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Le Lien Du Sang
Amy Blankenship
Les Liens Du Sang #5
Damon a emménagé avec ses frères pour une seule raison… la fille qui l'avait poignardé et laissé pour mort vivait là, sous leur toit, et de plus, sous leur protection. Lorsqu'ils sauvent la vie d'Alicia, plus de fois qu'il ne saurait compter, Damon décide de la garder sous contrôle, avant que le petit chat qu'elle est ne trouve un moyen de lui échapper, et ne se fasse tuer. La jalousie devient un jeu dangereux en période de chaleur, et commence à attirer bien plus que de simples monstres.
Alicia Wilder est lasse d'être protégée du monde extérieur par ses frères qui la couvent beaucoup trop. Tenter de prouver qu'elle peut faire gérer une guerre des vampires l'expose à des situations critiques : elle se fait attaquer, mordre, embrasser et tirer dessus, et assez bizarrement, finit par cohabiter avec trois vampires sexy en diable, dont l'un d'entre eux n'est autre que celui ayant provoqué la guerre de vampires. Lorsqu'elle entre en chaleur en tant que métamorphe, Alicia réalise que ce qui jusqu'ici la préservait du danger pourrait bien causer sa perte.
Damon a emménagé avec ses frères pour une seule raison… la fille qui l'avait poignardé et laissé pour mort vivait là, sous leur toit, et de plus, sous leur protection. Lorsqu'ils sauvent la vie d'Alicia, plus de fois qu'il ne saurait compter, Damon décide de la garder sous contrôle, avant que le petit chat qu'elle est ne trouve un moyen de lui échapper, et ne se fasse tuer. La jalousie devient un jeu dangereux en période de chaleur, et commence à attirer bien plus que de simples monstres.



Table des matières

Chapitre 1 (#ulink_606a5082-58c8-508d-b036-88de0b3bc1d6)
Chapitre 2 (#ulink_bb06a69d-b0f7-5663-bcdc-aa75ca1651e0)
Chapitre 3 (#ulink_6c017a0a-5a8f-5c1d-83b2-5caf8cebfdf3)
Chapitre 4 (#ulink_27fb588d-dbe6-5780-9144-7b9abaeff47d)
Chapitre 5 (#litres_trial_promo)
Chapitre 6 (#litres_trial_promo)
Chapitre 7 (#litres_trial_promo)
Chapitre 8 (#litres_trial_promo)
Chapitre 9 (#litres_trial_promo)
Chapitre 10 (#litres_trial_promo)
Chapitre 11 (#litres_trial_promo)
Chapitre 12 (#litres_trial_promo)
Chapitre 13 (#litres_trial_promo)
Chapitre 14 (#litres_trial_promo)
Chapitre 15 (#litres_trial_promo)
Chapitre 16 (#litres_trial_promo)

Le Lien du Sang
La Saga des Liens du Sang-Livre 5

Author Amy Blankenship, RK Melton
Translated by Louise Le Bars

Copyright © 2012 Amy Blankenship
English Edition Published by Amy Blankenship
French Edition Published by TEKTIME
All rights reserved.

Chapitre 1
La ville de Los Angeles s'étendait autour de lui en un kaléidoscope de couleurs et de lumières éclatantes. Les bruits lointains de la vie urbaine s'égrenaient jusqu'à lui, mais Syn n'y prêta pas attention, leur préférant la douce brise murmurant autour de lui. Il se tenait immobile, en équilibre sur le plus haut toit d'un des plus grands immeubles de la ville, son sommet étant la seule chose encore tangible sous ses pieds.
Syn avait les mains enfoncées dans les poches de son pantalon, tandis que son manteau claquait derrière lui comme une longue cape qui semblait disparaître puis réapparaître au hasard, comme douée d'une vie propre. Ses longs cheveux sombres s'écartaient de son visage sous le souffle du vent, révélant une beauté sans âge comme on en voyait rarement de par le monde.
Il avait pris la précaution de protéger son aura de toutes les créatures qui pouvaient sentir sa présence, mais il percevait néanmoins ces auras qui émanaient du sol, loin en-dessous de lui… se déplaçant parmi les humains sans réellement se soucier du monde.
Baissant les yeux sur le balcon de l'appartement qu'il surplombait, il esquissa un petit sourire malicieux en entendant Damon donner à Alicia la pierre de sang… et la river en elle afin que la demoiselle soit constamment protégée de la lumière fatale du soleil qui menaçait son existence toute neuve. Syn était fier d'avoir une belle-fille de cette trempe, quelqu'un qui saurait pousser Damon à se tenir sur ses gardes et qui saurait le défier sur tous les points importants.
Son petit sourire s'élargit quand les hurlements de douleur de la jeune fille furent bientôt suivis de cris de plaisir, et il finit par hocher la tête d'un air approbateur. Il avait hâte de la rencontrer.
Syn concentra son regard améthyste sur la ville une fois de plus, et vit les ombres malfaisantes qui hantaient même la lumière… des choses que les autres ne pouvaient voir. Il ne comprenait pas pourquoi ses enfants avaient décidé de s'engager dans cette guerre déclarée aux démons. Dans son esprit, il considérait les démons de la même façon que les humains... sans vraiment s'intéresser à eux, dans l'un ou l'autre cas. Pourtant, ses enfants et son âme sœur rebelle avaient décidé de prendre position… en choisissant de protéger ceux qui ne pouvaient se défendre seuls dans une guerre d'une telle ampleur.
Un petit sourire apparut sur ses lèvres en se remémorant sa femme... son âme sœur. Elle s'était toujours rangée du côté des perdants, prenant fait et cause pour ceux qui étaient considérés comme faibles. Il en conclut qu'elle n'avait pas beaucoup changé depuis ses vies antérieures… son âme demeurait la même, peu importait le nombre de ses renaissances. Elle l'avait vu une fois comme un ennemi, seulement parce que le pouvoir de Syn était de loin plus important que de nombreux autres, dans leur monde... il avait fallu bien des années pour la faire changer d'opinion à ce sujet.
Le soleil pointait tout juste à l'horizon et Syn leva le visage vers lui pour en accueillir les rayons, laissant la lumière l'inonder de son flot... savourant l'afflux important d'énergie dont son corps s'abreuvait. Syn savait que ses enfants avaient choisi de vivre une vie de mortel... quelque chose qu'il n'avait jamais tenté de faire jusqu'ici. De nouveau, un demi sourire s'étira sur ses lèvres parfaites tandis qu'une idée intéressante lui venait à l'esprit.
Oui, ce serait très amusant de les rejoindre, puisque son âme sœur pensait également n'être qu'une simple mortelle qui vivait sous leurs lois. Il les rejoindrait... il se rapprocherait d'elle et la convaincrait qu'il n'était l'ennemi de personne, et encore moins le sien, pour commencer. Cette fois-ci, il garderait enfoui l'essentiel de sa puissance afin qu'elle ne se sente pas autant menacée par lui. Il deviendrait son allié, son ami, et bien plus encore… son âme sœur.
*****
Misery était assise sur un rocher, balançant ses jambes d'avant en arrière et faisant tressauter ses boucles blondes à chacun de ces mouvements. Cette dernière semaine, elle avait été très occupée à embrigader des démons, en vue d'agrandir son armée. Même en cet instant, certains d'entre eux restaient cachés dans les ténèbres qui l’environnaient… à l'observer avec curiosité.
La plupart des démons qu'elle avait enrôlés étaient faibles et trop dénués d'un vrai pouvoir pour en faire état, mais c'était la condition d'un soldat. Seul, un démon était faible. Mais si on les réunissait tous en une seule armée, ils pouvaient charger le plus fort des ennemis sans s'inquiéter de voir leur nombre diminuer.
Ce soir, Misery avait senti la puissance d'une ancienne aura, dans la forêt qui cernait une partie de la ville, et elle l'avait suivie jusqu'à s'arrêter devant une grotte profonde. Cette énergie malveillante avait déferlé vers elle, muée par le désir de l'écarter de son repaire, mais Misery n'avait fait que s'amuser de cette tentative... jusqu'à ce que la force invisible l'en fasse physiquement sortir.
Lorsqu'elle se releva pour faire face au démon, elle ne vit qu'une simple corneille posée sur un rocher, les plumes hérissées. En cherchant à cerner son âme ténébreuse, Misery se détendit en comprenant que cet oiseau était l'un de ces anciens maîtres négligés lorsque les déchus avaient conduit les autres démons aux enfers.
Ce démon s'était intégré à son environnement, et aménagé un antre. Les amérindiens de cette terre avaient perçu le démon comme un grand esprit qu'il fallait adorer et vénérer et, de ce culte, le maître démon en était ressorti plus fort.
Misery pouvait goûter cette colère que le démon vouait aux mortels, aux visages pâles qui allaient et venaient librement sur ses terres et cherchaient à prendre avantage. Elle avait passé un marché avec ce démon, au lieu de le combattre... un combat dont elle savait maintenant qu'elle l'aurait perdu. L'ancien avait paru être de son avis quant à son intention de libérer leur espèce de leur prison dimensionnelle, et lui avait parlé d'accomplir un sacrifice de sang… l'un des moyens dont il aurait besoin pour l'assister, avant de s'envoler vers la forêt.
Quand Misery était retournée à la grotte avec deux vampires ainsi qu'un homme ensorcelé et à demi-conscient, l'esprit malveillant était déjà là, à les attendre. Les yeux rouges et perçants de la corneille la fixèrent avant de s'envoler. Misery suivit l'oiseau au cœur de la forêt, à l'extrémité même de la réserve naturelle. Elle avait alors pénétré dans une petite clairière pour y découvrir avec surprise un vieil homme assis près d'un grand feu.
« On m'appelle Noire-Corneille, se présenta le vieillard.
Misery hocha la tête avec respect. Elle se souvenait des us et coutumes sacrés à respecter pour traiter avec un démon dont la puissance surpassait la sienne.
— Je suis Misery.
Noire-Corneille éclata d'un rire moqueur.
— Que sais-tu de la véritable misère ?
Misery resta silencieuse, se mordant la langue afin d'éviter de se retrouver taillée en pièces. Elle avait de la force, et il le savait... elle était sûre qu'il pouvait la sentir de la même manière qu'elle, le sentait.
Noire-Corneille se leva et s'approcha d'eux. Elle prit note de la forme humaine du démon et ne parvint pas à comprendre pourquoi un être aussi puissant choisissait un corps aussi fragile. Il paraissait ancien, très âgé, ridé, avec de longs cheveux blancs, revêtu d'un pantalon en peau de daim tannée. Sa chemise était faite de la même matière et ornée de perles et de plumes. Un petit sac pendait à sa hanche et d'autres plumes étaient tressées dans ses cheveux, par-dessus une oreille.
Noire-Corneille tendit brusquement un bras et saisit le mortel par les cheveux afin de voir son visage.
— Celui-là fera l'affaire, déclara-t-il en retournant près du feu.
— Que souhaites-tu que je fasse pour toi ? S'enquit Misery.
— Nous devons attendre, répondit Noire-Corneille, en ajoutant plus de bois dans le feu.
Misery ne dissimula pas l'impatience qui montait en elle.
— Attendre quoi, vieillard ? Je n'ai pas toute l'éternité… ma guerre aura lieu, avec ou sans toi.
Tout en l'ignorant, Noire-Corneille ajouta plus de bois dans le feu et entama un chant. Misery s'apprêtait à partir quand elle se retrouva soudain tétanisée. Elle sentait parfaitement que quelque chose aspirait ses forces, et son apparence enfantine se mit à tomber en pourriture. Ce n'était pas là les effets causés par son autre apparence, celle du cadavre… son être tout entier se voyait drainé de l'énergie qu'elle avait volé aux humains.
— Ton plan échouera sans mon aide, dit Noire-Corneille avec condescendance. Ton existence m'appartient depuis que tu as passé ce marché. Tu es faible et tu n'as aucun pouvoir sur moi car tu ne possèdes rien que je désire.
Misery fut brusquement libérée mais tourna aussitôt vers lui un regard furieux, tout en restant assise sur l'immense rocher, à attendre Dieu savait quoi. Noire-Corneille était en train d'alimenter le feu sans cesse, et les flammes s'étaient élevées à une hauteur fabuleuse. Le vieil homme se leva et se dirigea vers un côté de la clairière, jusqu'à un antique séquoia que Misery n'avait pas remarqué à son arrivée.
Noire-Corneille s'agenouilla à côté des épaisses racines de l'arbre et prit une poignée de terre. Alors qu'il retournait auprès du feu, son chant résonna avec plus de force et dans un rythme plus scandé, avant qu'il ne finisse par jeter la terre dans les flammes. Le feu pétilla et grandit quand la terre toucha les flammes brûlantes. Son corps s'anima en une danse tribale tandis qu'il chantait de plus en plus fort.
Les ténèbres qui les entouraient s'allongèrent pour tout avaler, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que Noire-Corneille au milieu d'elles, dansant au centre d'un cercle parfait. Il s'arrêta soudain et tendit la main vers l'obscurité près de ses pieds. La pénombre au noir d'encre coula vers sa main, réclamant la chaleur qui émanait de Noire-Corneille, avant qu'il ne l'enlève du sol. Elle rejoignit elle aussi les flammes dans une étincelle qui se changea aussitôt en explosion, et qui força Misery à se protéger les yeux du bras.
Un hurlement inhumain envahit la clairière et Misery regarda l'ombre s'échapper des flammes, chatoyant d'un éclat rouge sous l'emprise de la chaleur. Elle traversa la clairière à l'endroit où Noire-Corneille avait ramassé une poignée de terre puis disparut dans le sol. Quelques instants plus tard, la terre commença à se soulever, comme habitée d'un souffle, et deux bras osseux et desséchés surgirent brusquement de terre.
Noire-Corneille s'avança sans plus attendre vers la victime apportée par les vampires de Misery pour le sacrifice de sang, et la leur arracha des mains.
Le jeune homme, un étudiant de l'université locale, sortit de l'envoûtement que lui avaient jeté les vampires quand Noire-Corneille prit possession de lui. Encore désorienté, il ne comprit pas ce qui lui arrivait jusqu'à ce qu'il voit une longue lame s'approcher de sa gorge. Avant qu'il n'ait le temps d'agir, la lame plongea dans sa chair et le surprit dans un cri silencieux.
Le sang éclaboussa les flammes qui se tendaient vers le ciel, nourrissant ainsi le feu avec étincelles et sifflements. Les bras qui avaient surgi de terre extrayaient le reste du corps auquel ils étaient attachés, dans le noir de la nuit. De longs et graves gémissements s'échappèrent de la gorge de la chose, ainsi que des grognements affamés, tandis qu'elle rampait vers l'agonisant.
Un poing osseux s'enfonça dans la poitrine de l'homme et la créature baissa la tête sur la blessure ouverte, se nourrissant du sang et de la chair du malheureux. Au cours de son festin, muscles et chair se formèrent peu à peu sur ses os saillants, et Misery se sentit toute émoustillée par la scène. Elle ne parvenait pas à détourner les yeux de l’œuvre d'art créée par Noire-Corneille, et applaudit avec enthousiasme.
— Il devra se nourrir bien plus encore avant d'être complètement ressuscité… mais ce sacrifice suffira pour le moment, dit Noire-Corneille de sa voix rocailleuse légèrement teintée d'ennui.
— Peut-on en faire plus ? s'enquit Misery qui observait les paillettes de sang pétiller dans le feu.
