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Exhumation Du Roi Fae
Brenda Trim
Bienvenue à l’Académie Bramble’s Edge. Une université où les Fae perfectionnent leur maîtrise des éléments. Exactement ce dont un être puissant a besoin, nest-ce pas? Le problème ? Je ne fais pas partie de ces êtres puissants. Alors, quand mon heure est venue de rentrer à l’Académie, j’ai essayé d’échapper aux collecteurs, j’atterris, impuissant, au milieu de la cour, les ailes brisées. J’éprouvai immédiatement une attirance indésirable pour Maurelle, la femelle sexy, mais elle représentait un fardeau trop lourd pour mes épaules. Ma mère m’avait bien fait comprendre que je devais garder la tête basse et passer mes trois années ici sans attirer l’attention. Malheureusement, un simple sourire de Maurelle suffisait à me faire oublier mon nom. Et, pour aggraver la situation, le destin n'a cessé de nous réunir.
Bienvenue à l’Académie Bramble’s Edge, l’université où les Fae perfectionnent leur maîtrise des éléments. N’importe quel être puissant aurait certainement rêvé d’une telle éducation, non? Le problème? Je ne fais pas partie de ces êtres puissants. Alors, quand mon heure est venue de rentrer à l’Académie, j’ai essayé d’échapper aux collecteurs. Impuissant, j’atterris au milieu de la cour, les ailes brisées. Par la suite, je n’ai pas tardé à éprouver une attirance indésirable pour Maurelle. Cette femelle sexy représentait un fardeau trop lourd pour mes épaules. Ma mère m’avait fortement conseillé de garder la tête basse et de ne pas attirer l’attention pendant mes trois années ici. Malheureusement, un simple sourire de Maurelle suffisait à me faire oublier mon nom. Et, pour aggraver la situation, le destin ne cessait de nous réunir, mais pas pour des moments sensuels comme je l’aurais espéré! Non! Nous allions découvrir un complot pour empoisonner les étudiants, ainsi que l’existence d’un groupe secret d’assassins au service de la directrice. Quel genre d’école forme des tueurs au sang-froid sur son campus et fomente des complots mortels? Avec un groupe de Fae meurtriers dans les parages, j’aurais dû rester dans ma chambre et me contenter d’étudier comme tout le monde. Mais je n’étais pas comme les autres élèves à l’académie. Je refusais que mon peuple se laisse manipuler et se trouve privé de sa magie élémentaire. La vraie raison de ma rébellion se révéla. J’étais l’héritier du trône Fae! La seule personne susceptible de changer la vie de mon espèce. Rien de tel pour compliquer davantage ma situation déjà précaire. Les dangers augmentaient et je voulais revendiquer mon trône, mais ma prise de pouvoir aurait des retombées qui frapperaient d’innombrables victimes et je me sentais incapable de vivre avec cette idée.


Exhumation du Roi Fae

Table des matières
CHAPITRE PREMIER (#u02b9d669-07db-53c6-a854-68ba73fc3c57)
CHAPITRE II (#u361e42e2-cd14-5675-9993-559c8a058011)
CHAPITRE III (#u5d5dea75-e700-5757-a2bf-07cab13bca93)
CHAPITRE IV (#u4bfbe865-2307-5eb1-a4a6-7817352a56b5)
CHAPITRE V (#ua0b27231-ad01-54b7-96ae-b02035e235a3)
CHAPITRE VI (#udbb816f3-8ddb-573b-b5ad-06522553478d)
CHAPITRE VII (#udae15349-8ac7-5e21-af03-4a934b599962)
CHAPITRE VIII (#ua9d7ff86-16be-5bbf-a37a-76067404f5e2)
CHAPITRE IX (#u472af403-771d-5d5f-85d6-cd6d7d7e9324)
CHAPITRE X (#ua093b112-2a7a-59c4-b918-a91e97acb9d5)
CHAPITRE XI (#u0bdd48c7-2994-5515-a122-b383f1729b39)
CHAPITRE XII (#ua83c4b4a-f863-5d5b-98b3-d281e67a8963)
CHAPITRE XIII (#u64df4b07-da3c-5677-bf6e-ab964598bad0)
CHAPITRE XIV (#u2c456671-0e4b-5e40-87fa-d10cb4238940)
CHAPITRE XV (#uf9899d93-2aa6-50bb-8af8-3dcc952492ee)
CHAPITRE XVI (#u8432e03b-642d-567e-82ff-d87c18d89985)
CHAPITRE XVII (#ud7848ad9-9258-5321-adb9-9907df6e87c8)
CHAPITRE XVIII (#u1878681f-3997-5b3f-8092-1754343dab18)
CHAPITRE XIX (#uc3e30ac3-9b17-52aa-acfb-85cfaaaea0dc)
CHAPITRE XX (#u8ca4c5c5-8dc8-5dde-8b4a-f02efb07dae4)
Conclusion (#u88121af4-8c71-5c9e-84b3-e5ff483c3a51)
Du même auteur (#u2dc23499-5141-51ae-8c04-deead8696987)
Copyright © Février 2020 par Brenda Trim
Éditeur : Chris Cain
Couverture par Fiona Jayde
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Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, personnages, lieux et incidents sont des produits de l’imagination des auteurs ou sont utilisés fictivement et ne doivent pas être considérés comme réels. Toute ressemblance avec des personnes, vivantes ou décédées, des évènements réels, des lieux ou des organisations relève de la pure coïncidence.
AVERTISSEMENT : La reproduction non autorisée de cette œuvre est illégale. La violation criminelle du droit d’auteur fait l’objet d’une enquête par le FBI et est passible d’une peine qui peut aller jusqu’à 5 ans de prison fédérale et 250 000 $ d’amende.
Tous droits réservés. À l’exception des citations utilisées dans les critiques, ce livre ne peut être reproduit ou utilisé en tout ou en partie par tous moyens existants sans l’autorisation écrite des auteurs.
[bad img format] Réalisé avec Vellum (http://tryvellum.com/created)
Et soudain, vous savez… le moment est venu de relever un nouveau défi et de faire confiance à la magie des nouveaux débuts. À tous mes fans, merci d’avoir poursuivi ce voyage avec moi et d’avoir plongé dans ce Nouveau Monde sorti de mon imagination.

CHAPITRE PREMIER
« Tu dois partir, Ryk. Si tu ne t’enfuis pas, ils t’attraperont. Tu ne peux pas rester ici », exigea Galina. Sa mère fourrait des vêtements tirés du fond de son placard dans un sac en toile.
« De quoi parles-tu, maman ? Je ne peux pas te laisser. Je ne serai pas comme papa, je ne t’abandonnerai pas aux humains », objecta Ryker.
Sa mère interrompit ses activités en cours et le regarda. Il détestait voir des larmes déborder de ses yeux lavande. Elle travaillait si dur pour subvenir à ses besoins et le protéger de la corruption à Bramble’s Edge.
La vie de ses amis ressemblait à un jeu de balle au prisonnier. Ils parcouraient les rues de l’Edge en essayant de trouver du travail, de la nourriture ou pour se distraire.
En naissant sur les terres de Mag Mell, les Fae se prédestinaient à une existence difficile. Avant l’invasion des humains, le royaume leur appartenait. Mais après, les Fae de l’âge de sa mère durent déménager dans la petite zone de Bramble’s Edge. Dans l’Edge, les humains contrôlaient les Fae et les utilisaient pour améliorer leurs propres conditions de vie. Ryker ne savait pas à quoi ressemblait leur quotidien avant la relocalisation du peuple Fae à l’Edge et il s’en fichait. Survivre et prendre soin de la femme qui l’avait tant choyé déterminaient ses priorités.
« Tu es en danger ici, à présent. J’ai promis de te garder en sécurité. »
Ryker traversa la pièce et recueillit sa mère dans ses bras. Avec sa stature imposante, la tête de la menue Fae arrivait à la hauteur de sa poitrine.
Sa minuscule corpulence renforçait son aspiration à assurer sa protection maintenant. Elle avait toujours tellement bien veillé sur lui. Il devenait enfin capable de donner en retour. Il voulait envelopper ses ailes naissantes bleu et noir autour d’elle et la protéger de nouveaux sévices. Par-dessus sa tête, il voyait parfaitement les ailes orange et jaune de Galina.
Il se sentait soulagé d’avoir finalement commencé sa transition. Depuis des années, il attendait avec impatience le moment où il entrerait enfin en possession ses pouvoirs. À vingt-quatre ans, sa croissance se situait dans la moyenne. La plupart des Fae atteignaient cette étape entre vingt et un et trente ans, la majorité entamait leur transition vers la fin de la vingtaine.
Sa mère n’était pas vieille pour une Fae. Les Fae ne vieillissaient pas comme les humains, ce qui, selon lui, les rendait dingues. Par exemple, les cheveux blond cendré de sa mère ne reflétaient pas son âge et elle regorgeait de vie, plus que n’importe quel être humain à soixante-trois ans.
Son espèce avait vécu des centaines, voire des milliers d’années, et avait des capacités largement supérieures à celles des humains ordinaires. Bien sûr, certains maîtrisaient la précognition, la télépathie et des habiletés similaires dans le domaine spirituel, mais leur puissance ne rivalisait pas avec les compétences d’un Fae.
Ryker croyait que les Fae ne resteraient pas un peuple soumis pour toujours. Il était convaincu que son espèce finirait par récupérer son hégémonie. Ses ailes voletaient dans son dos pour lui rappeler la raison de cette conversation.
« Tu dois t’échapper et trouver le souterrain, ordonna Galina. Tes pouvoirs se manifestent. » Ses mots incitèrent Ryker à regarder par-dessus son épaule le bleu vif de ses propres ailes. L’impatience de découvrir l’étendue de ses capacités et ses expertises le dévorait, mais elle le terrifiait également. Tout allait changer et il ne se sentait pas prêt à cette métamorphose.
Les pouvoirs des Fae se précisaient après avoir atteint leur force maximale. Puis ils développaient leur capacité à contrôler les éléments. Certains provoquaient et utilisaient le feu, d’autres maîtrisaient l’eau, la terre ou l’air. De rares exceptions contrôlaient les quatre éléments ainsi que l’esprit.
« Oui, mais je peux les cacher. Je ne te quitterai pas. J’apprendrai à les contrôler. Je travaillerai pour que tu n’aies plus à faire le ménage dans les maisons du milieu. »
Les coups sur la porte d’entrée résonnaient dans le petit appartement. Avant d’aller répondre, sa mère porta sa main à sa bouche et regarda vers la fenêtre.
« Sors par la fenêtre pendant que je les renvoie.
— Pourquoi ont-ils eu l’idée de venir ici aujourd’hui ? » interrogea Ryker.
Il venait à peine de découvrir que ses pouvoirs se dessinaient. L’afflux soudain de puissance lui donnait l’impression que ses membres devenaient des fils sous tension. La couleur inonda ses ailes pâles. Tous les Fae naissaient avec des ailes claires, nuance pêche avec des motifs légèrement noircis. Elles changeaient de pigmentation pendant leur transition. La plupart du temps, les dessins devenaient noirs ou prenaient une tonalité sombre.
Les lumières de la salle de bain avaient explosé quand il avait essayé de prendre sa douche. L’eau était passée du chaud au froid et inversement avec une rapidité vertigineuse. Sa mère lui avait expliqué la situation et fait part de ses convictions. Elle pressentait que ses compétences se manifesteraient dans plusieurs éléments. Puis elle avait commencé à préparer ses valises.
