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L'Océan De Tes Yeux Bleus
Gabriella Rose
Sole Delbuono est une jeune femme douce aux cheveux couleur de miel et aux yeux bleus comme l'océan, qui a presque tout reçu de la vie: une famille aisée, une excellente éducation et une jeunesse pleine de satisfactions. Pendant les vacances d'été, sur la côte ligure, elle rencontre Max, un séduisant français avec qui elle passe deux mois brefs mais très intenses. Max a un poste important, il est souvent obligé de voyager pour son travail et sa vie sentimentale se déroule entre deux aéroports et dans des chambres d'hôtels de luxe du monde entier. Son histoire avec Sole semble n'être qu'une très belle romance estivale, rien de plus. De retour à Milan à la recherche d'un travail dans une grande multinationale, Sole découvre que son manager sera justement Max qui, au fil des jours, l'attire de plus en plus. Tous deux découvrent que la magie d'une rencontre peut naître et grandir même pendant de longues journées et nuits de travail. Le sentiment qui les emporte est immense comme l'océan.
Sole Delbuono est une jeune femme douce aux cheveux couleur de miel et aux yeux bleus comme l'océan, qui a presque tout reçu de la vie: une famille aisée, une excellente éducation et une jeunesse pleine de satisfactions. Pendant les vacances d'été, sur la côte ligure, elle rencontre Max, un séduisant français avec qui elle passe deux mois brefs mais très intenses. Max a un poste important, il est souvent obligé de voyager pour son travail et sa vie sentimentale se déroule entre deux aéroports et dans des chambres d'hôtels de luxe du monde entier. Son histoire avec Sole semble n'être qu'une très belle romance estivale, rien de plus. De retour à Milan à la recherche d'un travail dans une grande multinationale, Sole découvre que son manager sera justement Max qui, au fil des jours, l'attire de plus en plus. Tous deux découvrent que la magie d'une rencontre peut naître et grandir même pendant de longues journées et nuits de travail. Le sentiment qui les emporte est immense comme l'océan, fou et impossible comme leurs rêves les plus audacieux.
Mais Sole cache un terrible secret, qui l'oblige à démissionner soudainement et à disparaître sans laisser de traces de la vie de Max et même de sa propre vie. Refusant de faire souffrir les autres et surtout son Amour, Sole se replie sur elle-même et son seul lien avec le monde sera un journal à la couverture bleue dans lequel elle écrira tous les jours, en essayant de résoudre pour elle-même les questions de son existence. Ecrire devient pour elle une façon de s'exprimer, une thérapie qui l'aide à se connaître et à surmonter ses angoisses, l'objectif ardu qu'elle doit affronter presque seule. Max réussira-t-il à la retrouver et à percer le mystère qui l'entoure ? Réussira-t-il à unir à nouveau leurs existences, à se donner la chance d'un futur ensemble ? Est-ce que tout sera de nouveau comme avant, alors que tout a changé sans retour en arrière possible ?
Une histoire douce, poétique et passionnée, un amour pur et fort comme un phare qui illumine la nuit de l'existence, en équilibre sur le fil ténu qui sépare la vie et la mort. Un amour qui n'a aucune chance de survivre mais qui est destiné à durer éternellement.


Gabriella Rose

L’OCÉAN DE TES YEUX BLEUS

~~~ PourCornelia et Iuliana ~~~

Titre original : Nel mare dei tuoi Occhi Azzurri
Traduit par : Carine Giuglaris
Éditeur : Tektime
Tous droits réservés.

Ce livre est une œuvre de fiction. Tous les noms, personnages, institutions, lieux et événements cités sont le fruit de l’imagination de l’auteur et ne doivent pas être considérés comme réels. Les éventuelles similitudes avec des faits, personnes, noms, institutions existants doivent être considérées comme fortuites.