— Je le peux, dit simplement Noire-Corneille, et son implication n'échappa pas à Misery… il pouvait le faire et elle, non.
— Maintenant, jeune démone… montre-moi ton pouvoir, ordonna Noire-Corneille.
Misery sourit et toucha l'araignée en pendentif autour de son cou. L'ornement explosa soudain en centaines de ces petites bestioles avant de déguerpir. Noire-Corneille regarda deux arachnides ramper le long de ses jambes puis traverser le sol inégal. Les créatures s'arrêtèrent à mi-chemin entre lui et Misery avant de disparaître dans le sol.
Noire-Corneille resta silencieux alors que le sol commençait à changer et qu'un petit tremblement de terre craquelait le sol en une veine rouge et fine. Les arbres frissonnèrent et les cris des animaux dans la forêt s'y mêlèrent tandis que le sol tremblait de mécontentement. Cinq démons des ombres s'échappèrent de l'ouverture faite dans le sol et se mirent à voler dans la clairière. Leurs cris sonnaient bien plus comme des hurlements qui emplissaient la nuit de leur musique. Ils convergèrent tous vers le feu et planèrent en cercles autour de ses flammes, se rapprochant avant de reculer à la dernière seconde.
Cela continua jusqu'à ce que les démons se fatiguent de ce petit jeu et disparaissent dans la ténébreuse forêt… vers la ville, où ils pourraient sentir leurs proies. Noire-Corneille regarde fixement cette embrasure donnant sur les enfers, avec une expression indéchiffrable. Cependant, quand il se pencha sur la craquelure dans la terre, il s'arrêta dessus, pour la refermer et empêcher la fuite de nouveaux démons.
« Bel effort, commenta Noire-Corneille. Mais tu es jeune et imprudente. Une aussi mince frontière entre les mondes ne fera que permettre à de simples démons des ombres de revenir dans ce royaume… laissant nos véritables alliés toujours captifs de l'autre côté. Tu auras besoin de bien plus de puissance que ça ! dit-il d'une voix forte avant de se calmer. Pendant que tu accumuleras cette énergie, je m'occuperai de ton armée... mais ils me répondront à moi seulement. »
Misery n'avait pas d'autre choix que d'acquiescer avec humilité. Alors qu'elle se détournait, ses lèvres enfantines esquissèrent un sourire mauvais. Le vieux démon avait raison à propos d'une chose, il lui fallait bien plus de puissance… et elle savait exactement où en trouver.
Laissant les ténèbres grandir en elle, elle retourna vers la ville en laissant ses sbires la suivre. Un plan avait commencé à prendre forme dans son esprit et elle devait retrouver l'enfant démon qui pourrait l'aider. Elle devrait abandonner les restes de sang de Kane pour cela, mais la fin justifiait les moyens… le sacrifice en vaudrait la peine.
Elle se dirigea vers les quartiers mal famés de la ville, là où elle avait trouvé un refuge temporaire. Allant de rue en rue à la recherche des ténèbres, elle tenta de capter l'odeur de sa cible. Le problème avec ce démon, c'était qu'il avait la capacité de cacher son aura maléfique. Pour quiconque le pourchassait, il avait l'apparence d'un être humain, et il n'y avait pas plus trompeur que cette enveloppe qu'il occupait.
Peu après avoir commencé ses recherches, Misery sentit que Skye, l'hybride, la suivait. Il n'intervenait pas dans ses actions et ne se rapprocherait pas plus d'elle, mais elle savait parfaitement qu'il épiait chacun de ses gestes. Avait-il oublié l'épisode de sa captivité dans la cave en sa compagnie ? Elle lui donnerait volontiers une petite remise à niveau s'il décidait d'interférer dans ses plans. C'était déjà bien assez avec ces deux anges déchus qui suivaient ses moindres mouvements... il ne ferait que les mener jusqu'à elle, s'il continuait ainsi.
L'aube était presque là quand elle retrouva enfin le petit démon qu'elle cherchait. Il sortit des ténèbres et traversa la rue pour disparaître dans une autre. Misery était tombée sur lui par un pur hasard peu de jours auparavant, et l'avait pris pour un mortel… jusqu'à ce qu'il se mette à massacrer les subalternes vampires qui l'avaient attaqué.
Vu de l'extérieur, le démon n'était qu'un petit garçon de huit ans, à la vie de vaurien. Ses cheveux sombres et longs jusqu'aux épaules étaient emmêlés et tombaient en mèches huileuses autour de son visage, qui était pâle mais doux et angélique à bien d'autres égards. Il empruntait seulement cette enveloppe humaine quand il souhaitait puiser sa force dans les cœurs et esprits de ses victimes. Ses vêtements étaient en loques et il n'avait pas de chaussures. Quand il leva la tête pour regarder dans la rue derrière lui, ses yeux brillèrent comme des diamants noirs.
Misery remonta la rue au-dessus de lui, avant de se laisser tomber sur son chemin, adoptant au passage l’apparence de la petite fille blonde dans son atterrissage. Arrivant en position accroupie, elle se releva et épousseta sa robe à froufrous.
« Bonjour Misery, salua le garçon, dont la petite voix la fit sourire.
— Bonjour Cyrus, l'imita Misery.
— C'est toi qui a poussé tous ces mortels à s'entre-tuer dans le bus, l'autre nuit, chuchota le garçon.
Misery sourit avec fierté.
— Oui c'est moi, et je dois apprendre ce que tu sais faire.
Cyrus pencha la tête sur le côté.
— Que puis-je faire que tu ne sais pas déjà faire ?
Misery se mit à glousser et retira le collier avec le pendentif en forme d'araignée qui contenait le sang de Kane, pour le passer autour du cou de l'enfant.
— Tu serais surpris, petit, murmura-t-elle.
— Est-ce que j'aurais le droit de jouer ? demanda le garçonnet, ce qui fit réaliser à Misery à quel point ce démon était jeune.
— Oh oui, tu pourras faire tout ce que tu voudras, répondit Misery.
Le noir envahit les prunelles du garçon, annihilant toute couleur, jusqu'à ressembler à deux trous sans fond baillant sur le néant.
— J'aime jouer », dit le garçon avec un sourire malicieux, avant de se mettre à jouer avec l'araignée qui pendait au bout de la chaîne.
*****
Kriss se trouvait dans le lit de l'appartement au dernier étage de l'un des plus prestigieux immeubles du centre-ville de Los Angeles. Il avait trouvé refuge là pour éviter Tabatha, de même que ses sentiments grandissants pour elle.
Il se remémora la dernière fois où il l'avait vue. Il avait résolument gardé ses distances vis-à-vis d'elle pendant quelques jours, avant que cette séparation ne devienne trop pénible pour lui. Son cœur souffrait de cette absence et quand il entrait dans leur appartement pour la trouver endormie, des traces de larmes séchées sur ses joues… il ne pensait plus qu'à la serrer dans ses bras et tout arranger.
Il s'était glissé sous les draps avec elle, sans réaliser qu'elle était nue, jusqu'au moment où il l'avait enlacée en une étreinte protectrice. C'est à ce moment-là qu'il s'était figé, à demi tendu vers elle et à demi écarté d'elle. Elle s'était tournée vers lui dans son sommeil, jetant son bras autour de lui pour le câliner comme elle le faisait souvent avec ses oreillers en surplus. Quand ses seins s'étaient pressés contre sa poitrine, cette maîtrise de soi qui constitué sa fierté jusqu'ici avait lâché.
Pendant des mois, il n'avait pensé qu'à lui faire des choses… qu'à faire des choses avec elle… des choses qui ne pouvaient se réaliser, malgré tout l'amour et le désir qu'il ressentait pour elle. Mais en cet instant, il désirait être en elle, assez pour risquer de la tuer, elle, la femme qu'il aimait. Il sentit son sexe durci palpiter de désir et effleurer sa peau douce.
Lorsqu'une ombre rageuse tomba sur le lit, Kriss s'immobilisa et tourna lentement la tête, puis leva les yeux pour rencontrer le regard irisé et accusateur de Dean. Il sut qu'il avait franchi la ligne qui séparait l'amitié du danger, quand il lut cette expression sur le visage de son amant.
Il était parti avec Dean cette nuit-là, déterminé à ne pas commettre les mêmes péchés que son père. Son corps palpitait encore à ce souvenir. Tant qu'il n'aurait pas mis cette émotion sous contrôle, et il savait que Dean avait raison à ce propos... il devrait rester loin de Tabatha.
En guise de précaution supplémentaire, il quittait son job au Silk Stalkings juste au cas où elle viendrait l'y chercher. Il avait fait tout son possible pour faire en sorte que Tabatha se trouve aussi loin de lui que possible, mais la séparation le faisait souffrir comme jamais encore il n'avait souffert. Quand un déchu aimait... c'était un peu plus fort que ce qu'un humain nommerait de l'amour, et la folie que cette émotion causait souvent chez les mortels, quand ils ne pouvaient avoir l'élu de leur cœur, était décuplée chez un déchu en comparaison.
Kriss tira une fois encore sur les liens qui lui entravait l'un de ses poignets… il haïssait Dean pour le retenir ainsi prisonnier. Toutefois, Kriss comprenait ce qui avait failli se passer. S'il s'abandonnait au désir qui faisait rage en lui... la douleur de perdre Dean et de tuer Tabatha du même coup pourrait anéantir son esprit.
Il ferma les yeux quand une brise fraîche franchit les portes ouvertes donnant sur la terrasse et caressa sa peau nue. Bien que ses entraves lui permettaient de se déplacer à travers le grand appartement, il s'était étendu pendant des heures sans trouver le sommeil et les draps et couvertures amassés au sol en témoignait. Kriss était à présent allongé sur le ventre, avec un genou replié contre le matelas et l'autre jambe recouverte par un bout du drap.
Un nouveau souffle traversa la chambre, apportant avec lui une odeur familière. Kriss ouvrit les yeux, avant de fixer l'ombre des rideaux vaporeux projetée sur le mur d'en face. Quand l'ombre d'une aile s'en détacha, Kriss resta silencieux, dans l'attente.
Dean était resté sur le toit, donnant ainsi le temps de souffler pour la nuit à ses proies démoniaques et à l'ange déchu hybride et insaisissable. Se laissant tomber du toit de l'immeuble pour atterrir sur la terrasse en-dessous, il se tint dans l'encadrement des portes-fenêtres, pour contempler Kriss. Le drap blanc avait été repoussé du pied, exposant son corps nu à la clarté lunaire. Dean sentit la solitude qui rongeait le cœur de Kriss et comprit que rester à l'écart de Tabatha assez longtemps serait le seul remède à une telle souffrance.
Son regard glissa sur le lien surnaturel qui empêchait Kriss de quitter l'appartement pendant son absence. Il ne voulait pas faire de mal à Kriss ainsi, mais il sentait l'amour de l'ange déchu pour Tabatha grandir chaque jour. Il avait rappelé à la mémoire de Kriss que coucher avec une femme de ce monde reviendrait à la tuer, et il n'avait pas menti... la semence d'un déchu prendrait même racine chez une femme stérile. Cela la guérirait de la stérilité afin de donner la vie, s'il le fallait... mais cette même vie tuerait la femme qui la porterait dans son ventre.
Dean avait confié à Kriss la vérité sur ses propres péchés… c'était la seule façon sûre d'éloigner Kriss de Tabatha. Quand il avait été envoyé dans ce monde au début, il avait été séduit par une jeune femme d'à peu près le même âge que Tabatha. Il avait passé trop de temps avec elle et une chose en menant à une autre... il en était tombé amoureux.
En s'imaginant que la malédiction ne le suivrait pas… en croyant que grâce à la force de son amour pour elle ils auraient un enfant déchu, il s'était livré à la volupté des rapports charnels. Elle l'avait encouragé à cela parce qu'elle le désirait avec autant de force. Lui faire l'amour avait été le paradis sur terre, mais il n'avait fallu que quelques heures au démon pour se former complètement en elle. Quand elle l'avait réveillé plus tard dans la nuit avec ses hurlements, il avait dû tuer son propre enfant qui commençait à dévorer sa mère de l'intérieur.
Kriss s'était trompé… en pensant qu'il pouvait dormir aux côtés de Tabatha nuit après nuit sans faire l'amour avec elle, alors que Dean savait que c'était un mensonge... un dangereux mensonge. Kriss ne pourrait jamais supporter de vivre avec l'idée d'avoir tué Tabatha, s'il signait son arrêt de mort avec la semence de son amour.
Les déchus aspiraient à l'amour, mais on les avait envoyés dans un monde où ils ne pouvaient toucher aux femmes… tout ce qui leur restait, c'était leurs semblables. La beauté de Kriss avait toujours envoûté Dean, elle l'avait enchanté, et il savait pourquoi... Kriss faisait partie de la royauté chez les anges déchus. Il n'aurait jamais dû être envoyé ici-bas pour se battre contre les démons. Il se demanda intérieurement combien de temps il avait fallu à l'un de leurs rois pour remarquer la disparition de leur prince. Kriss était né pour être choyé, aimé, chéri.
En entrant dans la chambre, Dean se déplaça lentement de sorte à ce que son ombre reste sur le mur et à ce que Kriss puisse clairement voir ce qu'il faisait et trouve le temps de l'arrêter s'il le voulait.
« Les démons sont agités ce soir, en ville... peux-tu les sentir ? demanda Dean d'une voix tranquille, sans s'attendre à une réponse.
Il ouvrit la bouche quand la voix mélancolique de Kriss s'éleva et résonna en un doux écho à travers la pièce.
— Laisse-les venir.
Dean retira sa veste de ses épaules et la jeta sur une chaise appuyée contre le mur. Puis sa chemise... il la déboutonna et la fit glisser de ses épaules, abandonnant le petit tas de coton sur le sol. Il défit son pantalon et baissa lentement sa braguette, souriant presque lorsque Kriss retint son souffle. Retirant ses chaussures et chaussettes, Dean fit glisser son jean au sol et l'enjamba.
En se dirigeant vers le lit, Dean attrapa l'un des piquets du lit à baldaquin un instant pour ensuite baisser les yeux sur Kriss et s'étendre près de lui. Mettant Kriss sur le flanc, Dean se mit en cuillère dans son dos et le tira à lui, laissant libre cours à la jalousie qui couvait dans son cœur.
Il savait que la tristesse de Kriss découlait de son amour pour Tabatha… il avait reçu la prémonition de ce danger, la nuit où Tabatha et Kriss s'étaient rencontrés. C'était pourquoi il avait piégée Tabatha dans le parking du Silk Stalkings. Il avait eu l'intention de l'avertir de la menace mais Kriss l'avait interrompu, se servant de son corps comme d'un bouclier pour la protéger... et retournant l'obsession de Dean contre lui.
Kriss roula sur le dos et tourna la tête pour regarder Dean. Ils se dévisagèrent pendant ce qui sembla être une éternité avant que Dean ne réduise rapidement la distance entre eux et ne caresse avec sensualité les lèvres de Kriss avec les siennes.
Sentant que le souffle de Kriss s'emballait, Dean prit l'avantage et approfondit leur baiser… avec une ardeur grandissante. Il en avait assez de s'étendre à côté de Kriss toutes les nuits et de le regarder languir pour une fille qu'il ne pourrait jamais avoir. S'il avait pu le faire, il aurait aspiré toute la souffrance que ressentait Kriss et l'aurait remplacé par un amour furieux pour lui.