« Rien ne les dépasse. Tu le sais, Ryk. Maintenant, pars ! ordonna-t-elle en le poussant vers la fenêtre. Trouve la Peridun derrière la maison de plaisir. Elle te guidera vers le souterrain. Je t’aime. »
Ryker passa son sac par-dessus son épaule et se dirigea vers la fenêtre sans réfléchir au risque d’infléchir sa volonté. Il n’avait aucune envie d’aller à l’Académie de Bramble’s Edge. Tous les élèves qui avaient suivi le programme en étaient sortis esclaves.
« Je reviendrai », promit-il.
La voix de sa mère résonnait avec force dans leur humble maison. Il souleva la vitre, le panneau grinça en signe de protestation. Au même instant, des coups de pied résonnèrent contre la porte. Ryker sauta par la fenêtre avec élan. Le bâtiment à proximité se situait à peine à un mètre cinquante de distance. Il atterrit sur un rebord crasseux et faillit glisser.
« Arrête. Ne décolle pas », ordonna un mâle depuis la fenêtre ouverte. Ryker se tenait en équilibre sur le minuscule balcon. Il étendit ses ailes en guise de réponse. Le Fae jura et se faufila par la fenêtre derrière lui. Ryker détestait se mettre en colère ou combattre son propre genre.
Chaque fois qu’il voyait la police patrouiller l’Edge, il se demandait combien de policiers Fae accomplissaient réellement cette tâche de leur propre volonté. Son instinct lui disait que dans le monde actuel, les apparences étaient trompeuses. L’état de leur royaume ainsi que la manière dont les humains avaient pris le pouvoir alimentaient les rumeurs. Les véritables enjeux devaient dépasser sa compréhension.
Ryker grogna et s’accroupit pour s’envoler. Un bruit de métal l’obligea à marquer une pause. Il lança un juron en battant des ailes pour essayer de décoller. Malheureusement, il bougea trop lentement.
Ses poignets tombèrent sur ses côtés à la seconde où les menottes magiques entrèrent en contact avec son corps. Ryker tomba à genoux et essaya de se dégager des contraintes. Il devait se libérer ou il finirait à l’Académie.
Du coin de l’œil, Ryker remarqua que plusieurs de ses voisins planaient à l’intérieur de leurs maisons et observaient la scène. Il voulait leur montrer que les Fae pouvaient riposter, mais il restait impuissant et devait se contenter de s’acharner en vain alors que la douleur dans son torse s’intensifiait.
Le ruban magique encercla sa poitrine et verrouilla ses mains en place. Il résistait férocement et la douleur infligée par le métal s’intensifiait. Une sensation de brûlure envahissait sa peau, un courant électrique le traversait. Il avait l’impression que l’acier était en train de fondre sur ses os.
« Ça ne sert à rien, Ryker. Laisse tomber. Suis-nous de ta propre volonté. Tout sera plus simple », déclara le mâle.
Levant ses yeux verts, Ryker remarqua qu’il se rapprochait. Il fut choqué de voir qu’il connaissait le Fae. Impossible de confondre ces yeux bleus, ces cheveux auburn, et ces ailes rouge et noir.
« Aidan ? C’est toi ?
— Oui. C’est moi. Écoute, tu dois te calmer. La magie se dissipera si tu arrêtes de lutter. L’Académie n’est pas aussi mauvaise qu’on nous le disait dans notre enfance. Tu apprendras à contrôler tes pouvoirs. Sans instruction, tu ne parviendras jamais à canaliser ta puissance et exercer tes capacités. »
Ryker voulait se moquer de son ami d’enfance qui avait l’air de réciter un message appris par cœur. Il ne pouvait pas oublier les histoires qu’ils avaient entendues sur les élèves mutilés par les pratiques pédagogiques. Et, parfois pire.
Les Fae n’avaient pas accès à la technologie, et ils n’avaient aucun moyen de découvrir la vérité sans aller à l’école. La malignité d’Aidan qui l’attirait vers l’autre mâle avait disparu complètement maintenant. Tout ça devait avoir un sens, non ?
« Ryker », sanglota sa mère depuis sa chambre. Un autre mâle posa ses mains sur ses frêles épaules, il surplombait sa petite taille. Les épaules bien droites, il lança un regard furieux. La menace planait évidemment sur eux. Et, elle remuait ses tripes et provoquait des nausées.
Le regard de Ryker balaya rapidement la zone. Il réfléchissait à ses options. Les Fae vivaient dans un environnement urbain, un champ de pierre, un anathème pour leur espèce.
Les histoires anciennes décrivaient Bramble’s Edge comme un centre commercial créé par les Fae. Les plantes et les animaux entouraient la zone de quinze pâtés de maisons sur quinze et alimentaient leur pouvoir. Ryker pouvait seulement imaginer l’étendue du royaume dans le passé. Les Fae n’avaient pas le droit de posséder des appareils de communication ou des ordinateurs. Il savait simplement que le mode de vie des humains était très différent du leur.
Il avait accompagné sa mère dans les maisons qu’elle nettoyait pour les humains du milieu. Ils regardaient des films sur des écrans géants et ils utilisaient encore bien d’autres gadgets dont il n’était jamais parvenu à deviner la fonction. Selon les rumeurs, les riches en possédaient bien davantage.
Un seul choix s’offrait à lui s’il voulait s’échapper et trouver un moyen d’améliorer le statut de son peuple. Se dresser sur ses deux jambes. Ryker prit appui sur le balcon et battit des ailes.
Heureusement, elles étaient déployées lorsque les menottes de confinement l’avaient encerclé sinon il aurait dû les emmener. Dans les airs, il surplombait entièrement l’Edge. La section des centaures s’étendait sur un pâté de maisons et demi tandis que les plus petits complexes d’appartements des Barghests ceinturaient les écuries de l’autre côté.
« Écuries… », un bien grand mot pour décrire le lieu de vie des centaures. En réalité, elle se limitait à une simple allée recouverte de foin éparpillé et un espace principal pour cuisiner. La seule tanière dont ils disposaient pour s’abriter de la pluie et de la neige se limitait à un toit et deux murs. Le bâtiment barghest servait d’arrière de leurs maisons, l’avant restait complètement ouvert.
Ryker dut mettre en œuvre beaucoup d’efforts pour réussir à planer par-dessus des immeubles élevés, mais quand il y parvint, il aperçut l’Académie et l’océan au-delà. S’il atteignait l’eau, il pourrait voler le long de la côte vers une région exempte de domination humaine.
« Tu es fou ? Tu n’y trouveras rien d’autre qu’un terrain vague. Tu n’es pas suicidaire, idiot ! » gronda sa voix intérieure alors qu’il élaborait rapidement son plan. Non, il n’avait aucune ardeur téméraire, mais les autres mâles avaient pris leur envol, alors il manquait de temps de réfléchir.
Quand il traversa la section d’Asrai, il se mit à rêver qu’il pourrait atteindre la liberté. Il essaya d’écouter son instinct et de passer en revue ses moyens d’action. Ce serait formidable s’il pouvait fusionner les ombres. Même si les ombres se raréfiaient en ce moment. L’invisibilité aurait représenté l’arme parfaite pour l’aider à s’enfuir.
« Ryker, tu dois arrêter. Nous avons averti les autorités », lança Aidan derrière lui. Effectivement, une seconde après, une sirène d’avertissement assourdissante retentit à travers l’Edge. Les Hobs et les brownies se précipitèrent vers un abri.
Le ruban resserrait maintenant sa taille, sa respiration devenait difficile. L’agonie faisait danser des taches dans son champ de vision. Ryker dans une explosion de vitesse esquiva l’attaque ultérieure qu’Aidan avait lancée dans sa direction.
La spirale métallique inutile tomba au sol et déclencha une pluie d’étincelles en atterrissant.
« On mérite mieux, Aidan. Laisse-moi partir.
— Je ne peux pas. Tu as évidemment perdu le contrôle sur tes pouvoirs, ils vampirisent ton comportement, Ryker. Arrête et réfléchis avant d’agir. »
La structure en pierre géante se profilait au loin, distrayant Ryker. À cette distance, il ne distinguait pas les détails. Mais inévitablement, une foule d’étudiants rassemblés sur la pelouse devant l’Académie observaient la scène.
Aucune évidence ne lui permettait de soupçonner un danger menaçant s’il se rendait à l’institution. À d’innombrables reprises au cours de sa vie, sa mère lui avait raconté les évènements pendant la guerre avec les humains et les retombées consécutives.
Le meurtre du Roi et de la reine Fae représentait le pire chapitre de leur histoire. Il avait rendu leur peuple vulnérable. Actuellement, personne ne portait le manteau royal. Ils se sentaient sans défense. Ryker imaginait souvent à quoi ressemblerait la vie sous le règne d’un monarque. Les humains ne rebrousseraient jamais chemin pour s’enfuir, mais il devait croire qu’un roi leur donnerait une couche de protection supplémentaire.
Ses efforts continus alourdissaient ses ailes, mais il refusait d’abandonner maintenant. Le bruit derrière lui obligea Ryker à récupérer chaque once d’énergie en lui pour l’acheminer vers ses ailes.
Il bondit en avant et accéléra son vol sous l’effort. Il vacilla dans les airs comme un aviateur ivre. Des coups de couteau traversèrent soudain ses membres, et accaparèrent toute son attention. Il tourna la tête et remarqua qu’il ne souffrait en réalité d’aucune blessure visible, malgré ses impressions.
Les Fae apprenaient dès leur plus jeune âge à ne pas voler loin parce qu’un bouclier enveloppait l’Edge. Jusque-là, ce simple avertissement ne concernait que les tout-petits. Alors que ses ailes s’engourdissaient et cessaient de fonctionner, Ryker réalisa la douloureuse vérité des pouvoirs qui contrôlaient leur vie.
Aidan et un autre Fae planèrent sur place et regardèrent Ryker tomber à terre dans un enchevêtrement d’ailes. Les bras attachés, il ne trouva aucun moyen de se protéger du danger.
Lorsque Ryker percuta le sol dur, sa vision vira au noir pendant plusieurs secondes. Son flanc heurta le sol avec une force suffisante pour faire éclater une pierre. Une de ses ailes était coincée sous son corps.
L’agonie suivit rapidement le bruit de craquement. Chaque centimètre de son corps lui infligeait une douleur terrible, il ne pourrait sûrement plus jamais utiliser son aile gauche. Heureusement, les ténèbres l’envahirent et l’avalèrent.
Il entendit les officiers se plaindre de la difficulté de gérer les Fae en transition ces temps-ci, puis il perdit connaissance sur cette dernière pensée :
« Parce que nous en avons marre. Nous sommes fatigués de vivre dans l’esclavage des humains. »

CHAPITRE II
L’estomac noué, Maurelle s’attardait dans la salle de bain au cas où le reste du petit déjeuner qu’elle était parvenue à avaler ressurgirait. Elle ouvrit la fenêtre, et elle apprécia la brise d’automne qui traversait la petite pièce. L’air frais la remplissait d’une énergie qu’elle ne saisissait pas pleinement, mais qu’elle aimait néanmoins.
Elle appuya ses mains sur le lavabo, et grimaça devant les cernes sombres sous ses yeux gris et le désordre dans ses cheveux roses, graisseux et emmêlés. Elle ne ressemblait en rien à la Fae vibrante qu’elle était d’habitude. Même les nuances rose et turquoise de ses ailes pâlissaient.
Son pouvoir s’était manifesté un an auparavant. Depuis, elle restait confinée à la maison. La couleur vive de ses ailes ne laissait pas la moindre équivoque. Même si leur illumination était ternie en ce moment, elle ne pouvait pas risquer de s’aventurer hors du minuscule appartement familial. Elle n’avait évidemment pas terminé sa transition. Elle aurait dû accomplir son devoir et se présenter à l’Académie de Bramble’s Edge.