« Viens, gentille nuit! Nuit aimante, au front sombre,
Donne-moi mon Roméo; et quand il mourra,
Prends-le et coupe-le en petites étoiles,
Et il rendra le visage du ciel si beau
Que le monde entier sera amoureux de la nuit. »

*** William Shakespeare ***
***

La chambre était plongée dans la pénombre; sur le lit une jeune femme pâle, très maigre, dormait, à moitié enroulée dans une couverture en laine verte. Elle était par moments secouée par une toux violente, qui la faisait s’entortiller davantage autour d’un très moelleux oreiller blanc.
Sur la table de chevet à côté d’elle, étaient posés en désordre des flacons de médicaments, une tasse contenant un liquide jaune, une pomme à peine croquée et des mouchoirs en papier éparpillés.
Le chaos régnait un peu partout, comme si quelqu’un avait voulu mettre de l’ordre mais s’était soudain arrêté, en laissant le travail à moitié fait. Comme si quelqu’un avait été trop fatigué ou trop distrait pour dépoussiérer, ranger les vêtements dispersés sur le lit et sur les chaises, au milieu des médicaments et des papiers qu’on apercevait sur la petite table et sur les étagères.
« - Comment ça va, Sole? Tu n’as pas encore fini ton jus pommes-carottes. Si tu ne le bois pas tout de suite, il perd toutes ses propriétés nutritionnelles! »
Cécilia entra à l’improviste, presque sans faire de bruit, et secoua doucement la jeune femme. Elle reçut une faible protestation. Sole voulait juste dormir, si c’était possible toute la journée, toute la nuit et sa vie entière.
C’était une fin d’après-midi de ce mois de mars pluvieux, quand tout a commencé.
Max

Mon amour, toi qui es entrée dans ma vie comme un Soleil d’avril

Je me suis rendu compte que ce monde court à sa perte parce que les amoureux se séparent et se blessent mutuellement en prononçant des mots cruels, qui transpercent le cœur; quand ce fil si beau mais si ténu se casse et que nos cœurs se brisent, les puissantes énergies négatives que nous libérons nuisent aussi à l’atmosphère. De là résultent : guerres, famines, destruction. Nous ne nous aimons plus nous-mêmes – par conséquent nous cessons d’aimer aussi le monde qui nous entoure et nous le détruisons.
Le monde court à sa perte parce que nous ne savons pas aimer.
L’amour est la chose la plus importante et pourtant la plus négligée parce qu’elle naît de manière subtile et semble fragile, une chose de rien.
Dans la course quotidienne, l’amour semble être la dernière chose à laquelle il faut penser, la dernière dont on peut avoir besoin.
Et pourtant l’amour est la chose la plus importante.
Comme une fleur délicate, il faut en prendre soin et le conserver dans un bel endroit ensoleillé car lui seul nous aide à rester en bonne santé; il faut l’arroser régulièrement avec des mots doux et des gestes tendres. Si possible, chaque jour.
Si l’amour fait battre notre cœur, nous pouvons répandre ses graines autour de nous et faire fleurir le monde, mais si nous avons été assez idiots pour le fouler aux pieds, nous nous rendons compte que ce petit “Je t’aime” murmuré un soir d’été en regardant la lune du coin de l’œil était la seule chose dont nous avions vraiment besoin et qui nous gardait connectés à la vraie vie.
Je l’avoue: moi aussi je fais partie de ces idiots; j’ai dit des mots que je n’aurais jamais dû dire et je les ai laissé te séparer de moi.
Je sais que je ne te retrouverai jamais, que la ville a englouti ta fragile existence comme un tourbillon gris et informe. Comme l’horrible bouche d’un monstre urbain. Tes mains ne me caresseront plus, les doux traits de ton visage ne me raconteront plus, depuis l’origine, les mystères de l’univers.
Ces quelques mots resteront à jamais enfermés dans un tiroir de la maison sur la plage. La maison de cet été magique avec toi.
Sole

Pardonne-moi.
Je ne devrais jamais t’écrire comme ça, dans ce geste égoïste qui ne sert à rien, mais ici je suis en train de devenir folle. Les journées avancent à la vitesse d’un escargot et je n’ai rien d’autre à faire qu’étouffer (il fait une chaleur atroce et personne n’ouvre jamais de fenêtre) en fixant à travers la vitre du salon la vie de la rue, frénétique, indifférente et toujours pareille.