Kriss sentit le feu se répandre dans ses veines, mais sa propre culpabilité le poussa à détourner le visage de celui de son amant, ce qui rompit leur baiser. Il se blottit dans les bras de Dean, serrant ce dernier dans ses bras avant d'emmêler leurs jambes.
Dean fixa en silence le sommet du crâne de Kriss et soupira en son for intérieur. Il ne se calmait vraiment que lorsque Kriss le serrait aussi fort contre lui. Il sentait la tristesse décliner un peu avant de revenir. Il avait déjà décidé de libérer Kriss de ses liens à l'aube mais devant l'abandon de Kriss, les yeux de Dean se mirent à étinceler, et les entraves disparurent.
En un instant, Kriss se retourna et saisit les poignets de Dean, pour les plaquer contre le lit et les clouer sur place.
Dean soutint calmement son regard, de ses yeux argentés et agités, curieux de savoir ce qu'allait faire Kriss à présent qu'il avait la liberté de revenir auprès de Tabatha. Alors que Kriss se contentait de le retenir là, Dean leva la tête du matelas pour caresser doucement de sa bouche la clavicule puis le creux du cou de son amant. Il fut récompensé par le sifflement de désapprobation qui échappa à Kriss, et par sa libération.
Plusieurs heures s'écoulèrent, et ils étaient encore mêlés l'un à l'autre lorsque l'aurore se montra. Dean savait, tout comme Kriss, qu'il serait là quand Kriss s'éveillerait au matin... il serait toujours là.
*****
Kane s'enfonçait dans la ville en essayant de ne pas penser à quelque chose qui était survenu ces dernières semaines. Il avait même senti des bribes de son ancienne personnalité émerger à la surface à plusieurs reprises... surtout en se trouvant près de Michael. Il devait reconnaître qu'il aimait ce type.
La bride sous laquelle il retenait si fort ses émotions ces dix dernières années commençait à se relâcher, et la sécurité des murs imaginaires dont il avait entouré son esprit lui manquait déjà. Il était sûr qu'un psychiatre bien payé dirait que c'était une bonne chose mais il était également certain qu'il lui ferait changer d'avis en un temps record.
Il se servait comme d'un bouclier de l'engourdissement qui l'habitait depuis sa sortie de tombe... qui le gardait à demi-mort et, par le même biais, sécurisait les gens autour de lui. Tel que c'était, il avait besoin de toute sa maîtrise de lui-même pour refouler ses sentiments pour Tabatha et la protéger ainsi de Misery.
Il avait encore des frissons à la pensée que Michael avait fini par découvrir que c'était Tabatha qui l'avait libéré de sa tombe. S'il avait pu réfléchir avec lucidité, il aurait trouvé un moyen de garder Scrappy éloigné de Tabatha plus longtemps, le temps de trouver les mots pour lui parler... s'il comptait lui en parler.
Pour lui, certains secrets étaient faits pour être gardés. En vérité, il n'avait jamais eu l'intention de dire la vérité à Tabatha.
Kane grogna, agacé de se voir interrompu dans ses pensées. Il sentait que des yeux démoniaques étaient rivés sur lui alors qu'il marchait... à épier ses moindres mouvements. Il se demanda s'ils avaient été envoyés par Misery. Il ne pouvait percevoir la présence de ce démon femelle parmi eux, ce qui était tout à fait logique, quand on y pensait. Pourquoi cette garce le traquerait-elle, quand ses subalternes pouvaient le faire à sa place ? Actuellement, la ville grouillait de ses mignons... des entités ténébreuses qu'il avait contribué à créer.
Il accéléra son allure au point que les phares des voitures arrivant vers lui se retrouvaient derrière lui en un clin d’œil. La lueur rouge des feux arrière illuminaient la rue l'espace de quelques secondes avant de disparaître. Il ne s'était jamais déplacé aussi vite par le passé mais, étant donné l'humeur à laquelle il était sujet ces derniers temps, il avait ignoré ce regain de puissance.
En ce moment, il n'aspirait qu'à être seul dans sa bulle, au lieu d'avoir sur le dos Michael et quiconque son meilleur ami/frère fréquentait. Il n'était pas vraiment certain de savoir s'il était capable de porter son masque spécial « Je suis sain d'esprit »… pas ce soir. Son vrai Moi remontait à la surface et c'était quelque chose que Michael n'avait pas besoin de voir.
Enfonçant ses mains dans ses poches, Kane continua de marcher, en une tentative pour ignorer ces satanés espions qui le suivaient. Il se rapprocha d'une partie plus huppée de la ville, et se dirigea vers un côté où l'on comptait une grande majorité de night-clubs. Il avait besoin d'un bon verre et peut-être même d'une petite bagarre pour se remettre les idées en place, et peu importait si cela impliquait de devoir la provoquer lui-même. Les night-clubs fourniraient le breuvage qui lui engourdirait l'esprit, et il lui serait assez facile de localiser un nid de vampires.
Tournant à l'angle d'une rue très peuplée, Kane surprit un doux parfum qui planait dans l'air et s'arrêta, laissant les bruits et lumières de la ville redevenir distincts autour de lui. Il pouvait la sentir tout près, et il parcourut du regard ce qui l'entourait, essayant de déterminer l'endroit où elle se cachait. Il huma profondément l'odeur, avec le désir d'en avoir plus, puis se demanda s'il était masochiste pour se torturer tout seul de cette manière.
Il savait qu'il devait rester loin d'elle depuis qu'il se révélait être un véritable radiophare pour démons, mais son autre Moi argua aussitôt que son âme sœur se débrouillait très bien toute seule pour se mettre dans le pétrin. Si elle était assez folle pour se risquer dans une zone rouge spéciale démons, alors peut-être qu'il devrait lui rafraîchir la mémoire sur tous les mauvais aspects de cette idée.
Son regard perçant se posa sur un night-club nommé le Silk Stalkings et il fronça les sourcils, car il savait que c'était là que le déchu, Kriss, travaillait comme danseur. Intéressant choix de carrière pour un ange déchu, mais Kane n'était pas du genre à juger. Avec un soupir de résignation, Kane traversa la rue et pénétra dans le night-club pour ramener Tabatha chez elle avant qu'elle ne s'attire encore plus d'ennuis.

Chapitre 2
Tabatha entra dans le Silk Stalkings et regarda autour d'elle. Elle cherchait Kriss... et espérait l'y trouver. Il avait disparu depuis quelques jours et n'avait même pas appelé... et il l'avait évitée encore plus longtemps que ça. Il lui manquait et elle commençait à s'inquiéter. S'il était parti pendant un certain temps par le passé, il l'avait toujours appelée pour lui dire qu'il allait bien.
Le simple fait de le voir lui enlèverait cette peur tenace que Misery l'ait mangé ou enfermé dans une cave quelque part.
Une fois assise à l'une des tables hautes, elle ne quitta pas la scène des yeux, avec l'espoir que Kriss y apparaîtrait pour faire sa performance. Ce ne fut que presque une heure plus tard qu'elle réalisa l'heure et comprit que Kriss serait déjà monté sur scène à l'heure qu'il était. Un serveur passa à côté d'elle et elle lui toucha le bras pour retenir son attention.
« Avez-vous besoin de quelque chose, Mademoiselle ? demanda-t-il.
Tabatha sourit.
— J'espérais que vous pourriez m'aider. Je cherche Kriss Reed. Pouvez-vous me dire à quelle heure il passera ?
Le serveur soupira et secoua la tête.
— Vous êtes la sixième demoiselle à me demander où il est, cette semaine. Malheureusement, il a arrêté de travailler ici depuis un moment, et personne ne l'a revu depuis.
Tabatha reçut la nouvelle comme un coup en plein visage. Un sentiment de désespoir la prit au ventre et elle baissa la tête pour cacher les larmes qui montaient... elle avait perdu son meilleur ami.
— Vous allez bien ? s'inquiéta le serveur à voix basse.
Tabatha leva les yeux vers lui et sourit, séchant ce qui menaçait de ruiner son mascara.
— Ouais, ça va. Mais pourriez-vous me servir un Malibu à l'ananas ?
Le serveur la regarda d'un air interrogateur avant de pousser un soupir et de retourner au bar. Il avait reconnu Tabatha comme étant l'une des plus proches amies de Kriss et en déduisit que ce dernier avait quitté la ville sans la prévenir. C'était tellement dommage... elle semblait être une gentille fille et le départ de Kriss l'avait de toute évidence blessée.
Tabatha sortit son poudrier de sa pochette avec ostentation et vérifia son maquillage. Il était parti sans même dire au revoir... il lui avait promis qu'il ne la quitterait jamais, quand ils étaient partis en Floride avec Devon et Envy. Ils s'étaient même rapprochés depuis son enlèvement... ils avaient été si proches.
— Et voilà, annonça le serveur en posant le verre devant la jeune femme.
Tabatha abaissa son poudrier et leva un visage souriant vers lui.
— Allez-y et commencez à faire l'addition... je vais rester ici un moment.
Le serveur acquiesça et passa entre les tables pour s'assurer que tout se passait bien chez ses autres clients, vérifiant de temps à autre que la nouvelle arrivée ne s'oubliait pas dans l'alcool.
Tabatha vida rapidement son verre et le reposa sur la table. Pourquoi s’inquiétait-elle, d'ailleurs ? Kriss était un ange déchu... il avait mieux à faire que de s'occuper des mortels... et encore moins de ceux qui étaient ses amis. Seigneur, ce qu'elle détestait être d'humeur boudeuse et colérique en même temps... cela la perturbait.
Une nouveau verre fut posé devant elle et elle le but tout aussi rapidement. Environ six verres plus tard, elle était de bonne humeur et pompette. En parcourant la scène du regard, elle fit la moue à la vue d'un nouveau danseur qui arriva sur la scène avec un string argenté et des ailes. Elle se demanda où était passé son Gourou attitré, sur l'épaule de qui elle aimait pleurer quand elle en avait besoin, et plissa les yeux sur le danseur, le détestant pour se moquer inconsciemment d'elle.
— Un dernier avant que je m'en aille ? lança-t-elle au serveur qui restait près d'elle depuis son arrivée.
Le serveur lui fit un doux sourire et secoua la tête.
— Je crois que vous avez assez bu. Voulez-vous que j'appelle un taxi ?
— Non, répondit Tabatha en se relevant et en attrapant son sac. Je veux que vous disiez à Kriss qu'il m'appelle, s'il se souvient de qui sont ses amis.
Bien sûr, elle ne le pensait pas, mais sur le moment elle était tellement en colère contre Kriss... blessée qu'il n'ait pas pris assez en compte leur amitié pour au moins l'avertir de son départ... ou de son enlèvement. En ouvrant son sac, elle sortit son porte-monnaie et essaya de payer les verres qu'elle avait bus mais le serveur secoua de nouveau la tête.
— Votre addition a déjà été payée, dit-il. Maintenant, rentrez chez vous et reposez-vous... je suis sûr qu'il vous rappellera bientôt.
Tabatha sortit ses clefs de voiture de son sac et les laissa tomber par terre.
— Merde ! siffla-t-elle, car elle voulait s'en aller avant de faire quelque chose de stupide, comme par exemple de pleurer en public.
Elle se baissa pour les ramasser, mais une main sortie de nulle part se referma dessus et s'en empara. Le regard de Tabatha remonta de la main jusqu'au bras, puis du bras jusqu'à l'épaule de l'inconnu. Elle écarquilla les yeux quand son regard s'arrêta sur le beau visage de Kane.
— Allez viens, ma belle, dit-il en voyant la façon dont les lumières explosaient comme du verre brisé dans ses yeux au bleu clair. Elle était sur le point d'éclater en sanglots. Il n'était pas le seul à être d'humeur morose ce soir-là, semblait-il. Laisse-moi te ramener chez toi, proposa-t-il.
La lèvre inférieure de Tabatha se mit à trembler alors qu'elle levait les yeux vers lui et elle se laissa aller contre son bras en sentant la force qu'il possédait. Son harceleur grandeur nature était venu pour elle, et pour une fois... elle en était heureuse.
Kane fit un signe de tête au serveur par-dessus celle de Tabatha et la fit sortir du night-club. Il jura intérieurement, car il savait pourquoi elle avait choisi d'entrer dans celui-ci. Elle voulait retrouver cet enfoiré d'ange déchu qui se cachait d'elle.
Kriss se fichait-il de savoir ce que sa négligence avait comme conséquences sur Tabatha ? ou bien s'était-il ajouté à la liste des ennemis potentiels de Tabatha en abandonnant son titre de meilleur ami ? Kane passa un bras autour des épaules de la jeune femme et resserra son autre bras autour d'elle quand elle faillit tomber de ses hauts talons.
— Est-ce que tu l'as vu ? l'interrogea Tabatha en levant les yeux sur le visage de Kane.
Kane secoua tristement la tête.
— Non, je ne l'ai pas vu.
Il se retint de lui dire que la dernière fois qu'il s'était cogné à Dean, il portait sur lui l'odeur de Kriss... le déchu se portait bien.
— Il est parti, enchaîna Tabatha en séchant d'un geste enfantin la larme qui avait réussi à lui échapper. Et si Misery l'avait mangé ?
Kane essaya de ne pas éclater de rire devant sa question, due à son état d'ébriété mais aussi à sa sincérité.
— Misery trouve que le déchu a un goût répugnant, dit-il en répétant les propres mots de Misery.
— Alors pourquoi n'a-t-il pas dit au revoir ? insista Tabatha, les yeux baissés alors qu'ils marchaient vers la voiture.
Kane ne répondit pas alors qu'il aidait Tabatha à s'installer dans son véhicule et contournait le véhicule pour prendre la place du chauffeur. Se déchaînèrent dans son esprit des images de lui-même en train d'arracher ses douces ailes satinées du dos de Kriss, mais Kane les ignora. La vengeance pouvait attendre... pour le moment, il devait ramener son ange gardien personnel sain et sauf à son appartement avant que la porte tournante de son esprit ne s'ouvre sur le retour de son mauvais penchant.
Tabatha resta silencieuse pendant le trajet, le bleu des lumières du tableau de bord éclaboussant d'une douce lueur l'intérieur de la voiture, comme pour autoriser la jeune femme à regarder celui qui conduisait. Elle n'avait jamais vraiment été du genre à refuser un défi et, bien qu'elle tenait l'alcool mieux que personne... les verres l'aidaient à effacer une peur bien enracinée.
Elle tourna lentement la tête et regarda franchement Kane dans les yeux.
— Pourquoi Misery a dit que je t'appartenais ?
Kane tourna aussitôt la tête vers son interlocutrice pour lui lancer un regard dur. Elle n'était pas censée se rappeler l'épisode de cette nuit-là... il l'avait retiré de ses souvenirs. Comment diable pouvait-elle se rappeler de quelque chose qu'elle était supposée avoir oublié ? Après avoir observé le reflet des phares sur son visage, il reposa les yeux sur la route et fit une embardée juste à temps pour éviter de rentrer dans une voiture qui arrivait en face.
Elle agrippa la poignée de la portière dans un mouvement instinctif quand elle observa la réaction du vampire à sa question, mais finit par changer d'avis. Elle n'était pas assez saoule pour se jeter d'une voiture en marche. Le frisson de peur qui remontait le long de son échine ne fit qu'abaisser son courage au niveau de la stupidité.
— Décide-toi, répliqua Tabatha avec un grand sourire, avant de se reprendre et d'éprouver l'envie de se donner des baffes.
« Merde, pensa-t-elle. C'est ça imbécile, vas-y, énerve le gars aux dents pointues. »
— Tu te souviens de cette nuit-là ? demanda Kane avant de pouvoir s'en empêcher.
