tente poussiéreuse au milieu de désert, vous pourriez vivre dans un château en France. Vous pourriez avoir votre propre avion à Paris, aller à l'Opéra à Monte-Carlo avec vue sur votre propre yacht amarré dans la baie. »
Tess se leva. « C'est ce que vous avez promis à Kejal ? »
Le général posa son verre. « Elle et sa famille sont des traîtres ! Elle devrait être reconnaissante d'être encore en vie ! »
Tess pointa en direction des appartements de sa sœur. « Elle n'a pas l'air très reconnaissante de l'être ! Que lui avez-vous fait ? »
Amir lui lança un regard glacial. « Si elle veut mourir, je peux arranger ça en moins d'une minute. »
Tess se tut. Elle savait qu'elle flirtait avec le danger.
« Mais revenons à vous, » Amir reprit. « Pourquoi risquer votre vie pour les ambitions de politiciens vieux et corrompus ? Vous êtes jeune, belle et vous êtes une femme ; pourquoi gâcher votre vie en tant que soldat, alors que vous pourriez vivre une vie de plaisirs ? »
D'un ton cassant, Tess riposta : « Général, parlant de servir des politiciens, n'est-ce pas exactement ce que vous faites ? Vous vous battez pour soutenir un dictateur brutal et un parti corrompu. Et comment envisagez-vous le simple fait que votre nation ne peut gagner une guerre contre les armées de la Coalition ? Pouvez-vous honnêtement dire que vous avez un avenir ? » Ouh la, elle regretta presque ses mots. 'Je devrais le laisser parler. Gagner du temps. Sauver mes hommes.'
Amir soupira et prit une gorgée de vin. « Tess, vous n'êtes manifestement pas étudiante en histoire. Quelles que soient les atrocités commises en temps de guerre, seuls quelques-uns des dirigeants paieront pour leurs crimes. Il n'y eut jamais qu'une infime fraction de la population au sommet du pouvoir qui ait été appelée à rendre des comptes. Après la Seconde Guerre Mondiale, les Nazis qui ont été pendus étaient si peu nombreux que c'en fut dérisoire comparé aux millions de victimes qu'ils avaient assassinées. Même au sein de la hiérarchie Nazie, y compris les pires de la SS et de la Gestapo, beaucoup avaient été emprisonnés mais finalement relâchés. Les Alliés ne pouvaient tout simplement pas les pendre tous. Au Japon, ils ont épargné l'Empereur et seuls le Général Yamashita et quelques officiers, dont la culpabilité était contestable, furent pendus ; la plupart de l'impitoyable hiérarchie samouraï qui avait mené d'innombrables massacres s'en était tirée. Il en ira de même ici en Irak.
"Mon grand-père était très rusé. Il avait compris que pour que la famille survive et prospère, elle devait être assez proche du régime pour lui être utile, mais aussi assez éloignée pour ne pas y être associée. Il avait totalement saisi la nature éphémère du pouvoir et me l’a bien appris. Je parviens à être important pour le régime mais pas trop important. »
Il but un peu de vin. « De plus, les circonstances de ce conflit sont inhabituelles. Je suis sûr que vous comprenez que les Américains et les Britanniques essaient naïvement de gagner les cœurs et les esprits du peuple irakien, si ce n'est du monde arabe. Ils ne peuvent pas se permettre de punir et d'humilier d'innombrables chefs arabes, quoi que ceux-ci aient fait. Après tout, vous ne venez pas conquérir mais 'libérer' l'Irak. Les choses reviendront à la normale très vite ; les politiciens continueront à faire ce qu'ils ont toujours fait, et pour le reste d'entre nous, nous retournerons aux affaires. » Tess dut admettre à contrecœur que l'homme avait marqué un point.
La porte s'ouvrit et un serviteur annonça en arabe que le dîner était servi. Amir se leva et offrit son bras. « Voulez-vous ? » Tess permit au général de tenir sa chaise alors qu'elle s'asseyait. Prenant sa place à la table, Amir s’excusa du peu de victuailles préparées pour le dîner. « La guerre a entraîné des pénuries », expliqua-t-il.
Aux yeux de Tess cependant, cela paraissait un vrai festin. Le général prit quelques minutes pour présenter la composition des quelques plats. Cela sonnait comme une véritable symphonie de spécialités du Moyen-Orient : agneau, poulet, couscous, divers grains mélangés à plusieurs sortes de riz et de légumes. Tess sentit son estomac rongé par la faim et, en d'autres circonstances, elle se serait jetée sur la nourriture dans la plus pure tradition GI. Une pensée pour ses hommes qui croupissaient probablement dans ce sale trou la transperça de culpabilité.
« Général, mes hommes ont-ils été nourris ? »
Amir parut brusquement irrité. « On s'occupe d'eux ! Et maintenant, mangez avant de perdre encore plus de poids ! » Mais bien sûr, se dit-elle, il me veut douce et grasse comme Gretel dans le conte de fées.
Ils entamèrent le repas, un silence de plomb se dressant entre eux telle une barrière de béton. Après quelques bouchées, Amir demanda : « Tess, resteriez-vous avec moi ? Je quitterais toutes les autres pour vous. » Tess déglutit, prit une gorgée d'eau et la secoua légèrement la tête.
« Non, Général, je ne le ferai pas. Je ne suis pas à la recherche d'une histoire d'amour et nous avons déjà abordé les autres questions. Je préfère m'assurer que l'on prenne soin de mes hommes. Si vous m'aidez, je suis certaine que mes supérieurs seront reconnaissants de votre coopération et en tiendront compte lorsque la reconstruction de votre pays commencera. Nous comprenons tout à fait que le régime puisse vous avoir contraint à faire des choses peu louables. Vous devez savoir que les forces de la Coalition approchent et que vos troupes n'ont pas une chance. Vous pouvez offrir votre reddition pour leur bien, de mon côté je m'engage à ce que vous soyez bien traité. »
Amir fit un geste dédaigneux de la main. « En ne luttant pas contre l'envahisseur étranger sur le sol irakien, vous me demandez de commettre une trahison. Mes soldats mourront si c'est leur seul choix ! »
Tess tenta un dernier appel à la raison. « Général, il n'y a aucun honneur à mourir pour une cause perdue. Vous provoquerez juste le massacre de votre propre peuple. »
Amir répondit avec colère : « Mon peuple ne compte pas. Ce sont des paysans primitifs et incapables de raisonnement et ils mourront sur place si je leur dis de le faire ! » Il se leva, comme pour donner un cours magistral. « Ne comprenez-vous donc pas la réalité de ce monde ? » ajouta-t-il, « Seule une poignée de personnes compte vraiment, le reste n'est là que pour se soumettre à eux. Vous vous trouvez parmi ces derniers et je vous offre la chance de gravir de l'échelle et de vivre dans le monde auquel vous appartenez. Vous vivez dans l'illusion que la démocratie est la solution à tout problème. Vous-êtes vous rendu compte que votre propre pays, les États-Unis d'Amérique, est dominé par une ploutocratie, par quelques personnes fortunées qui accaparent 80% des richesses et ne vous laissent que les miettes ? Pourquoi voulez-vous vous sacrifier pour quelques politiciens, quelques PDG gourmands et corrompus et leur empire ? »
Sans être statisticienne, Tess était consciente du pouvoir et de l'influence qu'exerçait une certaine classe riche mais elle ne s'en sentait pas victime pour autant. Tout ce qu'elle avait entrepris dans la vie relevait de son libre arbitre, de ses propres décisions, et en toute conscience des conséquences de ses actes.
« Oui, il y a les nantis et les autres, » admit-elle. « Pour autant, la majorité de la population de mon pays vit bien comparé au reste du monde. Dans la plupart des cas, nos élites le sont devenues au mérite et non par le nom de leurs familles. »
Amir secoua lentement la tête, montrant ainsi son mépris pour ces idées aussi simplistes. En même temps, il prenait plaisir à ses réponses pleine d'enthousiasme. Plus elle résistait, plus cela l'excitait. Cette magnifique tigresse avait besoin d'être domptée, subjuguée et savourée. Il savait être l’homme qui y arriverait.
« Tess, nous pouvons discuter à longueur de journée, et nous ne serons pas d'accord sur tout. Peu importe. Ce qui l'est, c'est mon désir pour vous et vous aurez envie de moi une fois que vous me connaîtrez. Je vous veux ! » Amir s'avança vers elle. Tess se leva, recula de quelques pas et s'arma de courage.
« Vous ne m'aurez pas, à moins de me violer. Et si vous le faites, alors vous n'êtes pas un homme ! »
Amir se mit à rire. « Vous violer ? Non, je ne ferai pas ça. Les femmes viennent à moi ! Les femmes veulent de moi ! Elles m'offrent leur corps parce qu'elle veulent que je leur donne un plaisir qu'elle n'ont jamais connu auparavant. Je les fais pleurer d'extase. Vous aussi — mais je ne vous violerai pas. C'est vous qui viendrez à moi. C'est la seule façon dont je vous veux. »
6 - Contrainte
Tess regarda Amir avec hostilité.
« Et comment espérez-vous faire ça ? Je ne suis pas intéressée !
— Vous le serez », dit-il, menaçant. Il frappa dans ses mains et l'un de ses officiers entra dans la salle. "Faites entrer le prisonnier”, ordonna-t-il. Tess paniqua.
« Qu'allez-vous faire ? » Elle n’eut pas de réponse. En quelques minutes, quatre gardes entrèrent, poussant le Sergent Archie Powell devant eux. Il avait les mains attachées derrière lui. Il résistait, frappant les gardes de ses coudes, des pieds et même de sa tête. Ils le menèrent jusque sous une corde qui pendait à un crochet au plafond et l'y attachèrent, les bras dans le dos. Puis ils actionnèrent une poulie pour l'élever au-dessus du sol. Archie poussa un juron et cracha sur le plus proche des gardes. Deux d'entre eux le frappèrent de coups de crosse et il perdit connaissance. Horrifiée, Tess s'élança vers le sergent mais le général l'arrêta en la saisissant par les épaules. Il avait une prise d'acier, elle en ressentit de la douleur.
« Qui est votre homme, Tess ? »
Tess tenta de se libérer, mais le général l'enserra encore plus fort. Il la tenait maintenant tout contre lui et semblait apprécier. 'Superbe femme', pensa Amir, 'douce à l'extérieur et ferme au-dedans. Je saurais m'en contenter.'
Tess cria : « C'est un soldat, un sergent, respectez-le comme tel. » Les hommes se mit à rire.
« Un sergent, dites-vous ? » Amir remarqua, la tenant toujours devant lui, « Êtes-vous sûre ? Tous les soldats américains sont-ils si lourds ? » Les vêtements d’Archie étaient en lambeaux et son corps portait les marques d’un passage à tabac.
« S’il vous plaît, libérez-le, » plaida-t-elle. « Il ne représente aucune menace ! »
Amir accrut sa douloureuse prise sur les bras et les épaules de Tess. « Pourquoi tant d'inquiétude pour lui ; est-il votre amant ? » Tess essaya de se libérer, sans succès.
« Non, il n'est pas mon amant! C'est un soldat. Libérez-le ! »
Mécontent, Amir la lâcha et fit un signe de tête à l'un des gardes. L'un d'eux s'empara d'un seau d'eau et arrosa Archie de son contenu, le ramenant à lui. Deux d'entre eux tirèrent violemment sur la poulie et soulevèrent le sergent du sol. Il hurla. Tess sentit son cœur bondir.
« Amir, » l'appelant par son prénom pour la première fois, « je vous en supplie, s'il vous plaît ne faites pas ça. Pour votre bien, ne vous mettez pas en danger lorsque les Américains vous trouveront. Ne devenez pas un criminel de guerre ! »
Amir sourit. « Est-ce de l'inquiétude pour moi que j'entends, ma belle ? Peut-être m'aimez-vous un peu ? » Un autre hochement de tête ; un autre tir de corde.
« Je vous emmerde ! » Le hurlement d'Archie perça Tess jusqu'au fond de son âme. Elle se retint de tuer le général.
« Amir, s'il vous plaît, je vous le redemande : arrêtez ! Je ferai ce que vous voulez ! »
Le sergent l'entendit et se mit à gesticuler dans une tentative de se libérer, en vain. « Commandant, ne faites pas ça. Dites-lui d'aller se faire voir ! Je n'ai même pas mal ! »
Un autre hochement de tête du général. L'un des gardes s'approcha du prisonnier avec une perceuse électrique. Il démarra l'engin, attrapa Archie par les cheveux pour lui soulever la tête. Il lui montra la perceuse et dit avec un rictus "Made in USA."
Amir s'empara à nouveau de Tess, humant son parfum. « Par où allons-nous commencer, ma belle ? Un petit trou dans la cuisse ? Ou peut-être dans l’œil ? »
Archie tenta un coup de pied vers ses bourreaux mais échoua. « Commandant, ignorez-les ! Quand ils en auront fini avec moi, ils vous tueront ! »
Amir, tenant toujours Tess, approcha son visage de sa joue. Elle ne pouvait en supporter plus. « Général, arrêtez ça. Je me donnerai à vous si vous le laissez partir. »
Amir huma une fois encore le parfum parfum de ses cheveux, puis leva la main, arrêtant son gorille d'infliger plus de douleur au sergent. Il lui parla à l’oreille. « Êtes-vous sûre ma beauté ? Vous viendrez à moi de votre plein gré ? »
« Oui, je le ferai ! , répondit-elle avec colère.
