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Des Choses Dangereuses
Amy Blankenship
Les Liens Du Sang #3
Kat Santos n'avait pas vu le propriétaire du Night Light depuis des années. Jusqu'à ce que Quinn décide brusquement de l'enlever et l'accuse de lui avoir mis les meurtres du vampire sur le dos. Réalisant que l'ennemi joue avec eux, les deux familles unissent leurs forces pour empêcher les vampires de semer la terreur au sein de leur ville.
Quinn Wilder la regardait avec les yeux affamés d'un couguar depuis le jour où elle était née. Quand elle devint adolescente, la tentation de la réclamer comme sienne devint rapidement  un sujet de désaccord entre lui et les frères possessifs de la demoiselle. Lorsque leurs pères s’entre-tuèrent à l'occasion d'un combat, les liens entre les deux familles furent rompus et elle avait été emmenée en sécurité loin de lui. La traquant de loin, Quinn trouve que la guerre des vampires a ses bons côtés, lorsqu'elle oublie de tenir ses distances.
Kat Santos n'avait pas vu le propriétaire du Night Light depuis des années. Jusqu'à ce que Quinn décide brusquement de l'enlever et l'accuse de lui avoir mis les meurtres du vampire sur le dos. Réalisant que l'ennemi joue avec eux, les deux familles unissent leurs forces pour empêcher les vampires de semer la terreur au sein de leur ville. La guerre souterraine gagne en violence, tout comme les flammes du désir, et ce qui commence comme un rapt tourne rapidement en un dangereux jeu de séduction.


Des Choses Dangereuses
Série des Liens du Sang- Livre 3

Author Amy Blankenship, RK Melton
Translated by Louise Le Bars
Copyright © 2012 Amy Blankenship
English Edition Published by Amy Blankenship
French Edition Published by TEKTIME
All rights reserved.

Chapitre 1

Envy s'affairait dans sa chambre, occupée à ranger quelques affaires dans sa valise en cuir noir. Elle interrompit ses allées et venues pour fusiller son frère du regard une fois réalisé qu'il avait défait ses bagages chaque fois qu’elle se retournait pour prendre des vêtements. Il ne l'avait pas laissée respirer depuis qu'elle était rentrée chez eux et elle commençait à en avoir vraiment marre de l'avoir sur le dos.
« Arrête ça, éclata Envy en s'emparant du tas de vêtements qu'il avait dans les mains pour le remettre aussitôt dans la valise. Elle rejeta sa longue chevelure rousse par-dessus son épaule et lui lança un regard d'avertissement.
— Mais déménager ? Tu ne le connais que depuis… une semaine, c'est ça ? Es-tu sûre que c'est bien ce que tu veux ? répéta Chad comme un mantra.
— La réponse est toujours la même, Chad, lui déclara Envy d'un ton sans appel, curieuse de savoir combien de fois elle allait devoir le répéter avant qu'il ne l'écoute vraiment.
Elle planta son regard dans le sien et, comme si elle s'adressait à un enfant têtu, elle articula très lentement :
— Je veux emménager avec Devon, et c'est précisément ce que je vais faire.
— Comment peux-tu être sûre que, dans une semaine ou un mois, il ne se trouvera pas une autre copine et te larguera ? insista Chad dans un élan de désespoir.
— Il ne le fera pas.
Elle continua de faire ses bagages, tout en tentant de combattre cette impression persistante d'abandonner son frère. C'était un grand garçon, bon sang, et un policier, pour couronner le tout.
— Tu ne peux pas en être absolument certaine. Ce que je veux dire, c'est que ce type danse toutes les nuits à moitié nu dans ce night-club et toi, tu vas te retrouver coincée derrière un bar à servir des pervers, s'écria Chad, exaspéré au point de s'arracher les cheveux.
Il ne désirait qu'une chose, à ce moment-là, et c'était de lui passer un savon pour avoir mis les pieds dans une situation aussi périlleuse... avec quelqu'un d'aussi dangereux.
Envy s'interrompit dans ses préparatifs et leva les yeux sur son seul et unique frère, qu'elle aimait de tout son cœur mais qu'elle allait finir par étrangler.
— Premièrement, je sais très bien ce que je fais. Deuxièmement, il est peut-être à moitié nu quand il danse au night-club, mais il me plaît très bien comme ça. Troisièmement, j'irai danser avec lui dans la cage. Et quatrièmement, ajouta-t-elle en se penchant vers son frère comme si elle allait lui confier un petit secret honteux, il faut vraiment que tu tires un coup.
Chad baissa sur sa sœur un regard assassin avant de rétorquer :
— Je n'ai pas besoin de tirer un coup.
Il commença à grommeler quand elle le contempla d'un air perplexe.
— Si, tu en as besoin, insista-t-elle, avant d'ouvrir un tiroir d'un geste brusque et d'y prendre une poignée de lingerie fine.
— Non, pas du tout.
Chad ferma brusquement ce qu'il espérait n'être qu'un gros sac de voyage avant qu'elle ne puisse y ajouter ce qu'elle avait dans la main.
— Si, tu en as besoin, s'obstina Envy, qui agita sa lingerie sous son nez comme pour appuyer son argumentation.
— Non.
Il la lui arracha des mains.
— Non, ne fais pas ça.
Elle plissa les yeux d'un air hargneux.
— Si, je le fais.
Chad fit une pause avant de projeter en l'air le tas de lingerie d'un coup de poing.
— FAIS CHIER ! » jura-t-il.
Devon attendait dans le salon, adossé au mur, chevilles croisées et les mains dans les poches de son jean... à se faire violence pour ne pas exploser de rire. Leur dispute lui rappelait tellement ses propres rapports avec ses frères bien-aimés.
Il réalisait que Chad tenait sincèrement à Envy, et pour cette raison précise, il ne voulait pas s'interposer entre eux deux. Chad faisait ce qu'il faisait le mieux… il se comportait comme le grand frère d'une rouquine explosive. Non, il ne voudrait pas les arrêter, mais il aurait payé beaucoup pour simplement assister à la scène.
Devon éclata d'un rire tonitruant avant de tenter de le déguiser sous un semblant de toux. Quelqu'un frappa à la porte et il plissa ses yeux d'un bleu de glace en se demandant qui pouvait bien rendre ainsi visite au frère et à la sœur avant l'aube.
« Devon, peux-tu t'en occuper pour moi ? héla Chad.
— Bien sûr », répondit Devon en s'éloignant du mur pour s'avancer vers l'entrée.
Ouvrant la porte, il ne put s'empêcher de sourire d'un air moqueur face au regard surpris de Trevor.
« Salut Trevor, ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus. »
Comme promis, Trevor était venu discuter avec Chad au sujet de ce qu'il avait vu à l'église. La dernière chose à laquelle il s'attendait était de voir Devon Santos lui ouvrir la porte. Incapable de se retenir, Trevor brandit le poing et frappa le jaguar en plein dans le nez... violemment.
Devon tituba en reculant de quelques pas et essuya le sang qui lui coulait du nez. Il regarda sa main puis fonça sur Trevor en montrant les dents. Avant que Trevor n'ait le temps de faire un seul geste, Devon le propulsa de l'entrée de la maison pour finalement le plaquer au sol, dans le jardin.
Ils déchirèrent leurs vêtements et les abandonnèrent dans un sale état avant d'adopter leur forme animale. Devon tourna autour de l'ours kodiak et se précipita sur lui avec le cri féroce d'un jaguar. Trevor rugit et se redressa sur ses pattes arrière tout en essayant de se débarrasser du jaguar accroché à son dos.
De l'intérieur de la maison, Chad et Envy entendirent le rugissement de Devon et se ruèrent aussitôt vers la porte d'entrée. Ils se figèrent en voyant ce dernier se démener contre un ours à la taille impressionnante, dans le jardin. Le policier se félicita aussitôt de ne pas avoir de voisins dans les environs, proches et lointains.
Mentalement, Chad mit une sorte d'interrupteur en position «OFF», mettant ainsi ses émotions en veille. C'était en désactivant ses émotions qu'il pouvait rester parfaitement calme et froid… et ce, même en pleine fusillade. Tendant la main vers le holster sur sa hanche droite, Chad dégaina son revolver et tira un coup de feu en l'air pour tenter de capter leur attention. Il se renfrogna en constatant que cela les faisait à peine sursauter, et quelqu'un lui donna un coup sur son bras gauche.
« Tu pourrais prévenir quand tu t'apprêtes à te servir de ce truc ! » s'exclama Envy qui se couvrait l'oreille droite d'une main et qui grimaçait à cause de la forte détonation.
Zachary sortit de sa voiture en poussant un grand soupir, et observa ces deux grands gamins qui se battaient. Une fois de plus, ceux qui gardaient leur sang-froid devaient entrer en scène. Il esquissa un petit sourire satisfait en repensant à ce jeu de mot qu'il s'était fait en pensée, parce que s'il y avait bien un mot que personne n'utiliserait jamais pour le décrire, c'était « froid ». Levant une main devant lui, il lança une vague de feu sur les deux métamorphes, les faisant bondir en arrière chacun de leur côté lorsqu'elle coupa le jardin en deux parties.
« Si vous ne voulez pas voir tous les deux roussir vos fourrures, alors vous feriez mieux de reprendre forme humaine et de faire preuve d'un peu plus de jugement, avertit Zackary alors qu'une nouvelle flamme naissait au creux de sa paume ouverte. Allez-vous vous comporter comme des adultes, ou bien comme des enfants ? parce ça ne fait aucune putain de différence pour moi », ajouta-t-il avec un sourire froid sur les lèvres, alors que la flamme gagnait en taille et se penchait vers sa cible.
Sachant que Zackary allait finir par s'exécuter, Trevor revint à sa forme initiale et jeta un regard assassin à son adversaire à travers le rideau de feu qui les séparait. Avoir sous les yeux l'homme qui lui avait volé Envy suffisait à tellement faire grimper sa tension artérielle, qu'il devait se concentrer pour maintenir son apparence humaine.
Devon reprit également sa forme initiale, mais resta tout de même en position de combat, ne faisant guère confiance à Trevor tant que ce dernier pouvait se jeter sur lui. Il fut momentanément distrait en entendant Chad s'écrier « Seigneur ! » et posa de nouveau le regard sur le frère et la sœur. Puis voyant Envy fixer Trevor avec des yeux ronds… qui était alors complètement nu, Devon poussa un grognement rauque, désireux de ramener l'attention de sa compagne là où elle devait être tournée… c'est-à-dire sur lui.
Envy se massa la tempe d'un air embarrassé, car les deux hommes étaient à présent dans le plus simple appareil, et par chance, n'étaient que légèrement blessés. Devon lui avait montré la vitesse avec laquelle les blessures d'un métamorphe pouvaient guérir, alors elle savait qu'il n'y avait rien de grave malgré les apparences, en ce qui les concernaient tous deux. Son regard se posa sur Trevor, encore choquée de savoir qu'elle était sortie avec un ours flippant au possible pendant si longtemps sans le soupçonner le moins du monde.
Trevor esquissa un petit sourire narquois, savourant le fait que le grondement émis par Devon était le symptôme d'une jalousie pure et simple… et le jaguar le méritait bien.
Chad cligna des yeux, se demandant qui avait glissé de l'acide dans son verre. Étant d'ordinaire celui qui affrontait calmement les situations critiques, il inspira profondément avant de s'éloigner de la porte, se redressant de toute sa taille.
« Ici, c'est chez moi, alors nous respectons mes règles. Envy reste avec moi, et tous ceux qui ne sont pas humains débarrassent le plancher.
Il tenta de refermer la porte mais Envy l'arrêta.
— Pas sans ma compagne, grogna Devon en essayant de se débarrasser du semblant d'affect qu'il ressentait.
Mince, qui aurait cru que Trevor était aussi fort ? Cette révélation ne lui faisait vraiment plaisir.
— Habille-toi, répondit Envy qui fronça les sourcils avant de tourner un regard intrigué vers Zackary.
On aurait pu penser que lui et Trevor étaient frères, leur couleur de cheveux était si similaire. La seule véritable différence était que Zackary avait les cheveux courts et était un peu plus grand.
— Bon, ajouta Envy, je sais ce qu'ils sont... mais toi, qu'est-ce que tu es ?
Zackary s'inclina avec élégance.
— Tu peux simplement m'appeler un gardien, répondit-il en souriant alors que les flammes disparaissaient. Un gardien veillant à la fois sur les humains et sur les créatures surnaturelles.
Il se redressa et jeta un regard à Trevor.
— Tu ne lui as rien dit ?
— Non, il ne m'a rien dit, répliqua Envy en décochant à Trevor un regard acéré bien mérité avant de tourner de nouveau son attention sur Zachary. Un gardien ? Qu'est-ce que ça signifie exactement ? Est-ce que toi et Trevor êtes frères ? ne put-elle s'empêcher de demander.
— Cela signifie que nous protégeons chaque monde de l'autre, répondit Trevor avant d'ajouter : Et non. Concernant la famille, je n'en ai plus la moindre.
— Oh, maintenant tu as tellement de choses à dire, marmonna Envy.
— J'ai essayé de te le dire, lui rappela Trevor tout en enfilant le pantalon de rechange que Zachary lui avait lancé. Ce n'est pas de ma faute si tu n'écoutais pas. »
Envy ouvrit la bouche pour le rembarrer mais s'interrompit... se rappelant piteusement la dernière nuit où elle avait vu Trevor. Il lui avait dit qu'il avait une mission à accomplir pour la C.I.A. mais elle ne l'avait pas cru. Elle l'avait même tasé pour le punir de l'avoir crue assez idiote pour avaler un mensonge de cette envergure. Mais encore une fois, comment pouvait-il s'attendre à ce qu'elle le croie, après l'avoir vu danser si lascivement avec d'autres filles qu'elle ?
D'un autre côté… il lui avait dit que c'était une couverture pour son travail. Envy se renfrogna en sentant poindre une migraine à la suite de ce débat intérieur. Puis elle décida que Trevor méritait bien plus son mépris qu'elle ne l'avait pensé à l'origine, pour la rendre aussi indécise quant à ce qu'elle devait penser de lui.
Chad regarda le jaguar avant de rentrer dans la maison. Il en ressortit quelques secondes plus tard avec un jean et le lança à Devon.
« Nous n'avons pas besoin de ton aide, déclara Devon en remontant la braguette du jean, avant de s'approcher de Envy et de glisser un bras possessif autour de sa taille.
— Ah ouais ? J'ai sauvé la peau de ta sœur pendant que tu étais occupé à me voler ma petite amie, rétorqua Trevor avant de braquer un regard furieux sur Envy.
Envy leva les yeux et soutint le regard bleu pailleté d'argent de Trevor. Elle pouvait encore y lire la douleur qu'il ressentait, et au fond de son cœur, elle en tira une conclusion plutôt désagréable. Elle ne le haïssait pas le moins du monde, en réalité. En fait, elle aimait toujours Trevor... mais pas comme elle aimait Devon. Elle ouvrit la bouche pour tenter de s'expliquer, mais Devon la coupa.
Pourquoi es-tu venu ici ? Est-ce qu'à tout hasard tu nous aurais suivis ? interrogea Devon, qui n'appréciait pas le fait que Trevor garde Envy dans sa ligne de mire.
Elle avait fait son choix et Trevor devait se faire à cette situation avant de vraiment en souffrir.
— En fait, il est venu ici pour me voir, dit Chad aussi calmement que possible.
Se tournant vers sa sœur, il prit sa main dans la sienne et l'attira doucement vers lui avant de regarder Devon par-dessus l'épaule de celle-ci.
— Si cela ne te fait rien, j'aimerai m'entretenir en privé avec elle une minute. »
Dès que Devon la laissa partir avec Chad, ce dernier la poussa vers la porte avant de la refermer derrière eux. En vérité, il dut lutter contre l'envie de la fermer à clef. Cependant, après la scène à laquelle il venait d'assister dans le jardin, il ne pensait pas qu'un verrou y changerait quoi que ce soit.
— Es-tu certaine de ne pas vouloir rester une nuit de plus ici ? Pour ma santé mentale ? plaida-t-il, bien qu'il savait qu'il avait perdu tout contrôle de sa vie à quelques arrêts de là.
Envy prit son frère dans ses bras et lui fit un câlin qui s'avérait plus que nécessaire, avant de reculer d'un pas pour le regarder.
— Je ne peux pas. Tu as vu ce qui s'est passé à l'église cette nuit. Tout le monde a été dispersé, alors Warren tente actuellement de tous nous rassembler à la première heure demain matin.
Son regard retourna se poser sur la porte, pendant qu'une autre pensée lui traversait l'esprit.
— De plus, rester avec eux est peut-être la solution la plus raisonnable à envisager pour le moment. En fait, je t'appellerai pour te dire à quelle heure venir à la réunion, et pour te préciser si elle se tiendra au Moon Dance ou au Night Light. Je veux que tu me rendes un service. Emmène Trevor avec toi ainsi que le type aux flammes, parce que si ce que j'ai entendu est vrai… nous allons avoir besoin de toute l'aide nécessaire.
— Les vampires ? demanda Chad, laissant à nouveau parler le policier en lui pendant qu'il se frottait la nuque, là où ses plus petits cheveux avaient décidé de se dresser.
Envy acquiesça, fronça les sourcils, puis secoua la tête.
— Les vampires oui, mais il y a un démon en fuite et…
Chad tendit la main vers Envy et l'empoigna par les bras.
— Un démon ? Personne n'a jamais parlé de démons !
Envy inspira un grand coup avant de hocher la tête, espérant que ce qu'elle allait dire allait l'apaiser.
— Oui, un démon. La bonne nouvelle est que nous avons deux anges dans notre camp.
Elle lui fit un faible sourire, avec l'espoir qu'il n'allait pas s'évanouir.
— Des anges ? releva Chad en la relâchant et en se laissant lourdement tomber contre le mur. Seigneur.
— Exactement, affirma Envy, en le regardant passer les doigts dans ses cheveux comme s'il était tenté de se les arracher. Maintenant arrange-toi avec Trevor. Peux-tu faire ça pour moi ? Ramène-le avec Zachary à la réunion de demain.
Elle se mordit la lèvre inférieure, ne souhaitant pas provoquer une nouvelle scène.
— Et en retour, je ne prendrais pas mes affaires cette nuit... si ça peut t'aider à te calmer.
Chad acquiesça avec un petit sourire.
— Marché conclu. »
Il ouvrit la porte pour qu'ils puissent sortir, mais tous deux stoppèrent net en découvrant Zachary qui s'interposait entre les deux rivaux, dirigeant vers les deux une flamme brûlant dans chaque main.
« Oh là là, il est temps pour nous de partir », dit Envy qui se précipita vers Devon pour lui prendre la main et les tirer tout droit jusqu'à la voiture de ce dernier.
Trevor allait les suivre mais Zachary l'arrêta.
« Attends un peu, l'amoureux transi. Il faut qu'on discute avec le frère d'abord.
— Rentrons à l'intérieur et je vous ferai du café », proposa Chad, qui poussa un soupir de soulagement en voyant Trevor se retourner avec humeur et pénétrer dans la maison comme un homme parti en mission.
Il hocha la tête à l'intention de Zachary, qui prit la suite de Trevor, puis referma la porte, curieux de savoir dans quel guêpier il venait de se fourrer.
Une fois la cafetière mise en route, Chad se tourna vers ses deux invités. Sur le moment, il avait bien plus de questions que de réponses et cela n'aidait pas vraiment.
« Maintenant, dites-moi pourquoi Envy a parlé d'un démon en cavale ? Elle a également ajouté que Warren est en train de contacter tout le monde en ce moment pour une sorte de réunion qui aura lieu demain et qui aura pour sujet les événements de cette nuit ; elle veut que nous y tapions l'incruste, tous les trois.
Trevor ne put empêcher un petit sourire de lui monter aux lèvres. Alors comme ça, Envy souhaitait l'impliquer lui aussi dans cette histoire... elle souhaitait le garder dans les parages. Il ne pouvait l'en blâmer. Au rythme où Devon la protégeait, elle ne se sentait pas tant que ça en sécurité. Savoir qu'elle avait besoin de lui avait le mérite de repousser à l'arrière-plan presque toute sa colère.
— Nous nous serions incrustés à cette petite fête, dans tous les cas, répondit-il en jetant un regard à Zachary, qui confirma cette déclaration.
Il sourit à nouveau en réalisant qu'il verrait Envy dans quelques heures.
— Je suppose que c'est le moment de t'expliquer ce qui se passe, ajouta-t-il.
Il grimaça en son fort intérieur devant la façon dont il profitait honteusement de la situation actuelle pour se rapprocher à nouveau de Envy. Il était également conscient de ce dont son attitude aurait l'air aux yeux des autres. Devon supposerait qu'il utilisait encore Envy, alors qu'il n'y avait pas plus éloigné de la vérité. Encore une fois, il était plutôt tenté à l'idée d'instrumentaliser le frère de cette dernière pour se rapprocher d'elle, remplissant sa mission du même coup. Devon allait devoir accepter que tout était permis en matière d'amour et de guerre… et que le meilleur métamorphe gagne !
— Je suis toute ouïe, grogna Chad en croisant les bras pour rappeler à l'ordre l'attention de Trevor, perdu dans ses pensées vagabondes.
Il ne s'était jamais considéré comme un télépathe mais il se débrouillait plutôt bien pour lire dans l'esprit de Trevor à ce moment-là.
— Nous ne savons pas grand-chose de ce démon, si ce n'est qu'il a été retenu prisonnier pendant plusieurs siècles. Son existence précède tous les dossiers que nous avons montés au sein de l'E.E.P., mais nous continuons à chercher des informations, commença d'expliquer Zackary, qui espérait que Trevor les suivrait sur ce terrain.
— Alors vous saviez qu'un démon était emprisonné sous le cimetière pendant je-ne-sais combien de siècles et vous n'avez rien fait à ce sujet ? demanda Chad.
Trevor le regarda d'un air perplexe.
— Et tu t'attendais à ce qu'on fasse quoi, exactement ? L'aider à s'enfuir ? Il était piégé là-dessous, et nous ne savons même pas comment un déchu et un vampire ont réussi à briser la malédiction qui le liait.
— Un déchu ? releva Chad. Tu fais référence à l'un de ces anges dont Envy m'a parlé ?
Zachary fit un signe d'approbation.
— Ouais, nous les connaissons depuis un bon bout de temps. Nous savons qu'il y en a d'autres, mais nous n'arrivons à les localiser nulle part, et apparemment, les deux déchus qui vivent dans cette ville ne soupçonnaient même pas l'existence de celui qui était piégé dans la caverne, jusqu'à ce que l'un d'eux y mette les pieds.
— Nous connaissons également quelqu'un qui sait comment s'y prendre avec les démons, avança Trevor. Avec un peu de chance, elle sera capable de découvrir où il se cache une fois que nous l'aurons mise au parfum.
— Il n'est pas trop tard pour faire marche arrière, dit Zachary à Chad. Dis-le-nous, et nous effacerons tes souvenirs de ces derniers événements.
Chad devint songeur et entreprit de leur servir le café, à tous les trois. Il avait été policier toute sa vie parce qu'il voulait faire la différence. Plus d'une fois, cependant, il avait eu le sentiment de ne pas en faire assez. Il y avait toujours un nouveau dealer de drogue, un autre meurtrier, un autre chauffard... cela n'en valait pas le coup, parfois. Mais le domaine dans lequel officiaient Trevor et Zachary faisait toute la différence... le genre de différence qui avait toujours tenté Chad.
Buvant une longue gorgée de café, il reposa sa tasse et finit par hocher la tête.
— J'en suis. »