En réalité, pour la première fois aujourd’hui, il s’est passé quelque chose : deux jeunes se sont embrassés, juste devant la porte de l’hôpital. Je les ai aperçus de loin, au moment où je buvais ma camomille du matin sans sucre et sans goût.
J’ai senti une brûlure au fond de moi : ils ne pouvaient pas trouver un autre endroit que l’hôpital public de Milan pour se bécoter ? Là-dedans chaque instant qui passe nous rapproche de plus en plus de notre fin, nous n’avons vraiment pas besoin qu’on nous rappelle que nous ne pourrons plus jamais être heureux, que personne ne nous prendra plus jamais dans ses bras en éprouvant autre chose que du dégoût, de la pitié et de la peur !
Et puis j’ai pensé que j’étais bête : peut-être que m’était donnée la possibilité de me souvenir de nous deux. Toi et moi, cet été magique. Tout revivre.
Et ainsi, entre les examens et les visites des médecins, au milieu du va-et-vient des assistants et des patients, en cherchant tous les jours de nouvelles tactiques pour soulager la douleur, j’ai pensé que... ce serait beau de me souvenir de toi.
Les mots qui courent sur le cahier blanc que m’a apporté ma douce Jameia me rapprochent un peu de toi (tu te souviens, j’avais toujours rêvé d’écrire un livre); ils me donnent la sensation que d’une certaine façon un peu fantastique, tu pourrais les lire, peut-être en t’endormant le soir sur ton canapé, épuisé par ton travail, et pendant que tu rêves mes mots pourraient venir à toi, de petites mouettes solitaires dont les ailes mouillées rafraîchiraient délicatement tes tempes.
Grâce à ces mots, un peu confus, fatigués, illogiques, maladroits, peut-être qu’un jour tu apprendras que quelque part il y a eu une fille dont l’unique et ultime désir aurait été de t’étreindre à nouveau.
Max

En toi j’avais enfin entrevu ma guérison. Le nid douillet que j’aurais appelé « la maison ».
Je ne sais pas si je te l’ai déjà dit, mais pour moi « maison » signifie plus qu’une personne, plus qu’un lieu.
Notre séparation, si brusque, a provoqué une nouvelle entaille sur la blessure déjà sanglante qu’est ma vie.
Pourquoi notre histoire est-elle terminée ? Pourquoi les gens se séparent-ils ? Aujourd’hui encore je n’arrive pas à le comprendre.
Il faudrait une loi contre les séparations, parce qu’elles agissent non seulement sur notre santé émotionnelle, mais aussi sur notre santé physique.
Si seulement je n’étais pas parti en Pologne... Si seulement tu n’avais pas démissionné, sans explications... Je donnerais tout pour te retrouver quelque part, peut-être dans le centre, enveloppée dans ton doux manteau bleu à regarder les vitrines, dans le brouillard d’une froide matinée milanaise ; je me mettrais à genoux, je piétinerais mon orgueil et prendrais tes mains frêles dans les miennes, en te suppliant de me donner une autre chance, parce que je ne suis qu’un gamin stupide et que je n’ai rien compris au message que tu as voulu me laisser et je te demanderais mille fois pardon parce que même moi, Maximilien Girard, je n’ai pas réponse à tout.
Peut-être que je n’ai réponse à rien.
Je n’ai pas été capable de garder près de moi la seule personne que j’aie vraiment aimée, qui faisait partie de moi. J’ai gagné toutes les batailles, sauf celle avec la vie – qui était aussi la plus simple.
Ou alors je me tournerais de l’autre côté en faisant semblant de rien, en me cachant dans une ruelle, et tu t’en irais sans même te rendre compte de ma présence, en laissant triompher une fois de plus mon énorme, inexplicable et étouffante angoisse de vivre ?
Sole

T’écrire a quelque chose de magique: j’ai l’impression de te toucher, de respirer encore l’air autour de toi, avec cette note discrète de Dior Homme qui faisait tourner la tête des filles du bureau et qui me semblait tellement snob. Ça m’agaçait de te savoir la cible du désir féminin de toute la UK Tobacco, aujourd’hui je donnerais tout pour sentir encore, juste une seconde, ton merveilleux parfum de snob .