— Sûre ? De vous même ? Me supplierez-vous de vous prendre ? »
Tess était désespérée. « Je vous supplierai de me prendre, » marmonna-t-elle à travers ses larmes.
Le général fit un autre geste en direction ses hommes. « Détachez-le, prenez soin de lui ! Remettez-le avec les autres ! Et maintenant, allez, allez ! » Les hommes se dépêchèrent, tirant Archie Powell derrière eux ; son visage était l'image même du désespoir.
Amir lâcha Tess, retourna à la table, versa du vin dans le verre de Tess et le lui apporta. Elle s'effondra sur une chaise, prit le verre et le vida d'un trait. Elle se sentait vaincue, perdue. Amir s'assit à son tour et alluma un cigare. Il garda le silence jusqu'à ce que Tess se reprenne. Il souffla un cercle de fumée dans l'air.
« Et maintenant, ma chère, assez de désagréments. Célébrons notre union. Vous vous y habituerez vite et vous allez même l'apprécier. Maintenant, si vous le voulez bien, allez dans vos appartements et préparez-vous à m'accueillir. » D'un rapide geste de la main, le général sonna une petite cloche. Kejal apparut presque aussitôt. « Madame a besoin de se rafraîchir et de se changer ; faites le nécessaire, » commanda-t-il. La femme prit Tess par la main, l'aida à quitter sa chaise et l'entoura doucement de ses bras pour la guider hors de la pièce. Tess se sentait comme une ombre impuissante.
Une fois dans la chambre à coucher, la femme demanda à Tess de s'asseoir sur le canapé. Elle revint avec un gant de toilette chaud et lava ses larmes. « Vous devez le faire. Vous devez survivre à cette nuit. Je reviendrai plus tard pour vous aider. » Kejal entendit le général approcher et disparut silencieusement.
Amir apparut, vêtu d'un magnifique peignoir, puis prit un fauteuil moelleux et croisa les jambes. « Morgan. » Il fit une pause. « Un nom masculin qui ne vous va pas du tout. Nous devons vous trouver un nom qui vous convienne mieux. » Une autre pause ; « Maintenant, si vous le voulez bien, j'apprécierais que vous vous dévoiliez à moi. Déshabillez-vous lentement. »
Tess avait envie de vomir. Amir la regarda, attendant patiemment qu'elle lui obéisse. C'est ici que prend fin la mascarade, Tess se dit à elle-même. Je dois agir intelligemment. Il y a plus que moi en cause. Je dois agir avec raison.
Elle se leva et retira lentement la légère robe, la laissant tomber au sol. Elle resta debout en soutien-gorge, culotte et talons hauts. Amir sourit, appréciant manifestement le spectacle. Une sculpturale jeune femme magnifiquement bâtie ; un abdomen ferme et des jambes dignes de Hollywood. Des lèvres exquises et de superbes yeux verts encadrés de cheveux blonds. Allah est en effet bien grand d’accorder une telle beauté à son humble serviteur.
« Et maintenant, retirez le reste », ordonna-t-il. Lentement, délibérément, Tess retira son soutien-gorge et le laissa également tomber sur le sol. La vue de ses seins et de ses mamelons parfaits étaient plus qu'Amir ne pouvait supporter. Il se leva et les enveloppa doucement de ses mains, frémissant au toucher de la douceur ineffable de cette peau. Il se mit à trembler, son érection devenant maintenant visible. Il prévoyait de la prendre lentement, sans précipitation, et d'affirmer sa domination en l'emportant vers l'extase contre son gré. Il voulait l'amener à ce qu'elle le supplie de lui donner le plaisir que sa masculinité pouvait pourvoir, mais commença à perdre contrôle. Il devait la prendre. Là ! Tess semblait sensible à l'érotisme du moment et ses lèvres s'ouvrirent comme en signe de réceptivité. Amir recula d'un pas pour enlever son peignoir.
Dans un éclair, Tess fléchit son corps dans ce qui semblait être une pirouette de danse, ramena sa jambe droite jusqu'à son épaule et, d'un mouvement rapide, planta la pointe du talon de sa chaussure dans la tempe d'Amir. Il s'effondra au sol, ne sachant pas ce qui l'avait frappé. Tess, s’attendant à une contre-attaque, recula et adopta une posture de défense. Elle attendit quelques secondes, mais il n'y eut pas de mouvement. Elle s'approcha prudemment du corps inerte sur le tapis. Le général était en vie mais inconscient.
7 - Évasion et Tragédie
Kejal fit irruption, comme par enchantement. 'Apparemment, toute forme d'intimité était bannie dans cet endroit', pensa Tess bien qu'elle fût heureuse de la voir. Alors que Tess tentait de retrouver un pouls normal, Kejal commença à déballer un sac. Sur le lit, elle étala un tchador, le traditionnel vêtement qui recouvrait les femmes musulmanes de la tête aux pieds. Elle sortit également une paire de chaussures robustes.
« Dépêchez-vous, enfilez ça », exhorta-t-elle. « Nous devons partir immédiatement ! » Tess n'avait pas besoin de plus d'encouragement. Elle remit sa robe de soirée et enfila le tchador par dessus sa tête.
« Allons-nous simplement franchir la porte ? » demanda-t-elle, incrédule. Kejal s'assura que Tess était entièrement camouflée sous le vêtement.
« Il fait presque nuit. C'est bientôt l'heure de manger pour les gardes. Il n'y en aura qu'un posté dehors. Il faudra qu'on passe devant lui. Il vous prendra pour la cuisinière, c'est le moment où elle quitte pour rentrer chez elle. C'est toujours moi qui la ramène au portail quand elle termine son service. »
'C'est risqué, mais ça peut marcher', pensa Tess.
Kejal poursuivit ses instructions. « S'il suspecte quoi que ce soit, vous devrez le neutraliser. »
« Oh, je pense que j'ai de quoi le neutraliser », dit Tess, remerciant en silence ses années de leçons d'arts martiaux.
Kejal tendit un grand couteau de cuisine. « En sortant d'ici, nous irons vers la gauche ; le couloir devrait être désert et au bout, il y a une porte qui donne sur l'extérieur. Comme à leur habitude, ils pensent tous qu'une simple femme ne constitue pas une menace, même si elle est un officier américain, et il n'y aura pas de gardes supplémentaires à l'extérieur. De plus, ils ne veulent pas que les gens alentour croient qu'il se passe quelque chose dans ce bâtiment. » Tess n'avait aucune envie de savoir de quelle 'chose' il pouvait s'agir.
« Vous venez avec moi ? Ensemble, nous pouvons revenir aux lignes américaines. Je vous aiderai...
— C'est gentil, Commandant, merci.
— S'il vous plaît, appelez-moi Tess.
— Tess, prononça-t-elle comme on le ferait du nom d'un saint. Oui, je viens avec vous. Le général me tuerait s'il découvrait que je vous ai aidée. Je n'ai pas peur de mourir, je veux juste retrouver ma fille avant qu'il n'ordonne de l'abattre.
— Si on se sort d'ici, nous essaierons de la retrouver ensemble, répliqua Tess.
— Je vous en serais reconnaissante, répondit la femme. Une fois dehors, faites montre d'humilité et de modestie. N’oubliez pas, un jour nous aurons notre vengeance d'avoir été autant ignorées et sous-estimées sous leur propre nez. Mais pour l’instant, vous devez porter le tchador. Ils ne se douteront pas que c'est vous. Ce vêtement couvre vos cheveux et il fait assez sombre pour qu'ils ne remarquent pas vos yeux clairs, à moins de les directement dans les yeux. »
Elles ajustèrent le vêtement ensemble. Quand elle se regarda dans le miroir, elle n'en crut pas ses yeux. Pas étonnant que les femmes se sentent si opprimées ici. Le tchador ôtait complètement toute forme d'identité.
« Vous êtes prête. » Kejal fit un effort pour arrêter les larmes qui lui échappaient. « Merci à vous. J'avais cru perdre la capacité à pleurer. » Elle ne parvint pas à en dire plus. « Nous devons y aller. J'entends les gardes aller manger. »
Tess fit trois pas et saisit Kejal par les mains. « Merci, mon amie. Nous retrouverons votre fille et le monde entendra votre peine et saura votre héroïsme. »
Tess devait neutraliser le garde à l'extérieur. Impatiente d'entrer en action, le temps lui sembla long. Puis Kejal se mit à gémir à voix haute.
Le garde entra. Tess ne put comprendre ce qu'il dit mais elle était prête à parier que c'était ordurier. Il leva le bras pour frapper la femme impudente lorsque brusquement Tess libéra ses mains de son tchador et lui envoya de toutes ses forces un coup de poing à l'estomac. Il s'envola et s'effondra au sol et Tess en profita pour se jeter sur son torse et lui administrer un coup qui broya sa pomme d'Adam. Il sursauta violemment, fixant Tess du regard, apparemment incapable d'admettre d'avoir été vaincu par une femme. Rapidement, il suffoqua.
Tess glissa vers la porte, prenant Kejal par la main et surveillant soigneusement les deux côtés du couloir tout en le traversant. Environ à mi-chemin, elle aperçut la sortie dont Kejal avait parlé mais elle pouvait aussi entendre des voix. Elle se tourna vers la source du bruit mais une main sortie d'une encoignure se referma sur sa bouche. « Chut, pas un mot. » Les mots étaient en anglais mais Tess craignit de s'être fait prendre — encore une fois.
L'homme l'attira dans une pièce et la retourna pour lui faire face. Un coup d’œil à ces yeux et il sut. Un coup d’œil à son visage et Tess sut aussi. « Que diable faites-vous ici Vickers ? Je vous croyais occupé à vos bricoles de la CIA ! » Au son de la voix de Tess, Jake sut qu'elle allait bien.
« Apparemment, je suis occupé à faire ce que vous faites : décamper d'ici. J'ai atterri non loin d'ici. J'ai surpris les gardes irakiens et les ai envoyés voir Allah. Mais au fait, comment êtes-vous sortie ? Et qui est-elle ? » s'enquit-il, pointant vers la femme qui suivait Tess.
« Elle est OK », dit Tess. « Elle m'a aidée à m'échapper !
— Ça me va, répondit Jake. Allons sortir les gars. Vous restez ici, je m'en charge.
— En bon misogyne, commenta Tess.
— Soyez réaliste : vous aurez besoin de toute l'aide qu'on pourra trouver !
— Et vous, n'oubliez pas qui commande !
Jake sourit, « Comment comptez-vous commander avec une tente sur la tête ? Enlevez-la ! »
Tess était sur le point de le faire quand elle réalisa que ce qu'elle portait dessous était loin de ressembler à une tenue de combat. « Plus tard ! » répondit-elle, agacée. « Allons sortir les gars ! »
Jake ne put s’empêcher de sourire. Il eut un aperçu de sa peau laiteuse sous le tchador. Quand avait-il commencé à penser à Tess de cette façon ? 'Reprends-toi, Vickers, et colle-toi au plan', pensa-t-il.
Comme ils approchèrent subrepticement de la geôle, Jake, Tess et Kejal se cachèrent derrière un gros véhicule. « Tess, je dois vous dire ceci. Dan Gardner n'a pas survécu à ses blessures. »
Tess sentit son monde s'écrouler. « Que voulez-vous dire, il n'a pas survécu ? En êtes-vous sûr ? » Il pouvait entendre le désespoir dans sa voix. L'idée de perdre Dan était insupportable. Il avait été le meilleur ami de Jake pendant bien 20 ans, et un mentor affectueux pour Tess depuis sa sorite de l'Académie.
« Oui Tess, j'en suis sûr. J'ai pu parler aux gars à travers les portes de la prison, c'est eux qui me l'ont dit." Les larmes la menaçaient de nouveau, mais elle savait qu'elle devait garder la tête froide. "Et maintenant, sauf si vous voulez rester au Club de l'Enfer pour le reste de votre mission, vous ferez ce que je vous dis... »
Jake sortit une arme de poing de sa ceinture. « J'ai emprunté ça à l'un des gardes. Il n'en aura plus besoin. Ce n'est pas le standard de l'armée mais je suppose que vous savez comment ça marche », dit-il, comme il poussait l'arme dans ses mains. Elle se sentit presque insultée mais remit la punition à plus tard, lorsqu'ils seraient sortis de là. « Ne l’utilisez qu'en cas de nécessité. Le silence est notre meilleur ami pour le moment. Allons-y. »
Tess et Kejal suivirent Jake à travers la porte sans surveillance de la prison. Les gardes prenaient leur repas et ne faisaient pas attention. Jake fit irruption par la porte, tira sur l'un d'eux avec son pistolet à silencieux et s'apprêtait à donner le même sort aux trois autres lorsque Tess cria « Ne les tuez pas ! » Les deux tenaient leurs armes pointées sur les gardes.
« Vous êtes malade ? » Jake hurla à Tess. « Comment proposez-vous qu'on s'en occupe ? » Tess insista. « Ne les tuez pas. Enfermez-les dans une cellule ; une fois là, ils ne poseront plus de problème. » Exaspéré, Jake exhorta les hommes à déposer leurs armes et à pénétrer dans la cellule. Il referma la porte et la verrouilla dans un fracas délibéré. Il contourna un coin de mur et trouva les hommes de Tess, épuisés mais saufs, et les fit sortir.