*****

Angelica en conclut que les téléphones étaient bien pires que les démons lorsque le sien se mit à sonner à trois heures du matin. Jetant un coup d’œil au nom de l'appelant, elle plissa les yeux avant de s'emparer du récepteur. Activant la communication, elle dégagea sa chevelure sombre de son visage avant de porter l'appareil à son oreille.
« À moins que le monde ne soit en train de s'écrouler, les eaux de devenir rouges, les sept plaies d’Égypte de s'abattre sur l'humanité, ou bien à moins que tu ne sois en train d'agoniser, tu as foutrement intérêt à avoir une bonne raison de me réveiller à cette heure-ci, grogna-t-elle.
— Oh, allez Bouh… il n'y a donc pas moyen de discuter un peu avec ton Zachy-nounours ?
Angelica raccrocha et plongea derechef la tête dans l'oreiller. Elle venait à peine de se rendormir lorsque le téléphone sonna une seconde fois. Sans regarder le téléphone, elle l'alluma avant de lancer :
— Je vais te choper et te faire ta fête, Zachary, rouspéta-t-elle. Toi, et aussi ton petit chien.
— Oh mon Dieu, revoilà la Sorcière d'Oz, fit semblant de gémir Zachary, et Angelica sourit secrètement à ces pitreries, heureuse qu'il ne puisse pas la voir à ce moment-là.
— Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-elle en s'asseyant, dégageant les cheveux qui lui tombaient sur le visage.
— Nous avons pour toi un bien sinistre personnage nommé Misery, déclara Zachary.
Angelica bondit de son lit et alluma sa lampe.
— Quel niveau ?
— Je n'en suis pas sûr, mais je dirais qu'elle est de niveau sept.
Il sourit dans le téléphone, en sachant parfaitement que cela retiendrait l'attention de sa collègue... et il adorait attirer l'attention de Bouh.
Angelica sortit de sa chambre pour aller dans le salon et alluma son ordinateur portable. Elle tapa quelques données sur son clavier et se rembrunit.
— Niveau sept ? Tu en es sûr ? demanda-t-elle.
Toute créature classée au-delà du niveau cinq était très dangereuse et extrêmement rare.
— Ce n'est qu'une déduction, répondit Zachary. Cette chose a été capable d'emprisonner l'un des deux anges déchus que nous suivions et apparemment, un autre déchu lui a tenu compagnie pendant longtemps. Étant donné que les déchus sont de niveau sept, je suppose que la créature, assez forte pour en emprisonner un, est d'une puissance similaire.
Angelica effectua une recherche dans sa base de données. Plus des trois-quarts de ce qu'elle archivait là-dedans avait été prélevé de façon illégale des coffres du Vatican, mais personne ne pouvait lutter avec les résultats qu'elle obtenait. Le fait qu'un démon de niveau sept ait pu être découvert à Los Angeles était plus que suffisant pour la réveiller, non seulement elle, mais tout le reste de l'équipe de l'E.E.P..
Chaque démon était répertorié sur une échelle allant de un à dix, le niveau dix s'apparentant à Satan en personne. Elle n'aurait vraiment pas aimé se frotter à quiconque ayant assez de magie pour affronter un démon de niveau sept… il aurait fallu la foudre divine pour en venir à bout.
— Je ne trouve rien à propos d'un démon nommé Misery qui soit signalé dans la zone de Los Angeles, annonça-t-elle au bout de quelques minutes. Laisse-moi le temps de connecter mon disque dur externe et de jeter un coup d’œil à ces dossiers.
Elle entendit Zachary parler avec quelqu'un d'autre derrière et crut qu'il s'agissait de Trevor, jusqu'à ce qu'elle entende une autre voix se mêler à la conversation.
— À qui parles-tu ? interrogea-t-elle avec curiosité.
— Au nouveau membre de notre équipe, Chad, répondit Zachary. C'est un flic de la région qui en sait un peu trop, alors nous l'avons rallié à notre cause pour protéger les masses, et par les masses, j'entends les imbéciles avec lesquels il travaille.
Un petit sourire moqueur se dessina sur les lèvres d'Angelica.
— Ils sont sûrement bien pires au dehors.
— Pas beaucoup plus, dit Zachary.
— Bien, lança Angelica. J'ai branché le matériel, je vais y jeter un coup d’œil et voir ce qu'on a là-dedans.
— Tu veux dire que tu ne sais pas ? demanda Zachary avec surprise.
Angelica soupira.
— Tu sais comment je suis. J'oublierai ma tête si elle n'était pas rattachée à mon cou, parfois. Je n'ai pas eu l'occasion d'explorer le moindre détail de ce contenu.
— Ouais, tu l'as téléchargé en étant très pressée, dit Zachary qui poussa un soupir pour lui-même. Tu vas passer un bon moment.
Angelica accéda au disque dur et tapa un mot dans la barre de recherche, avant d’appuyer sur la touche "entrer".
— Je suppose que tu ne t'es pas bien conduit ? demanda Angelica en se laissant aller contre le dossier de son sofa pendant que l'ordinateur entamait la recherche.
— Bien sûr que non, répliqua Zachary en riant. Tu ne peux pas m'emmener partout, tu te rappelles ?
Angelica grimaça en se remémorant leur participation à ce grand gala, il y avait seulement deux mois de cela, et au cours duquel ils avaient pourchassé un loup-garou de quatre ans complètement perdu et pas très heureux de l'être. À la fin de la soirée, Zachary avait perdu son pantalon parce que le loup-garou s'était transformé au cours d'une crise typiquement enfantine et l'avait réduit en pièces.
La partie la plus amusante de cette histoire était que Zachary n'avait pas dit un seul mot, avait simplement retiré son pantalon en lambeaux et s'était promené comme si de rien n'était, en sous-vêtements, chemise et veste de smoking. Angelica n'avait pu se décider entre l'embarras et le fou rire. Le spectacle de ses jambes nues ornées de chaussettes hautes et de souliers avait failli l'achever, surtout quand plusieurs dames avaient fait cercle autour de lui pour se voir offrir une danse.
Son ordinateur bippa et elle s'assit devant pour regarder le résultat de sa recherche.
— Tu as trouvé quelque chose ? demanda Zachary.
Angelica ouvrit certains fichiers qui contenaient le mot Misery et commença à les lire. Sa cigarette tomba de ses doigts pendant sa lecture et atterrit sur son pied.
— Ouille, merde ! jura-t-elle avant de ramasser sa cigarette, en l'éteignant aussitôt. putting it out.
— Tout va bien ? demanda Zackary d'un air préoccupé, qui leva une main pour faire signe de patienter à Trevor, alors curieux de savoir ce qui se passait à l'autre bout du fil.
Angelica relut l'information encore une fois juste pour être sûre.
— J'attrape le prochain vol », lui annonça-t-elle avant d’éloigner le téléphone de son oreille.
Elle raccrocha alors que Zachary lui posait des questions et reporta son regard sur l'écran. Ce n'était pas ce qu'elle avait lu qui la rendait si sûre d'avoir mis le doigt sur une affaire dangereuse… mais plutôt le fait que l'homme à la tête de l'E.E.P. s'était débrouillé pour l'exclure de cette affaire.
Si Storm avait des secrets… alors elle voulait savoir pourquoi.