« Tu as bientôt fini là-dedans ? cria sa sœur, Nyx, à travers la porte pendant qu’elle tambourinait contre le bois. Je dois me coiffer pour aller déjeuner avec Alek. »
Maurelle roula des yeux en mesurant l’urgence de sa sœur. Elle regretta aussitôt ce mouvement quand la douleur martela l’arrière de sa tête. Tout représentait une urgence pour ses sœurs cadettes, mais surtout pour Nyx. Elle avait quatre ans de moins que Maurelle. Mais, elle se rappelait de l’importance d’un déjeuner avec un mâle charmant à dix-huit ans.
« J’ai fini, croassa Maurelle en ouvrant la porte.
— Beurk. Ne t’approche pas ! On dirait que la Peridun de la dixième rue t’a jeté un sort. Je ne veux pas contracter ta maladie, l’informa Nyx en sautillant loin, hors d’atteinte.
— Merci, Nyx. Moi aussi, je t’aime », marmonna Maurelle.
Elle descendit le couloir étroit. Pour la centième fois cette année, Maurelle se sentait reconnaissante envers son père d’exercer un métier si prestigieux dans l’Edge.
Techniquement, il travaillait à Furness, la zone humaine à l’extérieur des bidonvilles de l’Edge où vivait la classe moyenne. Même les plus pauvres de Furness menaient une vie bien meilleure que n’importe quel Fae. Ils éprouvaient une complète indifférence du destin réservé aux Fae. L’Edge était séparée par des ronces si épaisses que la plupart des Fae ne pouvaient pas s’y faufiler. Cette barrière naturelle favorisait leur insensibilité.
Elle aimerait tellement qu’une place lui soit offerte pour son talent à Furness, ou même à Dornwich. Malheureusement, jamais son père ne recevrait une boutique dans la section d’élite de Dornwich. Dans l’opulence, les horloges et les humains affectionnaient particulièrement les montres de son père, pourtant jamais ils ne voudraient le voir travailler dans leur voisinage.
Les revenus de son père leur permettaient de vivre à proximité de Furness, où ils profitaient d’une vue parfaite sur la section humaine loin derrière les ronces. Le contraste entre les niveaux de vie lui brisait le cœur. Les hommes vivaient dans des maisons bien entretenues, la majorité vivait même dans des maisons individuelles. Les Fae eux s’entassaient dans des bâtiments en ruine qu’ils ne parvenaient pas à réparer ou à conserver, même avec l’utilisation de leur magie. Ils déployaient tous leurs efforts pour l’Edge. Les humains aimaient leurs espaces de vie soigneusement entretenus, les Fae préféraient garder un côté sauvage. Leurs rues de pierre lisse paraissaient austères et sans attrait pour Maurelle.
Les Fae ne possédaient peut-être pas de biens matériels, mais tous ajoutaient une dose de magie pour tapisser les pierres des rues avec de l’herbe et des fleurs et pour améliorer l’attrait du sol. Les aînés comme sa mère, une Fae de la terre, utilisaient leurs talents pour encourager les vignes à pousser et consolider les murs des pires bâtiments.
Occasionnellement, les humains éliminaient l’herbe et les fleurs et abattaient les vignes. Maurelle pensait qu’ils ne voulaient pas leur permettre de s’installer trop confortablement. Elle s’arrêta près de la porte ouverte de sa chambre et envisagea de s’allonger. Erlina écoutait de la musique sur son lit, alors Maurelle continua vers le salon.
Sa mère leva les yeux et lui sourit.
« Hey chérie ! Comment te sens-tu ?
— Pas terrible, répondit Maurelle. Entre mon ventre et ma tête, je rêve de me rouler en boule et de disparaître.
— Je t’ai préparé du thé au gingembre. Je peux courir chercher de la grande camomille pour soulager tes maux de tête. »
L’apothicaire se trouvait à deux pas, mais Maurelle détestait l’idée de devenir un fardeau supplémentaire.
Elle se dirigea vers le canapé en secouant la tête. « Ça va aller, maman. Le thé au gingembre sera parfait. »
Elle ne pouvait pas quitter la maison maintenant qu’elle avait commencé sa transition, sinon, elle serait traînée de force à l’Académie. Ses parents avaient tous deux fréquenté l’Institut lorsqu’ils avaient acquis leur pouvoir. Mais, lorsque les humains avaient pris le relais, l’Académie avait bien changé.
Sa mère et son père disaient que les Fae n’étaient pas les mêmes à leur sortie de leurs études. Ils ne pouvaient pas lui expliquer, mais ils refusaient qu’elle serve les humains et qu’elle réprime ses semblables Fae.
Assise sur le canapé, Maurelle se remit à gronder seule dans son coin. L’instant suivant, sa mère lui apporta le thé. « Merci, maman », exprima-t-elle en savourant le liquide chaud. Grâce à la tasse de thé, elle pouvait maintenant ignorer son mal-être facilement.
L’année dernière, des visions du passé la bombardaient dès qu’elle touchait le moindre objet. Jusqu’à présent, seule sa capacité de psychométrie s’était manifestée. Elle accueillait ses limites avec gratitudes. Elle n’arrivait pas à s’imaginer devoir gérer plusieurs facultés en même temps.
En parlant de situation gênante, pensa-t-elle… En allant vers le réfrigérateur pour prendre un verre, elle avait vu son père embrasser sa mère. Ses ailes s’étaient inondées de couleurs et l’électricité avait envahi son système. Aucun enfant ne veut voir son père esquisser des gestes intimes à l’attention de sa mère.
Un coup à la porte interrompit les rêveries de Maurelle. Elle pensait qu’Alek se trouvait là, pour venir chercher Nyx, alors elle continua de savourer son thé. Sa tête pivota au son de voix de mâles énervés.
« Votre fille viendra avec nous ! » informa un mâle à sa mère.
Le pire cauchemar de Maurelle se déroulait sous ses yeux. Pour la première fois de sa vie, elle aurait souhaité avoir accès à la technologie et posséder des appareils de communication pour appeler son père. En regardant le Fae aux cheveux auburn venu pour la récupérer, une seule pensée traversa l’esprit de Maurelle : courir.
Elle n’avait aucune idée d’où elle irait réellement si elle réussissait à s’enfuir. Tous les Fae avaient entendu des rumeurs sur le souterrain, mais elle ne savait pas où il se trouvait ou qui l’y emmènerait. En dehors de Bramble’s Edge et des établissements humains, le néant s’étendait à l’infini.
« Vous ne pouvez pas l’emmener. Elle est malade, elle ne peut pas aller à l’Académie maintenant », essaya de raisonner sa mère avec l’officier.
Nyx et Erlina se précipitèrent dans le couloir et s’arrêtèrent net en voyant les officiers. Leurs yeux vert pâle identiques croisèrent le regard de Maurelle qui trahissait la terreur qui l’habitait.
« Demi-tour, leur lâcha-t-elle en leur adressant un geste de la main.
— La maladie ne la dispense pas d’aller à l’Académie. Elle doit venir avec nous sur le champ ! » exigea le même officier.
Maurelle jeta sa tasse de thé en direction du mâle et partit dans le couloir. À son passage, Nyx et Erlina s’écartèrent de son chemin. Maurelle continua vers la chambre de ses parents, et saisit une paire de chaussures de sa mère.
Un cri lui fit tourner la tête juste à temps, ses sœurs se tenaient au milieu du couloir. Nyx perfectionna son regard de snobinarde attitré, croisa les bras sur sa poitrine et lança un regard noir. « Laisse ma sœur tranquille ! »
Maurelle avait ébauché un sourire en voyant Nyx placer ses mains pour relever ses seins vers l’avant. Cette technique de distraction échouait rarement, surtout avec les mâles Fae. Les Fae étaient une espèce lascive.
Ses parents de Maurelle n’avaient jamais évoqué le sujet avec elle, mais ils n’en avaient pas besoin. Son désir rageur lui suffisait pour comprendre l’importance du sexe dans sa vie. Nyx entamait cette étape, ce qui expliquait son impatience de déjeuner avec Alex.
Les exutoires sexuels adoucissaient les Fae et les aidaient à rester équilibrés. Maurelle suspectait que son manque de partenaires était responsable de sa maladie. Aucun exutoire ne parviendrait à rivaliser avec ces pouvoirs. Ils aidaient à se défouler.
Elle resta bouche bée en voyant l’indifférence de l’officier Fae devant les attraits de Nyx. Sans lui prêter la moindre attention, le mâle écarta sa sœur hors de son chemin. Maurelle se détourna de la fenêtre et jeta une chaussure à sa tête. Erlina commença à pleurer et s’appuya contre le mur en face de Nyx.
Avec tout ce mouvement, la tête de Maurelle palpitait, son estomac vacillait, la bile lui remontait dans la gorge. Elle se précipita vers le mâle. Elle entendait sa mère se disputer avec l’autre mâle dans le salon, mais elle devait se concentrer sur celui qui la poursuivait dans la chambre de ses parents.
Son visage affichait un regard furieux. Elle l’esquiva et courut de l’autre côté du grand lit pour le maintenir à distance. « Tu ne nous échapperas pas. Laisse tomber maintenant et tout se passera mieux pour toi. »
Elle secoua la tête et chercha un moyen de sortir de ce chaos. Si elle parvenait à atteindre la fenêtre, elle pourrait s’envoler. Elle doutait de ses capacités à tenir la distance avec le martèlement dans sa tête et son estomac détraqué, mais elle n’abandonnerait pas maintenant.
Le mâle s’accrocha à ses jambes, elle sauta et lâcha un cri sous la douleur intense. D’instinct, elle donna un coup de pied au Fae. Le spectacle devait paraître comique ! Ses bras se débattaient en l’air. Ses cheveux emmêlés virevoltaient autour de son visage.
Le pied de Maurelle percuta la tête du mâle. Elle se replia, continua son agression bâclée, et attrapa ses cheveux. Le bras du Fae s’écrasa contre sa poitrine et l’envoya voler à l’autre bout de la pièce.
Elle emboutit la commode avec une force qui dépassait tout ce qu’elle aurait cru possible. Sa main envoya les bibelots en verre de sa mère au sol dans un cliquetis bruyant. Au bruit et à la façon dont les petits objets se brisèrent sous l’impact avec le parquet, elle esquissa une grimace.
« Maurelle », cria Nyx.
Maurelle leva la tête pour voir le Fae sauter par-dessus le lit et atterrir à côté d’elle. Il passa la main dans son dos et sortit une boucle argentée. L’électricité jaillit de l’objet, sa bouche s’assécha aussitôt.
Son combat reprit quand elle commença à se tortiller et à jouer des coudes. Elle caressait l’espoir de lui casser le nez. Le bras du mâle autour de sa taille appuyait fort sur son ventre, elle craignait de vomir.
De sa main libre, il porta l’objet argenté à sa bouche et murmura un mot qui le fit vibrer. Sans qu’elle ait le temps de réaliser ce qui se passait, il l’avait frappée sur le côté. Le métal changea de forme et s’enroula à mi-torse.
Avec son sortilège, il avait espéré le verrouiller sur une autre partie de son corps. Ses ailes restaient libres, tout comme ses mains. Elle saisit le métal avec l’intention de retirer le dispositif d’attache.
À l’instant même où sa main agrippa l’objet, la chambre de ses parents et le Fae au-dessus d’elle disparurent. Comme chaque fois qu’elle utilisait ses pouvoirs, elle ne pouvait se concentrer sur rien. Cela dura pendant quelques secondes.