Le petit groupe profita de l'obscurité pour quitter le bâtiment et bientôt il se retrouvèrent à bonne distance de l'enceinte. Les hélicoptères abattus étaient encore là. Tess courut vers le poste de pilotage de son appareil endommagé et en vérifia la radio. Elle fonctionnait encore. Immédiatement, elle émit une demande de sauvetage. Puis elle retourna vers ses hommes. « Nous devons rester planqués jusqu'au sauvetage. Ils étaient en attente juste derrière le mur de sable. » Les hommes reprirent courage.
Moins de 20 minutes plus tard, un Black Hawk et deux Cobras apparurent. Dans un nuage de sable, le Black Hawk atterrit tandis que les Cobras stationnaient au-dessus. Jake y poussa les soldats, qui chargèrent les blessés et le corps de Dan Gardner à bord, puis pressa les deux femmes de suivre.
Alors que Kejal montait à bord, des coups de feu retentirent, suivis de plusieurs autres. Des troupes irakiennes s'approchaient d'eux. Les Cobras en stationnaire ouvrirent un feu dévastateur et réduisirent les assaillants à néant. Tess, Jake ainsi que les deux autres hommes encore au sol grimpèrent rapidement dans l'appareil et celui-ci s'envola rapidement. Les prisonniers libérés et l'équipage exultèrent et se tapèrent dans les mains quand Tess laissa échapper un « Oh, nooon ! » Elle tenait Kejal dans ses bras.
La femme avait été touchée et saignait abondamment. L'infirmier qui avait rejoint l'équipage évalua immédiatement la situation. Il examina la blessure de la femme et se tourna vers Tess. « Elle ne survivra pas. »
Tess refusa d'accepter ce diagnostic. « Mais si, elle va survivre. Je ne serais pas là si elle ne m'avait pas aidée ! Vous devez faire quelque chose ! » Le toubib garda la tête baissée. Il resta immobile.
Kejal prit faiblement la main de Tess. « Commandant, s'il vous plaît, retrouvez mon enfant. Ne la laissez pas avec le général. S'il vous plaît ! » Sa main se relâcha, et Kejal mourut.
De désespoir et de frustration, Tess se mit à gémir. « Putain ! C’est pas juste ! Il faut qu'on retourne et qu'on les expédie ad patres ! » Puis elle s'effondra en larmes. Le reste de l'équipage demeura silencieux. Les hélicos atterrirent à la base et ils furent accueillis par plusieurs Humvees et une ambulance.
L'équipage qui avait été abattu devait subir un débriefing et un examen médical. Après avoir retiré sa burqa et apparaissant dans sa robe sexy, Tess présentait un vrai spectacle. Pendant quelques minutes, l'hôpital de campagne cessa de fonctionner tandis que les hommes et certaines femmes essayèrent de détourner leur regard de cette splendide beauté parmi eux et de reprendre une once de contrôle.
Malgré les protestations des médecins, Tess et Jake refusèrent d'être hospitalisés. Ils promirent de revenir le lendemain pour de plus amples examens et pour le débriefing. Le personnel finalement délivra une tenue de combat à Tess. Après avoir vérifié que le Sergent Archie allait bien et que les blessés avaient été pris en charge, la seule chose qu'elle voulait était de sortir de là.
Sur le champ de bataille, les forces de la Coalition s'étaient retirées. Un soldat américain avait été tué dans la bataille, mais les combats avaient coûté aux Irakiens des centaines de troupes. Leurs pertes incluaient un bataillon d'infanterie de la Garde Républicaine, une compagnie de blindés, deux batteries d'artillerie de campagne, et une batterie anti-aérienne.
Après le retrait, les appareils de la Coalition avaient lancé un assaut sur le reste des défenses à Al Hillah. Les avions avaient lâché de nombreuses bombes à fragmentation. Après le bombardement, ils avaient avancé et capturé la ville, rencontrant une résistance éparse. Puis ils avancèrent vers Najaf. Il restait de petites poches de résistance irakienne à Al Hillah, mais la quasi-totalité avait été rapidement anéantie. La Garde Républicaine ne représentait plus aucune menace.
8 - Prélude à l'Amour
Jake réussit à trouver un véhicule qui les emmèneraient à Koweït City. « Où allons-nous ? » Tess demanda.
« Je nous ai réservé des chambres en ville. On a bien besoin d'un bain et de dormir.
— Je croyais que tous les hôtels en ville étaient archi-pleins ?
— J'ai mes contacts. »Jake était un homme de peu de mots et de beaucoup de moyens.
Une fois à l'hôtel, ils attendirent que les chambres soient prêtes. Ils s'assirent à une table et demandèrent des boissons.
« Jake, comment avez-vous su qu'on avait été capturés, et comment avez-vous fait pour faire partie du sauvetage ?
— Je me trouvais là quand les autres pilotes ont signalé que les équipages de deux hélicoptères avaient été capturés. J’ai découvert que vous étiez dans l’un d’eux et je me suis invité pour accompagner les sauveteurs. En trente minutes, nous sommes arrivés à l'extérieur de l'enceinte mais on avait atterri assez loin pour ne pas être remarqué. J'ai insisté pour mener le sauvetage. Les troupes de l'armée savait que j'avais de l'expérience en infiltration de zones ennemies sans me faire détecter. On voulait éviter d'avoir à tirer pour protéger les prisonniers. Trois d'entre nous ont enfilé des vêtements arabes et nous avons réussi à entrer dans l'enceinte en ressemblant à des habitants du coin. »
Tess sourit. « On dirait que j'ai été sauvée de nouveau par un homme étrange.
— Le succès de l'opération ne me revient pas entièrement. Je suis parvenu jusqu'à la prison et j'ai pu parler à Sarge à travers les barreaux de la fenêtre. Il m'a dit que vous aviez été emmenée à l'intérieur ; lui et les gars avaient peur que quelque chose de mauvais vous arrive. Cependant, je savais que vous ne resteriez pas inactive. Je comptais que vous sauriez gérer la situation, et vous l'avez fait. Il aurait été plus difficile de vous sauver si vous ne vous étiez pas libérée de votre propre initiative.
— Tout de même, merci à vous, Jake. Je vous en dois une bonne. »
Ils se sentaient abattus et épuisés. Leurs pensées se tournèrent vers Dan. Jake commença à évoquer ce temps où lui et Dan étaient comme deux doigts de la main, se pliant au régime exigeant, planifiant leur carrière et recevant leurs premières assignations en tant que vrai officiers. Ils restaient en contact et se retrouvaient aussi souvent qu'ils le pouvaient, racontant leurs aventures et se consolant l'un l'autre de leurs amours perdues.
Jake n'avait pas dit à Tess que Dan lui avait parlé d'elle et avait à plusieurs reprises essayé de le faire venir à Fort Rucker pour la rencontrer. Dan ne cessait de lui dire comment ils seraient parfaits l'un pour l'autre. Jake avait même pensé au début que Dan était amoureux de Tess tant il parlait d'elle tout le temps. « Tess est le meilleur copilote que j'aie jamais eu - à part toi évidemment. Tess est le meilleur officier en second qui soit. Tess est mon deuxième meilleur ami et j'aimerais vraiment que mes deux meilleurs amis se rencontrent. Viens à Rucker pour le week-end. Je te le dis, elle est faite pour toi ! »
Mais Jake avait toujours été occupé. Être un opérationnel dans les Renseignements de la CIA n'était pas le genre de travail où l'on pouvait partir en long week-end — ou même juste faire une pause le week-end tout court ! Jake ne laissait jamais les regrets le ronger longtemps, mais cette fois-là, il avait vraiment regretté de ne pas avoir pu se libérer ce week-end là.
En regardant Tess, Jake comprit combien elle étaient dévastée en apprenant la mort de Dan et il se rendit compte des efforts qu'elle fournissait constamment pour être un bon soldat, un soldat dont Dan aurait été fier. Pourtant, il avait besoin de savoir ; besoin d’être là en quelque sorte, être proche de Dan encore une fois.
La mort de Dan ; le sacrifice de Kejal. Tess ressentait maintenant le contrecoup d'avoir échappé au malveillant général, de l'épreuve qu'avait été le crash et de l'horreur d'avoir vu Archie se faire torturer. Elle était au bout du rouleau et avait besoin de repos — d’une chance de guérir, du temps pour réfléchir. Elle se tourna vers Jake. « J'ai promis à Kejal de retrouver sa fille et de la mettre en sécurité. J'ai bien l'intention de le faire. » Jake la regarda dans les yeux. « Je sais. Je vous aiderai... » Il ne lui dit pas qu'il n'avait aucune idée de la façon dont il s'y prendrait.
Il essuya une larme qui avait réussi à s'échapper de ses yeux. Son toucher envoya comme une secousse à travers le corps de Tess, ainsi que le sien. Liés par leurs regards, il se pencha pour embrasser ses lèvres.
« Monsieur, Madame, vos chambres sont prêtes. » Le garçon d'étage avait interrompu le moment.
« C'est tant mieux, plaisanta Tess, je suis épuisée.
— Moi aussi », répondit Jake.
Ils se levèrent, sentant des courbatures à des endroits qu'il ne soupçonnaient même pas d'exister. Dans l'ascenseur, ils remarquèrent que leurs chambres n'étaient pas aux mêmes étages. Voilà qui leur donnait une raison d'avoir à se quitter. La chambre de Tess était au premier. Elle donna à Jake un baiser léger sur la joue et disparut.
♦♦♦
Une fois installée dans sa chambre, Tess sortit de la salle de bain et enfila un peignoir léger fourni par l'hôtel. Elle se sécha et commença à coiffer ses cheveux. Ça lui prit peu de temps. Elle se remercia d'avoir pris la pratique décision de garder ses cheveux courts. Elle ne pouvait supporter l'idée d'avoir à se faire les cheveux pendant toute une heure. Elle se sentait totalement épuisée, de corps et d'esprit, non seulement par la récente épreuve, mais aussi par la mort prématurée de Dan, et son impuissance de l'avoir empêchée. Elle se sentait immensément seule.
On frappa un coup à la porte, elle regarda par le judas et vit Jake. Elle ouvrit la porte. Jake se tenait sur le seuil, vêtu d'un T-shirt propre et d'un pantalon. Il avait aussi l’air triste et épuisé. Il ne dit pas un mot.
« Entre », dit-elle.
Jake franchit la porte lentement, comme s'il entrait dans un lieu sacré. Il restait silencieux, fixant Tess, son regard perçant le sien. Elle ressentait sa tristesse et son désarroi.
Le monde s'arrêta. Elle ferma la porte. Jake continuait à la regarder fixement, son envie d'elle palpable et écrasante, espérant de tout ses sens qu'elle ne le refuserait pas. Roger ne l'avait jamais regardée de cette façon. Cela fit fondre toutes ses défenses et Tess sentit dans son corps et dans son âme son propre besoin de contact, de réconfort et de refuge. Elle ne voulait pas non plus le refuser.
Elle alla vers lui, se lova dans ses bras et l’embrassa doucement, ouvrant ses lèvres, signifiant ainsi son acceptation et son abandon. Jake tremblait, s'efforçant de la toucher très doucement, plutôt que de se précipiter à la posséder et à plonger dans la magie de l'oubli dont il avait pourtant désespérément besoin.
Tess s'éloigna, le prit par la main et le fit asseoir sur le lit. Elle ouvrit son peignoir et se tint debout devant lui, fièrement, telle une déesse et dans son attente d'être adorée, elle cachait ainsi sa propre envie. Le cœur de Jake battait à tout rompre. Il ressentit de la crainte et de l'émerveillement pour ce que la force de vie universelle avait créé, la Femme – cette femme — peut-être la seule bonne raison pour lui de continuer à vivre.
Jake retira ses vêtements, révélant un corps gracieux, mince et musclé. Toujours assis, il 'attira doucement à lui, admirant son corps. Il souffla doucement sur ses mamelons, entre ses seins, jusqu'à son centre, entre ses cuisses. Il saisit ses hanches et caressa légèrement son ventre de ses lèvres et de son visage. Il sentit les muscles de son abdomen, s'émerveilla à la pensée que bientôt, elle allait l'accueillir à l'intérieur d'elle.
Il se leva et l'embrassa, debout, savourant le merveilleux sentiment de son doux corps contre le sien. Il frotta doucement ses lèvres contre sa nuque. Il caressa ses oreilles, se frotta doucement contre ses joues et lui embrassa doucement les paupières. Il posa ses lèvres sur ses seins enveloppés d'une peau lumineuse et nacrée, si mince qu'il put deviner le tracé microscopique de ses veines. Son pénis se frotta à sa vulve et il la sentit chaude et humide. Elle commença à trembler.
Tess s'abandonna, s'allongea sur le dos, le souffle court, son corps mourant d'envie d’être touché et exploré. Une fois encore, elle laissa Jake goûter sa chair. Doucement, il embrassa chaque centimètre carré de sa peau veloutée, son cou, ses oreilles, ses seins, son ventre et le creux de son corps où se cachait le plaisir. Il n'en avait jamais assez.
Ils continuèrent de s'embrasser doucement jusqu'à ce que Tess prit les devants. Elle prenait toujours les devants. Elle le retourna sur son dos et commença à faire glisser sa langue sur son imposante érection, léchant la tête luisante et la hampe de son sexe.
Puis elle l'enfourcha, le faisant pénétrer dans sa cavité humide et invitant son sexe durci à progressivement entrer en elle. Elle commença à bouger en rythme, savourant cette invasion douce et profonde au creux de son corps. Elle eut un orgasme soudain.