Chapitre 2

Anthony faisait les cent pas sans relâche sur le sol en marbre de son bureau. Il laissa courir une de ses mains dans sa chevelure sombre dans un accès de frustration et de colère. Il savait qu'il avait perdu son sang-froid en tuant Arthur, et maintenant il avait également perdu son emprise sur Jewel pour la forcer à devenir sa compagne... bien que ce n'était pas ça qui allait l'arrêter.
Il avait voulu rester calme, sur le moment… mais quand Arthur avait évoqué le père d'Anthony, le loup-garou en lui avait perdu toute maîtrise de lui-même. Maintenant, il allait devoir utiliser une pression d'un genre différent sur sa fiancée fugitive. Le seul problème étant qu'il devait la retrouver en premier lieu.
Quelqu'un toqua à la porte et Anthony interrompit ses allées et venues le temps qu'il fallait pour remettre de l'ordre dans sa coiffure et sa tenue. Il était un alpha, et cela impliquait de respecter un certain sens du décorum.
« Entre, appela-t-il d'une voix atone.
La porte s'ouvrit et l'un de ses loups pénétra dans la pièce, en refermant la porte derrière lui.
— Qu'as-tu trouvé ? demanda Anthony.
Le membre du clan paraissait très nerveux et s'éclaircit la gorge.
— Je suis resté derrière comme vous aviez ordonné de le faire pour voir si le prêtre reviendrait à l'église. Je n'étais pas présent depuis longtemps lorsque l'enfer s'est déchaîné dans l'église et dans le cimetière situé derrière. Des personnes ont débarqué à droite et à gauche, la plupart d'entre elles venant d'on-ne-sait-où. Il fit une petit pause et déglutit avec angoisse avant d'ajouter : C'est alors que j'ai remarqué que Jewel était avec ces gens.
— Alors où est-elle ? demanda Anthony qui réduisit aussitôt la distance entre eux en quelques enjambées. Pourquoi ne l'as-tu pas ramenée avec toi ?
Le loup-garou recula avec un air paniqué, parfaitement conscient que se retrouver le messager d'une mauvaise nouvelle pour leur alpha était loin d'être une bonne chose.
— Je ne pouvais pas le faire, répondit-il dans un frisson.
Anthony fit un geste brusque et saisit son subordonné par la gorge, l'élevant au-dessus du sol.
— Tu es un loup-garou. Pourquoi ne t'es-tu pas contenté de l'enlever ?
— Elle était entourée de métamorphes… ils étaient bien trop nombreux, expliqua le loup, qui tendit des mains désespérées pour tenter de relâcher un peu la pression exercée sur sa gorge.
Anthony ne fit que resserrer sa poigne et ses yeux se teintèrent d'une étrange couleur ambrée. Son frère était finalement revenu d'Italie, de cela il en était certain.
— T'ai-je oui ou non appris comment combattre n'importe quel clan ou meute par toi-même ? Mon frère ne devrait pas faire le poids face à toi.
C'était là un mensonge. Le loup aurait été retrouvé mort quelque part dans un fossé s'il avait osé défier Andreas Valachi.
— Ce n'ét-t-t-t-t-ait p-p-pas des lou-ou-oups, répondit le loup d'une voix rocailleuse en essayant de remplir ses poumons d'air.
Anthony reporta immédiatement son attention sur l'homme qu'il était en train d'étrangler et fit un mouvement brusque de la main, réalisant qu'il l'avait presque tué.
— Qui était-ce ? interrogea-t-il avec une haine à peine dissimulée dans la voix.
Le loup gisait face contre terre au sol, occupé à essayer de retrouver son souffle. Il tituba sur ses mains et ses genoux avant de poser son front contre le sol en marbre froid. Il montra l'arrière de sa nuque en signe de soumission à son chef, se maudissant de ne pas s'être enfui quand il en avait eu la chance.
— Les chats… j'ai senti des chats, dit-il au bout de quelques secondes. Les couguars et les jaguars... ils étaient nombreux.
Il releva la tête et vit les yeux d'Anthony s'étrécirent avec hostilité. Il s'empressa d'ajouter :
— Il y avait un couguar qui la suivait à chacun de ses pas. L'endroit était tout autant rempli de vampires. Une partie de l'église s'est envolée, puis une voiture de patrouille s'est pointée. »
Anthony restait debout, à essayer de museler sa rage grandissante. Néanmoins, plus il restait ainsi, plus la colère montait. Son intention de retrouver sa fiancée en fuite avait été sans arrêt sabotée soit par ses propres actions, soit par celles de ses subordonnés ignorants.
Il fit signe à ses gardes du corps de se rapprocher.
« Amenez-le à la cave, où il pourra mijoter dans son échec. »
Le loup se mit à genoux, une expression suppliante sur le visage. Il avait entendu bien des histoires sur la cave en question et sur ce qu'elle contenait. Certains des loups-garous qui avaient survécu à la torture portaient encore des cicatrices sur leur corps pour le prouver. Il gémit pitoyablement quand les deux gardes lui prirent chacun un bras et qu'il fut remis sur ses pieds.
Les deux gorilles ne regardèrent pas son visage et ne dirent rien de réconfortant ou de désobligeant. Si cela avait dépendu de leur volonté, ils l'auraient laissé s'échapper. Pour eux, Mademoiselle Jewel avait toutes les raisons de fuir leur chef Alpha. Elle était malheureuse et, en dépit des meilleures tentatives d'Anthony, n'aurait jamais pu l'aimer. Vivre dans ces conditions, en provoquant le malheur des autres, n'était pas la façon de faire d'un loup-garou... mais plutôt celle d'un criminel de la mafia.
Fut un temps où ils avaient protégé le genre humain du mal qui menaçait de prendre les rênes du monde. Maintenant, à part quelques tribus situées ici et là aux États-Unis et par-delà les mers, ils étaient devenus ce mal. Pas étonnant que les humains faisaient des films les dépeignant comme des chiens enragés déterminés à n'apporter que mort et destruction.
Anthony suivit ses sbires à la cave et sourit d'un air narquois lorsque le jeune loup émit un petit gémissement. La cave de la demeure avait été reconvertie en une vaste chambre de torture souterraine qui couvrait plusieurs milliers de mètres carrés. Des chaînes pendaient du mur opposé avec des menottes à leurs extrémités, pour mettre une victime en position debout contre la pierre froide.
Sur la droite se trouvait une table couverte de fouets et de cravaches aux tailles diverses et variées. Un chaudron au-dessous duquel brûlait un feu contenait quelques fers, utilisés pour marquer la peau, outils dont Anthony se servait rarement. Pour finir, sur le mur juste en face se trouvait une rangée de cellules abritant quelques occupants.
Quelques loups-garous s'animèrent dans la pénombre, affairés à préparer plus d'instruments pour un invité spécial qu'Anthony avait été assez chanceux d'obtenir quelques semaines plus tôt. Ils interrompirent leurs gestes et les scrutèrent avec curiosité lorsque l'alpha entra dans la pièce avec ses gardes et un nouveau loup à discipliner.
Anthony recula pendant que ses hommes de main enchaînaient le loup au mur, puis leur fit signe de s'en aller lorsqu'ils eurent terminé.
« Que pouvons-nous faire pour votre service, Sir Anthony ? demanda le plus vieux loup-garou.
— Je veux que vous vous assuriez d'enseigner une bonne leçon à celui-là, Boris, répondit Anthony. Il a échoué dans la mission consistant à me ramener ma fiancée et il doit apprendre que cette erreur n'est nullement tolérée.
Boris leva les yeux sur le garçon et soupira intérieurement.
— Ce n'est qu'un enfant.
— Alors il apprendra plus tôt que prévu », répliqua Anthony d'une voix inhumaine.
Boris leva une main balafrée et fit un signe à deux autres loups-garous. Ils s'approchèrent et arrachèrent le dos de la chemise du jeune loup. Boris saisit l'un des fouets, un chat à neuf queues, et le fit claquer en l'air. Le loup enchaîné sursauta à ce bruit, détail qui fit naître un petit sourire cruel sur les lèvres d'Anthony.
Boris se posta à un mètre cinquante environ derrière le jeune homme et lui donna un coup de fouet. Le jeune loup hurla en sentant la morsure du fouet sur son dos. D'autres cris de douleur fusèrent alors que Boris répétait son geste sur la peau intacte. Il finit par s'arrêter et un autre loup-garou s'avança vers le supplicié avec un grand bol de sel. Des hurlements d'agonisant jaillirent de plus belle lorsque le sel fut jeté sur ses plaies sanguinolentes.
Le jeune loup s'effondra contre le mur en croyant que la torture était arrivée à sa fin, puis se remit à hurler quand les coups de fouets redoublèrent… sauf que cette fois-ci, il y avait deux fouets en plus à s'acharner sur son dos.
Anthony leva la main droite pour avoir une meilleure vue de la scène et s'assombrit lorsqu'il constata qu'il devrait encore se couper les ongles. Avec un haussement d'épaules, il se détourna de la scène et s'approcha de la cellule la plus éloignée à l'autre bout de la cave. Un sourire apparut sur son visage lorsque quelqu'un secoua de lourdes chaînes.
L'homme à l'intérieur de la prison fut rapidement sur ses pieds et se pressait contre les barreaux afin de toucher Anthony.
La mauvaise humeur d'Anthony s'évapora aussitôt à la vue de cet homme fier qu'il retenait là. Son sourire s'élargit alors qu'il réfléchissait à la manière de ramener Jewel dans ses bras, bien loin des couguars auprès de qui elle avait trouvé refuge.
— Je suis ravi de ne t'avoir tiré dessus qu'une seule fois, Micah… Tu vas peut-être m'être utile, finalement. »