— Et alors ? rétorqua-t-elle avant de hausser les épaules. Grande nouvelle, je me souviens. Bon ... l'essentiel, en fait. Peut-être n'es-tu pas aussi doué pour hypnotiser les gens que tu le crois.
— Peut-être que la prochaine fois je ne serai pas aussi gentil, l'avertit Kane, avant de constater qu'elle frissonnait à ces paroles sinistres.
Tabatha plissa les yeux devant l'expression stoïque que le vampire affichait. Comment osait-il insinuer qu'elle bluffait ?
— Bon, avant que tu n'essaies de me laver le cerveau encore une fois, et si tu me donnais la réponse à la devinette de Misery ? interrogea-t-elle en croisant les bras, consciente qu'elle reportait sur Kane sa colère causée par l'abandon de Kriss... une fois encore, peut-être que Kane le méritait.
Pour elle, c'était Kane qui avait mangé Kriss.
— Soit tu m'expliques ce qu'elle a insinué, soit je jure de porter autour du cou un gros cœur de vache bien juteux pour attirer Misery et lui poser moi-même la question.
Elle lâcha un hoquet de surprise et se retint rapidement au tableau de bord quand Kane braqua brusquement, faisant une embardée jusque de l'autre côté de la route, sur le bord du trottoir. Il pila et glissa sur le remblai, faisant faire à la voiture un 180 ° complet avant de s'arrêter.
Kane planait au-dessus d'elle avant que la voiture ne s'arrête. Tabatha ne put s'empêcher de lever les yeux sur son visage et d'admirer les lignes puissantes de sa mâchoire... ainsi que la couleur améthyste de ses yeux. Son regard glissa sur sa bouche parfaite, et elle se demanda si elle était froide comme la glace ou brûlante comme le feu.
Kane était plus qu'en colère et il avait envie d'étrangler la jeune femme pour avoir seulement pensé à une telle chose. En se mordant la langue, il attendit d'y sentir le rapide et petit flot de sang, avant d'emprisonner la bouche de Tabatha en un baiser brûlant. En temps normal, il aurait tué pour avoir le cran d'agir ainsi... et une fois encore, elle aurait dû être sobre, pour que ce baiser compte. En l'embrassant aussi passionnément à ce moment-là, il désirait seulement lui faire oublier ces idées dangereuses que l'alcool lui avait mises dans la tête.
Chaudes, ses lèvres étaient chaudes, et cette sensation créait un doux tourbillon de plaisir qui descendait jusqu'au cœur de son être, entre ses cuisses. Tabatha éprouva soudain la peur qui lui avait fait défaut un moment plus tôt. Elle la submergea de ses vagues vengeresses, au point de lui faire dresser les cheveux sur la tête, et à ce moment très précisément, la panique la prit au ventre. Son esprit se concentra sur cette terreur et elle la repoussa de toutes ses forces. Malheureusement, cela eut le même effet qu'une fourmi tentant de soulever une maison.
Kane sentit les mains de la jeune femme pousser contre son torse, mais si ce baiser devait être le dernier, alors il allait le savourer encore un moment. Il mêla son souffle à celui, chaud, de la jeune femme tandis qu'il rendait le baiser plus tendre, pour de nouveau l'approfondir.
Tabatha fut assaillie par la saveur douce et salée du sang de Kane, et le besoin tout-puissant de s'enfouir en lui prit le pas sur sa peur persistante. Ce besoin s'intensifia quand Kane passa une main sous ses hanches et la souleva de son siège, la pressant le plus possible contre lui, autant que le petit espace confiné de la voiture le permettait. Ses cuisses devinrent brûlantes et, avant qu'elle ne puisse s'en empêcher, une de ses mains vola de son torse à l'arrière de sa nuque, pour plonger les doigts dans ses cheveux de neige et les empoigner fermement.
Kane frissonna en la sentant passer ses ongles sur sa peau sensible, ce qui eut pour effet de lui faire tendre les hanches vers elle, et un grognement monta du fond de sa poitrine. Il la désirait... nom d'un chien, il la désirait tellement. Un klaxon de voiture beugla soudain dans leurs oreilles et Kane se rappela tout à coup où ils se trouvaient. Il dut rassembler plus de volonté qu'il ne l'imaginait pour libérer le corps de la jeune femme et se laisser presque retomber sur le siège côté conducteur.
— Déjà sobre ? demanda-t-il. Les muscles de sa mâchoire se crispèrent et ses jointures blanchirent quand il saisit le volant, luttant pour brider son désir.
Tabatha se couvrit la bouche de la main en réfléchissant à cette étrange question. Après quelques secondes de silence, elle hocha la tête, le visage sérieux.
— Ouais pourquoi, tu es quoi, du café instantané ?
— Et toi, tu es quoi ? se moqua Kane. Foutrement cinglée, voilà ce que tu es... à parler de cœurs de vache et de démons.
Tabatha écarquilla les yeux quand un flash de lumière aveuglante attira son attention en envahissant la rue. Elle lécha sa lèvre inférieure, pour goûter encore une fois sa saveur, puis baissa les yeux sur son corps afin de s'assurer que ses cuisses n'étaient pas vraiment en train de prendre feu. L'éclair de lumière zébra de nouveau le ciel, et elle se pencha en avant pour voir les nuages d’orage dans le ciel. N'en voyant aucun, elle reposa les yeux sur Kane et comprit qu'il était l'auteur de la tempête.
— Je pense que tu devrais te calmer. J'avais tort... tu n'es pas du café instantané, tu es un orage instantané..., dit-elle avant de se raidir sur son siège.
Elle ne l'avait pas remarqué tout à l'heure, mais quand Kane s'était penché sur elle, sa robe avait remonté pour dévoiler en partie la dentelle fleurie de sa culotte.
Kane se massa la tempe du bout des doigts et ferma les yeux... il le devait.
— Contente-toi simplement de ça… reste loin de Misery.
— Est-ce que c'est comme ça que tu m'as guérie, dans le bureau de Warren ? chuchota Tabatha, qui savait en quelque sorte que le sang du vampire venait d'annihiler la moindre goutte d'alcool qu'elle avait absorbée ce soir-là.
Son humeur désinhibée lui manquait déjà, mais elle n'allait pas le traiter de rabat-joie, étant donné comme il était mal luné. Mais, elle devait bien l'admettre, s'il n'avait pas interrompu le baiser, ce contact physique aurait débouché sur autre chose.
Dire qu'il était instable psychologiquement aurait été un doux euphémisme, étant donné la façon dont il agrippait le volant. Après ce qu'elle était sur le point de faire... peut-être que tous deux se seraient retrouvés sur une pente glissante.
Quand il ne répondit pas mais se contenta de regarder droit devant lui en haussant les épaules, Tabatha se sentit de nouveau envahie par la colère.
— Bon, ramène-moi à la maison... ou mieux encore, dégage. Je peux conduire maintenant.
Tabatha fut brutalement projetée au fond de son siège quand Kane passa une vitesse et enfonça la pédale d'accélérateur, rebondissant sur le bord du trottoir et réintégrant la circulation... aussi diffuse fût-elle à cette heure de la nuit.
— Peut-être que tu devrais chercher dans quel nid d'oiseau Kriss se planque en ce moment pour le rejoindre, puisque vous aimez tellement me cacher des choses, tous les deux ! lança-t-elle en guise de sarcasme.
— Personne ne t'a jamais dit que ce n'était pas une bonne idée de provoquer un vampire ? demanda Kane d'une voix au calme trompeur, en refusant de la regarder.
— Je suis encore vivante, observa Tabatha.
— Pour l'instant », mentit Kane, avec néanmoins un sentiment de satisfaction lorsque le reste du trajet se fit dans un silence contrarié.
Tabatha était assise sur le siège passager, les bras croisés. Elle refusait catégoriquement de repenser au baiser et ne pensait surtout pas à quel point elle l'avait trouvé sexy quand il s'était penché sur elle... fâchée ou non.
Dès que la voiture fut garée dans l'allée, Kane soupira en se passant une main dans les cheveux quand elle bondit du véhicule et s'écarta de lui comme si elle avait été mordue. Il trouva cette situation plutôt ironique, considérant le fait qu'il l'avait déjà mordue auparavant. En sortant de la voiture, il la suivit en silence, conscient que ce n'était pas la bonne chose à faire.
Tabatha claqua la portière derrière elle et se précipita vers l'entrée de son appartement. Une fois la porte refermée derrière elle, elle se retourna et passa les secondes suivantes à fermer les quatre verrous et le pêne dormant de sa porte, avant d'allumer la lumière du salon.
« Pour l’instant, mon cul ! lâcha-t-elle en fixant un regard furieux sur la porte, se sentant enfin dans son bon droit.… jusqu'à ce qu'elle se retourne.
Tabatha hurla quand elle vit Kane assis tranquillement sur le sofa comme s'il était chez lui, puis elle lui lança son petit sac à main.
— Tu n'es pas invité ! Fulmina-t-elle, attendant de voir s'il allait disparaître.
C'était vraiment une bonne chose qu'il ne l'ait pas fait parce qu'elle aurait eu mal aux côtes à cause du rire hystérique qui se serait emparé d'elle.
— Putain, pourquoi es-tu encore là ? s'exclamat-elle en jetant ses hauts talons dans sa direction d'un mouvement du pied, enfin satisfaite quand il fut dans l'obligation de bouger sa jambe pour éviter une chaussure.
À son étonnement, Kane resta simplement assis là à la dévisager, avec cette expression exaspérante qui semblait un croisement entre l'amusement et la colère. Il se mit à étinceler et disparut un laps de seconde avant qu'elle ne se retrouve collée à la porte dans un grand fracas. Tabatha ne put bouger à cause de la façon dont il la clouait au bois derrière elle. Elle entendit l'orage gronder dehors et n'en fut que plus effrayée.
Kane se pencha légèrement vers elle, jusqu'à ce que sa joue frôle la sienne, puis huma l'odeur de peur et de colère mêlées que la jeune femme dégageait. C'était comme un aphrodisiaque, ce qui lui permit de se rappeler pourquoi il n'avait pas prise son âme sœur aussitôt retrouvée. Il luttait contre l'envie irrépressible de la prendre là, contre la porte... vite et violemment.
Les dieux les avaient peut-être liés, mais ils s'étaient trompés dans leur choix d’appairage. Pour son bien... ils devaient avoir tort. Quand il se recula suffisamment pour voir son visage, il fut satisfait de voir que sa colère et sa peur étaient toujours lisibles sur son visage.
Tabatha sentit les mèches de ses cheveux trembler sous chaque souffle qu'il exhalait alors qu'il la fixait de ces yeux pleins de feu. Elle fut fascinée à la contemplation de ses pupilles couleur améthyste qui se dilataient, et ressentit un frémissement de déception… elle ne voulait pas oublier.
— Avant que tu ne me la joues « Hocus Pocus »… dis-moi la vérité, murmura-t-elle. Jure-moi la pure et simple vérité.
— La vérité sur l'amour ? répondit Kane qui baissa le regard sur ses lèvres ainsi que la tête, pour effleurer sa bouche de la sienne... non pour un baiser mais quelque chose de bien plus intime. Je représente un bien plus grand danger pour toi qu'aucun démon ne le sera jamais. »
Tabatha cligna des yeux, gênée par la lumière du soleil qui filtrait par la fenêtre puis s'assit dans le lit. Elle ramena ses genoux sous son menton et les entoura de ses bras, jetant un regard irrité à la lumière du jour qui semblait presque la narguer. Grommelant entre ses dents, elle se mit à bouder et à dégager son visage de ses cheveux.
« Dangereux, mon œil, grogna-t-elle. Il est tellement dangereux qu'il m'a mise au lit avant de partir. »
*****
Zachary observait la carte affichée sur le mur, la tête penchée sur un côté. Ils avaient planté une punaise sur chaque endroit de la ville où était survenu un événement étrange ces derniers mois, pour essayer de voir si un motif prenait forme avec tous ces points. Ils avaient commencé avec quelques clous colorés mais, alors que leur parvenait de nouvelles informations, les punaises avaient commencé à faire apparaître un motif.
Angelica prit un marqueur noir et dessina un cercle autour des quartiers mal famés et leurs environs.
« Misery a opéré dans ce secteur, analysa-t-elle. Les autres occurrences que nous avons trouvées semblent être le fait d'autres démons qui prennent de l'assurance et sortent de leur cachette.
— Et au sujet de ce qui s'est passé au Love Bites ? demanda Trevor. Cela ne concorde pas vraiment avec son mode opératoire.
— Nous pourrions bien avoir besoin d'agrandir son périmètre sous peu, suggéra Chad. Et au sujet du cadavre que nous avons trouvé un peu plus tôt aujourd'hui ? »
Ils frissonnèrent tous en se remémorant la scène en question. Ils avaient reçu un appel de la police au sujet du corps d'un jeune homme qui avait été retrouvé, et la police avait pensé qu'ils devaient le voir. Un jeune homme d'environ vingt ans, qui portait les restes d'un tee-shirt avec le logo de l'université locale imprimé dessus.
Quand ils étaient arrivés sur place, la police avait clôturé le périmètre sur environ une centaine de mètres tout autour. Chad avait trouvé cela étrange et était allé parler à deux de ses potes de l'équipe de police. Quand il revint vers son équipe, son teint avait considérablement pâli.
« Qu'y a t-il ? l'interrogea Zachary.
— Ils ont dit que nous devons le voir par nous-même… ça s'annonce aussi grave que ce que vous m'avez décrit de la scène dans le bus, l'autre jour.
Alors que tous les quatre s'approchaient, Trevor dut respirer par la bouche afin d'empêcher l'odeur de lui donner envie de rendre. Le pire, c'était qu'il pouvait sentir l'odeur âcre sur sa langue et c'était tout aussi répugnant. Zach lui donna un masque chirurgical qu'il avait sorti de la poche de sa veste... il en gardait toujours quelques uns sous la main pour des situations similaires. Quand ils virent le corps, même Zachary dut se détourner et respirer plusieurs fois un peu d'air frais.
Le corps avait été littéralement déchiqueté et toutes ses entrailles avait été sorties. Le pire, c'était qu'ils pouvaient tous observer que quelque chose en avait dévoré certaines parties alors que d'autres manquaient dans leur intégralité. De longues griffures marquaient le peu de chair qui avait été épargnée et les os étaient visibles, dont certains étaient brisés et saillaient.
Les orbites offraient un spectacle encore plus affreux et semblaient fixer quelque chose droit devant elles... les yeux avaient été retirés. Une partie du cuir chevelu avait été déchirée et le crâne perforé, le cerveau suintant encore lentement par le trou. La bouche était restée ouverte et pendait mollement dans le vide, dévoilant la langue également dévorée.
De larges portions d'entrailles avaient été sorties et laissées sur tout le corps, et le ventre était grand ouvert. Angelica se détourna de la scène et se recouvrit la bouche d'une main pour retenir la nausée qui montait… ce qui ne l'aida pas.
— Pauvre con, chuchota Zachary en s'agenouillant à côté du garçon. Cette dernière semaine avait été en proie à une activité démoniaque frénétique et il semblait qu'elle ne se relâchait pas. Quel est le rapport officiel ? demanda-t-il.
— La police dit qu'il s'agit de l'attaque d'un animal, répondit Chad.
Angelica secoua la tête.