Sa vision s’éclaircissait ne laissant pour seul souvenir que l’impression générale gravée dans sa mémoire. Peu importe ce que l’autre côté toujours inconnu lui réservait, il avait éveillé une bonne dose de peur et de détermination.
Maurelle supposait qu’elle aurait dû prévoir la situation, tout bien considéré l’arme était maniée par un collecteur. Les collecteurs étaient peut-être Fae, mais elle réalisait très clairement qu’ils ne ressentaient pas la moindre empathie et masquaient toute identité individuelle.
Ses interrogations au sujet de l’Académie lui provoquaient déjà une angoisse insupportable. Elle refusait de voir sa personnalité s’effacer si profondément. Ses parents avaient souvent décrit leur séjour à l’université, mais elle avait la certitude que l’institution suivait une ligne directrice entièrement différente maintenant.
Lorsque le brouillard se dissipa dans son esprit, elle aperçut le plus beau mâle Fae qu’elle ait jamais vu. Sa longue période d’âpreté et son besoin sexuel accru sublimisaient-ils sa vision du mâle ?
Non, décida-t-elle en apercevant ses traits nets et ses magnifiques yeux vert profond, ses cheveux noirs en désordre, sa petite frange sur son front.
Son air de détermination faisait écho à son propre ressenti au moment où les policiers étaient apparus chez elle. Son cœur s’accéléra quand il grommela et s’envola dans les airs à toute vitesse. Elle voulait crier, l’avertir.
Les mains attachées, il ne pourrait pas parcourir de grandes distances. Le même dispositif d’attache étincelait autour de sa taille, elle réalisa qu’ils l’avaient utilisé sur lui en dernier.
Alors qu’il s’éloignait des Fae qui l’attaquaient, la gorge de Maurelle se serrait. S’il réussissait à s’échapper, alors l’appareil se détacherait d’elle. La trajectoire de son vol vacilla lorsqu’il regarda le mâle qui le poursuivait dans le ciel.
Quand l’océan apparut sous ses yeux, Maurelle retint son souffle. Ses parents lui avaient donné une description fidèle de l’Académie. Une végétation luxuriante ceinturait les grands bâtiments de pierre, des ronces d’un côté et l’océan à l’arrière.
La profusion d’étincelles l’obligea à détourner la tête. Son regard se déplaça à temps pour voir le mâle séduisant s’écraser contre une barrière invisible dans le ciel. Personne n’avait clairement expliqué à Maurelle ce qui se passerait si elle essayait de s’envoler. Elle savait tout simplement qu’elle le regretterait.
Elle contempla l’aile du beau Fae qui s’illuminait comme si la foudre l’avait frappée. En un éclair, il s’effondra au sol. Elle vomit à la vue de la scène. Elle regarda, les yeux grands ouverts. Son cœur se mit à battre la chamade quand il toucha le sol.
À son atterrissage, elle aurait juré que l’impact avait secoué la terre. Son aile était pliée derrière son dos et il saignait. La scène était effroyable, elle doutait que le mâle se remette un jour.
Avec deux officiers venus pour elle dans sa maison, Maurelle ne voulait pas se montrer si vulnérable. Elle força son esprit à quitter la vision et elle se concentra sur elle-même. Une pioche fendit sa tête et la bile remplit ses narines.
Elle parvenait à peine à ouvrir les yeux, comme s’ils restaient collés, les paupières fermées. Quand elle y parvint, le mâle aux cheveux auburn la soulevait du sol. Il la tenait par le col et par un bras.
Ses sœurs en larmes se blottissaient l’une contre l’autre. Maurelle bascula avec l’officier qui la tenait. Une fois sortie de ses visions, sa désorientation dura plus longtemps que la normale. Elle ne savait pas si cet égarement était provoqué par l’entrave ou par sa maladie.
Elle entendait sa mère supplier les collecteurs de la laisser partir, mais l’autre mâle refusait d’écouter. « Vas-tu coopérer maintenant ? »
Maurelle essaya de se libérer de la poigne de fer de l’officier sur son bras, mais la main figée sur le côté refusa de décoller et la rappela à l’ordre. Après un coup d’œil rapide, elle découvrit que les menottes s’incrustaient pratiquement à ses poignets.
« Non. Tu ne peux pas emmener ma fille », sanglota sa mère alors qu’il la traînait dans la maison. Elle se précipita vers le mâle qui tenait Maurelle. Le temps ralentit encore.
À la seconde où sa mère essaya de l’atteindre, l’autre mâle souleva un long bâton noir et lisse et frappa. Le bâton heurta son crâne avec un bruit sourd. Ses sœurs crièrent avec elle, la tête de leur mère vola sur le côté et son sang éclaboussa le mur.
« Qu’est-ce que tu as fait ? » aboya l’officier qui la tenait.
Ils nageaient tous en plein cauchemar, pensa Maurelle en regardant le corps meurtri de sa mère s’effondrer au sol. Son crâne en partie arraché, ses yeux bruns vides regardaient le néant.
« Maman », cria-t-elle. Son estomac se révoltait devant cette vision. Le thé qu’elle venait de boire remonta précipitamment, puis jaillit de sa bouche et de son nez. Maurelle essaya de voir si la poitrine de sa mère montait et descendait, mais elle fut hissée vers la porte avant de pouvoir établir un diagnostic.
« Allez chercher papa », cria-t-elle à ses sœurs. L’officier la poussait dans les escaliers. Le soleil brillant se moquait du chagrin qui crevait sa poitrine. Le Fae la conduisit vers un chariot, il la maintenait sur le ventre. Puis il pressa un disque contre le dos de sa manille et les chaînes tombèrent avec un son mat. Elle devait absolument se procurer une clé pour les menottes.
Rapidement, elle se remit debout et essaya de se précipiter pour rejoindre son père. Alors que la porte se refermait derrière elle, Maurelle regarda en arrière et vit ses sœurs blotties dans l’embrasure de porte de l’appartement qu’elles appelaient leur « maison ». Elle devait nager en plein cauchemar.
Son cœur se brisa en un million de morceaux, elle donna un coup de pied dans les barreaux qui la séparaient de ses sœurs. Elle ne pourrait pas réconforter son père ou l’aider à apaiser Nyx ou Erlina.
Ses doigts agrippèrent les barreaux. Elle hurlait vers qui voulait l’entendre pendant que les collecteurs la transportaient. Pour la première fois depuis la manifestation de ses pouvoirs, elle ne se trouvait pas projetée dans une vision.
La réalité de la vie avait l’ascendant sur son âme battue et refusait de lâcher prise. Ils avaient impitoyablement tué sa mère parce qu’elle s’opposait à envoyer Maurelle dans leur stupide académie. Comment pouvait-elle continuer quand sa douce et aimante mère était partie ? Elle n’avait même pas pu lui dire au revoir ni aider à envoyer son esprit vers l’au-delà.
Elle ne devrait pas se montrer aussi surprise compte tenu de la torture dont elle avait été témoin dans sa dernière vision. Quiconque permettait de pareilles horreurs se moquait éperdument des blessures causées par l’exercice de leur domination et de leur pouvoir.

CHAPITRE III
L’inflammation à l’épaule de Ryker provoqua une agonie atroce pendant qu’il scannait les images lumineuses sur la table devant lui. Il ne pouvait pas soulever son mauvais bras sans provoquer une douleur atroce. Depuis qu’il avait repris connaissance à l’infirmerie de l’Académie, il vivait bien mieux qu’il ne l’avait espéré.
Il trouvait réconfortant de voir que les humains n’avaient pas commencé un procédé diabolique dès sa première seconde à l’académie. Honnêtement, il était surpris de voir à quel point tout semblait normal. Dans leur jeune âge, tous les enfants Fae fréquentaient l’école pendant plusieurs années. Ils y apprenaient à lire, à écrire et ils découvraient tout ce qu’on enseigne à l’école.
Historiquement parlant, l’Académie de Bramble’s Edge aidait les Fae à affiner leurs pouvoirs tandis qu’ils devenaient de jeunes adultes. Elle mettait l’accent sur le contrôle des capacités de chacun plutôt que sur l’éducation formelle. L’apprentissage de la maîtrise des pouvoirs représentait peut-être réellement son seul objectif maintenant.
Rien de suspect ou d’infâme ne s’était produit depuis son arrivée. Ryker se sentait contraint de remettre en question ce qu’il avait entendu dire pendant son enfance, en particulier les propos de sa mère. Elle lui avait décrit les humains comme des créatures maléfiques déterminées à garder le contrôle de leur royaume.
En réalité, les Fae qui dirigeaient l’école n’assuraient peut-être pas de missions pour les humains. À en juger par la façon dont ils le traitaient, il ne pouvait s’empêcher d’envisager cette probabilité. Le guérisseur avait passé plusieurs jours à réparer son aile centimètre par centimètre, afin qu’il puisse finalement voler à nouveau.
Si l’Académie voulait le contrôler, l’asservir en esclavage, personne n’aurait pris autant de soin à guérir ses blessures. Il revoyait sa mère lui conseiller de ne faire confiance à personne, de garder la tête baissée et de rester loin des projecteurs.
Il accomplirait son temps à l’Académie sans se faire remarquer. Voilà son plan ! Il devrait se soumettre à une évaluation pour déterminer ses capacités et la source de son affinité. Un de ses camarades de dortoir appartenait à la ligue Fae de la terre, un autre à la ligue de l’eau, et un troisième avait révélé une affinité pour deux éléments.
Ryker trouvait ça inouï ! D’après ses connaissances, seuls de rares Fae s’alignaient sur plusieurs éléments, et lorsque cela arrivait généralement ces éléments se complétaient. Sans savoir pourquoi, il espérait maîtriser plusieurs éléments.
Il n’avait pourtant aucune idée des implications pratiques qui en découleraient pour lui. D’après Sol, il devrait assister à des séminaires et à des séances d’entraînement supplémentaires. Ryker aimait avoir du temps libre pour jouer à la balle au cerceau. Sol quant à lui se montrait très occupé en ce moment.
Ryker choisit sa nourriture, se tourna et scruta le réfectoire. Il n’avait jamais vu un endroit comme l’Académie de Bramble’s Edge. La taille des dortoirs dépassait largement celle de l’appartement qu’il partageait avec sa mère, et la cafétéria était immense. D’innombrables tables et tabourets remplissaient la pièce. Les Fae n’étaient pas autorisés à utiliser la technologie. Il fut donc surpris d’avoir recours à des images sur la table pour commander leur nourriture. Chaque fois qu’il touchait le bouton, il ressentait un picotement spécifique.
Ses camarades de dortoir lui avaient expliqué que les sélections du menu leur étaient apportées rapidement après avoir touché le bouton marqué du logo de l’école correspondant. Ryker avait toujours aimé le symbole de l’Académie. Ces lettres « BE » entourées par le buisson de ronces épineuses se connectaient à son âme. Tout dans l’Edge suscitait ses émotions intérieures.
Après les encouragements de sa mère à fuir avant d’être recueilli, Ryker s’attendait à tout détester de l’Académie. Mais non, il ne détestait pas tout. En fait, il aimait même de nombreux aspects de l’établissement. Les murs de pierre des vieux bâtiments imprégnés de magie Fae semblaient l’accueillir avec joie. Oui, il réalisait que sa pensée était folle, mais il ne pouvait pas résister à son ressenti.
Les salles de classe et les champs d’entraînement étaient aussi extrêmement différents de son ancienne école. Ils disposaient de larges espaces pour s’entraîner et apprendre, des étendues largement supérieures. Dans son enfance, il allait dans une petite maison d’éducation qui desservait uniquement les complexes d’appartements de sa rue. Les locaux de son école primaire se situaient au deuxième étage au-dessus de la boulangerie et ils déjeunaient dans leurs salles de classe.