*****

Tabatha parcourut des yeux l'appartement qu’elle partageait avec Kriss et frissonna. D’ordinaire, elle se fichait de se retrouver seule mais ce soir-là, pour plus d'une raison, c'était difficile à gérer. Elle regardait par la fenêtre au moindre bruit, croyant entendre Kriss qui rentrait. Elle s'était dit qu'elle irait bien lorsque Envy et Devon l'avaient déposée chez elle en se rendant chez Chad, mais maintenant qu'elle était rentrée, elle réalisait à quel point elle avait besoin de compagnie.
Envy lui avait demandé si elle voulait rentrer avec eux juste au cas où Envy aurait besoin de tout le monde pour affronter son frère. Néanmoins, Tabby avait pensé que peut-être Kriss rentrerait bientôt à leur appartement, et elle voulait lui demander ce qu'il s'était passé, alors elle avait refusé… et à présent elle souhaitait ne pas l'avoir fait.
Penser à Kriss la conduisit à penser à Dean, et à la façon dont il s'était comporté à l'église. Elle pouvait encore se rappeler avec précision l'expression sur son visage quand il avait vu Kane.
Tabatha secoua la tête quand la vision de Kane s'imposa dans son esprit en une vaine tentative pour ne pas penser à lui. Le voir étendu ainsi, à agoniser, avait éveillé quelque chose de profondément enfoui dans son cœur et son âme. Elle ne comprenait pas pourquoi mais, cette image de lui en train de mourir lui donnait l'envie de se rouler en boule.
« Allez ma grande, reprends-toi, chuchota-t-elle pour rompre le silence. Ce qu'il te faut, c'est une distraction. »
Elle prit son téléphone après avoir décidé d'appeler Jason au travail afin de discuter et de voir si rien d'inhabituel était arrivé depuis que Kriss s'était envolé avec elle jusqu'en Floride.
Le téléphone sonna trois fois avant que quelqu'un ne finisse par décrocher.
« Ici la réserve forestière, vous parlez à l'Officier Fox, récita une voix séduisante.
— Salut Jason, c'est Tabby, lança-t-elle en souriant pour la première fois depuis qu'elle avait franchi la porte d'entrée.
— Tabby ? s'écria Jason et elle entendit quelque chose s'écrouler à l'arrière-plan, probablement la chaise, parce qu'il se laissait habituellement tomber en arrière une fois assis dedans, la faisant dangereusement vaciller sur deux pieds. Mais où diable étais-tu passée ?
— Kriss nous a en quelque sorte kidnappées moi et Envy, et nous a emmenées jusqu'en Floride pour quelques jours, répondit Tabby. Je viens de rentrer et j'ai pensé que je pourrais t'appeler et voir ce que j'ai manqué.
Jason soupira.
— Mis à part les trucs bizarres ordinaires, tu n'as pas loupé grand-chose. Le seul truc excitant qui s'est passé, c'était la nuit où nous avons reçu l'appel d'un vrai taré.
Tabby esquissa un petit sourire et s’assit sur son canapé.
— Raconte !
— Jacob et moi étions assis là, tranquilles, c'était une nuit calme, puis le téléphone a sonné. J'ai décroché et ce type m'a raconté avoir vu un jaguar pourchassant un couguar en plein centre-ville avec un portable attaché à l'une de ses pattes.
Tabatha ne put se retenir et éclata de rire. Si elle s'était retrouvée à la place de Jason quelques semaines auparavant, elle aurait pensé la même chose.
— Oh merde, s'exclama-t-elle.
— Ne m'en parle pas, dit Jason avec un gloussement. Jacob et moi faisons des paris sur si oui ou non il y aura des messages là-dessus une fois qu'ils auront retrouvé la bestiole.
— Es-tu certain de ne boire aucun des cocktails spéciaux de Kat ? interrogea-t-elle en riant.
— Je ne bois pas sur le temps de travail ! s'exclama Jason, et Tabatha entendit le rire de Jacob en arrière-plan. Alors, quand est-ce que tu reviens bosser ?
Tabatha haussa les épaules.
— Je ne sais pas encore. Il me faut quelques jours de plus et j'ai mes vacances à prendre.
— C'est cool, même si tu nous manques. Ce n'est pas pareil sans un joli petit minois comme le tien pour illuminer la journée. Il n'y a que Jacob avec moi, et ce n'est pas vraiment la même chose.
— Vous aussi, vous m'avez tous manqués, répondit Tabatha, et elle le pensait sincèrement. Nous nous retrouverons dans les deux prochains jours.
Jason se tut un moment et Tabatha anticipa instinctivement ce qu'il allait dire.
— Comment va Envy ?
— Elle va bien, elle aussi. Comme moi, elle a juste besoin de se retrouver seule quelques jours.
Elle se mordit la lèvre inférieure quand plusieurs secondes de silence s'écoulèrent.
— Alors, c'est vrai ? demanda Jason.
— Qu'est-ce qui est vrai ? releva Tabatha, qui feignait l'ignorance.
— Envy sort vraiment avec Devon Santos ?
Les jointures de Jason devinrent blanches alors que ses doigts se resserraient un peu plus sur le téléphone.
Tabatha poussa un soupir, elle savait que cela allait profondément blesser Jason, mais dans une certaine mesure, c'était un peu de sa faute à lui. Quelqu'un d'aussi adorable ne devrait jamais se montrer aussi attaché à la seule fille qui le considérait comme son meilleur ami ou son frère.
— Ouais, c'est vrai, dit tout bas Tabatha. Je sais qu'elle ne voulait pas te faire de mal. Elle t'adore... tu sais.
Jason expira doucement et Tabatha se sentit désolée pour lui. Il avait couru après Envy depuis si longtemps qu'elle était la seule fille qu'il aie jamais regardé. Maintenant elle se trouvait hors de sa portée mais Tabatha n'allait pas le lui dire. C'était à Envy de s'en charger.
— Je sais que ce n'était pas son intention, lâcha Jason après une minute de silence. J'imagine que j'aurais dû comprendre quand elle n'a même pas remarqué que je flirtais avec elle.
— Elle l'a remarqué, Jason, répondit Tabatha. Elle pensait simplement que ça aurait mis votre amitié sous pression.
Jason répondit en fredonnant :
— Ouais, je suppose que ça aurait sûrement gâché notre amitié, mais tu ne peux pas reprocher à un mec de rêver un peu, pas vrai ?
— Moi, je peux te reprocher beaucoup de choses, dit Jacob en arrière-plan, et que Tabatha entendit.
— Mais tu vas la fermer, oui, grommela Jason pour rire, et Tabatha l'entendit claquer la chaise au sol, la remettant sur ses pieds. Tabatha, je te rappelle plus tard. Ce sale gosse ici présent s'est mis en tête de me jeter des boulettes de papier.
Tabatha ricana avant de hocher la tête et de conclure :
— Très bien, on se parlera plus tard. »
Elle raccrocha et resta assise là un moment avant de remettre le téléphone sur son chargeur. Laissant courir son regard une seconde fois sur l'appartement, l'endroit ne lui sembla plus aussi vide alors. Maintenant, Jason aurait plus que jamais besoin de son amitié, et lui apporter son soutien procurerait à Tabatha un meilleur sentiment de stabilité.
Après s'être relevé et avoir étiré ses bras au-dessus de la tête, elle descendit le couloir menant à sa chambre. Elle se déshabilla et enfila un short pour homme ainsi qu'un débardeur avant de se glisser dans la douceur accueillante et fraîche de son lit.
Cette fois-ci, elle n'essaya pas d'empêcher la scène de se rejouer sur la scène de ses pensées alors qu'elle se laissait aller au sommeil. Après tout, elle avait besoin de la décrypter, et elle ne s'effacerait pas tant qu'elle ne le ferait pas… alors pourquoi lutter ? Elle sombra dans les ombres du sommeil, le regard toujours perdu dans l'église et dans les yeux de Kane.

*****

Jewel faisait les cent pas dans la vaste chambre de Steven. Les bras croisés, et occupée à se ronger les ongles, mauvaise habitude qu'elle n'avait pas retrouvée depuis l'enfance.
« C'est de ma faute », chuchota-t-elle en essayant de se débarrasser de l'image de son père crucifié au-dessus de l'autel de cette même église qu'il avait fréquenté presque toute sa vie. Combien de fois n'avait-il pas prié là, au-dessous de l'endroit où il avait été retrouvé mort ? Elle savait qu'Anthony était un détraqué, mais ne le connaissait pas aussi sadique.
Steven regardait la jeune femme aller et venir et il pouvait voir ses lèvres bouger en un monologue silencieux alors que son esprit devait se déchaîner. Il tendit une main vers elle et la posa doucement sur son bras en une tentative pour la calmer.
« Jewel, rien de tout cela n'est de ta faute.
Elle plissa les yeux qu'elle tenait baissés sur sa main, avant de les relever sur son visage, emplis de colère.
— Tu as en partie raison. C'est autant de ta faute que de la mienne. Et maintenant que Papa est mort, je n'ai plus à épouser Anthony et encore moins à rester ta femme.
Jewel se détourna de lui, laissant la main de Steven retomber dans le vide. La dernière chose dont elle avait besoin était bien de se faire absoudre de ses péchés... elle était entièrement coupable. Elle avait donné à Anthony les clous pour crucifier son propre père.
Steven ne l'admettrait pas mais les mots de Jewel le blessèrent profondément. Il répondit de la seule manière qu'il savait qu'il devait adopter à ce point de la situation puisque de toute évidence, elle ne voulait pas entendre ses paroles de réconfort ou de gentillesse.
— Crois-tu vraiment qu'Anthony va cesser de te chercher simplement parce qu'il a assassiné ton père ? s'emporta-t-il.
Il savait qu'il avait raison et ce qu'elle n'allait pas entendre un seul mot de lui.
— Il a tué mon père… Je dansais avec le diable parce que je voulais que mon père soit sauf et vivant. Si Anthony ose venir après moi, à partir de maintenant, je lui arracherais la tête.
Jewel se sentait bizarre. C'était comme si elle était parfaitement calme à l'extérieur, mais tremblante comme une feuille à l'intérieur.
Elle avait pleuré toutes les larmes de son corps pendant des heures, mais la rage avait fini par l'emporter. Elle avait versé assez de larmes comme cela. Il était grand temps, à présent, de reprendre sa vie en main. Elle avait formé un plan pour piéger Anthony et elle priait intérieurement pour que Steven ait raison... que le loup-garou allait venir à elle, parce qu'elle, était toute prête à le recevoir.
— Je ne peux pas te laisser partir, déclara Steven.
Si elle n'allait pas adopter une attitude prudente, alors en tant que son partenaire... il le ferait pour elle. Il regarda ses yeux rouges et brillants se tourner vers les siens.
— Alors tu ne vaux pas mieux qu'Anthony et je te haïrais pour le restant de mes jours, dit-elle avec entêtement.
Elle voulait que Steven se fâche contre elle, la jette dehors et s'en lave les mains. S'il faisait cela... alors peut-être qu'Anthony ne le tuerait pas de la même façon qu'il avait tué son père. Elle ne souhaitait pas être la cause d'autres morts atroces, mis à part celle d'Anthony... elle en prendrait tout le blâme avec joie.
Steven la dévisagea d'un air furieux une minute, puis ouvrit la porte et se posta à côté.
— Vas-y, alors. Je te propose de sauver ta peau et tu veux foncer tête baissée chez cet homme ?Allez, vas-y, et voyons comment tu comptes affronter une créature que tu ne sais même pas comment tuer. Steven lui adressa un petit sourire grimaçant avant d'ajouter : Juste pour que tu le saches, les films ne disent rien d'autre qu'un tas de conneries.
— J'imagine que tu sais tout, toi ! répliqua Jewel en hurlant et en avançant de quelques pas vers la porte.
Pourquoi essayait-il encore de la sauver ? Ne comprenait-il pas qu'elle le mènerait à une mort certaine ?
Steven ferma les yeux et se détourna.
— Ouais, je devrais le savoir... n'est-ce-pas ? rétorqua-t-il d'un ton moqueur avant de reposer les yeux sur Jewel, qui essayait de le dépasser.
Paniqué, Steven la saisit par la taille et l'attira à lui.
— Merde, attends ! capitula-t-il.
Jewel commença à se tortiller contre lui alors qu'il la serrait plus fort contre sa poitrine.
— Si tu veux le piéger alors soit, mais tu ne peux pas faire ça toute seule. Laisse-nous t'aider.
Jewel appuya contre sa poitrine et se pencha vers l'arrière pour pouvoir le regarder.
— Pourquoi ? Pour que tu te retrouves suspendu à une croix, toi aussi ? répondit-elle ; elle avait envie de hurler alors que la vision prenait possession de son imagination. Je ne veux pas voir une telle chose se reproduire.
Elle était incertaine quant à la nature de ses sentiments pour Steven, mais l'imaginer mourant lui donnait l'impression de se faire poignarder en plein cœur.
— Si tu me laisses partir maintenant, alors il n'aura pas de raison de venir jusqu'à toi. Elle agrippa le devant de sa chemise de ses petites mains avant d'ajouter : Tu seras en sécurité... et en vie.
— Il viendra me trouver quand même, lui dit Steven en suivant du doigt la marque d'accouplement qu'il lui avait laissée.
Il sourit avec douceur en la sentant frissonner à son contact.
— Comme je le disais, nous sommes dans la réalité. Si tu retournes vers lui et qu'il voit cette marque, il viendra me confronter, et peu importe ce que tu pourras dire ou faire pour y remédier.
Jewel se laissa bercer au cœur de la chaleur et de la force tranquille qu'il lui offrait, et ferma les yeux. Elle sentait sa colère s'envoler dans la sécurité de ses bras et voulut taper du pied dans un accès de frustration. La tristesse suscitée par la perte de son père commençait à se faire sentir, mais elle ne pleurerait pas.
Steven enlaça Jewel dans une étreinte rassurante. Il ne pouvait lui reprocher son attitude. Si venait de tuer son propre père, aucune force dans ce monde ou dans le prochain ne pourrait le retenir de se venger.
— Écoute, que dis-tu de cela ? demanda-t-il en s'écartant légèrement d'elle pour lever son visage vers le sien. Nous devons nous réunir dans la matinée et tout le monde sera présent. Nous t'aiderons à réfléchir à quelque chose de plus avisé que l'idée de l'affronter toute seule. De plus, avec nous, tu gagneras une armée à tes côtés. Sans nous, tu te retrouveras face à une armée de loups-garous et peu importe ce que tu feras... Anthony te récupérera.
Il lui caressa la joue en cherchant son regard.
— Et je ne veux pas qu'Anthony t'ait, ajouta-t-il.
Jewel enfouit à nouveau la tête dans la poitrine de Steven et prit une inspiration profonde et tremblante. Il avait raison. Elle ne voulait se trouver en aucune façon à proximité de ce monstre après ce qu'il avait fait. Elle posa l'oreille contre la poitrine de Steven pour écouter son battement de cœur puissant et calme. Combien de fois en tout l'avait-il sauvée des vampires, d'Anthony, et maintenant de sa propre imprudence ?
— Me prendras-tu dans tes bras, cette nuit ? » murmura Jewel, consciente du fait que s'il la laissait partir, l'horreur des dernières heures reviendrait la hanter.
Elle leva les yeux et les planta dans ceux de Steven, qui reflétaient le calme. Elle ouvrit la bouche de surprise en sentant une onde de chaleur inonder le centre de son corps.
Comment parvenait-il ainsi à apaiser sa colère et à la rendre chaude comme la braise tout en même temps ? Elle détourna précipitamment le regard afin qu'il ne puisse y lire sa confusion.
Sans répondre, Steven la souleva dans ses bras, ferma la porte d'un coup de pied, et traversa la chambre dans l'autre sens pour la déposer sur le bord du lit. Après avoir retiré ses chaussures, il se débarrassa des siennes et s'étendit à côté d'elle sur le lit. Il entendit Jewel reprendre rapidement son souffle alors qu'il l'attirait contre lui pour envelopper son corps du sien. Cela prendrait encore du temps... mais il serait damné s'il laissait Jewel s'en tirer aussi facilement.