— Ce n'est pas un animal qui a fait ça, observat-elle d'une voix rauque, en revenant vers la voiture. C'était la tombe. »
Zachary secoua la tête pour chasser cette réminiscence et détourna le regard de la carte pour se tourner vers Angelica.
« Que voulais-tu dire par « c'était la tombe » ?
Angelica fronça les sourcils.
— C'est tout ce que le corps m'a raconté. Les blessures sont presque trop datées pour que je puisse ressentir quelque chose. Je ne sais pas comment mieux le décrire, si ce n'est que c'est la tombe qui l'a tué.
Zachary s'éloigna de la carte et s'approcha de la table à café où était posé son ordinateur portable. Se connectant au système de l'EEP, il envoya un message à Storm pour l'informer des derniers événements… sa réponse fut immédiate.
— On dirait que Storm fait intervenir un personnage important de l'EEP, annonça Zachary aux autres, avant de faire une pause puis de lever les yeux vers ses collègues. Il a ramené le légendaire Ren… il est déjà là. »
Trevor frissonna de façon visible à la mention du nom de Ren. Ren avait toujours été le fantôme du groupe d'intervention… plus une légende qu'une personne réelle, parce que Storm était le seul à l'avoir rencontré. Il avait un jour demandé à Storm qui était le membre le plus puissant de l'EEP, et Storm n'avait même pas pris le temps d'hésiter avant de lui donner sa réponse. Mais si Storm envoyait son second aux commandes, alors cela signifiait qu'il envoyait également une armée à sa suite.
Zachary et Trevor comprenaient tous deux ce que cela signifiait… la guerre commençait.

Chapitre 3
Adolescent, Ren avait pris pour habitude de se connecter à la base de données de l’Équipe des Enquêtes Paranormales pour être à jour sur les derniers événements. Il était également assez intelligent pour détruire n'importe quel ordinateur utilisé par ses soins, afin que personne ne remonte jusqu'à lui. Cela avait été excitant de se faufiler derrière le pare-feu dressé autour des dossiers secrets d'une branche du gouvernement qui n'était pas censée exister.
L’Équipe des Enquêtes Paranormales, autrement connue sous le nom d'EEP, savait que Ren entrait dans leurs dossiers de missions et détournait leurs informations cryptées, mais jusqu'ici ils ne l'avaient jamais attrapé et n'avaient jamais réussi à trouver un pare-feu assez puissant pour l'empêcher de pénétrer dans leur système confidentiel. Ren ne volait pas seulement le contenu de leurs données, mais conservait aussi des données de ses propres enquêtes paranormales.
De nombreuses années plus tard, l'homme à la tête de l'EEP avait commencé à laisser à Ren des messages derrière le pare-feu le plus impénétrable et crypté que ce dernier ait jamais vu. C'était derrière ces défenses que Ren avait secrètement donné sa réponse à l'insaisissable groupe d'investigation, mais selon ses propres conditions uniquement... à savoir qu'ils le laissent travailler seul.
Quiconque se trouvait derrière ce mur connaissait non seulement son nom, mais aussi certains détails à son propos que personne d'autre ne savait… comme par exemple le fait qu'il n'était pas complètement humain. Ce fut seulement après avoir attrapé un démon de niveau sept ayant entamé un culte de cannibalisme au Congo, et une fois gravement blessé que l'homme à la tête de l'EEP le rattrapa enfin.
Ren était en plein combat contre le démon mangeur de chair, et très près de se retrouver perdant, quand une main lui avait serré l'épaule… tout ce dont il se rappelait ensuite, c'était de s'être retrouvé sur une petite île privée perdue au beau milieu de l'océan. Ren s'était retourné pour tomber nez à nez avec l'homme caché derrière les murs cryptés… Storm.
Ren secoua la tête en se rappelant ces tout premiers moments. Storm ressemblait à un chanteur de rock des années 80 plutôt qu'au cerveau caché derrière l'organisation la plus secrète au monde.
Storm lui avait seulement souri, puis avait retiré la main encore posée sur son épaule.
« On essaie de se retirer de l'EEP à la dure ? Pourquoi ne restes-tu pas un moment ? Je détesterai l'idée de perdre mon meilleur ami, avant que nous ayons eu la chance de devenir amis.
— Quoi ? avait dit Ren avec une grimace, une main sur la poitrine, là où le démon avait essayé de lui arracher le cœur.
— Désolé, soupira Storm en tendant de nouveau la main vers lui.
Ils se retrouvèrent soudain dans une installation située à demi sous terre et à demi sous l'eau, profondément cachée sous l'île.
— Personne ici n'a le don de guérison, mais je peux toujours te mener jusqu'à quelqu'un qui le possède, si tu préfères.
— Non, grogna presque Ren. Si tu peux me donner du fil et une aiguille, je pense que je peux rester au même endroit quelques fichues minutes encore. Il s'appuya contre un comptoir en essayant de s'éloigner de Storm. Et si tu me touches encore une fois, tu vas perdre ta main.
Storm éclata de rire et ouvrit l'un des placards au-dessus d'eux, avant d'indiquer tous les médicaments qu'il comportait. Son sourire s’effaça quand Ren déboutonna sa chemise et que Storm vit les profondes entailles que le démon mangeur de chair avait laissées sur son corps. Quelques secondes de plus et Ren aurait passé l'arme à gauche.
— Je crois qu'étant donné ton penchant pour les démons, tu vas peut-être devoir apprendre quelques détails sur eux avant d'en affronter un autre.
Storm détacha son regard des griffures, en sachant déjà à quoi les cicatrices ressembleraient plus tard. Il avait rencontré Ren depuis longtemps… cette amitié n'était pas encore née à l'instant où il lui parlait.
Ren tendit la main vers le placard ouvert et attrapa ce qui ressemblait à une trousse de soins, avant de s'avancer vers le miroir accroché au mur.
— Si tu as rencontré un démon, alors tu les as tous rencontrés… pas vrai ?
Il ne put déguiser le sarcasme dans sa voix alors qu'il tentait d'ignorer la douleur… mais ça ne fonctionnait pas.
— Faux, rectifia Storm. Tu sais seulement ce que je t'ai permis de télécharger dans la base de données.
Il s'assit sur le lit d'hôpital au milieu de la pièce.
Ren observa dans le miroir l'homme qui se tenait dans son dos. Les informations cachées dans cette base de données suffiraient à mettre au monde entier en feu... assez pour que l'existence même de cette base de données soit considérée comme dangereuse. Il était difficile de croire qu'il y avait plus encore... mais il savait certaines choses qui ne se trouvaient même pas dans la base.
— J'écoute.
Et pour écouter, il écouta… pendant des semaines.
Storm avait raison de garder les informations partagées avec Ren exclues des archives, et ce pour les mêmes raisons que le Vatican cachait les leurs dans des chambres fortes secrètes. Si certaines de ses informations venaient à être divulguées auprès de la population, ce serait la fin du monde tel que nous le connaissons.
Ren savait sans aucun doute que l'homme maintenait toujours sous silence d'autres informations, parce que, bien que les dieux lui avaient donné le pouvoir de voyager à travers le temps et l'espace, ils avaient aussi conféré à ce don un aspect dangereux pour lui, s'il en parlait à quiconque au-delà du moment présent. Il pourrait incarner le meilleur professeur d'histoire de tous les temps... mais si Storm tentait de parler à quiconque du futur, cela briserait le lien de l'espace-temps... et ce lien n'était autre que Storm lui-même.
Il avait aussi raison au sujet de leur amitié. Ils avaient été amis depuis le premier jour, et cela en disait long étant donné qu'aucun des deux hommes n'était du genre à accorder sa confiance. En vérité... ils se ressemblaient sur bien des points.
La petite île refuge de Storm se situait en fait quelque part dans le passé, mais Storm l'avait pourvue de tout le confort moderne d'un hôtel particulier, ainsi que d'une base futuriste. Un côté de l'immeuble donnait l'impression à Ren de se trouver à l'intérieur d'un énorme aquarium, tandis que l'autre côté était taillé dans la pierre robuste qui encerclait l'île. Ce qu'il y avait d'encore meilleur avec cet endroit, c'était sa parfaite solitude. C'était le seul endroit où Ren pouvait se rendre et où rien de surnaturel ne pouvait le toucher, si ce n'était l'aptitude de Storm à voyager dans le temps.
Au début, il avait pensé que Storm n'était qu'un jeune homme à la vingtaine fringante, mais après l'avoir côtoyé pendant dix ans, il dût constater que ce dernier n'avait pas pris une seule ride, et il finit par se demander depuis combien de temps Storm était là. Même le processus de vieillissement de Ren avait ralenti, parce qu'il passait beaucoup de temps près de Storm et de son pouvoir.
Ren sursauta lorsqu'une voix le tira brusquement de ses songeries.
— Je viens de faire de toi l'heureux et fier propriétaire de l'une des plus anciennes maisons de Los Angeles, annonça Storm en apparaissant au bout de la longue jetée qui s'étendait loin de son île. Il esquissa un petit sourire malicieux en voyant Ren faire un bond au son de sa voix.
— Merde, pourrais-tu au moins faire du bruit quand tu surgis de nulle part comme ça ? rouspéta Ren en se retournant pour s'appuyer contre la rambarde, après avoir lu l'expression de satisfaction qu'affichait le visage de Storm.
— Tu attendais quelqu'un d'autre ? demanda Storm en riant.
Ren se contenta de lui adresser un regard impassible, puisque personne d'autre n'avait jamais posé un pied sur son île.
— D'accord, je me rends. Pourquoi m'as-tu acheté une vieille cabane délabrée ? Ce n'est même pas mon anniversaire.
Sans prévenir, Storm tendit le bras et saisit l'épaule de Ren ; l'océan bascula, les laissant debout dans l'herbe, face à ce qui pouvait passer par un manoir gothique moderne tout en pierres sombres. En entendant le bruit des vagues qui s'écrasaient contre les rochers, Ren tourna le regard sur la droite pour voir l'océan. Faisant un tour complet sur lui-même, il fronça les sourcils en remarquant la route qui s'étendait aussi loin que l'œil pouvait le voir, ainsi qu'une vaste et profonde forêt située sur la gauche.
— Pas mal pour une cabane délabrée, commenta Storm en désignant la demeure d'un signe de tête. Soixante hectares de terrain face à l'océan, remodelés à chaque mise à jour. Il est difficile de croire que c'était un petit château autrefois.
— Pas tant que ça, répondit Ren en tournant la tête vers Storm pour le regarder. Où est le piège ?
— Los Angeles a besoin de toi, déclara Storm dans un haussement d'épaules, en s'avançant vers la bâtisse. Ne peux-tu le sentir ?
Ren ne répondit pas alors qu'il suivait Storm dans cet endroit. En vérité, son petit doigt lui soufflait de s'enfuir à toutes jambes. Los Angeles… jusque là, ça sonnait plutôt comme des vacances forcées.
Une fois à l'intérieur, il se retrouva dans un vaste espace circulaire serti d'un escalier en colimaçon qui se déployait à travers la pièce et montait jusqu'à l'étage supérieur avant de se séparer en deux volées de marches distinctes. Storm se dirigea vers les grandes portes sur la droite, et Ren poussa un soupir en le suivant.
— Là, c'est bien plus mon style, admira Ren dans un souffle, en regardant les systèmes de surveillance aux murs et un bureau en verre avec un ordinateur intégré à même sa structure.
— Je savais que tu apprécierais, répliqua Storm en s’étirant sur le sofa installé dans un espace vide de la pièce immense. Il regarda Ren se glisser derrière le bureau et commencer à observer l'appareil. Personne ne peut te tracer jusqu'ici, à l'exception de toi, peut-être... et heureusement, tu ne comptes pas.
Storm regarda les yeux de son ami pétiller tandis que ce dernier faisait planer ses mains à quelques centimètres au-dessus du clavier. C'était un étrange pouvoir qu'il avait là et il ne connaissait personne d'autre capable de faire ça, mais c'était de cette manière que Ren pouvait traverser les pare-feux de l'EEP, qui étaient d'une centaine d'années plus avancés que ceux que le gouvernement possédait déjà. Il aspirait littéralement toutes les informations de l'ordinateur et, de ce qu'il savait, lui apprenait une ou deux petites choses.
Ce qu'il y avait de drôle avec Ren, c'était qu'il ne ressemblait pas à ces nerds lambda… il était physiquement stupéfiant. Il avait vu des femmes manquer de trébucher en le voyant.
Ses cheveux lui arrivaient un peu en dessous des épaules, des cheveux d'un noir corbeau striés de mèches bleues quand le soleil les éclairait sous l'angle adéquat. Mais même sans le soleil, on ne pouvait pas ne pas remarquer ces épaisses mèches argentées qui faisaient ressembler Ren bien plus à un enfant sauvage qu'il ne l'était. Ajoutez cela à la croix qui pendait à son oreille et le fait qu'il était toujours vêtu de noir, et vous obteniez un homme à l'allure plutôt frappante. Pour ajouter à l'effet, les iris de Ren étaient semblables à de l'argent poli, piquetés de lueurs bleutées et cerclés d'un trait noir de jais. Il gardait en permanence sur lui des lunettes de soleil pour cacher l'étrangeté de son regard.
Ce qui l'avait le plus stupéfié à propos de Ren, c'était le fait que les ordinateurs étaient l'une des choses qui rendaient Ren heureux, tant que les pouvoirs fonctionnaient. Ren était un succube sous tous les angles. S'il était à côté d'un ordinateur, alors il se nourrissait de l'énergie de l'appareil, presque comme le ferait un téléchargement… mais sa forme de succube lui permettait aussi de sucer l'énergie de n'importe qui et de l'utiliser pour lui-même.
Par exemple… s'il se trouvait près d'un métamorphe, alors il pouvait se métamorphoser. S'il se trouvait près d'un démon, alors il possédait toute la puissance du démon en question, mais l'inconvénient de ce pouvoir reposait sur son effet miroir. Il ne pouvait dépouiller un démon de ses pouvoirs. Des deux côtés combattrait une force identique, alors tout le monde n'en sortait pas toujours gagnant… surtout lorsque votre adversaire possédait le pouvoir depuis plus longtemps que vous et savait mieux l'utiliser.
Il y avait un moyen pour Ren de tourner la situation en sa faveur : s'il y avait plus d'un pouvoir surnaturel dans son radar de succube… alors il fallait se méfier de lui parce qu'il était capable de tous les utiliser à son avantage.
L'autre inconvénient reposait sur le fait que Ren ne savait pas bien jouer en collectif et refusait l'idée d'un partenaire, ce qui était vraiment dommage. Storm aurait ainsi pu le mettre en relation avec des personnages puissants et il aurait pu doubler le pouvoir de n'importe lequel d'entre eux. Même à l'heure actuelle, si Ren choisissait de se téléporter à l'autre bout du monde et cinquante ans en arrière, il le pourrait. Heureusement, il n'était pas intéressé par ce genre de choses. Il regarda la lumière mourir dans les yeux de Ren alors qu'il revenait du monde du cyberespace.
Ren cligna des yeux rêveurs et éloigna ses mains du clavier pour se laisser aller dans son fauteuil pivotant.
— Personne ne sait que je suis là ?
— Juste Zachary, avoua Storm, qui savait déjà qu'il allait devoir convaincre Ren sur ce point. Je vais avoir Zachary en poste d'observateur sur la plupart de ceux qui sont déjà là.
— Pourquoi est-ce que je n'aime pas ça ? répliqua Ren en plissant les yeux d'un air méfiant, avant de sentir que c'était une bataille perdue d'avance. Qu'est-ce qui se passe avec le manoir et le piège ? Pourquoi ce pot-de-vin ?