J’ai presque l’impression de sentir ta main qui prend la mienne pour y déposer doucement un petit coquillage blanc, et ton regard intense posé sur moi.
D’autres cadeaux ont suivi mais le coquillage blanc apparu sur la plage de Moneglia comme un mystérieux don divin, comme un témoin silencieux du sentiment naissant qui nous émerveillait, je l’ai conservé dans la boîte où je garde mes trésors les plus précieux. A côté du cœur.
Le petit coquillage blanc de la plage de Moneglia conserve encore l’écho intact de nos paroles échangées une nuit d’été. Et le goût du premier baiser.
Max
Je n’aurais jamais pu rêver te rencontrer au cours de l’été le plus chaud de ces cinquante dernières années. Dans notre groupe d’amis et de connaissances, tout le monde se plaignait, sauf toi. Tu étais heureuse de cette chaleur, elle te plaisait, tu aimais l’été avec tout ce qu’il apportait. Un sourire étincelant ne quittait jamais tes lèvres, quelles que soient les conditions atmosphériques. Je n’avais jamais rencontré une personne aussi heureuse et enthousiaste d’être en vie.
En te revoyant souvent, j’ai peu à peu commencé à découvrir ta beauté. Et aussi ta beauté intérieure.
Je n’oublierai jamais avec quel naturel tu m’as demandé s’il y avait de la place chez moi pour une de tes amies qui débarquait au milieu du mois d’août et désespérait de trouver un logement. Et j’ai répondu oui, ça ne me ressemblait pas, ce n’était ni dans mes habitudes, ni dans celles de ma famille qui en est restée abasourdie.
Mes parents ne s’attendaient vraiment pas à partager cette année-là leur maison sur la belle plage de Moneglia avec une parfaite inconnue... Heureusement que ton amie était charmante et qu’ils l’ont tous très vite acceptée, même ma mère (je crois que c’est la première fois de sa vie qu’elle faisait quelque chose comme ça).
Maintenant je remercie le ciel pour Mélissa... c’est elle qui nous a rapprochés, nous a poussés à sortir... Et le soir où elle n’est pas venue à la fête de la Barcarolata à la Baie du Silence, ce n’était peut-être pas un hasard. Je crois que ta perspicace amie avait vu loin.
Cette merveilleuse soirée a changé ma vie. Pour la première fois j’ai remarqué ton regard singulier, ces nuances de mélancolie, tes silences, la douceur de tout ton être. Tes yeux, le plus beau bleu qu’un mortel ait jamais contemplé. J’ai passé des années de ma vie au bord de la mer et pourtant je n’avais jamais rencontré un bleu comme celui-ci.

Dans tes yeux j’ai plongé, je me suis perdu et retrouvé, et puis perdu pour toujours. Dans tes yeux – mon immortalité.
Sole

Dans un monde impersonnel et froid qui évoque Le Cri de Munch, tu m’as rappelé qui j’étais, tu m’as appris à me connaître à nouveau. Tu m’as choisie dans la masse informe des innombrables filles qui peuplaient ton existence et tu m’as donné vie, poésie et une lumière propre, comme le soleil avec la lune. Comme Pygmalion avec Galatée.
Tu as fait tout cela avec une générosité si simple que j’ai encore le souffle coupé quand je pense à tes mots : « tu es beaucoup plus forte que tu ne le penses, en toi la force de rêver dépasse toutes les limites, tu es capable de franchir tous les obstacles, et tu le fais sans même t’en rendre compte. Tu dois te faire confiance. »

Oui, je l’admets : une partie de moi voudrait encore désespérément te retrouver, même si les choses se sont terminées ainsi. Une partie de moi serait heureuse de recommencer comme si de rien n’était, de te rencontrer par hasard devant notre bureau, de te sourire, de te donner la main avec une certaine nonchalance et de t’inviter à boire un verre dans notre bar habituel.
Dès que je sors d’ici, peut-être que je le ferai.