Chapitre 3

Kriss pénétra dans l'appartement qu'il partageait avec Tabatha et referma à clef la porte derrière lui. Il avait cherché Dean partout et n'avait pas trouvé la moindre trace de son ami ou du démon qu'il chassait.
Concernant leur espèce, s'ils désiraient se cacher, ils savaient comment disparaître sans laisser le moindre indice sur leur destination. Il avait été capable de sentir le démon n'importe où même en ne l'ayant jamais vu. Il n'avait pas attendu la délivrance de cette chose pour comprendre qu'il avait toujours été capable de détecter sa présence. Il pouvait encore sentir la volonté pleine de malice de cette sombre entité, même chez lui... ça n'aidait pas à apaiser ce qu'il ressentait dans le creux de son estomac.
Arpentant l'appartement plongé dans l'obscurité, Kriss se dirigea vers la chambre de Tabatha et sourit au spectacle de son visage innocent et endormi. Elle était roulée en boule comme un chaton, et serrait contre elle son animal en peluche préféré… un chien Yorkshire avec la langue qui pendait. La peluche était tout ce qui restait de l'enfance qu'elle avait quittée. Quelques années auparavant, elle s'était laissée aller à raconter l'histoire de Scrappy et la façon dont le chien avait disparu la dernière fois qu'elle était partie en vacances avec ses parents.
Kriss soupira avant de s'étendre à côté d'elle, l'enveloppant comme une couverture de survie. Il n'avait pas plus tôt fait ça, que Tabatha se retourna et se blottit contre lui.
« As-tu retrouvé Dean ? » demanda-t-elle tout bas.

*****

Kane s'était arrangé pour filer à l'anglaise ; ravi que Warren ait accaparé l'attention de Michael assez longtemps pour qu'il en ait l'opportunité. Peu importait ce que Michael et Dean avait fait pour réparer les dommages causés par Misery, il avait eu sa dose question émotions fortes. Il était d'humeur agitée à présent, et il n'allait pas surmonter ça en restant assis dans le bureau de Warren à ruminer le souvenir de ce démon suceur d'âme qui allait indubitablement lui rendre visite dans quelques cauchemars à venir.
Il jeta un coup d’œil aux ténèbres imposantes dans le ciel et il sut que les premières lueurs de l'aube n'étaient pas loin. Désirant s'éloigner du cœur de la ville, il arpenta si vite les rues que, si quiconque avait pris le temps de regarder, il ne l'aurait pas remarqué parmi les passants. L'inconvénient, c'était qu'il se trouvait à présent à des kilomètres de la maison de Michael.
Il avait envie d'aller voir Scrappy et de se pelotonner dans le canapé avec le chien, en compagnie d'une bonne bouteille de vin, d'un bol de pop-corn excessivement grand, et… un film catastrophe ? Kane secoua la tête… mais à quoi diable pensait-il ? Il y avait de grandes chances que ce soit Scrappy qui choisisse le film, ce qui pourrait ou pas avoir ses mauvais côtés pour le moment. Ils aimaient tous deux les films où il y avait des animaux qui parlaient.
Kane ralentit et engloba les environs du regard quand il réalisa que quelque chose l'avait attiré dans cette direction. Au début, il pensa que c'était Misery qui l'avait attiré dans cet endroit. Il secoua la tête et rejeta cette idée lorsque l'image de Tabatha à l'église s'imposa dans son esprit. Il pouvait discerner sa présence et, pour la première fois cette nuit-là, Kane oublia tout des monstres forniquant sous le lit et dans le placard.
Tabatha était son âme sœur et, maintenant qu'il avait pris de son sang, cela ne faisait qu'amplifier leur connexion. La seule raison pour laquelle il n'avait pas pris note de ce détail cette semaine était que ce déchu... Kriss... l'avait emmenée loin de lui, le fieffé radin. Il commençait à se demander s'il souffrait actuellement d'une névrose de l'abandon.
En traversant cette partie de la ville, il se retrouva devant chez elle en l'espace de quelques minutes. Atterrissant silencieusement sur le toit de la maison voisine, il se baissa pour la contempler à travers la fenêtre de sa chambre. Sa vue perçante admira la façon dont sa chevelure retombait sur l'oreiller et dont ses lèvres étaient légèrement entrouvertes alors qu'elle respirait profondément. Il n'avait encore jamais connu une paix égale à celle qu'il ressentait à ce moment-là... simplement à la regarder dormir.
Kane se demanda de quoi il pouvait bien avoir l'air à travers les yeux de Tabatha. Ressemblait-il aux autres monstres qu'elle avait croisé ou dont elle avait rêvé ? Avait-elle seulement conscience de la profondeur croissante des sentiments qu'elle lui inspirait ?
Il se redressa presque de sa position accroupie sur le toit, prêt à venir la rejoindre quand il entendit l'écho de ses sanglots dans son esprit. Le son provenait de ses rêves mais son écho qui résonnait à travers son esprit arrêta son geste alors que ces sanglots lui rappelait la façon dont elle avait pleuré enfant, il y avait de cela tant d'années. To date, le moindre de ses propres agissements avait été à la source de toute la souffrance de la jeune femme... et l'avait fait saigner pour lui.
Kane se tournait dans l'intention de quitter les lieux, lorsqu'il vit la porte de la chambre de Tabatha s'ouvrit toute grande. Il tendit tous ses muscles, prêt à fondre sur l'intrus, quand il reconnut ce déchu, Kriss, qui pénétrait dans la chambre de Tabatha et rampait jusque dans son lit. Kane pouvait sentir que le déchu était contrarié, mais il sentit la colère monter en lui lorsque Kriss passa son bras autour d'elle, en la serrant contre lui d'une façon tout à fait semblable à celle d'un amant.
Il sentit sa tranquillité vaciller et une vague de rage l'envahir avec bien plus de véhémence alors qu'il observait la scène. Se concentrant de toutes ses forces, son ouïe fine commença à saisir le sens des chuchotements de leur conversation. Il fut déstabilisé pendant un moment une fois réalisé que son pouvoir était bien plus fort qu'auparavant. Il en fut surpris et tomba dans un abîme de perplexité en entendant leurs battements de cœur malgré la distance.
« Dean ne veut pas que je le retrouve, soupirait Kriss, qui se demandait si c'était bien le démon que Dean traquait, ou bien si c'était plutôt le déchu qui était retenu prisonnier sous le cimetière avec lui. Il aurait préféré que Dean ait attendu. Il y avait quelque chose au sujet de l'aura de l'autre déchu auquel Kriss ne faisait pas complètement confiance. Il espérait secrètement que Dean échouerait dans sa recherche pour le bien du moindre d'entre eux.
— Je me demande ce qui a bien pu se passer, murmura Tabby. D'après ce que m'ont dit Envy et Devon, Dean a été retenu prisonnier dans cette chambre presque toute la journée.
Elle ne put s'empêcher son esprit d'invoquer l'image de Kane, en sachant que ce dernier s'était retrouvé également en présence du démon et avait failli ne pas y survivre.
— Je m'assurerai de lui poser la question dès que je le retrouverai, répondit Kriss, incapable de dissimuler la pointe d'inquiétude dans sa voix.
— Dean t'aime… il ne sera pas parti longtemps.
Tabatha ferma les yeux, espérant pour le bien de Kriss qu'elle ne se trompait pas à ce propos.
— Dors, maintenant », chuchota Kriss, qui espérait également qu'elle avait raison au sujet du retour de Dean.
Il n'avait pas réussi à voir l'autre ange déchu parce qu'il s'était enfui trop vite, cependant il avait pu le percevoir un instant avant que l'aura du démon ne l'ait englouti. Cette sensation passagère l'avait hanté, alors il pouvait à peine imaginer ce que Dean avait traversé.
Les anges déchus étaient si rares qu'ils tombaient des nues si d'aventure il leur arrivait de se croiser à travers le monde. Nombreux étaient ceux qui pensaient que les anges déchus des légendes avaient été envoyés sur la Terre pour aider à sa protection… mais les légendes étaient souvent des demi-vérités sculptées par les mots des hommes, qui éprouvaient la nécessité d'un héros ou parfois d'un ennemi.
Les déchus étaient venus sur terre d'une autre dimension… la même d'où venaient les démons. Les légendes nommaient cette dimension le Paradis, mais ils avaient tort.
Elles disaient aussi qu'il avaient détruit les démons… et encore une fois, ce n'était qu'à moitié vrai. La Bible avait dit que les déchus s'étaient unis aux belles femmes de la Terre et avaient été punis pour cela... et c'était là ce qui s'approchait le plus de la vérité comparé à tout ce que les prophètes avaient pu trouver.
La raison pour laquelle les déchus qui restaient se gardaient bien de séduire les femmes terriennes... c'était qu'il résultait des démons de ces unions. Les déchus enfantaient des démons.
Lorsque les premiers déchus étaient apparus sur Terre, ils étaient encore nombreux mais suite à la naissance de leurs enfants démoniaques qui se mirent en tête de détruire tout ce que les déchus chérissaient, ils s'en prirent à eux avant de les combattre. Le nombre des deux espèces avait alors diminué et le sceau entre dimensions s'était peu à peu refermé.
Certains des déchus originels avaient disparu, et il se disait qu'ils avaient perdu la vie à cause des démons qu'ils avaient engendrés. La plupart des survivants choisirent de rentrer dans leur monde afin de ne pas être séduits par les humaines. Ils furent quelques uns parmi eux à envoyer de jeunes guerriers dans ce monde afin de veiller sur lui... afin de protéger les hommes des monstres.
Il n'y avait qu'une seule règle à ce jour… ils ne pouvaient s'unir à aucune femme de ce monde sous peine de les tuer. Un enfant issu de la véritable engeance avait été placé sur chaque pôle d'énergie sur terre et seulement quelques uns survécurent aussi longtemps. La légende voulait qu'ils soient immortels... mais la légende se trompait.
Les déchus n'étaient pas immortels, ils vivaient seulement bien plus longtemps que les humains … on pourrait plutôt parler de leur durée de vie en terme de milléniums. Ils pouvaient également être tués par des humains ou par un démon… bien que les chances de réussir d'un humain soient très minces.
Syn avait eu connaissance des véritables légendes et les avait apprises à ses "enfants". Se souvenant de ces leçons, Kane comprenait à quel point Kriss aimait Tabatha… assez pour ne pas en faire sa compagne... et assez pour ne laisser toute personne qu'il estimait n'être rien de moins qu'un démon la posséder. Il semblait qu'il n'était pas le seul à être l'hôte de sombres secrets. Kane esquissa un demi-sourire entendu alors qu'il se tournait les talons.