La nourriture à l’Académie rivalisait également avec les recettes de sa mère. Elle n’était peut-être pas la meilleure cuisinière de l’Edge, mais elle s’en rapprochait terriblement. La vaste sélection comprenait toujours un ragoût quelconque, parfait pour leur climat froid.
À Mag Mell, le temps était rarement chaud et il pleuvait fréquemment, alors Ryker préférait manger des repas copieux. Dans l’Edge, ils trouvaient difficilement des fruits et des légumes frais, mais l’Académie ne semblait pas avoir ce problème.
Ryker ne savait pas trop à quoi s’attendre la première fois qu’il avait pu quitter l’infirmerie pour prendre un repas dans le réfectoire. Il n’avait pas imaginé les dizaines de choix alimentaires qui se présenteraient à lui, son régime pendant son séjour à l’infirmerie le nourrissait certes, mais il restait insipide.
Il repensait à la manière dont sa mère décrivait les horreurs de l’Académie et s’attendait à recevoir une nourriture mystérieuse et sans choix. Cet environnement ne cadrait décidément pas avec sa conception préconçue du lieu.
De vraies plantes vivantes ornaient les coins de la pièce. Des fenêtres du sol au plafond leur offraient une vue sur l’océan au loin. La vue elle-même dégageait la sérénité.
Le lieu était tellement magique. Comment pouvait-il se trouver au mauvais endroit ?
Ryker leva les yeux lorsque Sol et Brokk s’approchèrent de sa table. Son troisième colocataire, Dain était déjà assis à table avec lui.
« Tu as déjà reçu un avis pour ton évaluation ? » demanda Sol.
Ryker secoua la tête et remercia le lutin qui lui apportait son repas. « Je n’ai encore rien reçu. Ils m’accordent peut-être plus de temps pour récupérer. »
Brokk lança à Sol un regard que Ryker ne comprit pas. « D’ailleurs, comment va ton aile ? »
Ryker tendit le muscle qui contrôlait son aile et elle se propulsa par-dessus son épaule. Il ne parvint pas à dissimuler la grimace provoquée par le mouvement.
« Elle n’est pas encore tout à fait remise. Mais grâce au guérisseur, elle va beaucoup mieux.
— Je n’en reviens pas que tu aies essayé de t’envoler avec les mains attachées par des chaînes, marmonna Sol en secouant tristement la tête.
— Pourquoi as-tu pris un tel risque ? Tu détestes autant l’école ? »
Ryker ressentit des picotements sur sa peau, le premier signe que quelque chose ne tournait pas rond. La question frôlait l’innocence, mais tous les Fae de l’Edge savaient consciemment en quoi consistait l’Académie. Personne ne voulait y assister.
La croyance commune disait qu’ils leur lavaient le cerveau et les transformaient en esclaves pour les humains. Il se souvenait des histoires racontées par ses amis. Tous avaient entendu des horreurs sur ce qui se passait derrière l’enceinte grillagée de l’école.
Les rumeurs disaient qu’ils aspiraient la magie des corps des Fae pour la mettre en bouteille, prête pour la consommation humaine. Ryker ne croyait absolument pas à ces clabaudages. S’ils étaient réels, toute trace de vie disparaîtrait des bâtiments. Et, les individus dans le réfectoire ne parleraient pas entre eux. Ils resteraient assis là avec des expressions figées.
Si les caractéristiques Fae de Ryker étaient retirées de son corps, il imaginait qu’il resterait entièrement vide. Pouvait-il accorder une confiance sans borne à ces mâles ? Voilà, la vraie question qui lui traversait l’esprit. Il était trop tôt pour lui. Il ne les connaissait pas bien.
Que se passerait-il s’il avouait la vérité à Sol ? Ryker ne voulait nullement risquer la sécurité de sa mère. Heureusement, elle avait gardé la bouche fermée après l’arrivée des policiers, donc rien ne l’impliquait dans sa tentative d’évasion.
« Dégage ! » résonna une voix féminine dans la cafétéria. Les regards se tournèrent vers les doubles portes ouvertes à l’autre bout de la pièce.
Ryker resta bouche bée devant la silhouette agile qui se contorsionnait dans les bras d’un mâle. Ryker venait à peine d’arriver, il ne connaissait ni le nom du mâle ni son rôle dans l’école. Les cheveux roses de la femelle s’emmêlaient. Elle se contorsionnait dans ses bras. Elle luttait pour essayer de se libérer.
Au début, il ne put rien voir d’autre. Lorsque son visage se tourna, Ryker remarqua qu’elle rougissait, mais pas d’embarras. Elle se déchaînait comme l’enfer. Il la regardait, et il voyait une tempête sur l’océan. Le feu provocateur qui flamboyait dans ses yeux gris brillait. Mais il détectait aussi une autre énergie derrière sa rage.
Il ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur son histoire. Contrairement aux autres étudiants, elle était arrivée au réfectoire avec un pantalon ample en coton et un débardeur froissé. Ryker pencha la tête, il remarqua qu’elle ne portait rien aux pieds. Plutôt inhabituel !
En une fraction de seconde, la femelle avait donné un coup de pied au Fae sur sa droite. Ryker grimaça et plaça sa main sur son aine tandis que le pied de la femelle se connectait pile entre les jambes du gardien. Tous les mâles dans la pièce furent pris de sympathie. Un seul coup à cet endroit suffisait pour se souvenir à jamais de la douleur provoquée.
Elle se mit en mouvement à l’instant suivant. Ses doigts étirés ratissaient le visage de l’autre mâle. « Maurelle », aboya une femelle plus âgée.
La femelle en colère s’arrêta et leva les yeux. Il réalisa que la femelle sous les cheveux roses s’appelait Maurelle. Il ne put s’empêcher de remarquer sa poitrine qui se soulevait. Des larmes coulèrent dans ses yeux alors qu’elle s’arrêtait et regardait la vieille Fae.
« Qui est-ce ? » chuchota Ryker. Il ne voulait pas attirer l’attention sur lui, mais il désirait savoir pourquoi la femelle avait cessé de se battre. Une légère sensation de picotement filtrait dans l’air et obligea Ryker à serrer les dents.
« C’est la directrice Gullvieg. Elle est sûrement la Fae la plus puissante de Bramble’s Edge en matière de manipulation mentale, répondit Sol.
— Tu vas me tuer aussi, maintenant ? » cracha Maurelle.

Elle rejeta son buste en arrière pour déloger la main sur son épaule.
À sa question, une certaine tension emplit la pièce. Ryker attendait toujours que quelqu’un empêche Maurelle de contester l’autorité de Gullvieg, mais rien ne se produisait. La directrice plissa les yeux et s’approcha de la femelle énervée.
« J’attendais ton arrivée, ainsi que toute l’Académie, pour prononcer mon discours de bienvenue. Commande ta nourriture et va prendre place », suggéra la directrice. Le ton vif utilisé pour prononcer le nom de Maurelle un instant auparavant avait disparu. Elle aurait aussi bien pu parler de la météo, pensa Ryker. Rien n’indiquait que Maurelle l’avait énervée.
Les deux mâles se tenaient de chaque côté de Maurelle, et la stressaient. Avant même que Ryker ne s’en rende compte, il se leva. La main de Brokk sur son avant-bras l’empêcha d’aller au secours de la femelle.
Après avoir lancé aux mâles un foudroyant « regard-qui-tue », Maurelle leva le menton et traversa la pièce. Son regard croisa celui de Ryker. Il dut s’efforcer pour dissimuler sa réaction.
Il la trouvait belle. Son visage étroit contrastait singulièrement avec les rondeurs de sa silhouette. Elle était grande. Mais elle n’avait pas le corps droit comme un bâton typique d’une Fae. Le débardeur se resserrait sur ses seins plus généreux que la moyenne, et ses hanches se balançaient à chaque pas.
En tant que Fae, Ryker n’était pas étranger au sexe, mais Maurelle avait précipité son esprit directement dans la chambre. Il s’interrogeait sur la douceur de ses lèvres, pincées et aucunement accueillantes à ce moment même, mais cela n’estompait pas son attirance.
Ryker retomba sur son tabouret. Il l’observa serrer les poings tout en fixant la directrice du regard.
Elle resta là pendant un instant avant de se diriger vers une table. Son regard fixait maintenant Ryker. Ses ailes voletaient nerveusement dans son dos. Les couleurs turquoise et rose vif correspondaient à ce qu’il décelait dans sa personnalité. Il avait devant lui l’une des femelles les plus fortes qu’il ait jamais vues.
Elle ne s’était pas retournée. Elle avait traversé la salle comme une poupée placide. Sa prestance le séduisait autant que sa silhouette. Son feu l’attira vers elle avant même qu’il ne la regarde. Après avoir reçu du pain et d’autres produits, elle jeta un coup d’œil tout autour de la pièce.
Son cœur se mit à battre à toute vitesse. Il voulait se lever et aller vers elle lorsqu’elle se dirigea vers lui. Avec ses crampes d’estomac et son front trempé de sueur, il avait du mal à rester assis. Elle se dirigeait en effet vers sa table, alors qu’au moins dix autres tables libres attendaient autour de lui. Il n’avait vraiment aucun besoin de créer une amitié avec cette femelle fauteuse de trouble. Il avait déjà suffisamment énervé les forces de l’Académie en essayant d’échapper à la collecte.
Ryker força son regard vers sa propre nourriture, il ramassa sa fourchette et commença à manger. Il ne put se retenir de lever les yeux pour voir où elle avait décidé de s’asseoir. Quand une main délicate atterrit à côté de lui, sa tête se leva comme une fusée.
Maurelle tirait précisément la chaise à côté de lui. Quand elle rencontra son regard, il ne put s’empêcher de remarquer les cernes sous ses yeux. Cela lui fit penser qu’elle se battait aussi durement que lui.
« Salut toi ! » dit Brokk de l’autre côté de la table avec un petit geste. Maurelle le regarda et lui adressa un signe.
« Je suis Brokk. J’ai entendu Gullvieg t’appeler Maurelle, c’est ça ?
— Oui, répondit-elle avant de tourner la tête vers Ryker.
— Tu es nouveau, n’est-ce pas ? Comment va ton aile ? »
Abasourdi, il dissimula le choc en fourrant un gros morceau de nourriture dans sa bouche. Il hocha la tête pendant qu’il mâchait et déglutissait. « Je suis Ryker. Et l’aile s’améliore. Les guérisseurs de l’Académie ont déployé des efforts considérables pour la remettre en état de marche. » Il fléchit le muscle de son aile, pour la faire passer par-dessus son épaule avant de l’abaisser à nouveau. Il ne voulait pas paraître impertinent, alors il lui parla, mais il ne voulait pas approfondir non plus.
Sa tentative d’évasion avait déjà suffisamment attiré l’attention. Il ne ressentait aucun besoin d’ajouter Maurelle à sa liste d’amis proches et de provoquer un examen minutieux de la part de Gullvieg. Il espérait avoir dissipé les craintes de la vile directrice à son sujet.
Maurelle se pencha en arrière sur son siège, elle leva sa main vers l’aile et la tendit comme pour la toucher. Instinctivement, Ryker l’abaissa. Elle comprit probablement la raison de ce geste brusque et elle laissa retomber sa main. Malgré son attirance flamboyante pour elle, il pensait qu’ils feraient mieux de garder leurs distances.
« Tu es vivant, c’est déjà ça. Je craignais que tu ne sois mort aussi », avoua-t-elle.