Jake dévorait des yeux ce corps de femme magnifique qui vibrait de plaisir sur lui, mais il ne voulait pas encore y mettre fin. Il voulait la prendre à sa manière. Il l'installa sur son dos et la laissa guider sa virilité à l'intérieur d'elle. Il entra en elle et commença à imprimer un mouvement régulier, baisant amoureusement sa bouche et ses seins jusqu'à ce que, à nouveau, elle répondit. Il augmenta son rythme jusqu'à ce qu'elle se mettre à gémir de plaisir. Ses hanches se cabrèrent et il poursuivit ses profonds coups de reins, puis ils atteignirent l’extase mutuelle. Plus qu'un simple acte d'amour, c'était une réaffirmation à la vie, à l'amour, à l'espoir — une échappée d'un monde qui était souvent hostile et cruel. Ils s'endormirent dans les bras l'un de l'autre.
9 - Lutter pour un Autre Jour
Amir se réveilla avec l'un des pires maux de tête qu'il ait jamais connu. Il lui fallut plusieurs instants pour réaliser ce qui lui était arrivé. « La garce ! » bougonna-t-il, « Elle avait planifié ça depuis le début! » Il se leva péniblement et s'assit sur le bord du lit, encore étourdi par le coup qu’il avait reçu à la tête.
« Kejal ! » appela-t-il, avec moins d'autorité que d'habitude toutefois. Le seul son de sa propre voix le lançait douloureusement. D'habitude, Kejal apparaissait dès qu'il l'appelait. Pas cette fois-ci. Amir parvint à se lever et partit à la recherche de la femme. Il ne trouva personne, pas même ses fidèles serviteurs. Il alla vers la porte d'entrée et c'est alors qu'il se rendit compte que sa plaie à la tête saignait. Il franchit la porte et une scène de chaos l'accueillit. Plusieurs de ses hommes étaient allongés au sol, morts, d'autres se bousculaient en courant et en criant et une épaisse fumée s'échappait de la geôle. Il demeura sur le palier quelques instants ; le sang coulant de sa tête tâchait le plastron de son magnifique peignoir et c'est alors qu'un de ses hommes le reconnut.
« Général, les prisonniers se sont échappés et ont causé beaucoup de dégâts !
— D'après ce que je vois, c'est un euphémisme. »
Il appela Kemal, le commandant de garnison, ainsi que deux de ses officiers supérieurs. Il exigea des explications.
Kemal brandissait un fusil d'assaut Kalachnikov AK-47, tentant de faire croire qu'il maîtrisait quelque peu la situation. Il n'éprouva cependant aucun plaisir à l'idée de mettre le général au courant des faits, mais il n'avait pas le choix.
« Général, c'est cette femme aidée de sauveteurs américains qui est responsable ! Ils nous ont surpris. Trois hélicoptères américains nous ont tiré dessus ! »
Devant tant d'ineptie, Amir en perdit ses mots. « Et qu'avez-vous fait, imbécile ?
— Nous avons riposté, Général, mais ils avaient une grande puissance de feu. Devinant qu'Amir allait lui tirer une balle entre les yeux, il rajouta : La femme, Kejal, les a aidés mais je crois que j'ai réussi à l'abattre ! »
Amir porta sa main à sa hanche où, généralement, il gardait son arme attachée mais se souvint qu'il n'était pas habillé pour l'occasion. Il aurait tué le malheureux soldat mais se contenta de lui asséner un coup de poing au visage qui envoya l'homme au bas de l'escalier.
« Où est la femme ?! demanda-t-il.
— Ils l'ont emmenée avec eux à bord de l'hélicoptère, Général. Kemal, toujours sur le dos, leva les bras pour parer à d'autres coups. Le général lui donna un coup de pied.
— Serais-je donc maudit d'avoir des eunuques pareils ! » Un autre coup de pied.
Amir pivota sur ses talons et monta à l'étage pour regagner sa suite et se changer. Il ne voulait pas se l'admettre à lui-même mais il s'était pris d'affection pour Kejal. Elle était froide comme la glace, obstinée et pleine de colère. Il lui avait brisé sa superbe et l'avait forcée à le servir et le rejoindre au lit chaque fois qu'il en éprouvait l'envie. Il aimait cette hostilité et ce mépris passifs qu'elle affichait. Son sentiment de domination n'en était que plus grand — imposer son corps à sa volonté, sans aucun semblant d'affection ni de préliminaires. Il sentait son silence et sa résistance quand il la possédait, savourant sa soumission et le sentiment qu’il n’utilisait les vaincus que pour se faire plaisir et sans avoir à en donner. Pourtant, il s'était habitué à sa présence et avait commencé à apprécier sa beauté et son élégance. l avait fini par nourrir l'espoir qu'elle finirait par accepter ce qui était arrivé à sa famille, que rien n’était tout noir ou tout blanc. Maintenant elle avait disparu à cause de ces analphabètes abrutis, eux et cette perfide garce américaine. C'est de ma faute, se dit-il. J'aurais du la prendre sur le champ, cette salope, au lieu d’avoir prétendu vouloir la séduire.
Il nettoya sa blessure, revêtit son uniforme, enfila sa ceinture de cuir à laquelle son arme était attachée et alla remettre de l'ordre au chaos à l'extérieur. En enjambées rapides, il évalua les dégâts, ordonna que les morts soient enterrés, que les blessés soient expédiés à l'hôpital voisin, espérant que ce dernier tint encore debout.
Après avoir remis de l'ordre dans le domaine, il convoqua une réunion du personnel dans son bureau.
Sur ordre immédiat, ses hauts commandants retournèrent des lignes de bataille, assemblés autour de la longue table en compagnie d'Abdul Tek, le chef du groupe fedayin affecté aux unités d'Amir.
Amir était assis en bout de table et demanda une mise à jour tactique. Un colonel résuma la situation. Les Britanniques avaient pris Bassora. Les Américains traversaient le désert à une vitesse incroyable et détruisaient tout sur leur passage. Il était évident qu’ils se dirigeaient vers Bagdad, et il n’y avait pas grand chose que les Irakiens puissent y faire.
Le reste des officiers était d'accord avec l'évaluation de la situation et ils se tournèrent vers Amir en attente de conseils, d'ordres, de tout ce qui pût leur donner de l'espoir.
Amir resta silencieux. 'C'est une répétition de la Guerre de 1991, mais en pire', pensa-t-il. À l’époque, Amir était aux commandes d'une unité de chars. Il se sentait fier de faire partie de la quatrième plus grande armée du monde et fier de son bataillon de T-55 de fabrication russe. C'était un armement efficace — un fait établi par plusieurs victoires sur les iraniens en 1980.
Mais au cours de la guerre du Golfe, les Irakiens avaient gravement sous-estimé l’efficacité des forces de la Coalition dirigée par les Américains.
En très peu de temps, en 100 heures, l'ennemi domina par une attaque au sol d'une rapidité surprenante, déchaîna une puissance de feu phénoménale et réduisit la résistance irakienne à sa désintégration. La plupart des unités irakiennes capitulèrent, alors que d'autres avaient été détruites ou battaient en retraite. De ces dernières, les équipements furent abandonnés et les hommes s'enfuirent vers Bassora.
Dans une tentative désespérée pour ralentir l’ennemi, certains éléments de la Garde Républicaine s'étaient engagés dans des combats contre les forces de la Coalition. Mais sans commandement central, ces éléments épars agissaient isolément et avaient perdu toute cohésion.
Les unités d'Amir tentèrent courageusement de retarder l'envahisseur pour permettre à autres unités de battre en retraite. Ses hommes et lui-même se mesurèrent contre les Américains mais la portée de leurs canons n'était pas comparable à celle des chars Abrams et des armes de l'ennemi. Tous les tirs provenant des T-55 vieillissants d'Amir tombaient court. L'attaque des unités américaines fit subir l'enfer aux positions irakiennes, détruisant 61 chars et 34 blindés de la Division Médina en moins d'une heure. À la fin de la bataille, Amir gisait blessé à l'extérieur de son char en feu. Les Irakiens furent dépassés par la puissance de feu de la plus formidable des forces armées que le monde ait jamais vu. L'ensemble de son unité était en flammes. Partout, des chars déchiquetés, certains encore en feu, explosaient sous l'intensité des flammes qui les engloutissaient. Mais le plus horrifiant était l'odeur de chair brûlée et les hurlements des membres survivants d'équipage qui tentaient de sortit de leurs chars en feu, créant un spectacle surréaliste.
Amir n'avait aucune illusion de victoire cette fois. Abdul, le commandant fedayin, était partisan d'un combat à mort. « Quelle plus grande gloire que de mourir pour l'Islam et pour le Grand Leader Saddam ? »
Amir garda le silence. Il avait horreur d'Abdul, un fanatique révoltant. Lui et sa bande de barbares avaient été affectés aux unités d'Amir ainsi qu'à d'autres, non pour se battre, mais pour s'assurer que les commandants et soldats de terrain le fassent. Au moindre doute, ils étaient autorisés à tirer les réticents d'une balle dans la tête. Abdul et ses hommes s'étaient déjà livrés à un petit nombre de ces exécutions pour marquer les esprits. Quand Amir l'apprit, il avait attrapé Abdul par la gorge et lui avait promis de le détruire s'il osait faire une telle chose sans son autorisation, et au diable les ordres de Saddam.
Abdul fit une suggestion. « Général, je sens que nous avons besoin de motiver les troupes pour combattre les Américains. Ils ont entendu des rumeurs sur ce qui se passe s'ils résistent à l'ennemi, le moral des troupes est bas. J'ai entendu parler de défections. Nous ne pouvons pas tolérer ça.
— Qu'est-ce que vous proposez ? » Amir le sentit venir.
Abdul se leva et commença à marcher dans la pièce, forçant les policiers à le suivre de leurs yeux. « Les Romains savaient comment faire pour garder les soldats et les guerriers féroces et motivés. Parfois, lorsque les légions faillaient, les généraux avait recours à la pratique militaire de décimation. Celles qui étaient peu performantes au combat étaient punies en désignant une escouade de dix soldats tirés au sort et en les battant à mort avec des bâtons. »
L'un des officiers pâlit et manqua de tomber de sa chaise. « Vous êtes fou ! Est-ce ce que vous proposez pour nos troupes — maintenant ? »
Abdul haussa les épaules. « Pas besoin d'être barbares. Une balle dans la tête ferait l'affaire. »
La pièce plongea dans un profond silence. Enfin, Amir se leva et déclara : « Cela se comprend. Nous devons lutter pour ralentir la progression de l'ennemi. Nous ferons comme Abdul suggère. Rassemblez les hommes pour dans une heure. Rompez ! » Tels des zombies, les officiers quittèrent la pièce l'un derrière l'autre.
Seul Abdul resta. Une fois seul avec Amir, il dit : « Général, pour un meilleur effet, vous devriez exécuter un ou deux de vos officiers les moins enthousiastes. Je pourrais vous en recommander quelques uns si vous voulez. »
Amir fixa le fanatique d'un regard meurtrier. « « Pas tout de suite ! » Il sortit en trombe.
De retour dans son bureau, il convoqua le Colonel Najaf. Lorsque l'officier arriva, il ferma la porte.
Moins d'une heure plus tard, les troupes furent rassemblées et se mirent en rang. Amir et ses hauts-gradés se tenaient devant eux. Abdul était juste à côté d'Amir. Sa troupe d'assassins un peu à l'écart.
Le commandant fedayin souriait d'anticipation à l'approche de l'exécution de ces lâches. Tout comme ses hommes, qui avaient l'air visiblement plus détendus par rapport au reste des troupes. Il attendait qu'Amir donne le top pour que l'odieux massacre commençât enfin.
Amir dégaina son revolver. Il regarda ses troupes et, sans aucun préambule, tira une balle dans la tête d'Abdul. Le fedayin s'effondra comme heurté de plein fouet par un véhicule, sa tête à demi arrachée. Ce fut le signal. Les soldats du premier rang des troupes d'Amir pulvérisèrent l'escadron de fedayin de leurs armes automatiques. Ils tombèrent tous instantanément. Il y eut un moment de silence. Le reste des soldats se tenait immobile, en état de choc, tentant de saisir la scène. Ceux qui avaient exécuté les assassins firent tomber leurs armes, dégainèrent leurs poignards et tombèrent sur les cadavres comme des loups. Avec des cris de fureur, ils se mirent à poignarder et à mutiler les cadavres.
Le commandant en second d'Amir esquissa un mouvement pour intervenir mais le général l'attrapa par le bras. « Laissez-les. Laissez-les prendre leur revanche sur leurs camarades assassinés par ces porcs. » Leur désir de vengeance assouvi, ils s'arrêtèrent, leurs visages, leurs mains et leurs uniformes couverts de sang.
Puis Amir s'adressa à ses troupes.
« Soldats d'Irak ! L'ennemi approche à grands pas. Notre courage est sans faille mais nos armes sont moins performantes que les leurs. Si nous les combattons, nous allons presque certainement à notre mort. » Il fit une pause pour plus d'effet.
Il se remémora une phrase prononcée par Tess et décida de l'utiliser.
« Il n'y a pas d'honneur à se lutter pour une bataille perdue. Vous pouvez luttez si vous le souhaitez, mais je vous autorise à tomber les armes, rendre vos uniformes et rentrer chez vous dans vos familles. Si vous rencontrez des Américains, ne leur résistez pas. Restez en vie pour protéger vos familles et pour vivre dans le nouvel Irak qui se dessine ! Je vous demande une dernière chose : positionnez les chars et les véhicules en formation de combat. Et éloignez-vous des équipements, c'est ce que l'ennemi ciblera, cela ne fait aucun doute. Dès que vous en aurez fini, vos officiers vous laisseront disposer. Bonne chance et qu'Allah vous garde ! » Amir salua ses troupes, leur tourna le dos et rentra vers le palais.