*****

Envy et Devon patientaient au bar lorsque les premiers arrivants remplirent peu à peu la salle pour la réunion de Warren. Elle et Kat étaient occupées à discuter afin de tenter de se mettre entièrement à jour sur les derniers événements, pendant que Devon et Quinn restaient en retrait et les dévisageaient avec des yeux ronds.
« Quelle est encore cette langue qu'elles parlent ? demanda Devon.
— Il n'y a pas de nom pour ça, déclara Quinn. Très fréquemment, cela marque le début d'un rituel féminin. Il commence de manière innocente puis, avant même de comprendre ce qui se passe, elles sont en plein shopping et nous, on se retrouve à côté des cabines d'essayage à tenir leurs sacs à main.
— Tu te retrouves également coincé à tenir le sac pendant qu'elle entre dans les magasins pour femmes et achète de la lingerie que tu n'es pas autorisé à voir jusqu'au jour de ton anniversaire, intervint Nick avec un malicieux sourire.
Warren donna une claque sur l'épaule de Nick.
— Crois-moi petit frère, tu tiendras ces sacs avec plaisir, quand le temps viendra.
Des bras qui venaient de derrière lui s'enroulèrent autour du cou de Warren et le visage de Michael surgit entre eux.
— Est-ce que ça veut dire que tu m'emmènes faire du shopping ?
— Bien sûr, dit Warren avec un petit sourire taquin. Je t'emmènerai à ce magasin de bondage que tu aimes tellement.
L'expression de Michael se fit rêveuse.
— Oh oui, des fouets, des chaînes, des étriers, des cravaches… en cuir.
— Mais c'est quoi ce bor… commença à dire Nick qui se redressa brusquement avant de s’éloigner d'eux, faisant renifler Devon de dédain.
— Homophobe, grommela ce dernier.
— La ferme ! grogna Nick. Soit ce sont de très bons menteurs, soit c'est une vérité très perturbante. »
La porte s'ouvrit et Steven entra, accompagné d'Alicia et de Jewel. Alicia avait farfouillé dans son placard et avait fini par trouver à Jewel une jolie robe violette en attendant qu'elle puisse se réapprovisionner en vêtements. Heureusement, elles faisaient à peu près la même taille, ainsi Jewel serait capable de faire avec pour le moment. Alicia avait également dit à Steven que jusqu'à ce qu'il trouve de nouveaux vêtements à sa jeune épouse, Jewel était la bienvenue pour faire des raids dans son placard autant de fois qu'elle le voulait.
Steven rejoignit immédiatement l'endroit où Quinn et Devon étaient assis en compagnie de Nick, à une table pile en face de la zone du bar où Kat travaillait.
« Nous ne sommes pas en retard, à ce que je vois, lança Steven, qui sourit en son for intérieur en surprenant le sourire qu'Alicia fit à Jewel.
Il réalisa qu'il ne l'avait pas vue sourire jusqu'à présent et il ressentit aussitôt un vide lorsque le sourire de la jeune femme s'évanouit l'instant d'après.
Warren regarda autour de lui.
— En fait, je crois que tout le monde est arrivé.
— Pas encore, dit Envy. Nous attendons encore la venue de Chad.
À cet instant précis, les portes s'ouvrirent et Chad s'avança dans la pièce, Trevor et Zachary suivant derrière lui.
— Mais qu'est-ce qu'il fiche ici, celui-là ? demanda Devon en se redressant aussitôt.
— Chad est policier, lui rappela Envy. Il sait déjà une partie de ce qui s'est passé et il a assisté à la fin des événements qui ont eu lieu au cimetière. Il est impliqué, qu'il le veuille ou non. De plus, continua-t-elle, il sera capable de tenir les flics à distance de toi pendant un bon moment.
— Je ne parlais pas de ton frère, répliqua Devon avec une voix qui n'annonçait rien de bon.
Kat acquiesça, voyant que Envy était sur le point de se dresser à tort contre Trevor, elle aussi. Ne désirant pas voir une mêlée se créer sous ses yeux, elle s'éloigna du bar pour leur bloquer le passage.
— Trevor peut rester aussi, intervint-elle avec fermeté en croisant les bras. Après tout... il devrait bien s'intégrer, conclut-elle en faisant un clin d’œil au blond, qui lui rendit un salut ironique.
Quinn se leva de sa chaise et s'avança vers Kat, avant de passer son bras autour de sa taille et de la serrer contre lui.
— Je vais devoir garder un œil sur toi… pas vrai ? murmura-t-il avec malice, mais le regard qu'il lui adressait disait tout autre chose.
— Peut-on aller à l'essentiel ? lança Kane, plongé dans l'obscurité.
Tout le monde excepté Michael sursauta au son de cette voix. Il était arrivé si discrètement que personne n'avait senti sa présence.
— Je suis d'accord, déclara Warren. Je suppose que tout le monde sait pourquoi nous sommes là.
Il regarda Chad, qui approuva d'un signe de tête pour indiquer qu'il avait compris, avant de tourner son regard sur Trevor et Zachary.
— Avant que nous n'abordions ce qu'il s'est passé au cimetière, j'ai une question pour Trevor.
Trevor plissa les yeux d'un air méfiant.
— Laquelle ?
— Mais qu'est-ce que tu es ? interrogea Devon, interrompant Warren.
— Je suis un métamorphe, comme la plupart des personnes réunies ici même, répliqua Trevor.
Kane renifla dans l'obscurité, ce qui fit tourner toutes les têtes vers lui.
— Sais-tu quelque chose à son sujet ? demanda Envy.
Ce n'était pas comme si elle prendrait la moindre parole sortant de la bouche de Trevor pour argent comptant… il avait déjà prouvé par le passé quel grand menteur il était.
— Peut-être bien, mais tu devras te montrer très gentille avec moi si tu veux le savoir, répondit Kane avec de l'amusement dans la voix.
Il aurait désapprouvé sa mauvaise humeur s'il ne s'était pas levé d'aussi mauvais pied, mais la barbe… il n'avait pas dormi.
Devon fut aussitôt sur ses pieds et hissa Kane en l'air en le tenant par les revers de sa veste.
— Je crois que nous avons passé le cap de la gentillesse, lança le jaguar dans un grondement.
Kane baissa les yeux sur le métamorphe et lui fit un petit sourire sarcastique.
— Oh, c'est vraiment dommage. J'ai déjà dit à mon chiot quel amour tu étais, et il se réjouissait tellement à l'idée de rencontrer un nouveau compagnon de jeu.
Ils savaient tous deux qui serait le perdant s'ils décidaient de se battre... et ce ne serait pas le fauve.
— Ton chiot ? intervint Jewel, les yeux brillants en visionnant une petite boule de poils toute mignonne et câline.
Puis elle grimaça en imaginant l'instant d'après un chien au beau milieu de tous les félins dans la pièce.
— C'est un gros mouton de poussière, rouspéta Michael.
Warren se pinça l'arête du nez et Quinn dut lutter pour ne pas rire face à son beau-frère jaguar.
— Devon, repose Kane par terre et va poser ton cul ailleurs, s'énerva Warren. Nous terminerons plus tard cette discussion à propos de Trevor. »
Nick, Devon, et Kat regardèrent tous Warren avec des yeux ronds. Si le moindre d'entre eux ne connaissait pas Warren, ils auraient tout manqué. Warren était excité à l'idée d'accueillir un tout nouveau métamorphe dans leur camp, et il voulait en savoir plus sur cette espèce inconnue du bataillon.
Devon reposa Kane sur le sol et recula jusqu'à sa chaise, à côté de Warren. Les portes s'ouvrirent, et Kriss entra avec Tabatha, qui se tenait fermement à son bras. Un sourire monta lentement sur les lèvres de Devon en dévisageant le vampire aux cheveux blonds. Peut-être ne serait-il pas capable de reposer Kane, mais l'homme qui venait d'entrer lui, le pouvait, et il savait que Kriss ne portait pas le vampire nouvellement réformé dans son cœur.
« Sommes-nous en retard ? demanda Tabatha, heureuse d'avoir eu le dernier mot à l'issue de son débat avec Kriss portant sur sa venue à la réunion.
Parfois, Kriss pouvait être un brin surprotecteur… un sacré brin, même.
— Non, tu es pile à l'heure, lança Envy. Nous n'avons même pas commencé.
Tabatha rejoignit les deux jeunes femmes au bar et prit un siège pendant que Kriss s'arrêtait près de Chad.
Kane eut le cœur au bord des lèvres lorsque Tabatha pénétra dans la salle, et il dut se faire violence pour ne pas la prendre dans ses bras et l'emmener loin d'ici. Il recula précipitamment dans la pénombre afin que seule sa silhouette soit tout juste discernable. Ses yeux se braquèrent sur le déchu et il se crispa intérieurement au regard que l'autre lui rendit.
— Nous devons en savoir plus sur ce démon qui a été retenu prisonnier dans le cimetière, enchaîna Warren. Nous devons savoir à quoi il ressemble et puisque Dean est absent, Kane est le seul témoin ici présent qui puisse nous le décrire.
Kane avait sorti une cigarette et alluma son briquet. La lumière éclaira son visage un instant et ils purent tous voir à quel point son regard était troublé.
Tabatha en eut le souffle coupé lorsqu'elle aperçut la petite flamme et ensuite Kane. Ses lèvres parfaites étaient légèrement arrondies alors qu'il allumait sa cigarette, et ses yeux étaient voilés par de longs cils noirs. Voilés ou pas, elle pouvait sentir dessous le regard du vampire la caresser comme si ses mains caressaient son corps. Distraite par quelque chose qui lui effleurait le bras, elle regarda autour d'elle avant de tomber sur Kriss, qui se tenait maintenant juste à côté d'elle.
— Son nom est Misery, dit Kane après un moment. Le problème… c'est que je ne suis pas vraiment sûr de savoir à quoi elle ressemble.
— Comment ne connaîtrais-tu pas son apparence ? demanda Kriss, un air sombre sur son visage. Tu étais là-dessous avec Dean pendant qui sait combien de temps.
— Pourrais-tu me laisser finir, l’emplumé ? demanda Kane d'un ton sarcastique.
Kriss plissa les yeux de colère, face à l'insulte.
— Bien, repartit Kane. La raison qui me fait dire que je ne sais pas avec certitude à quoi elle ressemble est dû au fait qu'elle n'a cessé de changer d'apparence devant moi. Un moment, elle était pareille à une jolie petite fille avec une personnalité on ne peut plus flippante, l'instant d'après c'était un cadavre décomposé, puis un nuage de fumée noire, et pour finir une femme superbe. Ces formes qu'elle a emprunté m'ont semblé être celles qu'elle chérissait le plus. Si elle a été capable de retenir deux déchus dans cette chambre en même temps, alors elle est extrêmement puissante.
Kriss prit une profonde inspiration et hocha la tête.
— Certains démons sont connus pour avoir ce genre de pouvoir.
— Nous avons une spécialiste des démons qui va arriver sous peu, finit par dire Zachary. Son avion devrait atterrir dans les deux prochaines heures environ. Quand elle sera là, il vaudrait mieux lui laisser Misery.
Kane haussa un sourcil.
— Elle ?
— Ouais, répondit Trevor. Elle s'appelle Angelica. Elle a réuni un paquet d'informations sur chaque légende, mythe, et conte de fées du monde. S'il existe la moindre histoire liée à Misery, alors elle la trouvera dans la mémoire de son ordinateur.
Alicia poussa un soupir de frustration.
— Bien, elle peut avoir le démon. Je veux savoir ce que nous allons faire concernant Micah.
— Micah peut s'en sortir tout seul, intervint Quinn.
La vérité était que, pendant cette dernière dispute qui avait eu lieu entre lui et Micah, il avait ordonné à ce dernier de démissionner mais son frère n'avait pas obéi et ça ne pouvait signifier qu'une chose… il y avait maintenant deux mâles alpha dans le clan couguar, et personne n'en avait jamais entendu parler. Par le passé, cette situation aurait invariablement débouché sur un combat mortel.
Quinn adorait Micah et était fier de lui pour posséder un caractère si volontaire. Que l'une de leurs disputes soit partie en vrille était bien la dernière chose qu'il avait souhaité.
— Mais il ne sait rien des derniers événements, s'exclama Alicia, qui s'emparait du moindre prétexte existant pour les pousser à rechercher Micah. Et s'il croisait la route de Misery et en ressortait blessé... ou tué ? Parti ou pas, il fait partie de ce clan.
— Tu ne peux pas réfuter ses arguments, mon vieux, lança Kane sous forme d'incitation à Quinn, après avoir lu dans ses pensées.
Alicia lui lança un regard, le plongeant dans les ténèbres où il se trouvait encore, et rougit avant de détourner les yeux. Cela lui faisait du bien d'entendre quelqu'un qui, pour une fois, se rangeait dans son camp et l'exprimait ouvertement. Ce qu'Alicia ne savait pas, c'était que sa famille entière pensait à Micah et à la dernière fois où ils l'avaient vu en réalité ; c'est-à-dire, juste après sa bagarre avec Anthony.
Kane lui retourna son sourire bien qu'elle ne puisse le voir. Apparemment, elle était la seule dans ce groupe à avoir du cran.
— La dernière fois que nous avons vu Micah, il était engagé dans une sacrée foire d'empoigne avec Anthony Valachi, avant qu'il ne finisse par le jeter du night-club, dit tout bas Steven. Cela a eu lieu juste avant sa disparition.
— Le loup-garou ? releva Trevor en penchant la tête sur le côté.
— Ouais, et par-dessus le marché, Steven a fait de la fiancée d'Anthony sa compagne, l'informa Quinn, et du même biais, tous ceux qui ne le savaient pas.
Jewel devint pensive en réalisant que Steven lui avait dit la vérité concernant le lien qui existait peut-être entre Anthony et son frère disparu. Elle se mordit la lèvre, se demandant intérieurement si c'était là la seule raison qui avait poussé Steven à la secourir. Non, ce n'était pas ça. Lorsque Steven avait quitté l'église avec elle, il ne savait même pas qu'Anthony était son fiancé.
Elle perçut l'accusation informulée dans la voix de Quinn et redressa les épaules. Un instinct de protection envers Steven se manifesta en elle et elle n'eut pas d'autre choix que de l'exprimer à voix haute.
— Steven ne savait qui était mon fiancé et quant à moi, je n'avais pas la moindre idée qu'Anthony soit un loup-garou, déclara Jewel avec fermeté. Ce n'est qu'une fois liés l'un à l'autre que j'ai parlé d'Anthony à Steven. Alors, si tu veux faire des reproches à quelqu'un à ce propos, adresse-les-moi.
Quinn eut la décence de paraître légèrement penaud et Kat leva discrètement le pouce à l'attention de Jewel.
Jewel se laissa aller en arrière contre le bar et se remit à se mordiller sa lèvre inférieure. Tenir tête au frère aîné de Steven, l'alpha de la tribu couguar, l'avait un peu impressionnée.
Elle tourna le regard vers Steven et se détendit quand elle vit qu'il la couvait d'un regard brillant de fierté. Quelque chose en elle s'adoucit et elle se fit violence pour reconstruire un mur autour de ce tendre sentiment qui naissait dans son âme. Son cœur battit plus vite, et elle se demanda si elle était en train de tomber amoureuse de lui.
— Anthony Valachi est suspecté depuis un bon moment chez nous, intervint Chad. La police a de bonnes raisons de croire qu'il est non seulement impliqué dans du trafic humain, mais aussi dans de l'esclavage. La rumeur dit que ses hommes s'intéressent également aux prostituées, avant de les kidnapper et de les vendre comme esclaves sexuels.
— Et pourquoi la police ne fait rien à ce propos ? demanda Kat.
— On nous a dit de rester en dehors de cette affaire parce que le FBI s'en charge, répondit Chad. Malheureusement, quand le FBI se pointe, nous n'avons aucune juridiction et ne pouvons faire rien d'autre que d'éviter de nous retrouver sur leur passage, à moins de finir par partager une cellule avec des criminels.
Steven acquiesça, se disant que le temps était venu de leur dire tout le reste de l'affaire.
— Le père de Jewel faisait l'objet d'une enquête menée par le FBI, et ce depuis un moment. C'est la raison pour laquelle Jewel a été fiancée à Anthony, au début.
Il fit un doux sourire à Jewel avant de se tourner vers le reste du groupe.
— Son père était le gérant de Palm Springs Resort et Anthony n'était pas très content du mandat de perquisition que le FBI leur a mis sous le nez, ou peut-être était-ce le fait qu'Arthur les ait autorisés à circuler sur sa propriété. Réalisant son erreur, Arthur a tué l'agent du FBI et fut arrêté pour meurtre. Pour qu'Arthur sauve sa peau, il donna Jewel à Anthony comme gage de paiement pour l'avoir sorti de cette affaire de meurtre.
— C'est lui qui a tué mon père. J'en suis certaine, dit Jewel en serrant le poing. Alors, quand pourrons-nous aller le trouver ?
— Nous n'aurons pas besoin d'aller jusque là, lui répondit Chad. Nous mettrons un plan sur pied, en répandant la nouvelle que tu es sous la protection des Wilder. Quand il se manifestera… alors nous l'attraperons.
— Je pense que cette idée n'est pas très légale, rectifia Trevor. Gardez secrète la présence de Jewel parmi vous pendant quelques jours de plus et laissez-nous, Zachary et moi, nous assurer que le FBI ne viendra pas semer la zizanie dans notre plan.
— Pourquoi viendraient-ils interférer ? demanda Kat. Tu fais pourtant partie de l'organisation des affaires paranormales… n'est-elle pas au-dessus du FBI ?
— Seulement dans certaines zones, répondit Trevor. La plupart des membres du FBI ne soupçonne même pas notre existence. Putain, même le président des États-Unis ne sait rien de nous. Nous leur passons au-dessus, et pour cette raison, nous devons prouver que quelque chose de surnaturel est en train d'avoir lieu.
— Est-ce que cela signifie qu'une partie du gouvernement est au courant pour nous ? s'enquit Nick, qui n'aimait pas la sensation de malaise que déclenchait cette information.
Trevor secoua la tête.
— Pas précisément chacun d'entre vous… mais ils sont attentifs aux créatures les plus… étranges. Vous êtes autant protégés que les humains… peut-être même plus d'ailleurs, et ce par des lois plus indulgentes et par un gouvernement réduit mais puissant, qui se trouve au sein et par-delà même le gouvernement officiel.
Il se gratta la tête, avec l'espoir que chacun marcherait dans cette vague interprétation de la réalité.
— En revanche, ce qui m'inquiète est que le FBI se mette à creuser un peu trop dans cette voie et ne découvre tôt ou tard qu'ils ont affaire à des loups-garous, et non à des humains.
Chad s'assombrit en assimilant les paroles de Trevor, n'aimant pas du tout ce qu'elles sous-entendaient. Était-il censé comprendre que les êtres surnaturels avaient plus de droits que les humains ? Peut-être était-il un peu partial, mais lui faisait partie de ces humains inférieurs.
Trevor secoua la tête.
— La mafia ne va pas sortir de sa tanière toutes griffes dehors pour attaquer le FBI. De plus, si le monde découvrait l'existence des loup-garous, ils seraient les prochains sur la liste des espèces en voie de disparition, et les loups-garous en sont parfaitement conscients. La dernière fois qu'ils ont été découverts, on les a pratiquement tués jusqu'à l'extinction.
— Laisse-moi passer quelques appels et voir si nous avons toute la juridiction nécessaire concernant l'affaire Valachi, proposa Zackary. Si c'est le cas, alors nous aurons carte blanche et pourrons recruter quiconque que nous pensons qualifié pour cette mission.
Il jeta un regard circulaire sur le groupe, conscient que cela touchait chaque personne qui le composait, et que cela leur donnait l’immunité, peu importait les conséquences de ce plan.
— Est-ce que quelqu'un ici présent sait ce que conduisait Micah le jour où il a disparu ? demanda Chad. Je peux lancer une recherche à partir de ma voiture de patrouille ainsi qu'un avis de recherche.
— Sa moto, intervint Alicia en écarquillant les yeux, alors qu'elle se rappelait avoir dit à Warren qu'elle conduisait cette même moto pendant la tempête de la nuit dernière.
Tournant son regard vers lui, elle poussa un soupir de soulagement quand ce dernier lui fit un petit clin d’œil.
Nick y mit son grain de sel.
— Je suis totalement pour le fait de ne pas se frotter à Misery, mais les vampires se multiplient en son nom et nous ne pouvons laisser faire.
— Tout le monde se doit de tuer ces parasites, approuva Warren.
— Pas tout le monde, j'espère, dit Trevor en regardant dans la direction de Envy.
Zackary s'avança discrètement devant Trevor afin de faire bouclier au regard meurtrier que Devon adressa à son ami.
— Je crois qu'il est également temps pour nous de demander un ou deux services et de ramener un peu plus de membres de l'équipe dans la place.
— Tu veux dire qu'il y en a d'autres, mis à part vous trois, qui sont dans les parages ? demanda Steven.
Zachary enfonça les mains dans les poches et pencha légèrement la tête sur le côté. Ses cheveux blonds coiffés en pointes brillèrent doucement sous les lumières de la pièce quand il sourit.
— Désolé de vous décevoir, mais il n'y a qu'un seul moi. J'aurais bien aimé me faire cloner mais cette poule mouillée de chef des opérations ici-présent ne me laissera pas faire, répondit-il en pointant Trevor du pouce.
— Ferme-la et passe ces foutus appels, éclata Trevor. S'il y avait un autre toi dans la nature, Angelica le tuerait juste pour avoir l'occasion de clamer haut et fort sa victoire.
L'expression de Zachary se fit glaciale.
— Oh, se retrouver piétiné par ces superbes Doc Martin’s qu'elle garde cachées au fond de son placard.
Trevor avança d'un pas impatient vers son collègue et Zachary se rua aussitôt vers la zone du bar pour se cacher derrière Kane.
— Existe-t-il une bonne raison au fait que tu m'utilises comme un bouclier ? demanda Kane.
— Ouais, s'exclama Zachary. Donne-moi une minute et j'y réfléchirai.
Kane lui sourit d'un air narquois.
— Donne-moi une minute et je rentre, le temps de retrouver ma paire de Doc Martins.
Zachary s'écarta de Kane en levant les mains.
— Holà, je suis hétéro, moi.
— Zachary ! s'exclama Trevor.
— D'accord, c'est bon, dit Zachary en sortant son téléphone. Seigneur, je suis cerné par des personnes dénuées de tout sens de l'humour... Angelica va adorer ce petit groupe. »