Mais je voudrais que ma voix t’arrive juste maintenant, dans le silence de ta maison, comme les douces notes de la Sonate au clair de lune de Beethoven, dans un moment de paix, peut-être quand tu es étendu auprès de ta nouvelle copine, ou quand tu rêves les yeux ouverts.
Je voudrais qu’elle caresse ton cœur le plus délicatement possible, comme une fleur d’acacia dans un printemps parfumé.

Cécilia, la mère de Sole, était encore une femme jeune mais les derniers mois passés presqu’exclusivement à l’hôpital avaient marqué son visage comme si dix années s’étaient écoulées. Ses tempes étaient devenues grises avant l’heure, des rides subtiles étaient apparues autour de sa bouche et ses yeux étaient cernés de violet à cause des longues nuits sans sommeil passées à veiller sur sa fille. Elle n’était plus que l’ombre de la belle femme de jadis, celle qui avait mis au monde sa seule raison de vivre – cette merveilleuse enfant, après le douloureux abandon de son compagnon de l’époque. Quand il a appris qu’elle attendait une petite fille, l’homme avait disparu en quelques mois, en laissant derrière lui une femme désespérée, qui ne serait plus jamais la même. La petite fille avait de minuscules boucles blondes, de grands yeux bleus vifs et curieux, elle souriait tout le temps et chaque fois que Cécilia s’approchait d’elle, elle se sentait pénétrée par une paix et une lumière presque surnaturelles. Elle a su instinctivement qu’elle devait s’appeler Sole : le soleil de sa vie, qui l’aiderait à surmonter tous les problèmes et toutes les angoisses.
Cécilia ne s’était jamais remariée, même si les prétendants ne manquaient pas – une femme comme elle, aux longs cheveux blonds qui tombaient, séducteurs, sur ses épaules et aux yeux agiles, verts comme de fraîches cascades de montagne, ne passait certes pas inaperçue. Mais elle avait préféré protéger ses sentiments et concentrer tout son amour sur sa fille, qui avait eu une enfance heureuse et reçu une excellente éducation, dans les meilleures écoles de Milan.
Sole allait grandir libre comme une mouette et entourée seulement de beauté et d’amour, se jurait Cécilia à elle-même chaque jour, alors qu’elle cumulait trois emplois pour pouvoir lui offrir le confort dont elle avait rêvé pour elle, et pour pouvoir profiter de ses week-ends avec elle.
Grâce à un excellent investissement, elle avait réussi à acheter un petit appartement en Ligurie, à deux pas d’une mer splendide. Mère et fille y avaient passé des moments merveilleux. Sur la plage de la belle Moneglia, dont le nom en génois ancien (et en latin) signifie « joyau », Sole avait fait appris ce qu’était le bonheur. Le bonheur le plus pur, le plus simple et le plus insouciant.
Quelques années plus tard, Cécilia avait souhaité élargir la famille. Comme elle avait réussi à ouvrir deux restaurants dans la région de Milan et que sa situation économique s’était nettement améliorée, elle avait demandé à adopter une petite fille.
Jameia avait survécu à un terrible accident en mer : ses parents s’étaient noyés alors qu’ils cherchaient à fuir le régime oppressif de leur Libye natale, dans un bateau trop chargé pour ne pas risquer de sombrer, une terrible nuit de tempête en Méditerranée qui marqua tristement le destin du pays. Presque deux mille personnes périrent, très peu furent sauvées. Ce fut l’une des plus grandes tragédies libyennes, mais l’enfant d’un an a été miraculeusement retrouvée vivante, accrochée à sa mère morte et méconnaissable, dans les entrailles du petit bateau.
Et c’est ainsi que Jameia – cheveux bouclés et immenses yeux noirs comme le charbon, toute petite pour son âge et hurlant à gorge déployée presque continuellement – vint prendre sa place dans la famille Delbuono auprès de Sole qui avait désormais onze ans.
Comme Sole, elle reçut une excellente éducation et une vie confortable, mais surtout un soutien et un amour inconditionnels pour l’aider à oublier le terrible drame subi quand elle était toute petite.