Une grimace s’esquissa sur son visage alors qu’elle poussait la nourriture dans son assiette.
La directrice se leva et posa ses mains sur ses hanches. « Je voudrais souhaiter la bienvenue à tout le monde pour cette nouvelle année à l’Académie de Bramble’s Edge. Je dirige avec fierté cette institution depuis trois siècles. Vous ne recevrez nulle part une meilleure éducation pour apprendre à contrôler vos capacités. Nous venons d’accueillir plusieurs nouveaux étudiants qui seront évalués après-demain. »
Gullvieg expliqua où se trouvaient les salles de classe ainsi que les différents champs d’entraînement. Ryker écoutait ou plutôt il feignait de prêter attention au discours. Il était concentré sur Maurelle. Comment cette femelle avait-elle découvert sa tentative d’évasion ? L’avait-elle vu essayer de voler alors qu’il était enchaîné ? Ses colocataires s’étaient retirés dès l’instant où le discours de bienvenue avait commencé, car ils n’avaient pas besoin de l’écouter.
En rapprochant son tabouret de Maurelle, il se pencha vers elle et murmura : « Comment sais-tu ce qui m’est arrivé ? »
Ses yeux gris étaient bordés de rouge lorsqu’elle se concentrait sur lui et la sueur perlait sur son front.
« Oh. Le collecteur qui est venu me chercher a utilisé ces bandes magiques…
— Les entraves, l’interrompit-il en expliquant le nom du brassard.
— Peu importe, dès qu’elles m’ont touchée, je t’ai vu essayer de t’échapper et tomber après avoir heurté la barrière, répondit-elle en agitant sa main.
— Tu possèdes des aptitudes psychométriques ? »
Il réfléchissait à ce qu’elle venait de dire. Elle aussi avait lutté au moment de sa prise en charge. Il ne trouvait rien de surprenant à sa résistance. Il s’inquiétait de son état, malgré tout il restait déterminé à maintenir une relation superficielle entre eux. « T’ont-ils blessée quand ils t’ont capturée ? »
Ses yeux se remplirent à nouveau de larmes et elle baissa la tête. Il observait ses épaules courbées. Il avait été témoin de son combat un peu plus tôt, elle avait perdu à chaque reprise. Elle lui brisait le cœur. Il marmonnait des insultes contre lui-même et se sermonnait en silence pour se convaincre de rester immobile. Il ne devait pas essayer de la réconforter. « Non. Je n’ai pas été blessée, mais ma mère… elle a… elle a essayé de m’aider. »
Elle parlait d’une voix tellement basse qu’il dut se pencher vers elle pour l’entendre. « J’espère que ta maman va bien. La mienne n’est pas intervenue lorsque j’ai décollé par la fenêtre.
— Tu as de la chance qu’elle ait tenu sa langue. Ils ont tué ma mère », lança-t-elle en serrant les dents.
Le choc l’empêcha d’apprécier le feu intérieur qu’elle venait d’exhiber. « Quoi ? Pourquoi restes-tu ici ? Je suis désolé », ajouta-t-il avec précipitation. Son commentaire ne laissait pas transparaître la moindre trace de sensibilité. Jamais auparavant il n’avait entendu une histoire impliquant la mort lors d’une collecte. La disparition de la mère de cette belle femelle lui donnait envie de sabrer le cabinet au pouvoir et de nettoyer la maison. Il trouvait la situation purement et simplement inacceptable.
Il se rappela que cet épisode n’était pas isolé et tous ces incidents semblaient liés. Aucun Fae ne devrait souffrir comme ça. L’injustice frappa directement au plus profond de son âme. Il restait assuré que la situation personnelle de Maurelle n’était pas la seule cause.
« Ces gens sont des monstres. Si j’avais le choix, je rentrerais à la maison avec mon père et mes sœurs. Ils vont l’envoyer vers l’au-delà. »
Il posa la paume de sa main sur son épaule pour lui offrir un peu de réconfort. Elle se tourna vers lui, mais ses yeux ne souriaient pas. Il retira sa main. Son chagrin la portait à vif et la coupait en lambeaux. Malgré tout, il ne voulait pas se rapprocher d’elle. Hélas, en un éclair, il réalisa qu’il était peut-être déjà trop tard.
Tout ça expliquait l’apparence de ses vêtements. Ils ressemblaient davantage à un pyjama qu’à l’uniforme noir estampillé du logo de l’école. Comment avaient-ils pu prendre la vie de sa mère puis la forcer à assister à un banquet de bienvenue comme si de rien n’était ?
À ce moment, il comprit clairement que les rumeurs sur l’Académie — ou peut-être pas les rumeurs sur l’Académie, mais les rumeurs sur les humains au pouvoir — disaient vrai. Après tout, toutes les histoires d’horreur ne naissaient-elles pas de faits réels ?
Ce drame ne relevait certainement pas de l’évènement isolé. Ils étaient trop préparés à forcer cette femelle à s’incliner devant leurs volontés. Gouverner par la peur assurait un nombre minimal d’objections. Ils lançaient des sorts et avaient recours à d’autres subterfuges pour empêcher Maurelle de parler, mais ils ne cherchaient pas à soulager sa douleur le moins du monde.
La scène spectaculaire de son entrée dans le réfectoire avait attiré l’attention. Aucun doute ! Plusieurs étudiants autour d’eux avaient entendu toute l’action. La rumeur de la mort de sa mère se répandrait sur le campus en un rien de temps.
« Tu n’es pas seule ici », promit-il. L’espoir envahit son regard. « Malheureusement, je soupçonne que tu rencontreras d’autres élèves susceptibles de se raccrocher à ton vécu », ajouta-t-il. Il voulait s’assurer qu’elle comprenait bien qu’il ne parlait pas de lui-même.
« Je sais que tu as raison. C’est pourquoi je… ugh », bafouilla-t-elle. Elle grimaça et posa une main sur sa tête. La pâleur de sa peau prit une nuance vert maladif. Sa tête se déplaçait d’avant en arrière, ses mèches roses volaient.
« Tu n’as pas l’air en forme. As-tu déjà vu un guérisseur ?
— J’étais malade quand les collecteurs m’ont emmenée. Ils m’ont obligée à venir ici en premier.
— Tu as l’air horrible. L’infirmerie se trouve au deuxième étage, en bas de l’aile est. »
Il se leva, il ne pouvait vraiment pas lui offrir davantage. Hors de question de placer plus de cibles sur son dos qu’il en avait déjà.
« Merci », marmonna-t-elle. Elle se leva à son tour.
Il marchait à côté d’elle et aurait souhaité agir pour améliorer sa situation. Ni l’un ni l’autre ne parlèrent en marchant. Il agit comme un imbécile et il ne lui dit même pas au revoir quand ils se séparèrent. Il continua jusqu’à son dortoir au quatrième étage.
Ses tripes tourbillonnaient. En même temps, son aine pensait que ce serait une bonne idée de se laisser aller à son attirance. Alors qu’il venait de se flageller de l’intérieur pour avoir traité Maurelle avec ennui. Maintenant, une douche froide s’imposait.

CHAPITRE IV
« Les emplois du temps sont-ils toujours aussi bien remplis, ici ? » demanda Ryker à son colocataire. Il vivait à l’Académie depuis quelques jours maintenant et ils avaient travaillé plus dur que dans le boulot à temps partiel qu’il occupait avant d’être emmené à l’école.
La plupart des jeunes adultes Fae gagnaient leur vie. Ils devaient aider à subvenir aux besoins de leur famille. Mais ils travaillaient rarement plus de dix heures par jour, ce qui contrastait largement avec les informations étalées leurs cours d’histoire. Les professeurs devraient savoir que les élèves n’avalaient pas le babillage qu’ils essayaient de leur enseigner. Ils se tuaient à la tâche pour arriver à joindre les deux bouts.
Les enseignements de l’Académie semblaient véritablement biaisés en faveur des humains. Entendre les enseignants évoquer la manière dont les humains étaient entrés pour sauver Bramble’s Edge de la ruine l’exaspérait et révélait l’Académie sous son vrai jour.
À son arrivée, il voulait crier sa rage à tous ceux qui leur débitaient ces sornettes. Mais au fil du temps, il commençait à comprendre. Il n’avalait pas l’idée que les humains les avaient sauvés alors qu’ils les avaient réellement attaqués en premier.
Leurs armes l’avaient emporté sur les capacités des Fae et affaibli le royaume. Sa mère lui en avait suffisamment raconté pour comprendre leur stratégie guerrière. Les Fae avaient essayé de se défendre pendant que les humains s’acharnaient pour prendre le pouvoir qui stabilisait le peuple Fae.
Une partie de la puissance du roi et de la reine Fae avait maintenu l’équilibre, à la fois entre les races et du point de vue des individus. D’après les explications de sa mère, chaque fois qu’un membre du royaume se laissait dominer par son propre pouvoir, le Roi intervenait et le remettait à sa place. Leur simple présence dans le royaume fournissait une source de stabilité pour toute la race.
À la mort du roi et de la reine, ce pouvoir disparut, la puissance des Fae s’effondra. Le chaos qui s’ensuivit permit aux humains de s’immiscer et de prendre le contrôle de leur royaume.
Dans les premiers temps, la plupart des êtres surnaturels, en particulier les Fae trouvaient difficile de gérer autant de pouvoir. Tous les membres de cette espèce extatique s’engageaient à fond dans leurs passions. Le but réel de l’Académie résidait dans l’apprentissage de la maîtrise des pouvoirs, sa mère se plaignait sans fin à ce sujet. Les humains pervertissaient l’œuvre du roi Oberon créée des millénaires auparavant.
Il comprenait exactement ce que sa mère voulait dire, pas au sujet des objectifs de l’école, mais de la partie sur le contrôle des pouvoirs. En effet, à maintes reprises, ils avaient dû renvoyer ses nouveaux amis venus lui rendre visite. Il s’était parfois réveillé avec la peau fripée comme après un bain dans le petit étang près de la boucherie où travaillait Galina.
Ses compagnons de dortoir relataient tous une ou deux mésaventures semblables qui leur arrivaient sans cesse, mais Ryker avait remarqué plusieurs situations qui le laissaient perplexe. Il n’avait pas encore identifié ses pouvoirs. Même les professeurs qui l’évaluaient semblaient déconcertés. Ils l’avaient finalement placé dans la ligue de l’air.
Apparemment, il avait manifesté beaucoup de capacités associées à celles des Fae de l’air. Il ne parvenait pas à définir ses sentiments à cet égard. Il ne ressentait qu’une faible aptitude à manipuler les pensées ou à rêver en marchant ou à communiquer directement avec l’esprit de quelqu’un. Par ailleurs, il ne ressentait pas non plus d’autres pouvoirs de l’esprit.
Il avait hâte de découvrir le potentiel de son esprit, mais la ligue du feu l’attirait particulièrement. La façon dont sa colère montait en flèche et la façon dont il frôlait les bagarres lui donnaient l’impression que son élément s’exprimerait dans le feu. Ces pulsions se manifestaient bien plus que ses autres capacités.
Chaque Fae avait des aptitudes de base. C’était une des raisons pour lesquelles Ryker n’était toujours pas convaincu par la voracité des préjugés de sa mère envers les humains. Les humains ne vivaient pas aussi longtemps que les Fae. Et ils n’avaient pas de force ou d’audition transcendantes. Ils ne pouvaient pas non plus activer de processus de guérison accélérée.
Les Fae pouvaient également sublimer leur apparence dans une certaine mesure. Un faible niveau de compétence pouvait être amplifié chez certains qui possédaient un talent supplémentaire dans ce domaine. Ceux qui possédaient les capacités de projeter leur charme avaient commencé à vendre des boucliers conçus pour déguiser les apparences des Fae. Ils pouvaient ainsi quitter l’Edge et partir vivre hors les bidonvilles. Quinze ans auparavant, l’unité des détectives avait été formée pour les démasquer.