Storm haussa un sourcil.
— C'est plutôt difficile de soudoyer quelqu'un qui peut aller à un distributeur automatique et y tirer de l'argent tout seul.
— Tu évites la question, insista Ren.
— J'ai accepté que tu te caches des équipes d'enquêtes paranormales tout ce temps, et merde… je t'ai même rejoint dans la solitude plus de fois que je ne l'aurais dû. Storm leva une main lorsque Ren se mit à protester. Tu as toujours dit que tu m'en devais une... je te demande cette faveur maintenant.
— Alors j'accepte, capitula Ren, dont la voix avait perdu son mordant, alors que son sens de l'honneur le rappelait à l'ordre.
Storm avait raison… il lui devait la vie et Storm ne le solliciterait pas pour une affaire frivole.
Storm commença à faire les cent pas devant le bureau.
— La seule véritable réponse que je peux te donner pour le moment, c'est que tu es ici pour m'aider à me battre. Je convoque bon nombre de services sur ce coup-là. Je ramènerai la crème de l'EEP dans la ville, et quant à toi, tu viens d'être promu deuxième de la hiérarchie.
— Quelle chance j'ai.
Le fait que Ren ait prononcé ces derniers mots d'une voix totalement exempte d'émotion fut ignorée par les deux hommes.
— Zachary sera en charge à son tour, si quelque chose nous arrive. Storm se fit un devoir d'ajouter : Et tôt ou tard, vous deux aurez à échanger des informations… surtout si je ne peux pas être contacté.
— Eh bien, ça s'annonce mal, réagit Ren, inquiet. Il se demandait en son for intérieur pourquoi Storm ne détenait pas déjà les réponses à ses propres questions.
Pour quelqu'un qui pouvait voyager dans le futur, il était étrange qu'il ne sache pas qui ressortirait vainqueur de cette guerre.
— Je ne serai pas beaucoup dans le coin et ce pendant un bon moment, parce que je vais devoir retrouver la plupart des équipes. Quoiqu'elles travaillent par paires, elles ont l'agaçante habitude de disparaître du radar et de monter leurs propres affectations quand elles leur tombaient dessus. Il plongea les doigts dans ses cheveux. Même pour moi, ils vont être difficiles à retrouver.
— Et quand tu les déposes ici, je suis censé les surveiller ? demanda Ren qui réclamait une explication.
— Non, répondit Storm, qui secoua la tête et sourit à cette pensée. Ces personnes ne sont pas des enfants. Leur job est le même que le tien... protéger la ville. Si tu communiques avec les uns et les autres, ça te regarde complètement. Mais avec ton pouvoir, tu peux faire une grille de la ville pour leur montrer les zones dangereuses localisées. Ce n'est que la base pour l'instant. Toi et Zachary serez les seuls à pouvoir me contacter en mon absence.
— Vraiment ? releva Ren, en balançant son fauteuil d'avant en arrière, intrigué par tout ce mystère. Et moi qui croyais que j'étais l'asocial, de nous deux, ajouta-t-il. As-tu l'intention de disparaître ?
C'était censé être une plaisanterie, mais quand il nota un tressaillement chez Storm, il cessa de se balancer dans son fauteuil.
Storm se frotta la nuque, se voyant dans l'obligation de choisir ses mots avec prudence.
— Je suis un marcheur temporel dans cette dimension, mais si c'est un espace où les murs dimensionnels sont fragilisés ou brisés... cela rejettera mon pouvoir.
Il y allait en douceur.
Lire en Storm était devenu une science pour Ren, et ce dernier comprit tout à coup la raison pour laquelle Storm ne savait pas qui gagnerait cette guerre.
— Je te suis jusqu'ici, laissa-t-il entendre.
Storm s'approcha de la grande fenêtre qui donnait sur l'océan et tapota la vitre.
— Ce verre est à l'épreuve des balles. Il soupira avant de se retourner, et s'y adossa avant d'ajouter : Mais pas à l'épreuve du Mal.
Il indiqua d'un mouvement de tête le sofa qu'il venait de quitter et chuchota des mots oubliés depuis longtemps par l'Histoire.
Ren laissa échapper un hoquet de surprise lorsqu'au plafond et au sol apparut un vaste cercle lumineux ciblant un large espace du côté droit de la pièce avec le sofa en son centre. Il pouvait voir distinctement les cloisons luminescentes relier le cercle du plafond au cercle sur le sol.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il en essayant de réprimer l'émerveillement dans sa voix, mais il échoua lamentablement.
— Selon les termes profanes… c'est un piège à démon, répondit Storm, savourant le fait qu'il venait officiellement d'épater Ren, ce qui était très difficile à faire. Vas-y... franchis la ligne. Cela ne te blessera pas.
Ren tendit le bras mais interrompit son geste avant de toucher la délimitation.
— Dois-je m'attendre à recevoir une visite démoniaque ?
Storm inclina la tête avant de répondre :
— Laisse-moi te rappeler quelque chose. Si un enfant de déchu t'approche, alors c'est toi qui devient... le démon. Il baissa la voix et prononça ce dernier mot d'une voix effrayante. Lui et Ren n'étaient pas vraiment d'accord à ce propos. Ren avait toujours des préjugés sur ce qu'il ne comprenait pas.
Ren recula d'un pas de la ligne lumineuse du cercle alors qu'il prenait conscience du sens des paroles de Storm. Cela lui prit même quelques secondes pour réfléchir à une bonne réplique,
— Au moins serais-je celui qui sait où se trouve la clef de la cage. La question est... comment est-ce que je les y fait entrer, je mets des friandises pour démons sur le sofa ?
Storm sourit puis poussa Ren dans le cercle.
Ren pivota et allait pour rejoindre Storm quand il heurta ce qui lui fit penser à de la glace. En reculant, il appuya ses paumes contre le rempart invisible et cligna des yeux ahuris en voyant les murs des barrières onduler à l'endroit où il les touchait, comme si la surface de la barrière était de matière liquide.
En donnant un coup sur cette surface, il grogna à l'intention de Storm :
— Je ne suis pas un démon !
Storm haussa un sourcil.
— Eh bien, je suis ravi que nous ayons aplani nos différends.
Ren cogna sur le mur de ce…il ne savait quoi.
— Calme-toi, j'ai suffisamment modifié le sort là où il piège tout ce qui n'est pas humain et puisque tu es un succube et que je suis dans ton champ d'action… Il sourit encore, conscient que c'était une leçon que Ren devait apprendre. À moins que tu ne veuilles me traiter de démon ?
— J'ai compris. Pousse la créature dans le cercle et ne marche pas dans mon piège. Maintenant laisse-moi sortir.
Storm récita de nouveau le sort, plus de la façon dont il l'avait formulé la première fois, avec seulement deux ou trois syllabes de différence.
Ren apprenait vite et avait déjà mémorisé deux sorts avant de revenir à la sécurité de son bureau. Le silence s'étira avant que Storm ne sente l'ambiance de l'instant précédent s'envoler, puis il se remit à parler.
— Ce château vient d’Écosse. J'ai dû le ramener ici pierre par pierre et le reconstruire pendant la ruée sur les terres, mais les rénovations sont plus récentes. Il y a des pièges à démon dans presque chaque pièce et tu es le seul à pouvoir les déclencher.
— C'est très beau, approuva Ren qui se demandait où Storm voulait en venir.
Parfois ses histoires étaient plus longues que celles d'un vieillard quand il évoquait ses souvenirs, tout temps confondus. Il avait le droit de parler du passé autant de fois qu'il le souhaitait mais il était très dangereux pour lui de dire quoi que ce soit concernant le futur.
Il avait demandé un jour à Storm pourquoi il ne passait pas son temps à retourner dans le temps pour corriger toutes les erreurs commises par le genre humain, par exemple pour tuer Hitler. C'est à ce moment-là que Ren lui avait dit que ses pouvoirs avaient des limites... et il semblait que tenter de changer l'histoire humaine en faisait partie.
— Ce château était le cadeau de mariage réservé à un très bon ami à moi.
Storm regarda par la fenêtre, qui offrait la vue de la terre à ciel ouvert se perdant dans l'océan... c'était un spectacle à couper le souffle. Il déglutit, repoussant ce souvenir lancinant de son esprit pour le moment.
En reposant les yeux sur Ren, Storm réalisa que pour une fois, il y avait quelqu'un à ses côtés qui devait entendre ce qui se préparait. Puisque son pouvoir avait décidé d'avoir des règles contrariantes qui l'empêchaient de voir certains événements de haute importance et de toucher aux affaires de cœur, il allait devoir inventer un excellent prétexte pour donner à Ren l'envie de rester.
Il sentait déjà la douleur cisailler son esprit à cause des règles qu'il allait enfreindre, mais il l'ignora.
— Cet endroit n'existera pas plus longtemps sauf si je peux faire changer l'avenir. Sa voix se teinta de la colère qu'il ressentait, alors qu'il luttait contre cette souffrance. Avant d'avoir pris la décision de t'amener ici, je suis allé dans le futur plusieurs fois... il y a seulement deux ans de cela. Et à chaque fois, il y avait une issue différente, à cause d'un changement dimensionnel... ou de plusieurs se déroulant ici, à L.A.
Storm essuya le sang qui commençait à goutter de ses yeux et de son nez.
— La dernière fois que j'ai tenté de venir ici… une partie du château avait explosé et les pierres des murs encore debout étaient souillées de sang séché.
— La ferme, répliqua Ren en lui lançant un regard irrité, n'aimant pas voir le visage de Storm perdre ses couleurs, en plus des saignements.
Storm avait toujours plaisanté sur son incapacité à prédire l'avenir... en disant que cela le tuerait, mais pour l'heure, Ren ne trouvait pas cela amusant en constatant que c'était fondé.
— J'ai l'essentiel des informations et je découvrirai le reste moi-même.
Storm tituba jusqu'au fauteuil en se tenant la tête.
— J'essaie de mettre la chance de notre côté en attirant à L.A. autant de renforts que possible.
Ren se leva et contourna le bureau pour saisir l'épaule de Storm et, en un claquement de doigts, ils furent de retour sur l'île.
— Si tu essaies encore une fois de me parler du futur, je te botte le cul. »
Le temps que Storm soit assez stabilisé pour réaliser où il était, Ren était parti. Sentant la migraine atroce qui allait probablement lui durer des jours entiers, il sourit, car il savait que cela en valait la peine. Ren était en place, et maintenant qu'Angelica était aux abords de la ville, elle devrait aimanter un autre pouvoir caché, qui pourrait complètement retourner la situation en leur faveur… pour cela, il fallait que les dieux soient de leur côté.
*****
Ren avait passé cette dernière semaine à cartographier la ville, en arpentant ses rues. Il savait où se cachaient certains non-humains, d'après les fichiers téléchargés dans la base de données de l'EEP. Mais tandis qu'il circulait dans la ville à pied ou à moto, il sentait que la puissance qui le dominait n'appartenait pas à cette liste définie.
Il alluma l'immense écran qui prenait tout un mur du bureau, et y apposa la carte mise en grille avant de se renfoncer dans son fauteuil derrière le bureau. Pour n'importe quel spectateur extérieur, la carte devait ressembler à une décoration de Noël, parsemée qu'elle était de piqûres d'épingles lumineuses et multicolores.
C'était ces mêmes couleurs qu'il étudiait à présent. Il pouvait voir précisément l'endroit où se trouvaient les métamorphes... il avait même visité le Moon Dance et le Night Light. Il esquissa un demi-sourire à cette pensée. Il avait fait l'erreur de commander du Feu et s'était senti très bien jusqu'à ce qu'il ait mis fin à sa soirée et soit rentré. Le temps de faire la moitié du chemin de retour, il s'était retrouvé hors du champ d'influence des métamorphes et de leur capacité à bien tenir les effets du Feu, et par conséquent : complètement ivre.
Le territoire métamorphe était rétro-éclairé principalement par des lumières vertes, ainsi que deux ou trois piqûres d'épingle rouge et bleue… le bleu représentait l'équipe de l'EEP située dans cette zone, et il leur laissait la responsabilité de tout ce qui s'y passait… de même pour la meute de loups-garous.
Michael, Damon, et Kane étaient des électrons libres à ses yeux, ce qui leur avait valu la couleur jaune, et leur progéniture sans âme se terrant dans les ténèbres de la ville était d'un rouge sang de bon goût. Au moins, cette bande de lâches était assez docile pour dormir pendant la journée en plusieurs groupes et tendait à demeurer en petits comités la nuit, ce qui simplifiait la tâche pour cerner leur terrain de chasse.
Maintenant, c'était une autre histoire avec les anges déchus. Au début, ils avaient été difficiles à trouver, mais récemment ils s'étaient montrés si mobiles qu'il avait lâché l'affaire, même s'il savait qu'ils restaient tout proches... il pouvait les sentir. Il repensa à la leçon d'Histoire qu'il avait reçue de Storm.
La version courte disait que les déchus avaient presque détruit leur propre monde, en faisant irruption dans notre dimension et en enlevant quelques femmes mortelles pour leur beauté. Enlever des mortelles avait constitué leur premier faux pas. Une fois de retour de l'autre côté du vortex, les déchus s'étaient chacun leur tour accouplés à ces femmes.
Le problème… c'était que les fruits de ces unions ne correspondaient pas à leurs attentes, puisque la naissance de ces enfants était fatale à leurs mères humaines.
Seul un petit pourcentage de ces enfants étaient nés avec du sang de déchu dans les veines, et seulement un pour cent d'entre eux était de sexe féminin. Le reste de cette engeance était connu sous le nom de démons… des hybrides qui n'étaient pas de sang purement angélique. La plupart de ces hybrides étaient ce que les hommes nommaient des monstres. Alors que ces monstres transformaient leurs propres géniteurs, les déchus commencèrent à éradiquer leur monde de ces enfants hybrides... qu'ils soient ou non des monstres.
Une fois qu'ils en eurent terminé avec leur génocide, ils découvrirent qu'il restait alors une douzaine de mâles pour une femelle dans leur monde. Alors ces imbéciles revinrent à travers le vortex, en maintenant cette fois-ci leurs « créations » de notre côté, alors qu'ils s'unissaient à autant de femmes que possible... et aussi vite que possible.
Une fois les enfants nés et leurs mères mortes, les déchus ramenèrent le moindre déchu au sang pur dans leur monde, en abandonnant derrière eux leurs enfants hybrides. N'ayant pas besoin des enfants mâles qui étaient nés, ils les enlevèrent pour les entraîner à se battre contre leur propres frères au sang-mêlé.
Juste avant que ces garçons n'atteignent la puberté, les chefs des déchus les renvoyèrent en ce monde mortel et fermèrent le passage du vortex entre les deux dimensions… emprisonnant sur terre tous les enfants, à l'exception des anges déchus femelles pour lesquelles ils avaient sacrifié tant de vies.
L’histoire ne s'arrête pas là. Ces jeunes guerriers avaient été entraînés à la même mission que leurs pères... ouvrir des passages dans la dimension attenante… et pas celui menant à leur propre monde. Ce nouveau monde s'étendait si près du nôtre qu'il n'était distant que d'un souffle. On ne pouvait que présumer que c'était là la théorie de l'Enfer originel. Si proche que les humains aux sens aiguisés pouvaient le sentir, et parfois le voir.