On dit que le soleil vient après la tempête. Et ce fut le cas aussi pour elle.
Sole

C’est grâce à Mélissa, ma meilleure amie, que je me suis approchée de toi. Nous étions comme deux sœurs, elle venait toujours chez nous à la mer. Ma mère l’adorait, tout le monde adorait cette belle rousse au caractère solaire.
Mais cet été-là elle avait eu un problème de dernière minute et s’était désespérément déclarée prisonnière de la ville. Jameia avait donc invité des amies à elle et notre appartement était plein.
Quand Mélissa a débarqué à l’improviste la deuxième semaine d’août… il n’y avait plus de place pour elle, pas même dans un camping. Nous avons commencé à demander autour de nous et tu as été le seul à lui offrir ta chambre d’amis, dans ta fantastique villa sur la plage de Moneglia. Je me souviens de ce que j’ai pensé à l’époque : je croyais que tu étais une sorte de prince français, dont la famille descendait probablement de la cour du Roi Soleil... J’étais tellement intimidée par ta présence et par tout ce qui t’entourait.
Comme toujours, Melissa me connaissait mieux que moi-même, et elle avait probablement senti le courant électrique qui me traversait quand je me retrouvais en ta présence. Elle a donc fait semblant de nous inviter à une fête à la Baie du Silence, pour que nous nous retrouvions seuls tous les deux, devant une magnifique table décorée de bougies; et devant nous – une superbe course de bateaux illuminés et colorés. Une atmosphère si particulière et pleine de vie.
Mais moi je ne voyais rien, j’étais furieuse et terriblement gênée, j’avais peur qu’il s’agisse d’un pari honteux de la part de nos amis mais tu t’es mis à rire et à plaisanter, petit à petit tu m’as tranquillisée. Tu me faisais follement peur, je savais que tu étais un grand manager et que tu vivais à Londres.
Donc quand tu as discrètement demandé si je travaillais ou si j’étais encore étudiante, j’ai menti effrontément en déclarant que j’avais ma propre société qui commercialisait des sacs de luxe. J’ai laissé entendre que j’avais beaucoup d’argent et même une maison de vacances aux Maldives, où j’allais de temps en temps, pour chasser l’ennui. Quel culot !
Tu as haussé les sourcils, impressionné, en jetant un coup d’œil au petit sac blanc que j’avais accroché au dossier de ma chaise et qui ne valait pas grand-chose, je suis devenue rouge comme une pivoine et je n’ai plus eu le courage de soutenir ton regard.
Si tu avais continué à me demander avec quelles marques de luxe je travaillais, je me serais probablement étouffée avec mon cocktail et je me serais sauvée à toutes jambes. Mon Dieu, que j’étais jeune, ça me donne envie de rire ! J’ai l’impression que tout cela est arrivé il y a cent ans, et c’est peut-être le cas. Il y avait une autre vie, un autre ciel, une mer différente, nos cœurs étaient différents, tellement vivants et innocents, avec toutes ces bêtises que l’on se racontait pour avoir l’air de super-héros modernes !
Après cette première soirée désastreuse, où tu as presque été obligé de mener la conversation tout seul, je pensais que tu ne me gratifierais même plus d’un « salut ». Alors quelle ne fut pas ma surprise quand le lendemain... tu m’as invitée à prendre un apéritif sur la plage.
Tout ça à cause de mon mensonge sur les sacs de luxe, j’ai pensé. J’ai d’abord refusé, complètement paniquée, mais en voyant ton expression blessée et déçue, je n’ai pas su résister. Je m’étais informée : tu avais rompu il y a peu avec ta copine.
Ce fut la première d’une série de soirées magiques en ta compagnie. Pour la première fois, je me suis détendue et j’ai pu te contempler.
Tu étais un homme tellement fascinant, jeune, grand, brun et avec les yeux les plus expressifs et les plus profonds que j’avais jamais vus. Avec une carrière en or, tu avais pourtant l’air très seul. Tu passais ton temps aux quatre coins du monde, entre les aéroports et les rendez-vous professionnels. Tu trouvais à peine le temps de manger, dormir, répondre aux besoins essentiels.