Le père d’Eitin travaillait comme détective à la frontière. Il empêchait les Fae et les métis de quitter l’Edge. Sa mère détestait cette amitié avec Eitin, mais tous les deux formaient un duo inséparable. Et, sa maman n’avait jamais caché ses sentiments à Eitin non plus.
Sa mère lui répétait la leçon en disant qu’un Fae ne devrait jamais utiliser ses capacités à pressentir un autre Fae contre sa propre espèce. Pour plaisanter entre eux, ils essayaient de deviner combien de fois elle repasserait son sermon.
Quand Eitin recevrait ses pouvoirs, il appartiendrait sans aucun doute à la ligue du feu. L’affectation de Maurelle l’intriguait. Il ne l’avait pas revue depuis qu’il l’avait regardée marcher vers l’infirmerie, mais il ne pouvait pas s’empêcher de penser à la belle femelle. « Tu cherches les ennuis », se prévint-il pour la millième fois cette semaine-là.
Quelle bénédiction, il ne l’avait pas vue ! Il parviendrait ainsi facilement à garder ses distances.
Son esprit têtu refusait de penser à quoi que ce soit d’autre. Les pouvoirs de la femelle allaient-ils s’exprimer dans l’air ou le feu ? Peut-être même l’eau ou la terre. D’après ce qu’il avait aperçu d’elle, il doutait qu’elle appartienne à la terre. Si c’était le cas, avec la rage furieuse qui l’habitait à ce moment-là, elle aurait sûrement déclenché un tremblement de terre ou appelé un rocher.
Elle n’appartenait probablement pas à la ligue de l’eau pour des raisons similaires. Les gardes n’avaient pas commencé à saigner des yeux, et l’océan qui bordait l’école n’avait pas envoyé de raz de marée s’écraser dans le réfectoire. Au plus profond de lui, il espérait qu’elle le rejoindrait dans la ligue de l’air. Elle avait manifesté d’étonnantes capacités psychométriques, mais elle n’était pas encore apparue en classe. C’était préférable pour lui, se rappela-t-il. Il n’avait aucun besoin de multiplier les rencontres gênantes avec la femelle.
Ryker chassa Maurelle de ses pensées ainsi que la façon dont son chagrin le révoltait. Il quitta sa chambre et plaça les protections possibles sur la porte. Dans sa ligue, personne ne devrait atteindre ses capacités à manipuler les métaux. Cette aptitude ébauchait un trait de la terre, mais il ne voulait pas que quelqu’un entre dans son espace en son absence.
« Hé, Ryk. Tu vas bien ? Tu as manqué le petit déjeuner », fit remarquer Dain en sortant de sa chambre. Les dortoirs se situaient dans de grands bâtiments de cinq étages. La conception de l’installation lui autorisait une indépendance largement supérieure qu’à la maison, et rendait son séjour à l’Académie beaucoup plus agréable.
Dain n’avait pas l’air trop pressé de quitter le canapé et d’aller en classe tandis que Sol et Brokk tenaient leurs livres et blocs-notes en main. Leurs chambres étaient toutes disposées autour d’un coin salon central. Ils devaient s’entraîner et étudier dans cette pièce.
« Oui. Je ne me suis pas réveillé », mentit-il en ajustant ses livres. Il ne savait pas s’il pouvait avoir confiance en eux et partager les questions persistantes qui le hantaient. Certes, ses doutes et ses objections au sujet de l’Académie diminuaient au fil des jours, mais ils ne s’étaient pas complètement évanouis.
Sol gloussa et secoua la tête. « Moi non plus, je ne voulais pas sortir du lit à cinq heures du matin. Ce matelas doit être rempli de nuages ou d’un truc du genre. Je n’aurais jamais cru que je dormirai un jour dans un lit si confortable. »
Son visage devait cacher ses émotions chaotiques mieux qu’il ne le pensait. Ryker hocha la tête et continua jusqu’à la porte. « Ça, c’est sûr. J’ai dormi dans le même lit toute ma vie. Et, ma mère l’avait probablement depuis déjà fort longtemps. » Un lit neuf ou moelleux offrait un luxe que la plupart des habitants de l’Edge ne pouvaient pas se permettre, donc un matelas confortable représentait un avantage majeur.
Ryker descendit les escaliers et les écouta débattre des différences entre les dortoirs et leur maison. Il tomba d’accord avec eux sur ce sujet. La douleur dans sa poitrine diminuait à chaque respiration, ses tripes s’assainissaient dans l’atmosphère purifiée. Soudain, Maurelle sortit en trombe d’une pièce en dessous de la sienne.
Ses pieds faiblirent, il se rattrapa à peine avec une main sur la rampe et finit par tomber dans l’escalier suivant. « Superbe » semblait un qualificatif édulcoré quand il la regardait. Avec des cheveux propres et brillants et sa pâleur maladive évanouie, sa beauté exerçait une emprise indéniable.
Ses colocataires remarquèrent son retard et se tournèrent vers lui. Ryker ouvrit la bouche, mais Brokk l’interrompit. « Hé, Maurelle. On dirait que tu te sens mieux. »
La femelle en question rougit d’une légère nuance de rose et sourit. « Merci. Je vais tellement mieux. »
« Et, zut ! Je te trouve super sexy ! » poursuivit Brokk. Son regard balayait sa silhouette de la tête aux pieds. Ryker avait envie de balancer un coup de poing dans sa belle gueule, mais il jugea la réponse complètement inappropriée. Il devrait encourager son flirt. Ryker se montrerait alors probablement moins enclin à céder à son désir pour la femelle.
Ryker admit qu’il aimerait embrasser ces lèvres pulpeuses et sentir ce corps aux formes généreuses, mais il se retenait. « Assez ! » aboya Ryker d’un ton sec. Avec une grimace, il adoucit sa voix et continua.
« Maurelle n’a pas besoin d’être harcelée. Comment te sens-tu ? Je ne t’ai pas vue par ici.
— Mon chevalier personnel dans sa brillante armure », taquina Maurelle.
Il fronça les sourcils même s’il aimait son sens de l’humour ironique et son sourire. Il les aimait beaucoup trop pour son propre bien. « Certes, ce n’est pas nécessaire. Les compliments distraient parfaitement de la perspective de commencer l’école. L’école et moi n’étions pas les meilleurs amis pendant mon enfance, donc je me sens nerveuse. À part ça, je me sens beaucoup mieux. Ils m’ont gardée à l’infirmerie jusqu’à la nuit dernière et m’ont donné plusieurs fortifiants et d’autres traitements. »
Ryker garda ses distances alors qu’ils descendaient les escaliers en groupe. « Comment gères-tu la perte de ta maman ? Puisque tu ne cries pas et ne frappes plus personne, je suppose que tu dois t’en sortir. »
À ces paroles, sa tête sursauta. Maurelle secoua la tête et marqua une pause tandis que Sol ouvrait la porte qui menait hors des dortoirs. « Ça a été horrible. Elle me manque terriblement. Mais… eh bien… J’aurais tant souhaité qu’elle n’interfère pas avec les collecteurs. »
Cette attitude se distinguait radicalement de la colère qu’elle avait dégagée à son arrivée. Brokk se déplaça vers sa droite, Sol se leva devant eux. Maurelle était intelligente de ne pas s’ouvrir complètement. Il aimait assez ses colocataires, mais en ce qui concerne leur honnêteté, c’était une tout autre affaire. Ils ne lui avaient jamais donné de raison de leur faire confiance. Par prudence, il garderait ses distances.
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* * *
« Ce qui t’est arrivé est un évènement assez traumatisant », observa Ryker alors qu’ils marchaient à l’extérieur. Qualifier ce qu’elle a vécu de traumatisant relevait de l’euphémisme majeur. Elle sentait sa méfiance et le mur qu’il érigeait entre eux. Elle ne savait pas pourquoi il agissait de la sorte avec elle et en ce moment et elle ne disposait pas de l’énergie nécessaire pour essayer de comprendre.
Pour la première fois depuis près d’une semaine, son corps et son cœur ne souffraient pas d’une douleur insupportable. Inclinant la tête en arrière, elle laissa le soleil réchauffer son visage tandis que la brise de l’océan lui ébouriffait les cheveux. Maurelle aimait le domaine de l’académie. Entre la vie végétale, l’air et l’eau plus purs, son âme se nourrissait d’une abondance d’énergie qu’elle n’avait jamais ressentie auparavant.
À l’Edge, seules quelques rares plantes entouraient les Fae, et tous les bâtiments étaient en pierre. La saleté et la crasse recouvraient tout, sans parler des produits chimiques divers qui brûlaient la peau et les poumons. Les Fae entretenaient une connexion et une dépendance primordiales envers les éléments. Leur environnement devait être profondément exempt de toxines et d’autres contaminants.
Elle rencontra les beaux yeux verts de Ryker et détourna rapidement le regard lorsqu’elle vit la colère sur son visage. Elle ne savait pas pourquoi cette rage l’envahissait, mais elle en avait assez pour son propre compte et n’allait pas en plus essayer de le réparer aussi.
« Alors, à quelle ligue appartenez-vous ? Je recherche des détails et des conseils sur la ligue de l’air en particulier », expliqua Maurelle.
Le travail scolaire la rendait folle. Enfant, l’école hantait la plupart de ses cauchemars et avait continué en grandissant. Maintenant, elle se voyait forcée de revivre ces angoisses à l’âge adulte. Elle espérait que Ryker ou l’un de ses amis deviendrait un allié et une personne sur qui compter pendant ses études à l’académie. Même si, vu la froideur de Ryker, elle doutait qu’il lui manifeste un large soutien.
Malgré ses traits ravissants, son attitude vraiment déplorable le dépouillait de ses charmes. À en juger par sa tentative d’évasion elle avait émis l’hypothèse qu’ils deviendraient alliés, mais elle semblait loin de la réalité. Elle se sentit piquée de son rejet, même si elle ne comprenait pas pourquoi.
« J’appartiens à la ligue de l’air aussi », répondit Ryker avec une grimace. « Pourquoi ne ressemble-t-il pas à un gobelin avec cette grimace sur son visage ? » Ce serait tellement plus facile si elle ne se sentait pas désespérément attirée par lui. Il affichait une sale attitude, et il ne semblait pas particulièrement gentil.
« Tu seras ravie d’apprendre que moi aussi j’appartiens à la ligue de l’air, ajouta Brokk.
— Dis plutôt que tu brasses de l’air », le taquina Ryker.
Avec un petit rire, Maurelle se tourna vers Sol et Dain.
« Alors, à quelle ligue appartenez-vous ?
— J’appartiens à la ligue du feu. Bien plus chaud que les courants d’air », répondit Sol en agitant les sourcils.
Dain se retourna et marcha vers l’arrière. Ses ailes s’ouvrirent pendant qu’il leur parlait.
« J’appartiens à la ligue de l’eau, mais je pense qu’ils commettent peut-être une erreur. Hier au soir, quand un garde m’a crié dessus pour être arrivé tard pour le dîner, j’ai déclenché un tremblement de terre.
— Les crétins, jura Sol. Ils éprouvent un sentiment de satisfaction pervers quand ils nous tourmentent.
— Ma mè… Ma mère m’a dit qu’un Fae exprimait souvent des capacités dans plusieurs éléments », déclara Maurelle.