Lorsque les guerriers partirent à la recherche des hybrides, ils découvrirent que plusieurs de leurs rivaux s'avéraient aussi forts qu'eux, les déchus pur sang. Le sang coula des deux côtés et il fut également inscrit dans les annales que certains déchus furent attirés dans l'autre dimension avec les hybrides.
Les esprits meurtriers qui avaient envoyé là-bas leurs enfants avaient compris que c'était une sentence de mort. Ils avaient compté sur le fait que leur progéniture s'entre-tuerait et nettoierait ainsi le carnage dont eux, les pères, étaient responsables.
Seule une poignée de ces garçons arpentait encore le monde des hommes, et la plupart d'entre eux étaient plus jeunes que la première génération de déchus, arrivés après la guerre, qui avaient péri, et les hybrides survivants s'étaient dispersés. D'après Ren, c'était à partir de là que les choses s'étaient compliquées. On ne pouvait pas dire des hybrides qu'ils étaient tous démoniaques… et non détectés, ils pouvaient parfaitement se mêler aux hommes et animaux… et se reproduire pendant un millénium.
Le grand secret gardé jalousement par Storm reposait sur le fait que la plupart des êtres surnaturels, métamorphes et animaux-garous, ou humains dotés de la moindre aptitude extraordinaire étaient susceptibles de descendre de l'un de ces hybrides… en incluant les pouvoirs de succube dont il se servait pour les chasser et les retourner contre eux. Cela rendait toujours Ren mal à l'aise quand il s'imaginait en hybride.
Pour sa propre défense, Ren était presque sûr que les démons qu'il avait tués par le passé n'étaient pas tentés par la rédemption… soit c'était ça, soit ils pratiquaient ce qu'il nommerait de l'auto-défense, parce qu'ils avaient manifestement tenté de le tuer.
Pour ne rien arranger, Storm s'était senti tenu de lui expliquer que certains hybrides originels n'étaient pas malveillants, même s'ils dégageaient la même aura qu'un démon de classe supérieure. Et comme si tout cela ne suffisait pas à lui donner la migraine, il ne fallait pas oublier le fait qu'un vampire n'était pas du tout un hybride… mais quelque chose de complètement différent qui avait envahi la terre.
Ren se massa la tempe gauche en continuant de fixer la carte quadrillée. Toutes les parties de la ville où il avait senti un afflux de puissance étaient marquées par des lumières noires et considérant le fait que Misery ne restait jamais au même endroit... cela impliquait une grande partie de la ville. Mais en prenant en compte le fait qu'elle avait un faible pour les vampires sans âme, il pouvait seulement lui permettre de s'approprier les parties de la ville qui environnaient le nid de vampires.
Ce qui laissait dans le flou nombre de pouvoirs inconnus et quelque part se cachait également l'origine de la satanée prophétie de Storm. En parlant de Storm, il ne l'avait pas vu depuis qu'il avait fait ses foutues prédictions sur l'île, et jusqu'ici personne ne s'était encore montré en se présentant comme un membre de l'EEP.
Ren sourit avec ironie, car il savait exactement comment attirer l'attention de Storm. Il était devenu tellement en phase avec le système informatique de pointe que très vite il n'avait plus rien eu d'autre à faire que de rester dans la même pièce que l'appareil. Il regarda l'écran de l'ordinateur s'allumer pendant qu'il se connectait au système principal de l'EEP puis envoya la carte quadrillée derrière les épais pare-feux auxquels seuls lui et Storm pouvaient accéder.
D'ordinaire, cela ne prenait que quelques minutes avant que Storm ne réponde ou n'apparaisse dans le décor, alors lorsque les minutes s'égrenèrent sans qu'il reçoive une réponse, Ren devint inquiet. Puis l'écran s'illumina.
Storm apparut sur l'écran pour que Ren puisse le voir, puis abaissa un morceau de tissu rouge de son nez avant de se renfoncer dans son fauteuil, puis de sourire à Ren via la webcam.
Le visage de Ren s'assombrit face à ce spectacle, et il vit que Storm était chez eux, sur l'île.
« Je suis surpris que tu ne sois pas venu en personne... mais on dirait bien que tu es encore en train de briser les règles, le réprimanda Ren en haussant un sourcil.
— La fluctuation du temps dans ton espace-temps m'empêche de voyager et me file un putain de mal de crâne, expliqua Storm en serrant les kleenex sanglants dans son poing.
— Alors arrête d'essayer, répliqua Ren avec un regard noir.
Storm acquiesça.
— Nous allons devoir rester en contact de cette manière jusqu'à ce que les choses s'arrangent de ton côté. Pour le moment, tu vas recevoir la visite de sections de l'EEP et il est temps que tu commences à apprendre comment travailler avec eux pour le bien de tous. Puisque tu possèdes une mémoire photographique et que tu as lu leurs dossiers, je suis certain que tu en sauras bien plus sur eux qu'eux sur eux-mêmes.
— Alors ça y est, tu vas me coller au beau milieu d'une foule de gens dotés de pouvoirs ? Est-ce bien avisé ? Et si je ne peux pas le contrôler ? demanda Ren, qui ne se réjouissait guère à l'idée de travailler avec tout autre que Storm.
Storm esquissa un grand sourire et haussa les épaules.
— C'est en forgeant qu'on devient forgeron, Ren, et tu es sur le point de suivre un cours intensif en matière d'interactions humaines. Zachary et Angelica emménagent avec toi pour avoir accès à la banque de données et à tout l'équipement que j'ai stocké dans le château. Ils vont aussi prendre en charge le gros des équipes de l'EEP en route. Quant à toi, ton boulot est d'essayer de découvrir ce qui fait ainsi fluctuer le temps et m'empêche de vous rejoindre.
Il s'arrêta un moment avant de se pencher vers l'écran.
— Ouvre ta porte. »
Le lien vidéo se déconnecta brusquement, laissant Ren fixer l'écran d'un air incrédule. Un grand coup cogné à la porte lui fit lever les yeux dans cette direction puis il les reposa sur l'écran vide.
« Je déteste quand il fait ça », rouspéta Ren, avant de se lever de son fauteuil et de s'emparer de ses lunettes de soleil pour cacher ses yeux.
Passant les doubles portes ouvertes qui donnaient sur le vestibule, Ren ouvrit la porte d'entrée et dévisagea ses visiteurs… et bientôt ses colocataires.
Zachary fut tout sourire à la vue du jeune homme de l'autre côté de la porte.
« C'est sympa de rencontrer enfin le vrai « atout majeur » dont Storm me parle depuis que je le connais.
Ren serra les dents mais accepta la main que lui tendait Zachary, puis il fit un signe de tête à Angelica avant de s'effacer pour les laisser entrer. Il connaissait chaque visage des membres de l'EEP, et les pouvoirs de chacun. Il n'avait pas manqué non plus de mémoriser les profils de tous les membres de l'EEP, peu de temps après que Storm l'ait contacté.
Storm avait rajouté des notes dans la version bloquée de ces profils et Ren les avait mentalement téléchargés aussi. Storm avait raison… il en savait probablement plus sur eux qu'ils n'en savaient sur eux-même.
Zachary était une sorte d'enfant sauvage, doté de ce que Storm avait décrit comme une double personnalité… une minute, Zachary plaisantait, et la suivante, il était devenu aussi mortel qu'un cobra enragé. Il avait vu les informations au sujet de l'incendie qui avait ravagé la demeure d'un parrain de la mafia, il y avait un moment de cela. L'EEP avait fait un rapport complet sur la situation, et surtout sur Zachary. Le lendemain matin, Zachary avait archivé le rapport dans le système de l'EEP et confirmé les soupçons de Ren.
Le pouvoir d'Angelica était un peu plus compliqué : elle était capable de tuer des démons à l'aide d'une magie qu'elle possédait depuis sa naissance. Storm avait une fois parlé d'elle comme de la clef, mais n'avait jamais expliqué ce qu'elle ouvrait précisément.
Son dossier était plus épais que tous les autres… c'était comme si Storm avait archivé ses moindres faits et gestes depuis sa naissance. Ren ne parvenait pas à comprendre pourquoi.... et il ne s'en préoccupait pas vraiment pour l'instant. Sans dire un mot, il ferma la porte et entra dans la pièce qui lui servait de bureau. D'une certaine manière, il avait compris qu'ils le suivraient.
— Alors, dit Zachary, presque au terme d'une minute de silence embarrassé. Tu vis seul ici ?
— Non, répondit Ren. J'ai de nouveaux colocataires.
Angelica esquissa un petit sourire moqueur devant l'expression sidérée qui apparut sur le visage de Zachary.
— Je crois qu'il essaie de briser la glace.
— Il se débrouille mal, rétorqua Ren, qui se sentait déjà envahi.
— Je sais, chercha à l'apaiser Angelica, reconnaissant un solitaire quand elle en voyait un.
Zachary adressa un regard mi-amusé mi-contrarié à Angelica.
— Eh, tu es censée être de mon côté.
— Pourquoi ? demanda Angelica en riant. Crois-le ou non, certains d'entre nous peuvent tenir des jours entiers sans ouvrir la bouche. Toi... j'ai de la chance d'avoir deux secondes de silence de suite sans t'entendre bavarder.
— Je peux me taire ! s'exclama Zachary. Regarde-moi !
Zachary se laissa tomber sur le sofa et croisa les bras, lèvres serrées. Angelica leva les yeux au ciel avant de se lever pour observer de plus près le système informatique que Storm avait installé.
Ren l'observa avec attention, prêt à répondre à la moindre de ses questions, puis posa de nouveau les yeux sur Zachary. Pour une raison qui lui échappait, l'autre homme semblait développer une fascination toute particulière pour les boutons de sa chemise. Ren entama mentalement un décompte à partir de cinq, avant que l’inévitable explosion n'éclate enfin.
— ARGH ! fit Zachary. Je ne supporte pas ça.
Ren éclata de rire, et Angelica et Zachary tournèrent vers lui un regard surpris. Ce rire ne dura pas longtemps, et Ren se passa une main dans les cheveux avant de s'adresser aux deux autres.
— Allez explorer le château, il y a de nombreuses chambres, dit-il, une fois toute trace d'humour envolée de son visage.
Angelica acquiesça.
— Je vais chercher ma valise. »
Une fois partie, Ren regarda Zachary et se retrouva tout à coup face à face avec l'autre personnalité du pyromane.
« Je suis curieux… quels pouvoirs possèdes-tu ?
— Les tiens, répondit Ren avec un petit sourire arrogant, et ceux d'Angelica… et ceux de quiconque pénètre dans mon radar de succube.
Zachary leva une main paume vers le ciel et l'ouvrit, apparemment satisfait de constater que ses pouvoirs étaient toujours là.
— Je n'ai pas dit que j'avais pris tes pouvoirs, souligna Ren avec un haussement d'épaules, refusant de recourir à des tours de passe-passe pour prouver ses dires. Il soutint le regard de Zach et aperçut l'homme instable caché derrière le masque. En t'approchant de moi, tu me transmets le même pouvoir que toi, précisa-t-il.
— Je protège Angelica pendant son séjour ici, annonça Zach, tout à coup hors de propos.
— Je ne suis pas baby-sitter et tu peux protéger tous ceux qui se pointent ici, souligna Ren, qui voulait mettre les points sur les « i ». Ce n'est pas mon boulot.
Zach hocha la tête comme s'il venait de gagner une guerre stratégique.
— Je sais que Storm réunit une armée.
Ren acquiesça.
— Ouais.
— Il va en avoir besoin, ajouta Zach en essuyant ses mains sur son pantalon avant de se relever. Qui d'autre a-t-il appelé pour cette mission ?
— Presque tout le monde, d'après ce que j'en sais, répondit Ren. Mais il y en reste certains qu'il n'a pu localiser.
— Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour y remédier ? s'enquit Zach.
Ren désigna l'ordinateur du menton.
— Trouve ceux que Storm ne parvient pas à contacter. Il a listé tous ceux qui manquent à l'appel.
Zach afficha un large sourire et s'approcha de l'appareil.
— Voyons voir qui est le sacro-saint absent. »
Ren l'observa, totalement fasciné par ce revirement complet d'attitude. Il ne savait pas quel facette il préférait... mais il connaissait celle en laquelle il se fiait le plus.

Chapitre 4
Angelica était étendue sur le lit avec deux ou trois oreillers amassés contre la tête de lit derrière elle, et tentait de ne pas s'abandonner au sommeil… son nouveau passe-temps favori. Dès qu'elle était revenue avec sa valise, elle avait compris que Zachary avait manifesté son petit changement de personnalité devant Ren pendant que l'autre homme était assis sur le sofa à le regarder. Zachary lui avait dit d'aller trouver une chambre et de prendre un peu de repos, ce qu'elle avait heureusement affecté de faire.
Elle avait longé les longs couloirs pendant quelques instants avant de choisir une porte au hasard et de l'ouvrir. En découvrant l'intérieur de la chambre, elle avait souri et posé sa valise sur le lit. La chambre était décorée dans des nuances de violet, avec des touches de doré et de lavande.
Le lit était grand, probablement de format royal, avec un beau baldaquin orné d'oreillers et d'un édredon dorés et violets. Les draps et taies étaient couleur lavande, et elle faillit glousser d'excitation à la vue des petits glands dorés pendant à chaque coin.
Une large armoire se dressait à l'opposé de la pièce. Quand elle l'ouvrit, elle s'attendit presque à y trouver des robes de bal anciennes. À sa grande déception, elle était vide. Sur le mur face au lit trônait une antique coiffeuse dotée d'un grand miroir.
Près du lit se trouvait un écritoire avec papier et stylos agrémenté d'un mot lui indiquant que le port de données pour son ordinateur portable était sur le mur en-dessous. Angelica faillit éclater de rire en le lisant et se pencha en avant pour regarder. Effectivement, elle repéra le point d'accès et sortit immédiatement son ordinateur qu'elle installa.
De sa position paresseuse sur le lit et à travers les portes-fenêtres du balcon, elle avait une vue parfaite sur le clair de lune qui brillait sur l'océan. Elle sourit parce qu'il s'agissait en l’occurrence d'un vrai balcon.
La plupart des personnes qui la connaissaient auraient pensé qu'elle n'était pas sensible aux trucs de fille… mais toutes les petites filles rêvaient d'être princesse dans un château et elle n'était guère différente. Elle avait même eu la manie de s'imaginer en Cendrillon ou en Belle au Bois Dormant, attendant que son prince vienne la chercher pour l'enlever.
Il était bien dommage qu'elle ne croit plus à la théorie du chevalier en armure étincelante qui venait au secours de sa belle aux prises avec les grands méchants démons cernant le château.
Avec un soupir, Angelica reposa les yeux sur son esquisse et croqua quelques traits de plus avant de reposer le crayon sur la table de nuit voisine. La laissant reposer sur son genou, elle étudia la paume de sa main, là où le symbole s'était imprimé. Ce n'était pas une brûlure ni un tatouage d'aucun genre… c'était juste apparu là.
En ramassant le papier, elle jet un coup d’œil au portrait qu'elle avait fait de Syn et ajouta le symbole dans le coin inférieur gauche de la page. Elle cligna des yeux quand l'image devint floue et posa le dessin sur son genou, fermant les yeux juste un moment pour qu'ils cessent de la brûler.
Syn apparut à côté du lit d'Angelica dès qu'elle s'endormit. Il s'était promené en silence à travers le château et la ville en touchant les esprits de quiconque avait interagi avec elle. Il avait besoin d'en apprendre sur sa vie pour savoir exactement ce qu'il aurait à affronter. Jusqu'ici, ce qu'il avait appris de plus intéressant provenait de l'esprit de Zachary.