Ces vacances d’un mois étaient pour toi les premières après sept ans de travail presqu’ininterrompu! Ta famille, qui adorait la Côte Ligure, avait acheté la villa de Moneglia plusieurs années auparavant, mais tu n’avais jamais réussi à en profiter avant cet été-là.

Je ne pouvais qu’imaginer tout cela: je n’avais jamais eu de travail stable, seulement des petits boulots de traductrice et d’interprète. Je n’avais pas encore décidé si j’allais poursuivre dans cette voie, ou chercher un poste de professeur d’anglais.
J’avais honte d’être là à discuter de manière aussi familière avec un tel personnage et je cherchais en vain à t’imaginer en costume-cravate en train de donner des ordres à des centaines d’employés, dans un grand immeuble de verre et d’acier. J’avais du mal à imaginer ton monde, celui qui était impitoyable et réel.
Ce soir-là, alors que la brise caressait doucement nos visages, nous nous sommes touchés pour la première fois. La première – quand sans le vouloir j’ai caressé une vieille cicatrice sur ton bras, souvenir d’un accident de vélo; et la deuxième quand tu m’as offert ta veste parce que le temps s’était refroidi.
Je sens encore aujourd’hui, comme un tatouage sur mes souvenirs, la pression délicate de tes mains qui s’attardent sur mes épaules un peu plus longtemps que prévu, les douces clochettes d’alarme qui ont commencé à sonner dans mon esprit, mon cœur qui battait la chamade, mes mains moites, ma bouche sèche et – plus que tout le reste – la conscience que tout ceci était complètement fou.
L’immense bonheur que m’offrait cette folie.
Le troisième soir, tu m’as offert le petit coquillage blanc. Et puis tu as effleuré mes lèvres, timidement, en cherchant un consentement dans mes yeux. Je n’arrivais pas à croire qu’un homme aussi fort puisse montrer tant de faiblesse – tu tremblais.
Et alors je t’ai fait confiance. J’ai fermé les paupières, et tu as posé ta bouche sur la mienne.
Je me souviens encore que je me sentais plus légère et plus fluide que l’eau de la mer, et pourtant une explosion d’immense tendresse était en train de grandir en moi. Je ne pouvais m’empêcher d’analyser avec un étonnement profond et sincère la simplicité avec laquelle ce sentiment s’épanouissait dans mon cœur. Je sentais que j’étais en train d’accomplir un miracle qui avait toujours existé dans le monde, tout autour de moi et peut-être aussi à l’intérieur. J’avais vu et rencontré des centaines d’amoureux, mais je ne m’étais jamais rendu compte que l’amour était quelque chose d’aussi intense et que moi aussi j’allais le vivre ! Quelle chose simple et merveilleuse, mon amour. Que c’est beau. Depuis ce jour je pense que l’amour est un feu et aussi l’écume éthérée de la mer. L’amour est tant de choses...
Et puis le moment de ton départ est arrivé, tu as dû retourner à Londres et à ta vie bien remplie. J’étais sûre que si je m’étais abandonnée à la douce folie de cet amour, c’était uniquement parce que j’avais conscience que la séparation était proche.
Entre nous, une légère nostalgie avait orné de milliers de significations chaque geste et chaque regard. Le moment était donc venu de nous séparer, ivres et fous amoureux, pire que deux adolescents. J’avais toujours su que, sans cette certitude, je n’aurais jamais laissé toute cette folie s’emparer de moi. Je n’aurais jamais baissé la garde, pour personne d’autre au monde.
Nous n’avons pas beaucoup parlé avant ton départ, mais nous étions tacitement d’accord: nous ne nous reverrions probablement jamais. C’était un très beau flirt estival qui serait resté dans notre souvenir comme une onde marine destinée à balayer des souffrances plus anciennes et plus profondes, pour laisser la place à une nouvelle terre amoureuse.
Mais, à ma grande surprise, tu as commencé à m’envoyer des e-mails. Comme un chevalier moderne. Presque chaque jour. Tu me racontais des histoires sur ton travail, tu disais vouloir acheter un de mes sacs, ce qui me faisait à la fois mourir de honte et rire comme une folle.