Tout en marchant, il fit signe à Kemal de le suivre.
« Je me mettrai en route d'ici une heure. J'ai pris des dispositions pour quitter le pays jusqu'à ce que les choses se calment. Je veux que vous et une douzaine d'hommes restiez pour protéger ma résidence. Quand les Américains arriveront, n'opposez pas de résistance. Dites-leur que vous êtes des serviteurs et que vous attendez le retour de votre maître. Vous n'avez rien vu et vous ne savez rien. Expliquez-leur que vos armes servent juste à tenir les pillards à l'écart. Vous comprenez ?
— Oui, Général ! » Les genoux de Kemal tremblaient.
— N'ayez pas peur. Les Américains vous poseront une multitude de questions. Mais quand ils se rendront compte que vous ne représentez aucune menace, ils vous laisseront tranquilles. Restez ici, prenez soin du domaine, et je vous récompenserai généreusement.
— Général, où irez-vous ? Kemal demanda.
— Je vais essayer de me rendre à ma résidence à Istanbul. Je reviendrai dans quelques mois quand la guerre aura pris fin. Les choses finiront par revenir à la normale. Il en a toujours été ainsi. Maintenant, allez et préparez vos hommes. »
Amir se rendit à l'intérieur, emballa quelques affaires, détruisit des documents et sortit une valise pleine de dollars américains. Il enfila des vêtements civils, se rendit au garage et se glissa au volant d'une Mercedes tout terrain. En chemin, il fit monter deux gardes du corps puis s'en alla pour la Turquie. Les Américains ne viendraient pas dans cette partie du pays avant plusieurs jours et il avait soigneusement préparé sa fuite. Avec assez de pots-de-vin, vous pouvez achetez presque tout. 'Je reviendrai ! Un jour, à la grâce d'Allah, je m'occuperai de ce commandant américain.'
10 - La Quête
Jake se réveilla et tâtonna le lit, dans l'espoir que sa main se pose sur la poitrine de Tess. Pas de chance. Il parvint à ouvrir les yeux et entendit l'eau de la douche s'écouler. 'Je ne peux pas croire qu'elle est déjà debout,' pensa-t-il. Son corps n'était que douleurs et courbatures ; il était endolori et couvert d'ecchymoses et se sentait toujours fatigué au-delà de l'épuisement. Il voulait juste se rendormir, tenant Tess dans ses bras.
Tess entra dans la chambre, se séchant d'une serviette, négligemment et délicieusement nue.
« Bonjour, marmotte, plaisanta-t-elle en fouillant dans son sac à la recherche de sous-vêtements.
— Où vas-tu ? Jake répondit, quelque peu agacé de la voir ainsi. La dernière chose qu'il voulait était de voir Tess se rhabiller. Tu n'as pas à te lever. On peut appeler le room service. »
— Moi j'avalerai quelque chose en chemin. »
Jake répéta sa question : « Où allons-nous ?
— Je retourne à la base. J'ai déjà appelé pour que mes hommes se préparent à retourner à la propriété du général irakien.
— Tu es malade ? On a traversé l'enfer pour t'en sortir et tu veux y retourner ?
— Oui, répondit Tess. Je veux y retourner pour savoir où le général a planqué la fille de Kejal. Ensuite, j'irai la trouver. » Elle finit d'enfiler sa tenue.
« Tess, réfléchis. Tu as été capturée. Selon le protocole, l'armée ne vous laissera pas retourner au combat avant de vous avoir débriefée et d'avoir fini votre évaluation psychologique. Tu as même droit à être rapatriée ! » Sa voix avait un soupçon de désespoir. Il était déçu jusqu'au fond de son âme. Il la voulait au lit, pas dans le désert à pourchasser des chimères.
« Je me fiche du protocole. Je vais retrouver cette fille avant que ce salopard ne la tue, point ! » Il n'y avait pas à argumenter.
Jake, encore nu, sortit du lit à contre-cœur. Il s'approcha de Tess et la saisit par les épaules. « Es-tu toujours aussi implacable ? »
Tess se libéra violemment, repensant brusquement à la façon dont Amir l'avait malmenée. « Tu me fais mal ! Lâche-moi ! »
Jake ôta ses mains et dit d'un ton implorant : « Tess, on a vécu l'enfer, tous les deux. Nous devrions vraiment nous reposer et nous remettre de l'épreuve. Et puis, j'aimerais passer plus de temps avec toi ! »
Tess mis sa casquette. « Ne te fais pas d'idée, mon pote ! Cette nuit c'était juste pour le réconfort. On ne va pas y donner plus d'importance que ça n'en a. »
Jake n'était pas du tout d'accord. « Tu crois vraiment que c'est ce que c'était ?
— Ils disent tous ça quand ils en veulent plus. On ne va pas en faire un plat. Allez, habille-toi. Si tu veux passer plus de temps avec moi, ça sera dans un hélico, pas dans un lit ! »
Jake était furieux. Il aurait voulu lui déchirer ses vêtements militaires, mettre à nu cette chair qu'il désirait tant, la jeter sur le lit et l'étouffer de son corps qui hurlait d'envie de la posséder encore une fois. Hier soir avait été doux et bref. Maintenant, il voulait lui montrer un désir qu'il n'avait pas éprouvé depuis longtemps.
« Tess, sois réaliste ! Les chances de trouver cette fille sont pratiquement nulles. Et même si tu la retrouves, ce salopard l'aura probablement déjà tuée.
— Si tu ne viens pas, j'irai seule. Ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini, comme ils disent. »
Jake avait envie de hurler et de partir, mais son envie pour elle était plus forte. Il se rendit compte que ça n'arriverait sans doute pas maintenant. Il fallait que ce soit fait à sa manière à elle. Une fois qu'elle était décidée, rien ne pouvait l'arrêter.
« Très bien, Tess, d'accord. Laisse-moi rapidement prendre une douche et on y va, se résigna-t-il.
— Parfait. Je descends et je nous prends deux paniers repas. Je t'attends devant l'hôtel dans le Humvee. » Et voilà. Fin de la discussion.
Jake paya rapidement la note, sauta à bord du véhicule que Tess gardait moteur allumé sur le perron de l'hôtel, ils s'en allèrent pour la base. Pendant qu'ils mordaient dans leurs sandwiches, ils commentaient sur l'ironique coexistence d'une ville relativement moderne bourdonnant d'activité au cœur d'importants combats dans l'arrière-pays. Tout semblait normal. Des femmes, des hommes déambulaient en ville, des travailleurs se rendaient à leurs emplois, des clients visitaient les centres commerciaux. Le seul signe anormal était la présence de véhicules militaires aux carrefours principaux.
Après le check-point de la base, ils s'arrêtèrent au poste de commandement. Tess sauta du Humvee avec l'aisance d'une ballerine, ce qui impressionna Jake dont le corps souffrait encore de profondes courbatures. C'est vraiment autre chose, cette femme, pensa-t-il. Derrière sa beauté, c'est une dure à cuire avec une dose de détermination et de motivation que peu d'hommes possèdent.
Tess frappa à la porte du colonel Reynolds. Le Chef Opérations la fit entrer.
« Tess, où diable étiez-vous passée ? J'ai des hommes partis à votre recherche !
— Ne vous inquiétez pas, Chef. Je sus juste allée à Koweït City pour me reposer.
— Vous ne deviez pas être dehors. Pour tout dire, vous devriez être à l'hôpital.
— Pas de temps pour ça, Chef. Je veux faire partie des unités envoyées sur les positions du Général al-Saadi. J'ai quelque chose à finir.
— Oui, j'ai appris ce qui vous êtes arrivé, et même si je comprends votre envie de vous venger, je ne peux pas le permettre. Laissez la Troisième d'Infanterie s'occuper de lui. Vous avez vécu un véritable enfer. J'aimerais que vous preniez du repos.
— Colonel, si je n'y retourne pas, Amir va tuer une petite fille. Sa mère m'a sauvé la vie. Je dois tout faire pour la trouver avant que le général n'y arrive. »
Le Colonel Reynolds était habitué à argumenter avec Tess. En fait, il n'y avait jamais eu une seule fois où elle avait obtempéré sans faire d'histoire.
Il était temps d'user du langage officiel. « Commandant, ma réponse est non. Vous avez été prisonnier de guerre ; vous n'avez pas fini votre examen médical ni votre débriefing. Vous devriez poser votre demande de rapatriement. Vous avez fait votre devoir. Laissez tomber !
— Colonel, non seulement ai-je fait une promesse à une femme mourante, mais les salopards que je recherche ont tué le Commandant Gardner. Je sais où ils se trouvent, je connais la configuration des lieux. Je peux y entrer et faire ce que j'ai à faire en seulement quelques heures.
— Et comment voulez-vous que j'explique ça à votre père ? Que vous avez perdu la tête ?
— Merci pour le compliment, Chef, mon père comprendra. »
♦♦♦
Tess et Jake embarquèrent à bord d'un hélicoptère avec deux membres d'équipage. Ils décollèrent et partirent pour la propriété d'Amir al-Saadi. Quand ils arrivèrent sur les lieux, ils virent beaucoup de fumée mais aucune activité. Ils atterrirent à peu de distance avec un artilleur prêt, en cas de menace.
Tess et Jake marchèrent rapidement sur le manoir et découvrirent les corps des fedayin exécutés par al-Saadi.
Les portes du manoir étaient verrouillées et un serviteur leur dit qu'il avait ordre de protéger la maison de son maître. Jake lui parla en arabe et lui assura que les Américains feraient sauter la maison s'il ne les laissait pas entrer. Le serviteur obtempéra et ouvrit la porte.
Jake l'attrapa par la gorge et lui demanda : « Où est votre maître et où est la petite fille ? » L'homme terrifié révéla que le général était parti avec l'enfant et quelques troupes mais ne savait pas où. Jake essaya de tirer plus d'information du pauvre homme mais il n'en savait manifestement pas plus.
« Jake, peut-être ne sait-il pas où Saadi est parti, mais peut-il nous en dire plus sur ses activités ? »
Encouragé par quelques gifles et quelques des coups de pieds, le serviteur fit enfin part de quelques informations utiles. Le général avait un appartement à Istanbul, un à Paris et une propriété non loin de Londres. Il pouvait être dans l'un de ces endroits.
Jake lança un regard rempli de tristesse à Tess. « Il nous a échappé. Il est hors d'atteinte.
— Seulement si tu l'acceptes, contra Tess. Je vais aller le trouver ! »
Jake perdit patience. « Dois-je te rappeler que nous sommes encore dans l'armée ? Tu ne peux pas aller parcourir le monde juste pour retrouver ce type ! »
Tess désapprouva. « L'armée ne nous laissera pas retourner à l'action avant qu'on ne termine notre évaluation et notre débriefing. Ensuite, ils nous laisseront partir en permission. Voilà comment j'ai l'intention de partir à la chasse de ce salopard. »
Jake lança ses bras en l'air. « Tu es complètement folle !
— Merci, rétorqua Tess. Je ne t'ai pas demandé de m'accompagner. Je me charge de cette mission.
— C'est ce qu'on va voir. Tu as besoin de moi pour être sûre que tu penses avec ta tête ! »
Tess croisa ses bras sur sa poitrine. « Tu vas m'immobiliser encore une fois ? Je te jure que je te frapperai avec une brique ! »
Jake sourit. "Si tu crois que je vais disparaître, tu te trompes. Je crois que je vais prendre une permission et aller avec toi dans cette mascarade."
Tess s'énerva. « Ce n'est pas une mascarade. C'est la vie d'une enfant. J'ai promis à sa mère de prendre soin d'elle et c'est précisément ce que je vais faire ! »
Jake se rendit compte qu'il n'y avait rien pour la dissuader. « D'accord, comment envisages-tu de retrouver le général et cette enfant ?
— C'est simple. Tu prends ton carnet d'adresses et tes contacts dans les renseignements pour cerner ce salopard.
— Tu veux que j'utilise des moyens d'état pour ton projet personnel ?
— Je crois que l'état sera inutile sur ce cas. Je te demande juste d'utiliser ton expérience en tant que barbouze pour m'aider à retrouver ce type.
— Je crois que tu es cinglée, observa Jake, mais tu es ma cinglée à moi. Allons-y.
— Merci du compliment, monsieur, Tess sourit. Retournons à la base voir comment partir en permission. »
11 - Naples
S'aggripant à la poignée du véhicule, Jake tentait de ne pas montrer son angoisse face à la conduite énergique de Tess.
« Alors, quel est le plan ? » Jake demanda.
« On devrait prendre une perm et commencer à fouiller du côté d'Istanbul où, d'après son serviteur, Amir a une résidence », répondit Tess tandis qu'elle conduisait le Humvee à tombeau ouvert.
Jake, toujours très pratique, lui jeta un regard interrogateur. « Et on va en Turquie comment ? Nous sommes au milieu d'une guerre, au cas où tu l'aurais oublié.
— Je croyais que c'était toi le créatif. Bon, comme ton imagination semble être au point mort, voyons si on peut trouver un transport militaire pour la base américaine d'Incirlik ou peut-être d'Izmir en Turquie. »
Jake secoua la tête. « On aura besoin d'ordres de mission pour aller là-bas. Ce serait mieux d'aller en Italie, soit à Sigonella en Sicile ou à la base navale de Naples. On aura toujours besoin d'ordres de mission mais ce sera plus facile, les Turques sont pénibles. Ils risquent d'examiner tout mouvement en provenance d'Irak de très près. Ils ne veulent pas être mêlés à ce que nous faisons ici. »
Tess fit une embardée pour éviter une chèvre errante. « Alors, monsieur le barbouze. Tu peux nous produire des ordres pour l'Italie ? Ça ne me dérangerait pas une bonne platée de pâtes.