Chapitre 4

Kane s'adossa contre la croix située à plusieurs pas derrière Michael et laissa errer son regard sur la ville, curieux de savoir où Misery pouvait bien se cacher, quand bien même y serait-elle restée. Un monde entier s'offrait à son appétit de terreur, mais le karma était une garce, tout comme l'instinct de Kane qui lui soufflait qu'elle n'était pas allée bien loin.
Il fit la grimace en l'imaginant en train de marcher sur le trottoir sous l'apparence d'un cadavre ambulant, puis réprima un frisson quand il se représenta la terrifiante petite fille, et il en conclut que l'image du corps en putréfaction était moins effrayant. Au fil des siècles, il avait assisté à des scènes au cours desquelles des vampires adultes avaient transformés des enfants.
Combien d'entre eux n'avaient jamais compris que les enfants étaient bien plus vicieux que leurs "parents", et qu'ils finissaient par être tués de la main de ces mêmes adultes, ou bien alors c'était l'enfant qui tuait celui qui l'avait transformé. Il devait bien reconnaître que cette femme qui avait écrit les Chroniques des Vampires avait tout compris, elle.
Il priait pour que, qui que fût cette experte en démons que Trevor avait mentionné, elle savait ce qu'elle faisait… mais il en doutait.
Le souvenir de ce démon était ce qui l'avait conduit à veiller sur Michael… d'une part, et aussi parce que cela le préserverait de la tentation d'observer Tabatha maintenant qu'elle était rentrée. Pour s'en empêcher, il avait dû rassembler toute sa volonté. Se retrouver dans la même pièce qu'elle suffisait à lui causer une souffrance physique... une souffrance qu'il savait ne pas pouvoir endurer plus longtemps qu'ils n'étaient restés. Ses yeux se reposèrent sur son ami et il se laissa aller de tout son poids contre la croix à laquelle il était adossé.
Il fut obligé d'admettre que si l'on désirait la solitude tout en demeurant constamment environné d'humains, alors le toit de l'église la plus importante de la ville était un endroit fascinant pour satisfaire ce souhait.
Bizarrement, il savait que Michael ne venait pas ici pour savourer paix et sérénité. C'était là que le vampire venait ruminer et broyer du noir. Peu importait qu'ils soient à découvert, parce que Kane avait le pressentiment que si Misery voulait les trouver, ce ne serait pas quatre murs qui les protégeraient d’elle. Il ne s'était jamais caché devant la menace d'un ennemi auparavant, et il n'allait par commencer aujourd'hui. Manifestement, Michael pensait la même chose.
Il esquissa un petit sourire malicieux alors qu'une pensée incongrue lui traversait l'esprit. Dès qu'il retrouverait Dean, il allait demander une faveur à l'ange déchu. Il voulait une poignée de ces fameuses plumes en plus du sort que Dean avait utilisé sur l'une d'elles dans les catacombes. Cette garce n'avait pas beaucoup apprécié ce petit tour de force. Il porta la main à son épaule, se rappelant la chair qui s'y était reconstituée pendant son coma. Michael lui avait raconté que Dean l'avait soigné.
Kane ne parvenait pas à se rappeler ces moments après l'épisode des catacombes. Il se rappelait de la voix de Michael l’appelant dans les ténèbres, mais pas de grand-chose d'autre. Il se rappelait aussi s'être réveillé dans une église pleine de gens, avec Michael penché sur lui comme une mère poule.
Le visage de Tabatha lui apparut en esprit. Il avait passé les deux dernières heures à s'efforcer désespérément de ne pas penser à elle, mais pendant la majeure partie du temps, il avait ignoré cette consigne.
Michael pouvait sentir la présence de Kane quelque part derrière lui mais au lieu d'être agacé par cette distraction indésirable, il se sentit apaisé par la vigilance de son ami. Au moins, si Kane était inquiet pour lui, cela l'arrachait un moment à sa propre paranoïa. De plus, il aimait Kane comme un frère… le mot "frère" résonna en échos entre les murs de son esprit, ses pensées devenant progressivement sombres alors qu'il les tournaient vers Damon. Comment de vrais frères avaient-ils pu autant se tromper l'un sur l'autre ?
En tentant de débarrasser son esprit de ces souvenirs perturbants, Michael s'allongea et laissa l'épuisement avoir raison de lui. Il savait qu'il dormirait en toute sécurité... Kane veillait sur lui.
Kane s'interrogea sur la pensée murmurante qui avait traversé l'esprit de Michael. Il ne savait pas que Michael avait des troubles du sommeil. Qu'est-ce qui pouvait bien sembler si menaçant à son ami pour qu'il craigne ainsi de fermer les yeux ? Il savait que le manque de sommeil pouvait mener doucement vers la folie... et encore, il avait également découvert de façon brutale que trop de sommeil faisait bien plus de dégâts.
Il posa les yeux sur la route menant à la bâtisse de Michael, qui était nichée entre plusieurs autres immeubles de la ville. D'après la forme circulaire de la chambre à l'étage, elle avait été construite dans le style Victorien. Il avait accepté d'emménager avec Michael, mais de toute évidence, il allait être dans l'obligation de demander à Michael de rentrer chez eux au lieu de le laisser dormir sur le toit, en pleine rue.
Il haussa un sourcil en jetant un coup d’œil à son étrange compagnon. Pour quelqu'un d'aussi ancien qu'eux, la maison possédait tout le confort moderne, et elle incluait des barrières pour empêcher les démons d'approcher, alors pourquoi ce soudain besoin d'air frais à l'odeur de pluie ?
Il savait que Michael se sentait encore coupable de ne pas avoir été présent lorsqu'il était parti et s'était fait enterrer. Bien que Kane avait évité de rentrer dans sa tête, il n'avait toujours pas avoué à Michael que s'il avait essayé, il aurait lu dans son esprit. C'était quelque chose qu'un ami n'avait pas vraiment envie de savoir... de plus, il avait l'impression d'être le seul à posséder ce pouvoir.
Avoir abandonné Kane ne figurait pas comme le seul objet de réflexion chez Michael, ce soir-là… c'était plutôt la raison pour laquelle il avait quitté le pays en premier lieu qui occupait ses pensées… Damon, le frère de Michael. Kane n'avait pas vu Damon depuis qu'il avait retrouvé ses esprits… ou ce qu'il en restait, mais les souvenirs qu'il avait de lui étaient pour la plupart positifs. Le caractère farouche de Damon n'avait pas de limites et ils avaient tous les deux donné de sacrées migraines à Michael quand il avait tenté de suivre.
Kane baissa les yeux sur son ami et remarqua que Michael jouait avec l'anneau à son doigt, occupé qu'il était à penser à Damon. Il ne s'écoula pas longtemps avant que le sommeil n'eut raison de Michael et que des rêves vivaces ne se mettent à affluer dans son esprit. Plus longtemps les rêves duraient, et plus Kane en apprenait sur les secrets de Michael. Il ferma les yeux, se coupant de la ville autour d'eux avant de se concentrer pour la première fois, et avec tout son sérieux, sur la souffrance de quelqu'un d'autre que lui-même.
Il fut étonné lorsqu'il se surprit non seulement à écouter les rêves de son ami, mais également à intercepter des flash-back visuels vieux de quarante ans. Il vit s'enchaîner toutes ces images d'un point de vue extérieur, comme si un film tragique se jouait sous ses yeux.
Michael avait ressenti le besoin de rendre visite à Damon pour la première fois en un siècle. Quand il retrouva son frère, tout semblait aller bien. Damon vivait sous les feux de la rampe au sein de la société de Londres et Michael l'avait rejoint pour rester une longue période en sa compagnie. Ils passèrent leur temps dans d'agréables divertissements, jusqu'à ce que tous deux fassent la rencontre d'une jeune fille… Katie.
Les célibataires les plus en vue avaient tous été invités à la fête d'anniversaire de Katie pour ses dix-huit ans,et les deux frères y prenaient part. Elle était le joyau de ce bal, en vérité. Ce qui avait commencé comme une simple compétition entre frères se mua en un jeu dangereux entre amants jaloux. Avec eux, tout semblait prendre une tournure compétitive. Ils passèrent ainsi des semaines à mener une guerre muette l'un contre l'autre dans le but de remporter l'affection de la demoiselle.
Damon lui avait dit de partir… de repartir de l'autre côté de l'océan, mais Michael ne l'avait pas fait. Il ne laisserait pas Damon gagner en le mettant hors course. Alors que leur rivalité fraternelle s'intensifiait, ils finirent par se sauter mutuellement à la gorge, pour la même jeune fille. Non pas qu'elle fût leur âme sœur ou quelque chose de ce genre, bien qu'ils aient tous deux succombé à son charme. Le destin choisit apparemment de faire rencontrer à Katie le même problème… elle tomba amoureuse des deux et ne souhaita pas faire de choix.
Ce qui rendait la situation bien plus tordue dans ce triangle amoureux, c'était que Katie croyait les deux frères de simples humains... et ils ne lui avaient jamais donné matière à penser le contraire.
Un soir, ils avaient emmené Katie danser, mais cela fut une erreur fatale. La tension entre les deux hommes était trop forte. Après une seule heure passée à mourir lentement de l'intérieur pour l'un quand l'autre dansait avec elle, les frères en étaient finalement venus aux mains. Ils n'avaient pas réalisé toute l'étendue de la perte de leur sang-froid, jusqu'à ce que leurs yeux adoptent une couleur différente, occupés qu'ils étaient à se serrer le cou et à laisser leurs pieds quitter la terre ferme.
Ils ne l'avaient pas vue s'enfuir à toutes jambes. La rage quitta brusquement les deux frères quand ils entendirent un crissement de pneus et le fracas du métal à l'extérieur de la salle de bal. Le temps qu'ils rejoignent la jeune fille… elle était morte.
Lorsque Damon s'était précipité vers elle, déterminé à la ressusciter grâce à son sang de vampire, Michael l'en avait empêché parce qu'une foule de gens s'était déjà massée autour de la scène. Damon s'était alors retourné contre lui pour de bon, accusant Michael de ne pas être parti quand il le lui avait demandé.
Après ce drame, ils s'étaient battu pendant des mois… réclamant par moments une trêve par le biais de paroles sincères, mais ces échanges finissaient toujours en empoignades. Michael savait que le cœur de Damon devenait de plus en plus noir et qu'il voulait le tuer. S'il avait tenté cela, Michael aurait aussitôt défendu sa propre vie, et l'un d'eux aurait trouvé la mort.
C'est alors que Michael fit quelque chose qu'il aurait juré ne jamais avoir à faire… il alla voir Syn. Syn était le premier vampire du nom. Il avait dormi d'un sommeil ininterrompu au fil des siècles, mais sans être touché par la mort puisqu'il ne pouvait pas mourir… personne n'avait entendu dire le contraire, en tout cas. Ils n'étaient pas certains de savoir pourquoi il avait choisi de dormir ces deux dernières décennies, mais il semblait que Syn attendait quelque chose qui ne s'était pas encore produit.
Michael entreprit de contourner la statue qui indiquait le lieu de repos de Syn, à l'intérieur du mausolée. Il savait que Syn gisait profondément sous la terre qu'il foulait. Il se mit à parler à la tombe vide, entendant ses propres paroles résonner en échos autour de lui... parfois sous forme de murmures et parfois sous forme de cris assourdissants.
Se battre contre Damon l'avait rendu fou de rage, et il n'avait pas souhaité que les choses aillent aussi loin. Il n'était même pas sûr que lui ou son frère ait réellement éprouvé de l'amour pour la jeune fille. Il sentit son cœur se briser en se remémorant la douleur qu'il avait infligée à son frère… ainsi qu'à Katie. Il ne savait pas si Syn l'écoutait, mais cela lui fit du bien de raconter la vérité à quelqu'un d'extérieur.
Les yeux de la statue se braquèrent alors sur lui. Ils ressemblaient à ceux de Syn, excepté pour la couleur. Les bougies allumées autour de lui scintillèrent puis leur lueur s'affaiblit, avant de brûler d'un vif retour de flamme alors que la statue s'animait. Des murmures s'élevèrent du sol, dans un langage oublié depuis longtemps.
Le silence qui s'ensuivit lui parut semblable à une tempête apaisante, et Michael comprit à ce moment-là que Syn lui avait pardonné, même si ce n'était pas le cas de Damon. Il se frictionna les bras pour tenter de chasser les frissons qui le parcouraient. Syn était un magicien, et Michael s'interrogea sur le sortilège qu'il avait senti agir en lui.
Il se releva et quitta les catacombes pour revenir dans le mausolée, où il retrouva Damon, qui l'attendait de pied ferme. Là encore, de douces paroles pleines d'émotion furent échangées entre eux mais le ton ne tarda pas à monter. Le seul désir de Michael était de voir arriver la fin de ces tensions incessantes… il voulait serrer son frère dans ses bras et tout recommencer.
Damon avait pris la première partie de ses propos au pied de la lettre, et avant que Michael ne puisse intervenir, sortit un pieu en bois de l'intérieur de sa veste. Michael sentit le bois traverser son cœur, et tomba à genoux. En levant les yeux sur Damon, il ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais ce qui en sortit n'était plus qu'un gargouillis.
Michael se coucha sur le flanc, sentant le sang se figer dans ses veines et devenir cendres pendant que sa vision s'obscurcissait lentement.
Les yeux pleins de larmes, Damon recula en titubant, comprenant qu'à partir de cet instant crucial, il était damné. La voix de Syn se mit à résonner dans sa tête, ce qui le fit hurler. Il se saisit le crâne à deux mains et redoubla de cris pour imposer le silence à la voix, mais personne ne pouvait réduire Syn au silence.
En cet instant où il revenait à la vie, tout en Michael rugit de vengeance. Sous le joug de la douleur atroce causée par le pieu planté dans sa poitrine qui continuait de le tuer, il empoigna et arracha le morceau de bois de son cœur. Cela faisait aussi mal de l'extirper de son corps que lorsque Damon le lui avait enfoncé.
« Damon ! » tonna Michael, qui réunit toutes ses forces pour se relever et suivre son frère.
Cela valut chaque once de douleur de contempler l'expression qu'afficha le visage de Damon lorsque ce dernier réalisa que Michael était toujours vivant.
Michael fit glisser le pieu sanglant de sa manche et en un instant, il poignarda Damon.
« Prend ça, mon frère ! » hurla-t-il en retournant le geste.
Cet acte le tuait de l'intérieur, mais il fallait que cette lutte prenne fin d'une manière ou d'une autre.
Lorsque Damon avait ressuscité l'instant d'après, Michael s'était assis par terre afin d'essayer de reprendre son souffle. Il comprit alors ce que Syn avait fait… il comprit le sens des mots prononcés dans le secret des catacombes. C'était un sortilège que seul Syn pouvait jeter et qui rendrait impossible à Michael et Damon de s'entre-tuer … et peut-être même impossible de mourir. Oh, ils pouvaient bien se tuer… mais cela ne provoquerait que de la douleur.
Ils étaient morts bien des fois suite à cette nuit-là, et toujours de la main de l'autre. Michael avait fini par abandonner et rentrer chez eux, laissant son frère à mi-parcours du globe. Il savait que c'était inutile de rejoindre son frère, et bien que son cœur lui hurlait que tout n'était pas perdu, Michael n'en était pas encore sûr.
Kane eut la sagesse de tenir sa langue pendant que Michael émergeait de son cauchemar. Il cligna des yeux en se demandant si pénétrer aussi profondément dans l'esprit de Michael avait fait revivre à ce dernier ses souvenirs avec tant de netteté. Si c'était le cas... alors il fut aussitôt désolé pour son ami en sentait le sel des larmes de Michael dans l'air. Il disparut avant que Michael n'ait eu le temps de se tourner pour regarder la croix, juste avant que le soleil ne commence à se lever.