Tu avais deviné mon mensonge, et pourtant tu étais si sérieux !
Mélissa, avec son flair incomparable, m’encourageait toujours à te répondre, et un beau jour elle m’a annoncé que son entreprise recrutait des employés qui parlaient plusieurs langues. Elle travaillait pour UK Tobacco, une des multinationales les plus prestigieuses du pays, j’ai donc tout de suite pensé qu’ils ne me prendraient jamais. Je réfléchissais depuis plusieurs mois à l’idée de faire une brève expérience dans une multinationale, pour comprendre si cela pouvait me convenir, et mon amie le savait.
Pendant des semaines et avec une patience à toute épreuve, Mélissa a essayé de m’expliquer pourquoi une expérience dans une multinationale au top aurait ajouté de la valeur à mon CV. Et à la fin, elle m’a quasiment traînée à un test écrit d’anglais et de français.
Après avoir franchi les premières étapes, je me suis présentée à l’avant-dernier entretien, qui avait lieu avec Erica, la responsable des Ressources Humaines. Mais dans la même pièce chic et climatisée... tu étais là.
Je crois que c’est uniquement parce que j’étais très jeune que je n’ai pas fait d’infarctus.
Tu étais très élégant, sérieux et distant. Tu n’as même pas fait mine de me reconnaître, et pendant de longs moments je me demandais si je n’étais pas en proie à des hallucinations, si je te prenais pour quelqu’un d’autre. Tu ne me regardais même pas, tu analysais des documents, concentré et préoccupé, assis à l’un des bureaux.
Au bout d’un moment, les réponses que je donnais à Erica se résumaient à « oui », « non » et de longues pauses essoufflées et perplexes. Je manquais d’air, je n’entendais même pas ce qu’elle disait, la pièce toute entière tournait autour de moi et je crois que d’une minute à l’autre j’aurais pu m’enfuir comme une folle à travers la porte vitrée.
C’est à ce moment que tu es intervenu, tu as demandé à Erica quelque chose que j’ai oublié, pour l’obliger à s’en aller et à nous laisser seuls.
Tu m’as souri, une expression intriguée sur ton visage aux traits plus fatigués que dans mon souvenir. Mais tu avais l’air détendu alors que moi j’avais juste envie de mourir. Le matin même je t’avais écrit un e-mail pour te dire que j’allais rencontrer une artiste qui peignait des jeans, des tee-shirts et des sacs ! Et que je t’aurais envoyé une photo, si tu voulais en choisir un !
« - Alors comment s’est passée la séance photo de sacs peints à la main ? » m’as-tu demandé avec beaucoup de sérieux, et je suis devenue plus blanche que le mur. Je ne me suis jamais sentie aussi ridicule de toute ma vie, je te jure.
Tu t’es approché, tu as pris mes mains tremblantes dans les tiennes, tu m’as serrée dans tes bras avec chaleur, en disant que tu étais heureux et très surpris de me voir. Les grands chefs de UK Tobacco avaient décidé de t’envoyer en Italie pour régler des affaires urgentes, à Rome puis à Milan. Un incident t’a conduit en premier à Milan, et sans le vouloir tu avais entendu qu’un entretien était prévu avec une jeune femme qui portait mon nom.
Tu m’as demandé pourquoi j’étais là et je t’ai avoué, en tremblant, toute la vérité.
Tu as bien ri, puis sans me prévenir, tu m’as embrassée, provoquant en moi l’énième micro-infarctus de la journée. Tu m’as serrée dans tes bras encore un peu pour me dire de ne pas m’inquiéter, qu’on allait bientôt se revoir. J’étais très troublée et embarrassée, mais toi tu avais l’air plus amusé et rayonnant que jamais.
Après environ deux semaines que j’ai passées sur des charbons ardents, sans manger, sans dormir et sans respirer, Erica m’a appelée et, sans dissimuler une légère perplexité, m’a annoncé que j’étais embauchée au service financier de UKT, et que mon chef direct serait le redoutable Maximilien J. Girard.

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