— Je vais voir avec mes contacts s'ils peuvent nous trouver un motif pour nous envoyer là-bas. »
Jake et Tess arrivèrent à la base et, durant deux jours, ils se plièrent à une série de réunions et d'évaluations médicales.
Les opérations militaires atteignaient leur point culminant, les unités pénétraient Bagdad avec peu de résistance active. À ce stade, ce n’était plus qu'une question de temps avant que les Irakiens ne capitulent.
Jake fit appel à tous ces atouts pour leur faire délivrer des ordres pour Naples et prétendument briefer l'antenne locale de la CIA sur les progrès de la guerre. Le jour suivant, ils montèrent à bord d'un avion de transport et arrivèrent à Naples en peu de temps.
En descendant de l'avion, Jake jugea utile de souligner une évidence. « Okay, Commandant, maintenant que nous sommes ici, nous sommes livrés à nous-mêmes. On peut obtenir un congé, mais nous devons payer nos vols et nos dépenses pour Istanbul de notre poche. Et je ne pense pas que mon salaire de la CIA nous mènera loin. » Jake avait en réalité une importante cagnotte ; il n'était pas certain cependant de vouloir l'utiliser pour une quête qui pouvait s'avérer vaine.
Tess répondit : « Ce n'est pas un problème. J'ai de l'argent.
— Bon à savoir. »
En fait, Tess n'avait pas beaucoup d'argent. Elle pouvait compter sur son père, mais elle ne voulait pas l’impliquer dans son plan. Elle ne voulait pas l'alarmer en lui annonçant qu'elle et son partenaire s'embarquaient dans une aventure improbable.
Aussitôt libérés du service, ils prirent un taxi pour le centre de Naples. Tess annonça qu'elle avait fait une réservation au Grand Hôtel Vesuvio, un superbe palace avec des chambres à balcon avec vue sur la mer. C'était l'un des lieux de séjour préférés de Tess. Situé sur le front de mer, l'établissement surplombait le Golfe de Naples, l'île de Capri et le Mont Vésuve.
Aussi coriace qu'elle fût, Tess appréciait le confort matériel que son éducation privilégiée lui avait donnée. Elle avait souvent séjourné dans cet établissement, lieu d'étape vers la résidence de vacances de sa tante à Capri.
Jake proposa une meilleure idée.
Il guida le taxi à travers les rues anciennes et sombres de Naples et le fit s'arrêter devant un portail de fer décrépit dans une allée lugubre flanquée de hauts immeubles qui faisaient sécher leur linge au-dessus de la ruelle.
Tess était un peu consternée. L'entrée de la rue était sombre et inhospitalière.
Jake lui attrapa la main et ils grimpèrent un escalier en béton jusqu'au deuxième étage. Il les fit s'engouffrer, avec leurs petits sacs de voyage, dans le vieil ascenseur, puis il se mit à fouiller dans ses poches. Un petit panneau informait que le coût de l'ascenseur était de 10 centimes — pas idéal quand vous arrivez avec des bagages lourds et aucune pièce de 10 centimes ! Tess comprit alors pourquoi Jake avait insisté pour acheter un café à l’aéroport.
Miraculeusement, la pièce ramena l'ascenseur antédiluvien à la vie, les dégorgeant dans l'aire de réception d'une Pensione, la version italienne d'un B&B.
Le type à la réception était serviable et efficace, pas extrêmement sympathique et accueillant, mais acceptable. Il informa les clients que la réception fermait à 20 heures et qu'il fallait se conformer aux instructions au sujet de quelle clé ouvre quelle porte s'ils retournaient à la Pensione tard dans la soirée.
Tess était prête à repartir, mais Jake lui prit la main et l'emmena dans la chambre. Étonnamment, elle était propre et de bonnes dimensions. Le lit était grand et confortable, les placards de rangements généreux. En comparaison, la salle de bain était un peu décevante. Elle était propre mais montrait des signes d'usure ; il y avait des tâches noires au fond du bac à douche, traces des ravages d'années d'humidité, et aussi quelques égratignures sur la porte. Un rideau de douche laid et bon marché complétait le décor.
Tess regarda Jake d'un air interrogateur. « J'espère que tu te rends compte que je suis habituée à mieux que ça. »
Jake sourit. « J'en suis sûr. »
La chambre ouvrait sur une terrasse commune et chaque chambre avait sa propre table et des chaises. Le réceptionniste avait souligné qu'ils pouvaient y prendre leur petit déjeuner. Jake dit qu'ils le feraient si le temps le permettait.
Ils laissèrent leurs sacs dans la chambre et retournèrent au dehors. Bientôt, Tess devait avouer que se trouver proche du centre-ville et à portée des attractions était bien pratique. Ils virent de nombreux endroits où manger et découvrirent de merveilleuses petites rues. Les ruelles débordaient de visiteurs, de musiciens, de marchands, de restaurants et de boutiques. Tant de choses à voir !
Finalement, Jake entra dans un petit restaurant. Une vieille femme potelée les vit et leur dit en italien : « Signor Jake ! Où avez-vous été tout ce temps ? Vous ne m'avez pas rendu visite depuis au moins un an. »
Jake la prit dans ses bras et lui présenta Tess. « Voici Mamma Assunta, le meilleur cuisinier de Naples ! »
Mamma prit Tess dans ses bras et déclara : « Jake, quelle honte, tu ne lui donnes donc pas à manger à cette pauvre jeune fille !? » Elle s'écarta et évalua Tess du regard. « Aucun souci. Nous allons la nourrir comme il faut ! Maintenant, asseyez-vous. »
Le couple se glissa à une petite table. Tess prit un des grissini, des petits bâtons de pain, et le trempa dans un bol d'excellente huile d'olive. Le garçon apporta une bouteille de vin. Tess nota l’étiquette — Taurasi. « Jamais entendu parler. »
Jake en versa un peu dans son verre. « C'est un vin de région. » Tess goûta et le trouva merveilleux, un vin superbe, corsé et opulent.
Il n'y avait pas de menu et Jake ne s’embarrassa pas d'aller en chercher.
Tess le piqua de son pain et tout en en mâchant un autre : « Je suis affamée ! » Jake jeta un coup d’œil vers la cuisine et annonça que la nourriture était en chemin. « Mamma ne s'embête avec les menus. Elle sert juste ce qu'elle est en train de préparer. »
Une jeune femme apporta plusieurs plats de service et les déposa devant eux et il y avait beaucoup plus nourriture que ne pouvaient ingurgiter deux personnes. Jake se lança dans la description des plats. « Ce plat est appelé Pasta Alla Genovese. Il a une base de sauce oignon-et-bœuf semblable à la soupe à l'oignon française, servie sur des rigatoni. »
Tess sentit l'arôme divin du plat. « Je suppose que ça vient donc de Gênes.
— Pas vraiment, dit Jake. C'est en fait le plat napolitain par excellence. Personne ne sait pourquoi on l'appelle Genovese. »
Il montra un autre plat. « Celui-ci, c'est du polpettone, un pain de viande farci aux légumes. C'est délicieux. Et ceci est du scammaro, une omelette sans œufs. Elle est assaisonnée de câpres, d'olives, de persil, de quelques tranches de courgettes et de chapelure. Les habitants recommandent de rajouter des anchois, mais de nombreux touristes ne les apprécient pas. Une fois que tu auras goûté à ce plat, tu deviendras accro. »
Tess était affamée et n'attendit pas la fin de l'explicatif des plats. Elle se servit une part de nourriture et commença à manger. « C'est délicieux », observa-t-elle.
Jake était encore en pleine explication et son attention se porta sur le reste des plats. « Ceci est de la tostata di tagliolini, avec du fior di latte fumé, des petits pois, du jambon, de la sauce béchamel et du Parmesan. Et là, une belle frittata de riz. »
À ce moment-là, Tess comprit que si elle voulait passer du temps avec Jake, elle devait accepter de l’entendre débiter d'innombrables faits et chiffres à propos de tout. « Jake, j'ai compris ; bonne bouffe. Mange, maintenant. »
Jake suivit son conseil et remplit son assiette de nourriture. Ce qui ne l'empêcha pas de poursuivre. « Les gens pensent que la cuisine napolitaine est à base de sauce rouge mais ce n'est pas forcément le cas. Leur style est infiniment plus sophistiqué. »
Tess, plongée dans la dégustation des plats, tenta de freiner l’assaut de renseignements culinaires. « Bon à avoir. Et maintenant, mange », répéta-t-elle. Jake finit par se taire et suivit le conseil de Tess.
Mais le silence ne dura pas ; Jake continuait ses commentaires interminables entre deux bouchées. Tess avait envie de bâillonner son partenaire.
Puis vint le dessert. Des sfogliatelle, de fines et délicieuses petites pâtisseries en forme de coquilles Saint-Jacques fourrées d'une crème onctueuse faite de ricotta, de sucre, de cannelle et de petits confits d'agrumes, le tout saupoudré de sucre.
Après ces succulents abus de bonne nourriture, ils complimentèrent Mamma avec effusion — c'est, en Italie, une exigence absolue, une loi. Elles les étreignit dans ses bras et Jake l'assura qu'à compter de ce jour, il se chargerait de nourrir Tess.
Ils émergèrent finalement du petit restaurant, cheminant dans les anciennes rues pavées, et rejoignant le flot d'habitants qui s'adonnaient à la coutume du soir, la passeggiata, qui consistait en une promenade pour digérer le dîner, ainsi que de voir et d'être vu.
Après une courte exploration, Jake et Tess s'assirent à un bistrot de bord de mer pour savourer un café, suivi de deux verres de vin. Castel dell'Ovo, l'un des plus vieux châteaux d'Italie bâti par les Romains, se trouvait en face d'eux sur une petite île de la baie. Jake s'apprêtait à un nouveau commentaire encyclopédique mais un regard noir de Tess l'en dissuada.
Ils retournèrent à l'hôtel, un peu étourdis, oubliant presque la raison de leur présence à Naples. Ils prirent chacun une douche, puis Jake s'allongea sur le lit, s'extasiant de la piètre qualité du programme télé local.
Tess sortit de la salle de bain entourée d'une serviette. « N'attends pas grand-chose du programme télé. Ça ne va pas s'améliorer. La plupart des stations appartiennent à Silvio Berlusconi et il est persuadé que les Italiens se contenteront longtemps de cette merde. De toute façon, on a mieux à faire. »
Elle jeta sa serviette et vint se placer au-dessus de Jake. Il n'offrit aucune résistance.
Tess commença à l'embrasser doucement, puis avec de plus en plus d'intensité. Jake fit de même mais cette fois, elle insista pour mener la danse. Tess lui intima de rester parfaitement immobile, puis se mit à couvrir son pénis en érection de baisers. Elle en aspira tendrement la tête et en lécha la hampe comme s'il agissait d'une friandise. « Roger, mon ex, était très prude et manquait d'imagination. Il ne me permettait pas de faire ça », expliqua Tess entre deux baisers. « Le tien est magnifique, un vrai chef-d’œuvre. J'aime connaître intimement toute chose que je laisse entrer dans mon corps... Délicieux. »
« Merci, mon amour, mais vas-y doucement. Je suis sûr que tu as remarqué, je ne suis pas circoncis. » Jake essaya de bouger mais elle l'en empêcha.
Elle se laissa tomber sur lui, petit à petit, s'émerveillant de cette douce invasion de son corps. Jake tenta une nouvelle fois de bouger mais elle continua de l'immobiliser en l'embrassant. Jake trouva ses préférences de plus en plus difficile à accommoder. Elle poursuivit ses baisers, bougeant à son propre rythme jusqu'à un frémissement soudain, signe de son orgasme bouleversant.
Elle resta allongée sur lui puis commença lentement à se détendre. Jake la renversa sur le dos et s'introduisit en douceur dans le corps de Tess. Il lui imprima de lentes et profondes poussées qui augmentèrent en intensité. Bientôt, Tess répondit de même.
Elle se sentait complètement possédée par son amant et haletait de plaisir. Jake se répandit en elle. Ils restèrent enlacés jusqu'à ce que le sommeil les engloutisse.
12 - Connais Ton Ennemi
Le lendemain matin, Jake et Tess prirent un petit-déjeuner puis se rendirent à pied à la Biblioteca Nazionale Vittorio Emanuele III, la bibliothèque principale de Naples. La bibliothèque, occupant l'aile est du Palazzo Reale construit au XVIIIème siècle, était un chef-d’œuvre d'art et d'architecture royale.
Jake expliqua. « En termes purement quantitatifs, c'est la troisième plus grande bibliothèque d'Italie après les bibliothèques nationales de Rome et de Florence. Elle compte 1.480.747 volumes imprimés, 319.187 brochures, 18.415 manuscrits, plus de 8.000 journaux, 4.500 incunables et les 1.800 papyrus d'Herculanum. »
Tess réalisa alors que le goût de Jake pour les faits, chiffres et une incroyable connaissance de l'histoire relevait plus que du simple enthousiasme.
« Je me demande si je devrais être impressionnée ou inquiète. Ou peut-être que tu plaisantes. »
Jake sourit. « Désolé. J'ai une mémoire eidétique, et je me souviens de tout.