*****

Alicia rajouta une touche de rouge à lèvres, afin de se débarrasser de ce visage innocent qui lui rendait son regard dans le miroir. Elle était furieuse, non contre Kane pour lui avoir pris le grimoire … après tout, il appartenait au vampire. Non, elle était en colère contre tous les autres parce qu'ils la traitaient comme un bébé. Elle vivait dans un night-club, pour l'amour du ciel !
Elle avait peut-être passé du temps au pensionnat, mais ce n'était pas une crèche. Elle était une couguar après tout, et pouvait se défendre sans problème. En raison des règles strictes et des regards vigilants de ses enseignants, Alicia était passée maîtresse dans l'art de fouiner partout pour gagner sa liberté. L'animal en elle n'avait jamais supporté les cages.
Maintenant qu'elle était rentrée et que sa famille avait besoin d'être protégée, il n'était pas correct que tout le monde fasse équipe et la laisse hors jeu. Si Micah avait été là, il aurait compris ce besoin et, aussi protecteur fût-il, il n'aurait jamais essayé d'entraver sa liberté. C'était définitivement quelque chose qu'elle appréciait chez Kane... il l'avait soutenue aujourd'hui, comme s'il comprenait l'épreuve qu'elle traversait.
Là demeurait le plus gros problème. Micah avait disparu et elle allait le retrouver coûte que coûte, même si pour cela elle devait se mesurer à toutes les créatures surnaturelles de la ville… à commencer par les vampires et les loups-garous.
Elle s'assombrit devant le reflet que lui renvoyait le miroir, consciente qu'elle avait tout fichu en l'air en essayant d'utiliser la magie au cimetière. Jusque là, elle n'avait pas réalisé qu'il existait deux types complètement différents de vampires.
Au cours de ses brèves visites dans sa famille, elle n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer Michael, ou aucun autre vampire d'ailleurs, et le seul qui lui ait rendu visite au pensionnat avec régularité était Micah. Il avait pris l'habitude d'y venir la voir et de signer pour qu'elle sorte les week-ends et vacances. C'est quand ils étaient allés dans la forêt qu'il lui avait appris à se battre, avec et sans armes.
Lorsqu'ils ne s'entraînaient pas, ils se transformaient pour aller courir, savourant leur délicieuse liberté. Grâce à Micah, elle était plus intelligente, plus vive, et plus dure que la plupart des métamorphes femelles. Micah avait toujours été son héros et il était le seul de la famille qui ne pensait pas qu'être une fille constituait un handicap.
Elle se rappelait encore la première fois où Micah était venu la chercher à l'école pour le week-end. Ils étaient partis dans les forêts et avaient campé, avant que Micah ne lui annonce qu'ils allaient courir. Alicia n'avait jamais vu une telle opportunité se présenter à elle auparavant, et elle était si excitée que quand ils avaient changé de forme, elle avait démarré à toute vitesse et avait exécuté trois tours complets autour du camp.
Quand elle s'était arrêtée dans sa course, elle avait tourné son regard sur Micah qui se tenait les côtes, en proie à un gros fou rire. Au début elle avait cru qu'il se moquait d'elle, mais il s'était avéré qu'il se moquait de la stupidité de leur famille. Aucun d'entre eux n'avait pris le temps de lui transmettre son héritage de couguar, ni ne lui avait beaucoup laissé la permission de courir. La contempler toute à sa liberté lui donnait l'impression de voir un chaton s'aventurer au-dehors pour la première fois.
Elle avait grandi en pensant que tous les vampires étaient des monstres parce que c'était le discours que Nathaniel avait tenu auprès de ses enfants. Nathaniel s'était trompé. Si Kane n'avait pas été libéré de la tombe à laquelle son père l'avait condamné, elle aurait certainement été tuée au cimetière l'autre nuit.
Elle était reconnaissante à Kane d'avoir été là pour la sauver mais elle n'allait pas pour autant arrêter de chercher son frère bien-aimé. Elle serait beaucoup plus attentive, cette-fois-ci. Elle pouvait remercier Kane pour autre chose, aussi... grâce à lui, Michael l'avait embrassée. Elle se demanda si Michael n'avait vu qu'une enfant en la regardant. Quelque part, elle en doutait. Elle sourit à son reflet. Ç’avait été un baiser terrible.
Elle pivota devant le miroir afin de s'assurer qu'elle ne ressemblait pas à l'enfant qu'ils voyaient tous en la regardant. Sa jupe en cuir noir était fendue de l'ourlet jusqu'à mi-cuisse et elle l'avait intentionnellement laissée à moitié dé-zippée. Sa chemise noire était faite principalement d'une matière fine et légère, avec une brassière très étroite en soie en dessous.
Elle cacha une ou deux mèches de ses cheveux blonds sous une perruque de Cléopâtre qu'elle avait dégoté dans une malle de costumes pour Halloween entreposée au grenier. Bien qu'elle devait reconnaître que cette tenue moulante la rendait terriblement sexy.
Elle aurait parié que si Quinn, ou quiconque la connaissant, la voyait à ce moment-là, ils n'auraient pas deviné le moins du monde qui elle était. Quinn était si occupé à filer Kat à la trace et à tenter de faire comme si ce n'était pas le cas, qu'il n'avait de toute façon accordé aucune attention à Alicia. Maintenant que lui et Kat étaient ensemble… il avait tourné toute son attention sur sa compagne. Tout ce qu'il avait fait avait consisté à engager deux vigiles métamorphes pour surveiller Alicia et lui avait ordonné de rester hors de vue jusqu'à ce qu'ils aient décidé quand ce ne serait plus risqué pour elle de venir jouer.
Ses gardes du corps étaient bêtes comme leurs pieds, tout dans les muscles et rien dans la tête. Il n'en avait pas fallu beaucoup pour qu'elle les roule et s'échappe de sa petite prison. Elle allait chercher Micah cette nuit, avec ou sans leur approbation.
Quinn lui dit que Micah les avaient laissés en partant sur ses deux jambes et qu'il connaissait le chemin s'il lui prenait l'envie de rentrer, mais elle savait avec certitude que Micah ne partirait pas comme ça… ou du moins pas sans l'emmener avec lui. Micah avait des ennuis… elle le sentait. Alicia redressa les épaules et releva le menton d'un air de défi.
Avec toute cette chair qu'elle offrait à la vue du passant, avec un peu de chance, elle aurait l'air d'une prostituée pour les loups-garous et leur penchant pour le kidnapping, ou bien d'un dîner prometteur pour quelque vampire sans méfiance. Elle était sûre que si elle affrontait l'un ou l'autre en tête à tête, elle pourrait saisir l'occasion de les faire parler avant de les tuer.
Elle avait assez joué les espionnes par le passé pour comprendre ce qui allait vraiment se passer, et elle n'en blâmait pas Kane du tout. Tant que le vampire n'était ni Michael ni Kane, il serait digne de mourir sous sa main. Tout comme les loups-garous… s'il s'avérait bien qu'ils trempaient dans du trafic d'esclaves ou qu'ils retenaient Micah, alors ils ne valaient pas mieux que les vampires sans âme.

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