Elle essayait d’ignorer la brûlure derrière ses yeux et de repousser la boule dans sa gorge. L’agonie prévisible dans son cœur s’émoussait, cette rémission la laissait perplexe tout en la soulageant.
« Ma mère aussi », acquiesça Ryker. Elle pensait qu’il l’ignorerait et reçut sa réponse comme un choc.
« Et, avec autant de pouvoir, tu deviendras plus attrayant pour les humains responsables au château.
— Vous souvenez-vous de la vie des Fae quand le Roi et la Reine vivaient et régnaient depuis le château ? » lança Dain l’air de rien.
Tout le monde grinça des dents et essaya de paraître occupé. Tout à coup, une vague déplaça un caillou dans sa main. Le galet se dirigea vers la tête d’un autre élève. Heureusement, l’étudiant se précipita sur sa gauche en direction du terrain d’entraînement de la terre.
« Mec, ce n’est pas passé loin, lança Ryker à Dain.
— Je sais. Ce n’était pas mon intention. »
Brokk remit en place les cheveux qui tombaient sur son front. « Vous pouvez toujours aller voir Gullvieg et demander à suivre des cours dans les deux ligues. On est arrivés », ajouta-t-il en désignant le bâtiment sur leur gauche.
Ils saluèrent les autres et les laissèrent discuter de ce que Dain allait faire face à sa situation. Suivre des entraînements supplémentaires ne l’intéressait visiblement pas. Il ne demanderait sûrement rien à la directrice.
« Calme-toi, l’encouragea Brokk. Nous commençons seulement à pratiquer notre télékinésie depuis quelques jours. » Du coin de l’œil, elle vit les poings de Ryker se serrer. Sa colère devenait de plus en plus difficile à ignorer lorsque Brokk se montrait gentil avec elle.
« Ça a l’air assez simple. » Le cœur de Maurelle s’emballa alors qu’ils entrèrent dans l’immeuble à l’atmosphère oppressante.
Pour la ligue de l’air, le bâtiment s’avérait largement plus fermé et étouffant qu’il ne paraissait acceptable. Comment pouvait-elle exprimer sa magie de manière efficace ? Elle ne disposait d’aucune fenêtre visible pour inviter la brise. Pourquoi les cours ne se tenaient-ils pas dans le bâtiment qu’elle avait vu dehors ?
Elle tournait en rond pour scruter les murs et remarqua plusieurs pans où des feuilles de métal obstruaient le verre extérieur. Quelqu’un semblait ne pas vouloir leur permettre l’accès à l’énergie nécessaire.
Ryker et Brokk avaient disparu dans la pièce à droite. Brokk tourna la tête en arrière. « Tu viens ? »
Inutile de retarder l’inévitable, pensa-t-elle. Elle hocha la tête, se précipita vers lui. Elle s’arrêta après quelques pas dans la pièce qui lui provoquait un sentiment de claustrophobie. Aucune fenêtre ne laissait rentrer la lumière dans le petit espace. Les feuilles de métal recouvraient toutes les ouvertures.
Rien à voir avec une salle de classe traditionnelle, seulement quelques objets s’alignaient sur un côté de la pièce en pierre circulaire. Elle reconnut un bureau des enseignants comme dans ses années d’école. D’innombrables objets recouvraient une longue table.
« Bonjour la classe », cria une Fae toute maigre avec une voix forte. Maurelle supposait qu’il s’agissait de la professeure puisqu’elle se tenait sur le devant de la salle. La femme portait une robe bouffante qui laissait deviner sa silhouette élancée. Maurelle se distinguait extrêmement de la femelle Fae typique. Ses courbes et sa silhouette lui avaient valu le surnom de Peluchie depuis l’âge de dix ans.
« Bonjour. Je suis Aobheal, votre professeure. Bienvenue à Telekinetics 101, mademoiselle Longstrom, déclara l’enseignante en regardant Maurelle. Je suis ravie que vous ayez pu nous rejoindre. »
Surprise, Maurelle se demanda comment elle connaissait son nom et ce qu’elle savait d’elle. Son arrivée à l’Académie plutôt mouvementée n’était pas restée inaperçue. Elle attendait toujours de découvrir sa punition pour son explosion de rage.
Peur de se trouver isolée ou pire, Maurelle avait d’abord coopéré avec le personnel médical. Dès le premier jour, ses émotions et la douleur aiguë s’étaient atténuées. Cela lui facilitait la tâche. Au fond, elle reconnaissait le caractère anormal de son changement d’attitude et d’émotion, mais elle ressentait un soulagement beaucoup trop grand pour remettre en question quoi que ce soit.
« Merci. Je… euh… je n’ai pas encore reçu de livres », admit-elle. Les poils à l’arrière de son cou se hérissaient comme si quelqu’un l’observait. Tournant la tête subrepticement, Maurelle aperçut une femelle de son âge qui lançait des regards noirs dans sa direction. Elle l’ignora pour le moment, et resta concentrée sur l’enseignante.
« Ne vous inquiétez pas. Vous n’en aurez pas besoin pour mon cours. Dans cette classe, nous pratiquons et perfectionnons nos compétences. Aidan enseignera la théorie et vous les fournira. Faites équipe et continuez à pratiquer. Vous devez faire léviter un crayon en l’air », expliqua Aobheal à Maurelle.
Brokk, aux côtés de Ryker, s’approcha d’elle avec un sourire. Aucun des deux mâles ne remarqua la femelle qui s’approchait d’eux, la même qui regardait Maurelle quelques minutes auparavant. Génial ! Elle était déjà entourée d’ennemis ! Elle ne devrait pas être surprise. Seul son séjour à l’infirmerie l’avait épargnée des railleries sur sa silhouette.
« Nous pouvons travailler là-bas », grogna Ryker. Il détourna son regard de la femelle en colère et Maurelle regarda Ryker. Elle admirait sa belle prestance. Pas étonnant que le Fae parfait à la silhouette mince et aux yeux bleus magnifiques cherche à devenir son partenaire.
« Tu dois avoir un complexe de héros », souligna-t-elle en traversant l’espace pour venir à ses côtés.
Son rire bas et rauque contrastait avec le ton dur qu’il avait adopté une seconde auparavant. Sa joie provoquait un effet sur son corps qu’elle se niait à reconnaître. Son estomac flottait et le reste de son corps se réchauffait, alors elle étouffa la réponse. Ryker se montrait gentil avec elle ! Elle ne pouvait pas envisager qu’il soit vaguement attiré par elle. Sa mauvaise attitude chronique le prouvait clairement, mais elle préférait qu’il se montre aimable.
« Qui a dit que c’est à toi que je parlais ? » répliqua-t-il. Son sourire s’estompa.
Brokk lui tapota le dos et lui adressa un sourire victorieux. « Ne fais pas attention à lui. Je te veux dans notre équipe. »
Le visage de Maurelle s’échauffa et elle baissa la tête. Elle aimait le flirt ouvert de Brokk et ne comprenait pas les changements brusques d’attitude de Ryker. Il ne l’aimait évidemment pas, mais elle préférait les moments où il ne se montrait pas inopinément infect avec elle.
Un murmure atteignit ses oreilles dans cette seconde, elle tourna la tête. « J’essaierais de partir si ce n’était pas pour toi. » Elle jura que Ryker avait chuchoté cette dernière partie, mais elle n’en était pas certaine alors qu’il se tenait là et fronçait les sourcils en la regardant.
« Je nous ai apporté des crayons », annonça Brokk. Il retourna à ses côtés. Maurelle n’avait pas remarqué son absence. Il n’avait sûrement rien dit. Elle concentra alors son attention sur lui.
« Qu’est-ce que je fais ?
— Tu fais flotter le crayon, aboya Ryker en secouant la tête.
— J’ai compris, Capitaine Flagrant, grogna-t-elle.
— Le professeur nous a simplement dit de nous concentrer sur l’objet et d’imaginer qu’il flotte, intervint Brokk pour éviter que leur conversation ne tourne en dispute.
— Waouh, tu dois posséder ce don de manière innée », annonça Brokk une seconde plus tard alors que le crayon flottait sur la paume de Maurelle.
Erreur numéro cent, pensa-t-elle. Elle ignorait si son père aurait des ennuis si quelqu’un découvrait qu’ils l’avaient cachée depuis un an et qu’elle s’était entraînée autant et aussi souvent que possible.
Compte tenu du risque d’exposition, rien d’exceptionnel ! Mais elle maîtrisait beaucoup plus de compétences qu’elle ne devrait, en sa position. « Quoi ? » Elle dévia son doigt et envoya le crayon s’écraser contre le mur de pierre à proximité.
Un rapide coup d’œil lui permit d’apercevoir la professeure qui tapait sur une tablette. La vue de la technologie la surprit. Les Fae n’y avaient pas droit dans l’Edge. Elle s’était demandé un million de fois pourquoi les humains voulaient leur cacher de tels objets. Les gadgets de haute ingénierie ne les rendaient pas extrinsèquement plus forts. Elle parierait que les humains incitaient les enseignants à les utiliser pour surveiller les élèves.
« Pas si inné que ça, après tout », déclara Ryker en ricanant. Son sourire n’atteignit pas ses yeux, mais révélait une réelle amélioration par rapport aux sourcils froncés.
Maurelle rit avec lui en couvrant son estomac nerveux. Elle ferait mieux de remettre ses idées en place. Elle ne pouvait laisser personne soupçonner qu’elle avait reçu ses pouvoirs depuis si longtemps. Son père incarnait tout ce qu’il leur restait à elle et à ses sœurs.
« C’est confirmé. Je me trouve dans un beau pétrin. C’est plus difficile qu’il n’y paraît.
— Tu es vraiment sexy », murmura Brokk.
Il permit à son regard de courir de haut en bas sur son corps. Elle aimait son flirt. Il était évidemment attiré par elle, mais elle ne se sentait pas mal à l’aise à ses côtés.
« Si tu t’entraînes, ça deviendra plus facile », déclara Ryker en ignorant complètement le commentaire de Brokk.
Aobheal s’approcha d’eux et croisa ses bras sur sa poitrine. Elle tenait la tablette sur ses seins menus. « Tout le monde possède la télékinésie. C’est un talent des Fae, donc vous ne tarderez pas à le maîtriser. Vous êtes sur la bonne piste, imaginez ce que vous voulez voir arriver. »
« Quand pourrons-nous pratiquer les capacités spécifiques à l’air, madame la professeure ? » Elle espérait en apprendre plus sur ses aptitudes personnelles. Ses parents n’avaient pas osé l’encourager ou l’autoriser à beaucoup explorer. Sa seule certitude était de posséder la psychométrie.
« Au trimestre prochain, expliqua Aobheal. Vous devez d’abord contrôler les compétences de base. De cette façon, les blessures accidentelles seront minimisées. »
Maurelle hocha la tête et se concentra derechef sur les stylos. Ryker faisait tourner le sien en rond. Elle aussi parvenait de nouveau à maintenir le sien en l’air. Elle ajouta une oscillation et des mouvements saccadés à l’objet et l’envoya percuter le crayon de Ryker. Les deux volèrent tout droit en direction de l’enseignante.
Les lèvres pincées, Aobheal agita la main et les deux crayons atterrirent sur la table sur le côté de la pièce. Maurelle observa Ryker, mais il se dirigeait déjà vers la table, alors elle continua vers Brokk. Quand elle croisa le regard de Brokk, ils commencèrent tous deux à rire. « Je veux devenir aussi puissant », admit-il.
« Moi de même », pensa Maurelle. Ses émotions étaient peut-être émoussées, mais elle ressentait un besoin plus urgent que jamais de voir sa famille. Elle devait être jugée inoffensive pour la société pour être autorisée à rentrer chez elle.

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