— Tout ? S'exclama Tess. Jake haussa les épaules : La moindre petite pépite d'information : expériences, impressions, visages, faits, chiffres.
— J'espère que c'est une bonne chose. »
Ils étaient à la bibliothèque pour effectuer des recherches sur la ville d'Istanbul. Le larbin du général en Irak leur avait fourni une adresse. En supposant que l'information était fiable, ils devaient localiser l'endroit et se faire une idée des environs. Ils avaient aussi besoin de développer une stratégie. Ils recherchèrent donc toute information pouvant être utile : données, chiffres, cartes. Jake n'eut pas besoin de photocopies. Il mémorisa tout.
Puis il présenta brièvement la situation. « Supposons qu'on retrouve Amir, il ne va pas nous donner la fille de Kejal sans rechigner. L'autre complication réside dans le fait que, en Turquie, Amir n'a enfreint aucune loi, ça ne sera donc pas utile de se rendre à la police. Au contraire, cela risque de soulever beaucoup de questions de la part des autorités locales. »
Jake se connecta à la base de données de la CIA qui contenait les profils des Irakiens les plus importants et y trouva le dossier d'Amir Alkan al-Saadi. Le dossier révéla qu'ils avaient affaire à un adversaire redoutable.
Amir avait fréquenté la British Royal Military Sandhurst Academy, s'étant ainsi préparé à devenir un officier de l'armée ; il reçut son diplôme avec les honneurs. Il poursuivit ses études à l'Université de Cambridge, où il reçut son diplôme également avec les honneurs.
Son ascension au sein de l'armée irakienne fut fulgurante. Il fut décoré pour avoir dirigé une brigade dans le conflit irako-iranien, l'un des plus sanglants du siècle.
En termes de tactiques utilisées, cette guerre avait été comparable à la première guerre mondiale. Les deux fronts avaient eu recours à de longues guerres de tranchées, avec barbelés, postes de mitrailleurs, charges à la baïonnette et vagues d'attaques de soldats entre les deux fronts.
Les combattants firent également usage d'armes chimiques comme le gaz moutarde, utilisé par les Irakiens contre les troupes iraniennes. Les Iraniens répliquèrent de même.
Un autre fait d'armes fit état d'Amir, alors colonel, commandant une brigade de chars de la Garde Républicaine pendant la guerre du Golfe. Il était l'un des rares survivants après que son unité fut anéantie par les Américains.
Considéré comme un haut-gradé important de l'armée irakienne, Amir sut se tenir à l'écart de Saddam Hussein en ne rejoignant pas son premier cercle.
Jake se gratta la tête. « C’est un type coriace, rusé, compétent et expérimenté, pour ne pas mentionner impitoyable. Je ne vois pas comment le convaincre de relâcher cette enfant si elle est encore en vie. »
Tess, revivant les quelques heures passées avec Amir, sembla perdre confiance. « Toutes les chances sont de son côté. Il doit y avoir un moyen pourtant. »
Jake poursuivit sa lecture. « Il semble qu'il n'ait aucune intention de rentrer de sitôt en Irak. Il attendra probablement que la guerre soit finie et que les choses se soient calmées.
— Je pense qu'il peut se le permettre. Je lis ici que la fortune familiale est ancienne, qu'il possède plusieurs maisons en Europe et qu'il a sûrement des contacts un peu partout. Il m'a également dit que des membres de sa famille avait tenu des postes diplomatiques importants depuis l'époque de l'Empire Ottoman. »
Jake repoussa sa chaise et croisa les mains. « En supposant qu'on le retrouve, nous pourrons peut-être le persuader d'une façon ou d'une autre en lui offrant une carotte en échange de la fillette. » Tess se détourna un instant de l'ordinateur. « Qu'entends-tu par carotte ?
— Je suis certain que les alliés et le nouveau gouvernement irakien voudront arrêter les hommes de Saddam pour qu'ils répondent de leurs atrocités envers leur propre peuple. Je peux peut-être mettre au point une promesse d'immunité s'il coopère.
— Si tes contacts peuvent nous faire ça, en effet cela pourrait marcher, observa Tess, mais je me souviens qu'il avait bien fait attention de se tenir à l'écart des actes par trop répréhensibles du camp de Saddam. Il se peut qu'il ne se sente pas menacé puisqu'il n'a rien fait de mal.
— As-tu mentionné qu'il avait été impliqué dans le gazage des Kurdes ? Jake demanda. Ça peut servir de levier. »
Tess fut prise d'une vague de tristesse à la pensée de Kejal qui s'était sacrifiée pour l'aider à retrouver la liberté. « La mère de cette petite fille est morte ; et tout dépend de notre capacité à prouver sa participation à ce massacre, et si même il s'en sent coupable.
— Beaucoup de 'si", observa Jake, mais c'est le seul atout dont on dispose. »
Tess se leva. « Allons à Istanbul et, de là, on avisera. »
Jake se déconnecta de l'ordinateur et remarqua qu'il leur fallait un plan plus solide. « Quel genre de plan ? Je n'en ai aucune idée. » Ils quittèrent la bibliothèque en silence.
Sur le chemin du retour vers l'hôtel, Jake demanda : « As-tu pensé à ce qui adviendrait de cette enfant si on parvient à la libérer ? » Tess s'arrêta. « Non. Je n'ai pas encore réfléchi à ça. »
13 - Istanbul
Le Général Amir Alkan al-Saadi sortit d'un majestueux édifice. Il venait de rendre visite à un ami qui était également ministre du gouvernement turc. Ils avaient discuté de l'invasion de l'Irak et des possibles conséquences du conflit dans la région.
Amir n'éprouvait que du mépris pour la naïveté des Américains, pour leur croyance absurde que la soi-disant démocratie serait souhaitable pour le Moyen-Orient. Les Arabes n'avaient jamais eu de démocratie. Tout au long de leur histoire, c'est le culte de l'homme fort qui leur avait été imposé. Pour ces sociétés tribales aux coutumes et attitudes bien éloignées du monde occidental, il ne pouvait voir comment toute autre modèle politique puisse être souhaitable ni même acceptable.
L'histoire de l'Irak exemplifiait la turbulence et l'interférence des forces occidentales. En 1920, l'Irak fur placé sous autorité britannique par un mandat de la Société des Nations. Les Britanniques installèrent Fayçal Ier d'Irak, roi hachémite, qui avait été forcé de quitter la Syrie à la fin de son "entente politique" avec les Français. Les autorités britanniques placèrent plusieurs élites arabes d'obédience sunnite à certains postes ministériels et gouvernementaux.
Puis la Grande-Bretagne accorda l'indépendance à l'Irak en 1932. Quelques rois éphémères se succédèrent jusqu'en 1941, lorsqu'un coup d’état mit fin au gouvernement. Pendant le conflit anglo-irakien qui suivit, les Britanniques - qui y avaient conservé des bases aériennes - envahirent l'Irak de crainte que le nouveau gouvernement, aligné aux Forces de l'Axe, n'interrompe la fourniture de pétrole aux nations occidentales.
La monarchie hachémite fut restaurée, suivie d'une occupation militaire. Celle-ci prit fin en 1947 bien que la Grande-Bretagne conservât ses bases militaires en Irak jusqu'en 1954. L'Irak vécut alors sous une succession de premiers ministres autocratiques.
Un autre coup d'état, en 1958, mit fin à la monarchie. Plusieurs généraux se succédèrent jusqu'à l'arrivée du Général Saddam Hussein au pouvoir en 1979. Depuis lors, l'Irak a été maintenue sous sa poigne de fer. Tout comme les Britanniques auparavant, il perpétua au sein du gouvernement une domination sunnite, et supprima la majorité de Chiites et de Kurdes. Ces trois peuples ne parvenaient pas à s’entendre. Ils avaient été contraints de coexister dans un territoire dont le tracé était totalement artificiel.
Maintenant que l'Irak avait été conquis par la Coalition alliée, le pays avait besoin d'être gouverné. Amir estimait la tâche hautement compliquée. Il avait peu d'espoir d'un successeur aussi compétent que Saddam. La situation ne présageait rien de bon.
Anticipant le pire, Amir avait fait enlever les pièces d'héritages les plus importantes de sa résidence en Irak et les dispersa entre ses résidences d’Istanbul, de Paris et de Londres. Il se préparait à faire profil bas jusqu'à ce que les choses s’éclaircissent.
En raison de son influence, il obtint l'assurance des autorités turques qu'il y serait toujours le bienvenu. Après tout, plusieurs de ses ancêtres avaient été généraux et ministres de l'Empire Ottoman ; sa famille possédait un manoir dans le Bosphore depuis deux siècles.
La voiture d'Amir arriva devant sa résidence et il congédia le chauffeur. Il traversa le jardin et parvint devant la maison ; une femme et un enfant s'y trouvaient, plongés dans la lecture d'un livre. La petite fille le vit et courut vers lui avec un cri de joie. « Oncle Amir ! »
Il la souleva dans ses bras et elle l'étreignit. « Tu m'as manqué, oncle Amir », roucoula-t-elle. « Tu restes avec nous ? »
Amir embrassa la fillette sur la joue et la fit tourner en une pirouette, provoquant une autre cascade de rires. Il l'emmena à l'intérieur de la maison et lui montra les jouets qu'il lui avait rapportés.
Elle sauta de ses bras et commença à ouvrir ses cadeaux. Maintenant qu'elle était occupée, Amir ressortit dans le jardin ; il voulait s'entretenir avec le chef de sa garde. Ils inspectèrent le terrain, et tout en marchant le long de la clôture ornementée, ils discutèrent des dispositifs de sécurité et de leur maintenance, et des affaires courantes.
Il prit son dîner seul, réfléchissant à une stratégie pour faire face à ce monde en plein chaos. Devait-il tout simplement abandonner l'Irak ou y retourner ? Et dans ce cas, quel rôle jouerait-il ? N'était-il pas mieux de prendre sa retraite et de vivre une vie de confort ?
Enfin, il réfléchit à une question importante. Qu'allait-il dire à Aara à propos de ce qui était arrivé à sa mère ?
14 - Interlude
Sur le chemin du retour vers la Pensione à Naples, Jake fit un détour vers le Consulat de Turquie et se procura deux formulaires de visa pour la Turquie.
Le lendemain, Jake et Tess prirent un taxi pour l'aéroport et s'envolèrent pour Istanbul.
À travers le hublot, Tess regardait la ville et s'émerveilla de sa taille et des monuments historiques instantanément reconnaissables.
Jake, comme à son habitude, accéda à ses connaissances encyclopédiques et rappela quelques informations essentielles sur Istanbul. « La ville a été fondée vers 600 av. J.-C. sous le nom de Byzance. Elle prit le nom de Constantinople en 330 et, durant presque seize siècles, elle fut la capitale des Empires Romain et Byzantin. Les Ottomans conquirent la ville en 1453 et en firent un bastion islamique et le siège du Califat Ottoman. »
Tess se demanda si elle pourrait supporter longtemps de vivre avec une encyclopédie vivante.
Après l'atterrissage, ils passèrent rapidement les formalités de douane et se rendirent en taxi à une maison sécurisée, grâce à l'amabilité de la CIA. Tess ne cessait d'être surprise par l'efficacité de Jake dans l'organisation de la logistique. Ils montèrent au second étage. Jake prit la clé cachée sur le rebord supérieur de la porte et fit entrer Tess dans un grand appartement élégant à deux chambres et une salle de séjour confortable. Jake dévoila que l'appartement pouvait parfois abriter jusqu'à cinq personnes. Tess se garda de s'enquérir plus sur la présence de cinq agents de la CIA à Istanbul.
L'appartement se trouvait dans la Rue Millet, à 10 minutes des attractions principales et idéalement situé entre deux stations de métro.
« Si nous en avons le temps, on ira découvrir les grandes attractions de la ville", offrit Jake. "On pourrait aller dans le quartier de Sultanahmet ; c'est un endroit fantastique pour les férus d'histoire. Demain on peut aller visiter la Mosquée Bleue, la Citerne Basilique et puis Hagia Sofia, ensuite on ira se promener, trouver à manger et faire une pause. Après, s'il nous reste assez d'énergie, on ira visiter le Palais de Topkapi, l'Hippodrome et le musée de mosaïque. »
Tess sourit. « Cela peut être épuisant, l'histoire. »
Jake essaya de contenir son enthousiasme. « Quand je me trouve dans un lieu passionnant, ça devient une obsession, je deviens touriste à plein temps même quand tout le monde baisse les bras.
— S'il te plaît, ne m'y force pas, dit Tess en disposant ses vêtements dans la penderie. N'oublions pas la raison de notre présence ici.
— Zut », fut sa réponse.
Jake attrapa Tess par la taille et l'embrassa. « Je promets de ne pas t'épuiser, du moins pas de cette façon. Allons trouver à manger. »
En descendant l'escalier, Jake expliqua qu'Istanbul était célèbre pour sa cuisine de rue. « Les restaurants locaux, les döner, sont l'idéal tant pour le goût que pour le prix. Si on trouve les bons endroits, la cuisine peut y être excellente. »
Tess sourit à nouveau. « Et Monsieur Vickers sait toujours où aller. »
Jake sentit un léger sarcasme mais ne prit pas la mouche. « Je suis comme ça. Où que je me trouve, je me sens attiré par la cuisine locale et il y en a une très grande variété ici. »
L'entrée de la Rue Istiklal débordait de douzaines de petits döner qui restaient ouvert à longueur de journée. Comme d'habitude, son enthousiasme le poussa à creuser dans ses connaissances encyclopédiques de la cuisine turque. Il désigna tour à tour les plats présentés dans les boutiques et par les vendeurs de rue.