Le blond était aussi tranchant qu'un couteau mais cachait cet aspect de lui sous bon nombre de couches. Il possédait aussi un don à part entière, comme un hybride. Zachary avait été assigné comme son protecteur et il avait pris cette mission au sérieux. Syn comprit que Zachary devait rapidement se défaire de son béguin pour Angelica… elle n'était pas destinée à un hybride.
Zachary avait lu son dossier, archivé par l'EEP, de sa naissance jusqu'à ce jour. Les détails étaient très précis et en puisant cette information dans l'esprit de Zachary, Syn avait appris qu'il y avait plusieurs personnes dans son passé, son enfance plus précisément, qui rencontreraient plus tard un destin très désagréable.
Syn promit en silence qu'il les effacerait de l'existence sans qu'elle le sache. Elle ne connaîtrait plus jamais la souffrance causée par le rejet, ni aucune forme de violation.
Syn avait contemplé à travers l’œil de Zachary les souvenirs d'Angelica combattant les monstres de ce monde, et il sut que c'était une chance qu'elle soit encore vivante. Il était sûr qu'elle le savait aussi, bien que dans son intéressante vision du monde elle ne l'ait jamais reconnu. Son regard glissa sur ses lèvres, connaissant la véritable raison qui l'avait poussé à la chercher ce soir.
Se penchant sur elle, Syn posa doucement ses mains sur l'oreiller, de chaque côté de la tête d'Angelica, et laissa ses lèvres planer dangereusement au-dessus des siennes. Quand elle respira profondément dans son sommeil, il entrouvrit les lèvres et souffla doucement. Il observa les volutes argentées s'échapper de ses lèvres pour franchir celles de la jeune femme. C'était sa promesse... le don d'un dieu du soleil, un souffle de vie à son âme sœur, pour sa protection. À partir de maintenant, toute blessure qu'elle recevrait guérirait aussi vite qu'elle lui serait infligée… et elle ne vieillirait plus.
Il se releva et abaissa un regard empli de tendresse sur elle. Ses cheveux brun foncé étaient éparpillés sur les oreillers, luisant dans la douce lumière de la pièce. Le riche brocard des oreillers lui rappela comment elle était la dernière fois, alors qu'il la regardait dormir dans leur lit, et dans leur monde.
La paume de sa main droite était tournée vers le ciel, révélant ainsi la marque qu'il y avait laissé. Elle commençait à agir, réveillant ses pouvoirs, et bientôt son désir pour lui suivrait.
Il tenta encore une fois de lire dans ses pensées mais sa capacité à le bloquer était tout aussi forte dans cette vie que par le passé. Il se retrouva fou de jalousie en sachant que Zachary pouvait lire dans son esprit et que lui en était incapable. Il s’interrogea là-dessus, mais en conclut que cela avait à voir avec la confiance. Elle faisait assez confiance à Zachary pour baisser sa garde quand il était là… il avait bien l'intention de gagner lui aussi toute cette confiance.
Si elle lui avait jamais appris quelque chose, c'était bien de se montrer très patient, ce qui lui fit alors réaliser qu'il avait un peu mûri. En ce moment, les champs de son esprit étaient escarpés, mais il attendait avec impatience de les franchir et la convaincre de le laisser y revenir. Maintenant qu'elle était protégée par son pouvoir, il aurait tout le temps nécessaire.
Syn s'assit sur un bord du lit et ramassa le carnet de croquis pour voir ce sur quoi elle travaillait. Un calme intense souffla sur lui quand il vit son portrait détaillé sur le papier… elle le cherchait déjà et n'en avait même pas conscience.
Angelica sentit un mouvement à côté d'elle et ouvrit les yeux en pensant voir Zachary. Il était le seul à avoir le cran de pénétrer dans sa chambre pendant qu'elle dormait.
Elle cligna des yeux stupéfaits en découvrant l'homme aux cheveux sombres qu'elle venait de dessiner assis sur le bord du lit avec en main le dessin qu'elle analysait. Angelica agit instinctivement, fondant sur lui la paume tendue dans sa direction pour l'exorciser, comme elle le ferait avec n'importe quel démon.
« Bonjour femme, lança Syn, qui la saisit par le poignet sans lever les yeux du dessin. Son examen achevé, il plongea finalement ses yeux d'un sombre améthyste dans ceux de la jeune femme.
Angelica maintint son coude immobile, en tendant les muscles de son bras. Elle haussa un élégant sourcil, décidant d'ignorer la remarque incongrue sur son prétendu statut d'épouse… les démons étaient des êtres déments.
Syn l'attira brusquement vers lui jusqu'à ce qu'ils ne soient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, si proches, mais sans pour autant se toucher. Sans baisser une seule fois les yeux, il leva la paume d'Angelica jusqu'à ses lèvres et embrassa le symbole, qui se mit soudain à briller.
Angelica retint son souffle quelques secondes… elle eut l'impression qu'il la plongeait au cœur d'un brasier avec ses mouvements simples et sensuels.
— Tu es un démon très stupide, dit-elle en essayant de repousser la sensation de ses lèvres se pressant sur la paume de sa main.
— Je ne suis pas un démon, la contredit Syn. Et ta magie ne fonctionnera jamais sur moi.
Il lâcha son poignet quand elle détendit les muscles de son bras entre ses doigts.
Angelica retira lentement sa main.
— Ce n'est pas parce que tu le dis que ce n'est pas vrai. Elle passa les doigts de son autre main autour de son poignet pour tenter d'effacer la sensation persistante de sa peau chaude sur la sienne. Qui es-tu ?
— Tu peux m'appeler Syn.
Angelica sentit des frissons remonter le long de son dos en réalisant ce qu'impliquait ce nom. Elle réfléchissait déjà sans peine à toutes les raisons pour lesquelles ce nom lui seyait.
— D'accord, Syn, pourquoi es-tu là ?
— Dans ton rêve... ou dans ton lit ? demanda Syn, un pâle sourire planant sur ses lèvres parfaites.
Ouais, elle avait raison. Il était le péché incarné. Se souvenant que ses autres rêves avaient été des cauchemars, Angelica parcourut lentement la pièce du regard avant de le reposer sur lui.
— Je ne suis pas en train de rêver… Je t'ai senti me toucher… Je… J'ai senti tes lèvres sur ma main.
— Ce n'est pas parce que tu es en train de rêver que ce n'est pas réel, répondit Syn en se moquant de façon charmante des propos qu'elle avait tenus un peu plus tôt.
Angelica plissa les yeux méfiants quand il déchira le dessin qu'elle venait de sortir de son carnet de croquis. Il le roula avec précaution au lieu de le plier, puis le rangea dans une grande poche de la doublure interne de son manteau. Elle ne put s'empêcher de regarder ses mains qui s'activaient. Elles semblaient si douces et intactes… semblables aux mains des nobles décrites par les livres d'Histoire. Finalement, elle examina de nouveau son visage puis fronça les sourcils quand elle y surprit un léger sourire.
— Pourquoi es-tu là, en réalité ? interrogea-t-elle.
— Pour tenir à distance les cauchemars pendant ton sommeil, répondit Syn en s'appuyant contre la colonne du lit derrière lui. Repose-toi cette nuit, Angelica, aucun cauchemar ou démon ne hantera ton sommeil. »
Angelica se redressa brusquement dans son lit, le soleil inondant la chambre à travers la fenêtre du balcon… c'était le matin. En baissant les yeux au pied du lit, elle se pencha en avant et sentit l'endroit où Syn s'était assis. Il n'y avait aucune trace de sa présence ici, alors Angelica respira un bon coup. Ce n'était qu'un rêve après tout.
S'asseyant sur le côté du lit, elle se leva et entendit un objet tomber au sol. Elle ramassa son carnet de croquis pour le refermer, mais se figea soudain en se rappelant du rêve.
Ouvrant de nouveau le livre, elle feuilleta les pages avant d'interrompre son geste quand elle réalisa que le dessin qu'elle avait fait la nuit dernière avait disparu. En lieu et place, un beau croquis au crayon d'elle-même, endormie dans son lit. Le dessin avait été exécuté avec un tel sens du détail, comme celui qu'elle avait fait de lui. Sur l'image, sa main reposait près de son visage et elle remarqua le symbole qui l'ornait. En guise de légende, sous le dessin, une main élégante y avait écrit « Syn ».
*****
Tabatha gara sa voiture dans la partie VIP du parking du Moon Dance et sortit du véhicule. Réajustant la petite robe qu'elle avait choisi de porter, elle rangea les clefs dans son sac à main et se dirigea vers l'entrée. Elle était fatiguée de se terrer dans cet appartement vide à attendre Kriss. Sentir l'excitation de la foule aidait déjà à lui changer les idées.
Nick sourit en la voyant approcher et il défit le cordon pour la laisser passer devant tous ceux et celles qui attendaient d'entrer. Il ne faisait pas cela parce que la compagne de son frère était sa meilleure amie… il le faisait parce que, sans Tabatha… ils n'auraient pas retrouvé Micah à temps pour le sauver.
Il posa un regard perplexe sur son épaule nue. La dernière fois qu'il l'avait vue… cette épaule arborait une bien vilaine blessure, alors que ce soir-là, il n'en restait même plus trace. On aurait pu croire qu'une sorte de fée guérisseuse parcourait cette ville, parce que les blessures de Micah avaient disparu tout aussi mystérieusement.
« Comment ça va, ce soir ? demanda-t-il avec curiosité, en surprenant la pointe de tristesse dans ses yeux.
Tabatha lui fit un petit sourire.
— Ça va.
— Quelqu'un t'a-t-il déjà dit à quel point tu es à croquer ? la taquina-t-il, les yeux brillants. C'était la solution la plus directe pour remonter le moral d'une fille... il devrait le savoir, il était entouré de filles toutes les nuits.
Tabatha secoua la tête en souriant.
— Tu es incorrigible.
— Oui, approuva Nick. Est-ce que ça signifie que je vais te ramener chez moi cette nuit ?
— Pas la moindre chance ! rétorqua Tabatha avec un sourire ironique avant d'ajouter : De plus, avec toi qui habite juste au-dessus du dancefloor, ce serait beaucoup trop facile.
Nick posa une main sur son cœur et fit mine de reculer d'un pas chancelant.
— Tabby, mon chaton… tu me blesses. Mes intentions étaient parfaitement innocentes.
— J'en suis sûre, répondit Tabatha en riant avant de lui faire un clin d'œil. Mais je te demanderais peut-être une danse plus tard.
Nick se pencha plus près en lui tenant la porte ouverte.
— Alors je te prends au mot.
Tabatha entra à l'intérieur et prit une grande inspiration, en savourant l'atmosphère familière. Deux jours s'étaient écoulés depuis sa rencontre avec Kane et elle n'avait toujours pas reçu la moindre nouvelle de Kriss. Son inquiétude s'était envolée maintenant, pour faire place à une légère déprime dont elle savait que seul Kriss pouvait la délivrer.
La musique vibra à travers tout son corps et elle se dirigea vers la rambarde pour mieux voir le dancefloor. Il était tard cette nuit-là, presque minuit, et le night-club battait son plein. Des corps en sueur se frottaient les uns contre les autres sur des beats techno qui se déversaient des haut-parleurs, et le bar était presque plein à craquer. Tabatha regarda autour d'elle, essayant de savoir quoi faire en premier lieu. Elle en avait assez d'être seule et en déduisit que c'était exactement ce qu'il lui fallait pour la sortir de son humeur maussade.
S'approchant du bar, Tabatha lâcha son sac d'un coup sec sur la surface.
« Qu'est-ce qu'une dame doit faire pour avoir un verre, ici ? demanda-t-elle.
— D'accord, tu m'as eue ! s'écria Envy en posant un verre devant elle. Ce sera tout, M'dame ?
— Non, dit Tabby, j'ai toujours envie de te mordre.
— Fais attention, répliqua Envy. Je mords aussi.
Tabatha prit le verre et en vida la moitié en une gorgée, se rappelant les verres qu'elle avait bus au Silk Stalkings quelques nuits plus tôt et la façon dont Kane lui avait rendu sa sobriété d'un seul baiser. Ce qui la contrariait le plus était qu'à chaque fois qu'elle y pensait, elle sentait son bas-ventre et ses cuisses la brûler. Elle tressaillit à nouveau quand elle éprouva aussitôt la sensation dite.
Envy remarqua l'attitude de Tabatha et comprit que quelque chose n'allait pas chez son amie. Elles avaient traversé trop de choses ensemble pour qu'Envy ne le voit pas. Elle fit semblant de préparer un autre verre à Tabatha quand elle vit son amie reposer le verre vide sur le bar.
Alors qu'elle faisait glisser le second verre devant Tabatha, elle nota que Tabby n'y prêtait pas vraiment attention et, au lieu de cela, regardait d'un air distrait les gens qui s'amusaient dans le night-club.
Kat ne travaillait qu'à quelques pas d'Envy et elle regarda Tabatha du coin de l'œil. Elle pouvait dire d'où elle se trouvait que la jeune femme paraissait tendue, et s’interrogea sur ce qui avait pu se passer ces derniers jours pour qu'elle soit dans cet état. S'emparant d'une bouteille de Feu, elle attira l'attention d'Envy. Puis elle désigna la bouteille avant de faire un signe de tête vers Tabatha.
Envy regarda son amie avant de faire un signe de tête approbateur à Kat. Kat prépara un autre verre et versa un peu de son alcool puissant dans le mélange avant de le tendre à Envy.
— Merci, dit Envy, qui tendit le verre à Tabatha. Tiens Tabby, cadeau de la maison.
Tabatha baissa les yeux vers le verre et sourit.
— Merci !
— Alors, commença Envy en s'appuyant contre le bar. Qu'est-ce qui te déprime comme ça ?
— Rien de très important, j'imagine, répondit Tabatha.
— Ouais c'est vrai, s'exclama Kat en les rejoignant. Si tu avais le visage plus long, ton menton serait encore coincé à la maison à regarder la télévision.
— Je suis simplement fâchée contre Kriss, en ce moment, confessa Tabatha après quelques secondes. Si elle ne pouvait parler avec sa meilleure amie, alors elle ferait aussi bien de rentrer chez elle et d'y rester. Il n'est jamais parti aussi longtemps auparavant sans au moins m'appeler ou me dire quelque chose, expliqua-t-elle. Il a quitté son boulot au Silk Stalkings il y a quelques jours à peine, et personne ne l'a vu depuis.
Elle ne leur divulguait pas cette sensation d'avoir été larguée... elle avait le cœur serré depuis des jours.
Kat prit une serviette derrière le bar et la tendit à Tabatha quand les larmes commencèrent à couler. Si elle ne la connaissait pas mieux, elle aurait juré assister à la réaction d'une amante au cœur brisé. Envy lui avait dit que Kriss était gay, mais Kat se demanda si quelque chose s'était passé entre Kriss et Tabatha dont Envy n'aurait pas conscience.
— Pourquoi est-il parti sans me dire au revoir ? demanda doucement Tabatha, en tamponnant ses joues mouillées. Elle se servait de la colère pour arrêter de pleurer… elle détestait pleurer. Je croyais que je méritais au moins ça.
Envy retroussa les lèvres… Kriss n'agirait jamais ainsi sans une bonne raison. Merde, elle pourrait affirmer que Kriss l'aimait mais il aimait Dean aussi. Elle serra les poings sur le bar quand elle comprit pourquoi Kriss manquait à l'appel… Dean.

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