« Nous avons l'embarras du choix : Le Balik-Ekmek est un sandwich farci d'un petit poisson frit et garni de tranches de tomates et d'oignons.
Hamsi. En automne et en hiver, les anchois de la Mer Noire migrent à travers le détroit du Bosphore. L'un des plats typiques est constitué d'une portion de friture de poissons servie avec de l'oignon cru et du pain. Manger le poisson entier, c'est excellent.
Le Patso est un sandwich fait d'un hot-dog et de frites. Ils sont très populaires et on les retrouve dans tous les petits buffets le long de la côte. Cette nourriture est tout à fait abordable et on pourrait croire qu'elle est médiocre, mais ce n'est pas du tout le cas. Ces marchands servent de jour comme de nuit, ils vendent près de mille sandwiches par jour. Leur marge de profit est mince mais ils font fortune sur le nombre de ventes, ce qui leur permet de ne pas négliger la qualité. Les hamburgers peuvent parfois poser problème, je te déconseille ceux d'Uskudar, mais ne rate pas les hamburgers épicés de Taksim.
— Nous y revoilà, l'Encyclopédie en plein travail. Tess avait du mal à garder la cadence.
— Tu peux aussi goûter au Kumpir, un en-cas ou un repas complet, c'est selon. C'est originaire d'Albanie, mais dans sa forme actuelle, il est maintenant typique de la Turquie. En gros, c'est une pomme de terre cuite au four farcie d'un choix de garnitures diverses, fromage râpé, mayonnaise, ketchup, cornichons, maïs doux, tranches de saucisses, carottes, champignons et salade russe entre autres. »
Tess l'interrompit. « Oh là, ralentis ! J'ai le vertige.
— Désolé, dit Jake. Je vais commander pour tous les deux, si ça ne te dérange pas ! »
Comme Tess n'avait aucune idée de ce qu'elle allait choisir, elle accepta.
Ils prirent place pour dîner. Tess dut admettre que ces plats exotiques étaient savoureux. Entre deux bouchées, elle s'enquit : « Je ne savais pas que tu parlais le turc ? »
Jake se préparait à fournir l'habituel exposé exhaustif sur le sujet mais se ravisa. « Je peux apprendre une nouvelle langue en une ou deux semaines, en tout cas assez pour être opérationnel.
— Tu es vraiment redoutable, toi ! observa Tess toujours occupée à manger.
— Pas de soucis, ma chère, je suis de ton côté. Jake répondit. Je suis fasciné par l'étude des langues. L'un des faits intéressants de la langue turque, c'est qu'en 1928, au cours des premières années de la République de Turquie, l'une des réformes d'Atatürk fut de remplacer l'écriture ottomane par l'alphabet latin.
— J'imagine que la CIA te trouve très utile », nota Tess.
Jake répondit en plaisantant : « Oui, mais je ne peux pas te parler de comment ils m'utilisent. Autrement, je devrais t'éliminer. »
De retour dehors, Jake poursuivit son descriptif de la cuisine locale.
« Dans les kiosques de rue, on peut trouver de la dondurma, la glace locale. Quelque chose à ne pas rater. Elle est composée d'extrait d'orchidée, ce qui lui donne une texture incroyablement tendre et filandreuse. Essaie ! »
Ils achetèrent des cônes de ce délice puis poursuivirent l'exploration du paysage culinaire.
« Jake, je ne me sens pas vraiment bien », annonça Tess. Elle allait en fait parfaitement bien ; c'est juste qu'elle en avait assez des cours magistraux sur la cuisine exotique. Jake était assez perspicace pour deviner que Tess allait bien. Il arrêta son exposé.
De retour à l'appartement, Jake récupéra un message au guichet de la réception. C'était une enveloppe scellée provenant de ses contacts. Ils avaient maintenant une adresse confirmée à Istanbul pour le Général Amir Alkan al-Saadi. Il était temps de se mettre au travail.
15 - Confrontation
Un taxi déposa Jake et Tess sur Yeniköy Caddesi, l'une des plus belles rues d'Istanbul. Deux longues rangées de platanes en bordaient les côtés.
Le quartier est réputé pour ses Yalis, ces maisons ou manoirs qui sont, pour la plupart, construits sur le bord de mer, sur le détroit du Bosphore. Quelques 620 résidences côtières demeurent encore, constituant un des lieux marquants de la ville.
Ils trouvèrent la majestueuse maison qui, d'après les renseignements obtenus par Jake, était la demeure du Général al-Saadi. L'extérieur des clôtures était fait de bois finement travaillé et un jardin agréable créait une atmosphère accueillante et paisible.
Des stratégies que Tess et Jake avaient envisagées, ils optèrent pour une approche directe mais discrète. Pas de subterfuge. Ils décidèrent de demander à voir al-Saadi. Si tout allait bien, ils parviendraient peut-être à le convaincre que laisser partir la fillette pouvait se tourner à son avantage. L'autre alternative aurait été d'entrer par effraction et d'enlever l'enfant, entreprise dangereuse.
Ils s'approchèrent du portail et sonnèrent. Un garde en uniforme apparut.
« Bonjour. Nous souhaitons voir le Général Alkan al-Saadi », dit Jake en turc, langue tout nouvellement apprise.
Le garde le regarda, surpris. « Le général ne reçoit que sur rendez-vous.
— Dites-lui que Tess Turner désire lui parler », dit Tess. Jake traduisit.
Le garde paraissait toujours suspicieux. « Attendez là », dit-il avant de disparaître dans la propriété.
Cinq minutes plus tard, quatre membres de la garde sortirent de la maison et ouvrirent le portail. Ils escortèrent le couple et le menèrent vers un grand hall d'entrée.
Un homme qui semblait être un majordome s'approcha d'eux et pointa Jake du doigt. « Vous, attendez ici. Le général ne recevra que Mademoiselle Turner. » Les gardes décrochèrent leurs armes de leurs épaules pour dissuader Jake de tout potentiel refus.
« Jake, fais ce qu'ils disent. Je peux gérer ça », l'assura Tess. Les gardes s'emparèrent de Jake et le firent asseoir. Jake se figea, le regard menaçant, se tenant prêt à bondir et frapper comme un serpent. « Jake, ça va aller. » Elle tourna les talons et suivit le majordome.
Tes fut guidée vers un large bureau décoré de meubles d'époque précieux. Le général était à son bureau. Il en claqua la surface de ses deux mains.
« Tess, quelle surprise de vous revoir ! Êtes-vous venue vous excuser du terrible mal de crâne que vous m'avez causé ?
— Je suis désolée d'avoir eu à le faire, Général, mais je suis certaine que vous comprenez les circonstances qui m'ont amenée à le faire.
— Pas de souci, vous êtes pardonnée. Asseyez-vous et, Tess, je vous prie de m'appeler Amir. »
Tess se sentit frissonner, se remémorant les événements déplaisants qu'elle avait vécus dans la maison d'Amir en Irak.
« Général, le guerre en Irak est presque finie et je suis venue discuter, d'une manière civilisée, d'un sujet important. »
Amir ne montra aucune hâte à parler affaires. « Vous êtes toujours aussi belle. Il manque juste cette robe que vous aviez portée pour moi la dernière fois. Elle mettait vos vertus magnifiquement en valeur.
— Tess, puis-je demander qui est le monsieur qui vous accompagne ?
— Juste un guide qui m'aide à me déplacer en ville, expliqua-t-elle.
— Voilà qui est sage ; Istanbul peut s'avérer être un vrai labyrinthe. »
Amir fit un geste vers un plateau de friandises. « Puis-je vous faire une offrande de paix ? Du thé, peut-être ?
— Non merci, Général. Je suis ravie que vous parliez de paix. Une parfaite entrée en matière pour ma présence ici. »
Amir parut déçu. « Que les affaires, pas de plaisir. Comme c'est décevant. Moi qui espérais que vous reconsidéreriez mon offre. »
Tess en vint au fait. « Général, je suis venue parler de la fille de Kejal. »
Amir prit un petit bonbon et approcha une chaise de Tess. Il prit une gorgée de thé, reposa sa tasse et fixa Tess d'un regard intense. « Quel intérêt pourriez-vous bien avoir pour une enfant que vous n'avez jamais rencontrée ? Et qu'est-ce qui vous fait penser qu'elle est ici avec moi ?
— Elle est la fille de Kejal et, avant qu'elle ne meure, je lui ai promis de la mettre en sûreté. »
Une colère croissante se lut sur le visage d'Amir. « Kejal est morte par votre faute ! J'avais de l'affection pour elle.
— Kejal a été tuée par vos hommes !
— Cela ne se serait pas produit si vous aviez coopéré avec moi. Je vous avais offert le monde ! »
Tess fixa Amir d'un regard glacial. « Vous m'aviez offert le viol ! »
Amir prit une autre gorgée de thé. « Il existe plusieurs façons d'interpréter les faits. La vôtre est plutôt tranchée ! »
Tess se leva. « Où est la petite ?
— Cela est mon affaire et j'attends encore la raison de savoir pourquoi vous la voulez. Que feriez vous d'elle ? La placer en orphelinat ? Car grâce à vous, elle n'a plus de famille ! »
Tess décida de changer cette hostilité en dialogue et se rassit. « Général, une fois la guerre terminée, certains chercheront à se venger. Saddam Hussein et ses proches seront amenés à répondre de leurs crimes. Vous ne voudriez pas être de ceux-là, n'est-ce pas ? Nous pouvons vous aider à retourner en Irak en tout honneur si vous faites preuve de raison et laissez partir la petite fille. »
Amir se mit à rire. « Vous ne savez pas à qui vous avez à faire. J'ai des amis haut placés ici et en Europe. Les politiciens qui protègent mes intérêts sont à ma merci. Et de toute façon, il n'y a rien de répréhensible à me reprocher. Il existe bien plus de personnes qui ont commis des crimes bien pires. Certains paieront, pas moi ! »
Tess lui lança un regard glacial. « Vous avez gazé des villages kurdes ! C'est ainsi que vous aviez capturé Kejal !
— Vous croyez ça ? Amir secoua la tête, incrédule. D'où vous viennent vos renseignements ? Vous êtes bien crédule à propos de ce qui se dit dans votre presse et dans votre propagande.
— Vous dites que les massacres n'ont pas eu lieu ?
— Oh si, ils ont bien eu lieu, mais pas de la façon dont vous le pensez. Je n'ai pas à m'expliquer à vous mais je vais vous offrir une once de clarté pour dissiper cette science fiction. » Amir se retira derrière son bureau et commença.
« Votre Président Bush a envahi l'Irak sur le prétexte que des Kurdes avaient été gazés en mars 1988 à Halabja, une ville proche de la frontière iranienne. Cette atrocité a été commise vers la fin de la guerre d'Iran et d'Irak qui avait duré huit ans. Mais en vérité, personne ne peut prouver que ce furent des armes chimiques irakiennes qui ont tué les Kurdes.
« Au cours d'une bataille, l'Irak avait utilisé des armes chimiques contre les troupes iraniennes qui s'étaient emparées de la ville. Les Kurdes qui y ont trouvé la mort avaient malheureusement été pris dans cet échange. Mais ils n'étaient pas la cible de l'Irak.
« Immédiatement après la bataille, la US Defense Intelligence Agency a publié un rapport confidentiel. Ils transmirent l'information aux autres agences de renseignements de façon confidentielle. Leur conclusion établissait que c'était du gaz iranien, et non irakien, qui avait tué les Kurdes. Les Kurdes avait été tués par un agent hémotoxique, un gaz à base de cyanure — gaz qu'on savait utilisé par l'Iran.
Les Irakiens ne possédaient pas d’agent hémotoxique à l'époque. Les gens du milieu étaient bien au fait de ces informations mais n'en faisaient que rarement mention parce que cela n'était pas commode et que le plan était de lancer une offensive injustifiée contre l'Irak. »
Après un moment de silence, Tess dit : « Ce que vous dites peut, ou peut ne pas, être vrai. Le problème est que les Alliés ont été amenés à croire que l'Irak est responsable de cet acte, ce qui veut dire que des accusations seront portées sur ceux qui étaient impliqués au moment des faits. Vous pouvez réduire ce risque, Général, si vous acceptez de coopérer et si vous libérez la petite. »
Le général sourit. « Et vous, un officier subalterne, vous useriez de votre faible influence pour disculper un haut responsable irakien pour le salut d'un enfant dont personne ne se soucie. Pour moi, c'est un faux-problème car, comme vous, les Américains, le dites si bien, il y a de plus gros poisson à frire. Je suis franchement offensé que vous m'ayez cru si crédule. »
Tess se leva. « Votre réponse est donc non ? »
Amir s'approcha de Tess. « Si ma réponse est 'peut-être', vous reverrais-je ? Je ne suis pas rancunier. Revenez me voir et nous pourrons en discuter. »
Tess n'en revenait pas de l'insistance de cet homme. « Êtes-vous en train de suggérer que nous pouvons trouver un accord ?
— Cela est possible si vous acceptez de me revoir. »
Tess regarda le général. « Comment pouvez-vous possiblement vouloir être avec quelqu'un qui vous déteste ? » Elle regretta aussitôt ses paroles.
Mais à sa surprise, Amir ne sembla pas prendre offense. « Tess, changer l'opinion des gens est mon travail. Pensez-y. Passez une bonne journée. »

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